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En travaillant, nous, ouvriers, produisons le capital

 

Avec une introduction de la rédaction d’ Il Lato cattivo  et un appendice critique extrait des pages 89-91 du n° 15 de Théorie Communiste à propos de la séparation idéologique entre lutte des classes et évolution du mode de production capitaliste.

Pourquoi revenir encore une fois sur l’opéraisme italien ? En effet, au moins en Italie, la littérature à ce propos est abondante, et il y a tout un cercle de nouveaux chercheurs provenant de milieux universitaires engagés qui ont accompagné les désormais antiques opéraïstes  (plus ou moins convertis à l’altermondialisme) dans leur auto-célébration par une profusion de publications dans de grandes maisons d’édition et de distribution.

Mais, si Toni Negri et compagnie ont eu, malgré tout, un certain rôle dans les années 60-70, comme dans les années fastes des contre-sommets et du « Mouvement des mouvements » -rôle, certes, à relativiser mais, non épuisé- cela n’est pas dû à un complot, ni a une simple question de mode culturelle. Il n’est donc pas question, et de beaucoup, de stigmatiser des personnes ( à double langage ou presque ) ou leurs tirs à boulets rouges (Marx au delà de Marx, Empire ou…) au titre de la Pravda communiste, mais de montrer en vertu de quoi certains de ces tirs deviennent possibles et idéologiquement efficients.

L’opéraisme et le post-opéraisme sont à l’évidence l’inverse de l’économisme objectiviste. C’est précisément le statut de cette inversion que nous proposons d’interroger. Depuis Lénine en Angleterre (Classe ouvrière, n.1, 1964) et par la suite, l’injonction fondamentale opéraiste a été celle du renversement du point de vue que ce ne sont pas les luttes qui suivent le développement (ou la crise) de l’économie capitaliste, c’est le développement (ou crise) qui suit les luttes. Cette exigence consistant à mettre en avant les sujets ne tombait pas du ciel, ni  ne provenait du fameux « contexte historique », fut-il le formidable le cycle d’accumulation après-guerre ou le tiers-mondisme attentiste du PCI. Ce qui était dans un certain sens dans l’air, dans cette période,  c’est évidemment la perception -ressentie par la plupart- d’un nœud non tranché de la vieille théorie marxiste : réalité ou illusion des phénomènes économiques ? Question de base, en quelque sorte, implicite du rapport capitaliste : si en fait, le capitalisme est un rapport social, n’est-il pas logique de comprendre la domination séparée de l’économie comme un système de représentation mensonger ? ‘ D’où la réponse opéraiste, sa prétention à la dés-objectivation : à partir de la prise en compte du « point de vue opéraiste », ce qui paraissait être un développement objectif et inéluctable de l’économie capitaliste devient une histoire de la luttes des classes, une histoire de l’adaptation  capitaliste à l’agressivité ouvrière. Comme on le verra dans le texte que nous présentons, la dés-objectivation opéraiste transforme l’économie en Pouvoir, et la reproduction du rapport capitaliste -épurés de presque toutes les déterminations économiques- et en fait une étape d’identification de la coercition : « L’exigence de contrôler politiquement les ouvriers et de maintenir leur pouvoir est si fort, que les patrons sont même disposés à le payer par de l’argent ». C’est une opération qui – sans saisir la « réification » des rapports sociaux dans l’objectivité économique comme un fait matériel et bien réel –  se révèle d’autant plus puissante qu’elle fut identifiée, comme Monstre Automatique ou comme Pouvoir, ultra personnalisée ou anonyme.

Ici, on entrevoit tout le paradoxe du fétichisme du capital, qui est en même temps une illusion et une réalité : surface opaque qui ne cacherait rien derrière elle.

Il reste à dire ce qui  a résulté de cette dés-objectivation du rapport capitaliste si prégnante du point de vue idéologique. Toni Négri a fait savoir, dernièrement, selon lui, qu’être communiste c’est être par dessus tout être contre l’Etat (cfr. Aa. Vv., L’idea di comunismo, DeriveApprodi 2011).

