Accueil > Nouvelles du monde > Egypte : encore sur l’autogestion ou la réalité du moment présent

Egypte : encore sur l’autogestion ou la réalité du moment présent

Voici un texte traduit par nos soins  (rédigé par Jano Charbel, journaliste du travail au Caire qui se définit comme anarcho-syndicaliste ) et  qui énonce des reprises en mains par des ouvriers de la production 

http://madamasr.com/content/workers-struggle-self-manage 

Il est toujours audacieux de vouloir transposer des expériences d’un lieu à l’autre, d’un continent à un autre. Toutefois pour l’analyse des pratiques autogestionnaires, nous renvoyons au texte d’une camarade de la revue grecque « Blaumachen « : À la limite: Auto-organisation en Grèce qui pointe une résurgence des pratiques de l’auto-organisation dans des conditions de crise et qui décrit les caractéristiques centrales de ces initiatives et expose leurs limites intégrantes.

et aussi au paragraphe » Argentine : une lutte de classe contre l’autonomie. »dans le  texte L’auto-organisation est le premier acte de la révolution, la suite s’effectue contre elle…

http://dndf.org/?p=1921

Les travailleurs luttent pour se gérer eux-mêmes

Las de l’inaction du gouvernement concernant la renationalisation judiciaire de leurs entreprises, de nombreux travailleurs ont tenté de prendre les choses en mains au travers d’expériences d’autogestion – pour s’apercevoir que le gouvernement s’opposait activement à leurs efforts.

Le mois dernier  les autorités ont stoppé une telle expérience à la Tanta Flax Company dont la renationalisation était attendue  depuis plus de deux ans.

Le 15 Mars, la Compagnie de papier du Moyen-Orient (Simo) est devenue le septième compagnie à être renationalisée par ordonnance du tribunal depuis la fin de 2011. Cependant, les autorités de l’Etat n’ont pas encore remis cette société en fonctionnement dans le secteur public.

” Nous ne pouvons pas payer nos loyers ou nourrir nos familles. Nous perdons rapidement tout espoir, car il ne semble y avoir aucune véritable préoccupation des autorités, aucune volonté réelle de résoudre nos griefs. Plus de 500 employés meurent lentement car notre entreprise est paralysée. Nous crions désespérément à l’Etat de sauver notre entreprise »

Depuis Septembre 2011, le tribunal administratif a rendu des verdicts annulant les contrats de privatisation pour la Tanta Flax Company, la Nubariya Seeds Company, la Shebin al – Kom Textile Company et la Nile Cotton Ginning Company, ainsi que la Nasr Steam Boilers Company and et la chaîne de grands magasins d’Omar Effendi.

Selon les conclusions et décisions de la Cour, ces entreprises de service public avaient été vendues à des investisseurs privés de 1990 à 2010 à beaucoup moins que leur valeur réelle sur le marché. Ces entreprises et leurs travailleurs ont été en grande partie laissés dans un état de limbes, n’étant plus exploités par des investisseurs privés ou publics.

À l’exception des magasins Omar Effendi, et à un moindre degré la Shebin al – Kom Textile Company, l’État n’a pas investi dans la renationalisation ou la relance de ces entreprises.

Dans l’espoir de retrouver leur emploi et de voir repartir leurs usines, les travailleurs de ces sept entreprises ont déposé des requêtes et organisé des manifestations et des sit-in exigeant un retour à l’emploi  dans les trois ans.

Ces appels appuyés  ont rejoints ceux des hauts responsables de l’Etat – y compris le Premier ministre Ibrahim Mehleb, le maréchal Abdel Fattah al – Sisi et le ministre de la Main-d’œuvre Nahed al – Ahsry, entre autres – pour que les travailleurs  arrêtent de manifester ou de faire grève, et pour aider à sauver l’économie en reprenant la production.

Mais ces appels à un retour à la production sonnent creux pour de nombreux travailleurs.

«C’est parler dans le vide,  pour donner du grain à moudre aux médias », dit Hicham al – OQL de la Tanta Flax and Oils Company.

