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La classe moyenne indienne, noyau dur du soutien à Anna Hazare

La bataille pour le Lokpal Bill cristallise les frustrations de la classe moyenne indienne, qui n’avait pas montré une telle mobilisation depuis 20 ans. Un soutien qui pourrait se révéler particulièrement dangereux pour Manmohan Singh.

Depuis huit jours, ils sont des milliers à se rassembler quotidiennement pour soutenir Anna Hazare dans son combat contre la corruption. Hommes, femmes, jeunes et vieux, tous viennent dire leur envie de changement et leur attachement inconditionnel à cet homme de 74 ans, qui se dit prêt à “mourir pour le bien de la nation “.

Si l’ampleur du mouvement a surpris, sa composition est sans doute son aspect le plus intéressant. Car c’est la classe moyenne indienne, d’ordinaire peu revendicatrice, qui fait preuve dans le mouvement Hazare d’une capacité de mobilisation insoupçonnée. Le dernier grand mouvement de protestation remonte au début des années 1990 et aux manifestations contre la commission Mandal, qui a instauré les quotas de castes dans l’administration.

Un savoir-faire médiatique
Plusieurs facteurs peuvent expliquer le succès du mouvement auprès de la classe moyenne. D’abord, la maîtrise du calendrier et des outils médiatiques a assuré une grande répercussion à la campagne d’Hazare. Ainsi, le mouvement n’a pas été lancé au hasard, mais à un moment où l’opinion était particulièrement sensibilisée au problème de la corruption.Des heures de conférences de presse savamment calculées et une bonne utilisation des réseaux sociaux ont quant à elles assuré la promotion du mouvement.

Mais surtout, c’est l’aspect transversal des revendications de Hazare, qui a rallié différents mouvements autour d’un même cheval de bataille et rassemblé la classe moyenne au delà des clivages traditionnels qui la divisent.

Un thème rassembleur
La campagne d’Anna Hazare se situe en effet aux confins de plusieurs mouvances idéologiques. Ainsi, la ” Team Anna “, l’équipe dont le gandhien a su s’entourer, constitue sans doute, par sa nature composite, une explication à l’énorme résonance de la campagne. Les militants historiques, de tradition gandhienne, y côtoient les légalistes, ceux qui ont œuvré, dans les années 1970-1980, à un renforcement de la constitution indienne et du rôle de la cour suprême. Mais la nouvelle génération de militants se retrouve aussi dans le combat d’Hazare, et notamment les défenseurs d’une ” Shining India “, modernisée, libéralisée et donc débarrassée de la corruption. Politiquement, le mouvement est d’ailleurs soutenu par une mosaïque de mouvances, allant de la gauche modérée à la droite nationaliste.

Ce mouvement hétérogène a donc su cristalliser autour d’un thème, la corruption, les aspirations et les désillusions d’une classe sociale en perpétuelle mutation. Difficile en effet de définir la classe moyenne indienne, tant elle est hétérogène. Elle est généralement évaluée à environ 300 millions de personnes, qui travaillent mais ont du temps libre, consomment et peuvent payer des études à leurs enfants. Loin d’égaler les revenus des très riches Indiens, mais à même de s’assurer un niveau de vie agréable, ils sont les témoins impuissants de la malhonnêteté de certains hommes politiques. Electeurs et contribuables, l’achat des voix des populations les plus pauvres par les candidats lors des élections et les détournements de l’argent public les scandalisent et leur donnent le sentiment de n’avoir aucun poids politique.

Les déçus de la libéralisation

C’est donc le ras-le-bol de toute une classe sociale qui s’exprime au sein du mouvement Hazare. Et le danger politique est grand pour l’actuel gouvernement, puisque les personnes qui manifestent aujourd’hui sont celles à qui a profité la libéralisation de l’économie entamée en 1991 par Manmohan Singh, ministre des Finances à l’époque. La classe moyenne est aujourd’hui déçue, étranglée par l’inflation et écœurée par la corruption contre laquelle rien n’est fait. ” La classe moyenne possède des voitures, mais le pétrole est hors de prix, elle a acheté des maisons, mais elles sont hypothéquées et payer un pot-de-vin est devenu monnaie courante,” résume Aruna Roy, activiste au sein du National Activity Council, dans les colonnes de l’hebdomadaire Outlook.

Certains regrettent déjà que ceux qui manifestent aujourd’hui contre la corruption restent autrement indifférents à ses conséquences pour les plus défavorisés. ” La classe moyenne n’a pas sourcillé quand 20 000 personnes ont été délogées pour permettre l’organisation des Commonwealth Games. Pourtant, elle se met en rage quand on évoque l’argent détourné pendant ces Jeux, ” déplore dans Outlook Medha Patkar, activiste qui s’est ralliée au mouvement Hazare dans l’espoir d’en élargir le spectre. ” Achat de terrain, populations déplacées, évictions forcées, il faut que ces problèmes soient combattus aussi. Nous devons nous attaquer aux causes de la corruption. ”
” Vous ne verrez pas défiler les ouvriers non syndiqués,” renchérit V. Krishna Ananth, avocat. ” Une journée chômée les priverait de leur pain quotidien. La classe moyenne peut se permettre de s’agiter. ”
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