Que le moment coercitif du rapport social apparut en Italie dans les années 70, comme la vérité de ce rapport ne doit pas surprendre, et ce qui advient aujourd’hui sera encore moins surprenant. Plus que jamais, comme actuellement, du temps de la dite accumulation primitive originelle, économie et violence apparurent déjà liées :   « Dans l’histoire réelle, la part importante est représentée, comme on le sait, par la conquête, l’asservissement, l’assassinat et la rapine, en un mot, par la violence. Dans le mythe de l’économie politique, l’idylle a toujours régné. » (Marx, II Capitale, Lbro I, Cap. XXIV)

  L’efficience   idéologique du négrisme, dans la phase ascendante du démocratisme radical (1995-2003), a été d’exprimer une théorie démocratique radicale de la domination  – l’alter égo social-democratique de l’insurrectionnalisme. L’ « éclatement » de la crise a signé la fin de cette efficience idéologique ; l’objectivité économique a rejeté les Alternatives et les Autres Mondes Possibles. Les révoltes en Grèce et en Grande-Bretagne, le Printemps Arabe et Occupy, ont été un peu plus loin et  ont montré toutes les limites de la dite « insurrection » et de sa théorie. Maintenant, les conflits sur le lieu de travail ont acquis une nouvelle centralité : qui dit force de travail ne dit pas travail, comme celui qui dit capacité de digérer ne dit pas digestion. Pour ce dernier processus, il est évident qu’il faut quelque chose de plus qu’un bon estomac. Qui dit force de travail ne peut abstraire les moyens matériels nécessaires à la satisfaction de cette force. Au contraire, dans la valeur  de celle-ci s’exprime aussi la valeur de ces moyens. Quand elle n’est pas vendue, cette force ne sert à rien au travailleur, au contraire, dans ce cas  elle sera ressentie comme une cruelle nécessité  due au fait que sa force de travail a requis, pour être produite, une certaine quantité de moyens de subsistance et continue d’être requise, pour être reproduite. Alors, découvrons avec Sismondi : « la force de travail, si elle n’est pas vendu, n’est rien »  ”» (Karl Marx, Il Capitale, Libro I, Cap. IV).

Le capital n’est pas un symbole, ni une simple oppression : « Travaillant, nous, ouvriers, produisons du capital ». Et nous ne pouvons vivre, dans ce monde, si nous ne produisons pas de capital.

Ce qui est en jeu pour le prolétariat, dans la phase actuelle : la production de la « conscience de classe »  -qui aujourd’hui ne peut être que la conscience d’être une détermination du capital et de ne pouvoir exister sans lui. Ou classe-classe-pour-le-capital ou auto-abolition du prolétariat. Cela doit-être dit.

[Il Latto Cattivo, novembre 2012]

ttp://illatocattivo.blogspot.be/

En travaillant, nous, ouvriers, produisons le capital.

Comitato operaio di Porto Marghera (1969)

Que signifie détruire le pouvoir des patrons ? Qui sont et que veulent les patrons ? Cela semble des questions stupides mais, en réalité, elles sont fondamentales afin d’établir quelle doit être notre ligne politique face à la leur.

Ce que nous devons avant tout dire, c’est que le lieu commun selon lequel les patrons exploitent les ouvriers pour s’enrichir est erroné. Cet aspect existe, sans doute, mais la richesse des patrons n’est nullement proportionnelle à leur pouvoir. Par exemple, Agnelli, en proportion des véhicules produits, devrait être cousu d’or, mais au contraire, il se contente d’un bateau et d’un avion privés, ce que peut bien se permettre un autre patron avec un revenu bien plus modeste que celui de la FIAT. Ce qui intéresse Agnelli, c’est la conservation et le développement de son pouvoir, qui coïncide avec le développement et la croissance du capitalisme : autrement dit, le capitalisme est une puissance impersonnelle et les capitalistes agissent comme des fonctionnaires ; tant et si bien que les patrons ne sont plus nécessaires au capitalisme. En Russie soviétique, par exemple , c’est le capitalisme sans les patrons. Ce qui révèle le capitalisme, c’est le profit. Que la distribution du profit soit « plus juste » qu’en Italie est probablement vrai, mais la révolution communiste ne doit pas rendre plus juste la distribution du profit social, elle doit renverser les rapports de production capitalistes qui créent le profit. On a besoin de renverser un système social qui fait que les gens soient contraints de travailler. Sous cet aspect, les expériences des révolutions cubaines et chinoises doivent être aussi évaluées.