«C’est le contraire de ces déclarations officielles qui est vrai. Nous, les travailleurs, sommes sans emploi et voulons ré- exploiter nos entreprises, mais le gouvernement nous empêche de nous remettre au travail. “

Poussés par la frustration et les années sans revenu, les travailleurs de la société Tanta Flax  ont été le dernier groupe à tenter leur chance dans l’autogestion de leurs usines.

Les expériences d’autogestion

Le 19 Mars, des dizaines d’anciens ouvriers ont commencé à exploiter deux lignes de production sur dix de la Tanta flax compagny. Comme la propagation de la nouvelles débordait les murs de l’entreprise, les autorités locales coupèrent  l’électricité, et l’expérience ne dura que quelques heures.

Selon OQL, les forces de police étaient envoyées à l’usine moins de deux heures après la nouvelle de l’expérience des travailleurs.

Ils ont affirmé sympathiser [avec] et appuyer nos efforts, puis, quelques minutes après leur départ, l’électricité a été soudainement coupée » .

Un autre ancien travailleur, Gamal Othman, explique: « Dès l’annonce de notre intention de gérer nous-mêmes l’entreprise , la Holding Company for Chemical Industries a appelé l’autorité des services publics locaux à Tanta et leur a fait couper notre électricité”

Notre intention, dans l’ autogestion, était de montrer à la société mère qui il est facile de relancer les usines de l’entreprise , et que nous avons des matières premières  pour assurer un mois de production , ” raconte Othman, frustré .

Othman ajoute que ses collègues et lui-même ont cherché à faire pression sur la Société mère et sur le Ministère de l’Investissement afin qu’ils donnent suite à leur promesse d’achat de la quantité nécessaire de semence de lin aux agriculteurs locaux – estimés à environ 7 millions – à la mi- mai.

«Nous craignons que si la société n’achète pas ces cultures aux agriculteurs, ils les vendent  à d’autres, et que donc les plans de redémarrage de la compagnie, l’année prochaine, ne soient jamais mis en œuvre »  prévient-il.

Aussi bien la Holding Company for Chemical Industries que le Ministère de l’Investissement ont fait des déclarations à l’effet qu’ils relanceraient la Tanta Flax Company en 2015, mais aucune date précise n’a été mentionné pour cette opération.

Othman critique l’échec du gouvernement à ré- exploiter Tanta flax et d’autres sociétés bloquées.

” Les autorités ne devraient pas payer l’indemnisation des travailleurs de leur seul salaire de base, alors qu’eux et leurs lignes de production  demeurent inutilisés. C’est un gaspillage des ressources de l’Etat. Les autorités devraient plutôt  investir dans le mouvement de remobilisation des travailleurs et de leurs entreprises, car cela profiterait à la fois l’Etat et aux travailleurs, » affirme t’il.

Les travailleurs de l’entreprise Tanta  ont été inspirés par l’expérience autogestionnaire réussie des travailleurs  de la Nubariya Quels Seed Company, engagée deux ans plus tôt. Ces deux années d’autogestion se sont avérées fructueuses pour l’entreprise, les bénéfices générés alors étant estimés à millions.

La société rentable Nubaseed avait été vendue à l’investisseur saoudien Abdel Ellah al – Kaaki en 1999 – le même homme d’affaires qui achèterait le Tanta Flax Company en 2005 .

Kaaki avait arrété ses investissements  dans ces deux sociétés en 2011, quand les travailleurs avaient déposés leur recours  devant le tribunal administratif et appeler à la renationalisation.

L’expérience d’autogestion réussie des travailleurs de Nubaseed a été stoppée par le Cabinet de l’ancien premier ministre Hazem al – Beblawi à la fin de 2013, lorsque les ministres ont interjeté appel contre le jugement de renationalisation rendu en 2011.

Le tribunal administratif devrait rendre son verdict le 12 Avril au sujet de cet appel.

