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De la reproduction du prolétariat

Ou brève introduction à la critique de la démographie politique

Le capitalisme est un mode de production social qui se présuppose lui-même dans sa reproduction. Mais ce qui est reproduit et présupposé c’est le face-à-face des classes. La reproduction du capital implique réciproquement la reproduction du prolétariat comme force de travail générale toujours disponible face et pour le capital et appartenant à tous les capitalistes avant d’appartenir à un seul.

Cette disponibilité fondamentale de la force de travail pour le capital présuppose sa reproduction comme déjà acquise, le fond « naturel » de sa valeur marchande, c’est-à-dire ce qui est implicitement reproduit comme invisible et gratuit car présupposé dans le premier moment du procès d’exploitation : l’achat/vente de la force de travail. La reproduction du prolétariat comme force de travail générale toujours disponible présuppose donc la division des forces productives entre, d’une part, la production de plus-value par l’usage de la force de travail comme activité productive et, d’autre part, la production de prolétaires par l’usage de la force de travail comme activité reproductive.

Cette division sexuelle du travail dans le rapport de production capitaliste, c’est-à-dire ce qui est produit par les nécessités de la reproduction du capital à travers ses propres présupposés comme rapport social de classes, est ce qui fonde la contradiction Homme/Femme avec toutes ses déclinaisons. La reproduction de la force de travail individuelle qui implique un ensemble d’activités « non-payées » est déjà en lui-même déterminée comme rapport sexué, c’est-à-dire présupposé comme tel dans le procès d’exploitation capitaliste. Ainsi, la production de la progéniture/forces de travail et l’entretient de la marchandise/force de travail tirent leur origine de la même dynamique contradictoire : la reproduction du prolétariat comme force de travail TOUJOURS DISPONIBLE et TOUJOURS DE TROP.

La dynamique contradictoire des genres qui définit deux termes opposés et asymétriques n’existe pourtant que dans une pratique sexuelle dominante où se construisent et s’articulent les identités masculine et féminine. Cette pratique sexuelle dominante – qui ne va pas sans répression et conflit social – se subdivise en plusieurs catégories qui constituent la matrice familiale où les femmes existent, produisent et entretiennent la main d’œuvre disponible. La matrice familiale c’est l’hétérosexualité, la monogamie, la sphère privée, la gratuité, la maternité, le travail domestique, le soins des malades et l’éducation des enfants…. Bref, un ensemble tâches, comportements et stigmates qui normalisent et contraignent les femmes à être toujours disponibles pour l’accouplement et l’entretient du produit vivant.

Cette pratique sexuelle dominante a une histoire qui est celle de sa production sociale, mais aussi celle du développement capitaliste au travers ces cycles de luttes. Dans la montée en force du prolétariat qui coïncide avec le passage du capitalisme de sa phase de domination formelle à sa phase de domination réelle, l’identité ouvrière, qui se construit dans la reconnaissance par le capital de sa reproduction comme classe du travail, est aussi une reconnaissance de la « famille ouvrière » où les femmes travaillent à reproduire les conditions qui rend disponible n’importe quelle force de travail, incluant la leur, mais qui pourtant n‘existe pas dans cette reconnaissance du pouvoir de la classe ouvrière : elles sont déjà acquises. La production de cette matrice familiale a aussi amené son lot de lois et de répression définissant légalement, médicalement et idéologiquement la pratique sexuelle dominante et ses « déviances » objectives : prostitution, homosexualité, polygamie, vagabondage… Bien que la vague révolutionnaire des années 20 ait produit une critique qui s’attaquait à la famille et à la sexualité dominante que cette dernière implique, c’est seulement dans la vague des années 60 que se produit une critique en profondeur de l’identité ouvrière dans sa reproduction comme rapport de domination patriarcal et masculin. Cette critique, qui a existé à ce moment parce que les luttes de cette époque remettaient en cause la nécessité même d’affirmer le pouvoir de la classe ouvrière pendant la révolution en généralisant le travail comme seul et unique moyen d‘exister socialement et de consommer les richesses produites, arrive de l’intérieur du mouvement comme luttes spécifiques des femmes, des gais et autres marginaux exclus de cette identité prolétarienne. Somme toute, une histoire reste à faire sur le capitalisme et son mode de reproduction démographique.

Amer Simpson, octobre 2012

  1. CLN
    12/10/2012 à 16:03 | #1

    en italien par les cdes de ” Il Lato cattivo ”

    http://illatocattivo.blogspot.fr/2012/10/la-riproduzione-del-proletariato.html

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