Avant tout, le capitalisme est substantiellement tendu vers la conservation de ce rapport de pouvoir contre la classe ouvrière et il utilise son développement pour renforcer toujours plus son pouvoir. Cela veut dire que toutes les machines, les innovations technologiques, le développement de l’industrie, le sous-développement même de certaines régions sont utilisés pour contrôler politiquement la classe ouvrière. Ce sont des exemples désormais classiques de ce comportement capitaliste ; à l’exemple de l’introduction de chaîne de montage au milieu des années 1920, en riposte à la vague révolutionnaire qui a secoué le monde dans les années qui ont suivi la première Guerre mondiale. On voulait faire disparaître ce type de classe ouvrière qualifiée qui avait rendu possible la révolution russe en 1917 et le mouvement des conseils d’usine dans toute l’Europe. La chaîne de montage déqualifie tous les ouvriers, repoussant ainsi la vague révolutionnaire et modifiant aussi comment se manifeste la lutte des classes ; ce qui se traduisit dans beaucoup de pays, par une défaite définitive et une absence d’organisation politique, entraînant une incapacité de modifier son intervention en fonction du nouveau type de comportement ouvrier. Mais maintenant, cette structure technique s’est retournée contre le capital, produisant une massification des demandes salariales qui trouve dans la structure quasi uniforme du cycle de production en usine, un des motifs principaux. Ainsi le capital révolutionne cette structure en cherchant à éliminer les ouvriers et à disperser les autres sur un éventail salarial beaucoup plus élargi que celui d’aujourd’hui , tout ceci au moyen de l’introduction de l’automation qui se déploie comme une véritable machine de guerre politique contre la classe ouvrière.

Cette manœuvre est déjà entrée en vigueur en Amérique, et l’unique raison pour laquelle les patrons ne l’ont pas encore appliquée en Italie, c’est qu’ils ne sont pas sûrs de pouvoir contrôler la riposte ouvrière à cette attaque. Ceci montre que le progrès, le développement tant mis en avant par les patrons et leurs serviteurs, n’est qu’une tentative continue d’adapter l’organisation du capital collectif à l’attaque de la classe ouvrière. Le progrès technologique n’est jamais un facteur neutre et inévitable, comme le disent depuis toujours patrons et syndicats chaque fois qu’ils parlent de licenciements lors de l’introduction de nouvelles machines. Parce qu’ils principalement en la neutralité de la science, les syndicats limitent, dans ces cas, les luttes à la défense du poste de travail  (SIRMA, Leghe Leggere, etc.) et n’affrontent jamais le problème du point de vue de la réduction de la durée  du travail. Ils croient ou font semblant de croire, que le patron dit la vérité : que pas exemple, dans tel atelier, avec l’introduction de telle machine, la moitié des ouvriers est devenue inutile, victime de l’inévitable progrès. Mais les ouvriers ont une logique différent : ils pensent qu’au lieu de travailler huit heures à cent ouvriers, depuis l’introduction de la machine susmentionnée, on peut travailler bien mieux à deux cent en faisant quatre heures par personne. Cette logique, outre qu’elle diminue le temps de présence à l’usine, résoudrait ainsi le problème du chômage.

Les ouvriers ne sont donc pas contre les machines, mais contre ceux qui utilisent les machines pour les faire travailler. A celui qui dit que travailler est nécessaire, nous répondons que la quantité de science accumulée (regarder par exemple les voyages sur la Lune) est telle qu’on peut réduire tout de suit le à un fait purement à l’extérieur de la  vie humaine, au lieu de la concevoir comme « la raison même de l’existence de l’homme ». A celui qui affirme que l’homme a toujours travaillé, nous répondons que dans la Bible, il est écrit que la Terre est plate et que le soleil tourne autour et que, jusqu’à Galilée, c’était la vérité, c’était une chose acquise depuis toujours, c’était le point de vue scientifique. Mais le problème n’est pas de donner des explications scientifiques, mais de renverser l’ordre social existant en imposant les intérêts de ceux qui ont matériellement créé les conditions de ce qui existe, c’est-à-dire la classe ouvrière. C’est seulement en affirmant ses intérêts, en balayant le pouvoir politique qui s’y oppose, qu’on peut créer les conditions d’existence d’une société meilleure que la présente.

Pour cela du coté des ouvriers, il est nécessaire de créer une organisation qui soit capable de repousser le contrôle politique des patrons ; d’assumer tout le pouvoir nécessaire pour faire triompher les intérêts de classe. Actuellement , ce sont les patrons, leurs mécanismes de pouvoir qui utilisent tout, de la science à la lutte ouvrière, quand celle-ci ne pose pas réellement  l’objectif de la destruction des rapports de production, c’est-à-dire échapper au contrôle politique des patrons.

L’exigence de contrôler politiquement les ouvriers et de maintenir leur pouvoir est si forte chez les patrons que, pour cela ils sont disposés aussi à nous donner de l’argent. Par exemple, en Amérique, les patrons eux-mêmes s’opposent au progrès. Dans certaines usines, l’automation devrait être introduite depuis longtemps et donc réduire le nombre des ouvriers. Mais, sous la pression massive des luttes qui ont eu lieu dans la société américaine, Luttes qui sont menées surtout par les chômeurs noirs, le Capital a préféré retourner au vieux système de production pour pouvoir leur donner du travail. Cela ne veut pas dire que les chômeurs noirs (sic) aspirent à ce résultat, mais démontre l’utilisation que les patrons font de la science, c’est-à-dire contrôler politiquement la classe ouvrière.

Ce comportement des patrons démontre donc deux choses : premièrement que le progrès n’est pas neutre et qu’il n’est appliqué exclusivement que s’il renforce le contrôle politique sur les ouvriers et qu’il n’est mis en œuvre que pour contrôler les forces hostiles au capitalisme ; deuxièmement, que ce contrôle s’exerce avant tout au travers du travail. En fait, les patrons de ces usines américaines ne voudraient absolument pas, pour pouvoir faire travailler les nouveaux embauchés, réduire la durée de travail pour tous, mais continuer à maintenir aussi avec les nouveaux effectifs la durée d’avant, même s’il faut retourner aux conditions de production antérieurs à l’automation des usines. En somme, le capital est disposé à nous remettre dans des usines techniquement dépassées, construites pour cela, pour nous contrôler politiquement. Pour cela il est disposé à payer des gens qui travaillent complètement sans but. Avec ce développement des machines, il serait possible de travailler beaucoup moins, à condition que les machines inventées par la science moderne ne deviennent pas le monopole exclusif des États-Unis et de l’Union soviétique, comme c’est le cas maintenant, mais qu’elles soient utilisables pour tout le monde. Il y a besoin d’imposer la logique ouvrière selon laquelle il faut inventer beaucoup de machines, de réduire toujours plus le temps de travail afin de le faire tendanciellement disparaître.

Il n’est pas vrai que dans cette société nous soyons libres. Nous sommes seulement libres de nous lever chaque matin et d’aller travailler. QUI NE TRAVAILLE PAS NE MANGE PAS ! C’est cela la liberté ?  C’est le travail qui empêche notre liberté ; en réalité nous sommes obligés de travailler. Le dicton selon lequel le travail anoblit est une invention patronale.

Quand tous les hommes seront débarrassés de la nécessité de travailler parce qu’ils auront de quoi manger, de quoi se vêtir et de quoi satisfaire leurs désirs sans travailler, alors ils jouiront de la véritable liberté ! Nous soutenons que rien qu’avec les machines existantes, il serait possible de réaliser beaucoup de ces choses qui nous semblent de la science-fiction. Au CV 16, par exemple, pendant les dernières grèves « contractuelles » de 1969,  la direction maintenait en marche les autoclaves de cet atelier en se servant de nouveaux appareils de commande automatique. Pour prouver qu’il est le plus fort, le patron, à cette occasion, n’a eu cure d’envoyer valser tous les discours sur la nécessité du travail humain.

Ainsi dans l’usine de Montedison Azotati, un calculateur électronique pilote « automatiquement » l’atelier de synthèse de l’ammoniac : le patron met en avant l’augmentation de la productivité et ne se pose pas le problème de la  diminution de la durée du travail.

De tels ateliers démontrent comment l’intérêt du système est d’utiliser le travail comme forme de contrôle politique sur les ouvriers. En fait le travail manuel et l’effort nerveux sont très réduits ; il ne reste que l’obligation de la présence physique de l’ouvrier à côté de la machine, il reste la violence capitaliste qui veut que l’homme soit conditionné et asservi par la machine.

Mais quels sont les moyens pour abolir tout ceci ? Il s’agit de balayer le mécanisme de contrôle que le Capital a mis en place sur les ouvriers.

Personne ne peut faire des hypothèses sur la façon dont cette ruptures se réalisera concrètement et il est encore moins possible d’indiquer par quoi nous allons remplacer ce que nous  devons détruire. Le problème n’est pas là ; dans aucune des grandes révolutions de l’histoire, on a su à priori, ce qui se substituerait à ce qui était en train d’être renversé, parce que les modifications dans le caractère des gens, dans les rapports entre les classes, sont si radicales dans les périodes révolutionnaires qu’elles rendent impossible toute hypothèse historique.

Ce que les ouvriers devront faire pour abattre le capitalisme modifiera l’histoire des hommes de manière beaucoup plus profonde et radicale que la Révolution française et il est donc impossible de prévoir ce qui arrivera ensuite. Aujourd’hui,  nous devons plutôt réfléchir à la façon dont nous allons détruire ce qui existe.

Ainsi, « faire la révolution » devient un terme inadapté de même que « prendre le pouvoir ». En fait, me pouvoir est surtout une ligne politique quasi imposée par le développement, toutes les structures de la société forment l’organisation que les patrons se sont donnée pour pouvoir imposer leur ligne politique. Nous voulons créer une organisation plus forte que celle des patrons autour de notre ligne politique. Pour cela, nous disons que les ouvriers sont contre la société, qu’ils sont différents des autres classes par le fait que la société est entièrement structurée contre eux et qu’elle s’est perfectionnée de cette manière en riposte à leur s mouvements.

La lutte de la classe ouvrière est en fait, comme nous l’avons vu, la principale incitation au développement du capitalisme : nous pensons au Mai français, où les petites usines ont été mises en difficulté suite  au augmentation de salaire obtenues par les ouvriers, et ce qui a favorisé la concentration du capital et le développement des monopoles. Nous pensons à l’Union soviétique, où la révolution de 17 a accéléré le développement capitaliste en transformant un pays arriéré, comme était la Russise tsariste, en l’un des plus puissants pays capitaliste  du monde.

Le capital est en somme une puissance qui se reproduit grâce à la bonne volonté des individus singulier ; le problème de son élimination n’est donc pas dans l’élimination de la propriété privée, mais dans la destruction même du rapport de production, c’est-à-dire de la destruction de la nécessité de travailler pour vivre.

Publié par le Comitato opéraio di Porto Marghéra dans les Quaderni dell’organizzazione opéraia, n°1, 1970.

Tract de 1969, reproduit in «Anarchismo», serie I, n. 10-11, 1976, pp. 249-252 ]

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«Théorie Communiste», n° 15, febbraio 1999 (pp. 89-91)

[…] Le foyer théorique de l’objectivisme réside, comme, dans l’essentiel de ses développements, le texte le présente tout à fait, dans la séparation effectuée entre la lutte de classe et le développement du mode de production capitaliste. Mais la base de ceci, c’est l’ impossibilité, dans toute cette période de la lutte de classe en subsomption formelle, et encore sous certaines formes maintenant, que le prolétariat soit lui-même un terme de la contradiction à dépasser, il n’en est que le pôle souffrant et n’a qu’un rôle de fossoyeur. Le capitalisme n’est conçu que comme un ensemble de conditions, évoluant vers une situation optimale au regard d’une nature révolutionnaire du prolétariat essentielle et immuable, même si elle ne parvenait pas historiquement à se manifester. La critique de l’objectivisme ne peut pas n’être que la critique de cette séparation, elle ne s’achève que dans la critique du concept de nature révolutionnaire  du prolétariat, définie une fois pour toute et se modulant selon les conditions. Le prolétariat n’est révolutionnaire que dans sa situation dans la contradiction qui l’oppose au capital, on ne définit pas alors une nature mais un rapport et une histoire. Tant que l’on pose un être révolutionnaire du prolétariat, il faut, en face de cet être, des conditions qui seront des conditions objectives. Tant que l’on n’a pas critiqué cette conception d’une nature révolutionnaire du prolétariat, on ne sort pas de la problématique objectiviste. Tant que cette critique n’est pas faite, il est  impossible de dépasser ce point de vue où règne une dichotomie entre luttes de classes et contradictions économiques, qui ne sont reliées que par des rapports de déterminations réciproques.

[…]L’opéraïsme ne fait que renverser l’objectivisme, sans le dépasser, rajouter un côté subjectif comme “l’auto-valorisation” ouvrière de Negri, ne fait que rajouter une détermination supplémentaire dans le rapport entre prolétariat et capital, mais cela ne change pas la conception de ce  rapport. On a une somme de déterminations et on pense par là avoir atteint la totalité du rapport, on n’a pas désobjectivé ce rapport on n’a fait que rajouter une détermination subjective face à l’objectivité.

[…]A notre sens l’objectivisme est lié à deux séries de causes.

1)         Une époque de la lutte de classe qui pose la révolution et le communisme comme affirmation du prolétariat et donc exclut celui-ci du champ des contradictions du mode de production ; il ne vient que profiter de contradictions “économiques” dont il n’est pas lui-même un terme.

2)         Une constante de la reproduction du capital que nous appelons son autoprésupposition qui fait que tous les termes de la reproduction de la société se retrouvent, à l’issue de chaque cycle, du côté du capital comme conditions “objectivées” de la reproduction, c’est le fondement de la réalité de l’économie.

[…]C’est toute l’histoire de ce mode de production qui est à  écrire comme histoire de la contradiction entre les classes. On ne peut en rester à la vision présentée dans ce texte d’une suite d’assauts révolutionnaires jamais victorieux pour l’instant, toujours vaincus, et comprendre leur défaite soit par des conditions extérieures (objectives) soit par la force de la contre-révolution non-reliée à la nature historique de la contradiction entre le prolétariat et le capital qui se donne tant dans la révolution que dans la contre-révolution. Vision qui inexorablement renvoie à une essence  révolutionnaire du prolétariat, identique à elle-même dans ses assauts successifs. La “relation organique entre la lutte de classes et le développement du capital”, qui constitue la base même de tout ce texte, n’est pas la relation de déterminations réciproques de deux éléments préalablement définis en eux-mêmes. C’est bien une relation organique et en cela la particularisation d’une totalité concrète qui n’existe que dans ses parties et leur exigence réciproque. La contradiction entre le prolétariat et le capital est le développement du capital.

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