Selon OQL, “La balle est dans le camp du ministère des Finances. Elle y est depuis près de trois ans, mais nous continuons à attendre une action.
Afin d’encourager le Ministère de l’Investissement à ré- exploiter notre entreprise, nous l’avons informé que nous sommes prêts à travailler sans salaire pendant un mois, gratuitement, afin de remettre notre société sur pieds et retrouver nos emplois. Pourtant, nous n’avons aucune réponse de leur part, et nous avons donc décidé d’essayer l’autogestion de la société.

L’ancien candidat à la présidence Khaled Ali, qui a servi d’avocat pour la plupart des entreprises privatisées ci-dessus, a appelé les autorités de l’Etat à permettre aux travailleurs de gérer eux-mêmes leurs entreprises quand elles sont au point mort, ou lorsque les investisseurs fuient le pays.

Les expériences notables en autogestion comprennent celle de l’usine d’ampoule de Ramy Lakkah dans la Tenth of Ramadan City, qui a duré de 2001 à 2006. Alors que le propriétaire et investisseur avait fui le pays, cette expérience a réussi à accroître à la fois la production et les profits de l’entreprise. Après l’apurement de ses finances, l’entreprise a été remise à Lakkah à son retour de France.

Dans ce même secteur industriel, l’entreprise de textile connue comme Economic Company for Industrial Development a été gérée avec succès de 2008 à 2010. Son propriétaire, Adel Agha , avait fui le pays et abandonné plus de 500 travailleurs qui ont réussi à faire fonctionner l’entreprise eux-mêmes. Cette société, et sa société mère Ahmonseto, ont été liquidées en 2010 et fermées quand les banques ont repris possession des actifs d’Agha.

La papetière Simo 
Lorsque que les travailleurs de  la Simo ont envisagé d’autogérer leur entreprise, ils en furent incapables car le gaz et l’électricité étaient coupées depuis Juin 2013 en raison de l’incapacité des anciens propriétaires à payer leurs factures.

Comme c’est le cas avec les entreprises mentionnées ci-dessus, le tribunal administratif a constaté que la papetière Simo – qui avait été privatisée en tant que société de portefeuille d’actions en 1997, a été vendue à des investisseurs, à une fraction de sa valeur d’origine.

Plus de 500 travailleurs de l’entreprise Simo – qui employait environ 3000 travailleurs avant la privatisation – ont été sans travail,  salaire ou indemnités depuis leur recours devant le tribunal administratif en Juin 2013

Nous avons signé des pétitions aux représentants du gouvernement , le Conseil des ministres et les autorités locales pour la ré- exploitation notre entreprise – en vain », explique Abdel Ati Gharib , président de la jonction locale du comité de Simo .

Les travailleurs de la Simo ont manifesté le 8 mars devant le siège du Cabinet avec des travailleurs de plusieurs autres sociétés bloquées, réclamant des investissements de l’État afin d’obtenir que leur entreprise soit remise d’aplomb.

Un appel, déposé par la Holding Company for Chemical Industries – qui, comme la companie Tanta, est censée gérer et superviser Simo – contre le verdict  du  15 mars, a stoppé la renationalisation de la Simo. Le tribunal administratif n’a pas encore rendu son verdict ce qui concerne cet appel.

Notre société est très rentable et peut être réutilisée facilement avec un peu d’investissement, d’entretien et le paiement des salaires », explique Gharib .

” Nous sommes prêts et capables de nous remettre au travail, et en fait, nous insistons sur le retour au travail. Nous voulons juste le retour de nos emplois et de l’entreprise ».

Le ministère de la Main-d’œuvre doit payer un mois de salaire de base aux travailleurs de Simo à partir de la semaine prochaine, d’après Ghareeb, qui ajoute: « Bien que nous soyons  reconnaissants pour toute sorte d’aide, nous ne demandons pas l’aumône ou des solutions temporaires. Nous demandons maintenant la remise en marche de notre société et la réintégration de tous les travailleurs licenciés. »

Les travailleurs de Simo couchent à tout de rôle dans l’entreprise, située à Shubra al – Khaima, afin de protéger ses cinq usines, et de les protéger des intrus et des voleurs, explique Gareeb.

Nous ne pouvons pas payer nos loyers ou nourrir nos familles. Nous allons rapidement perdre tout espoir, car il semble y avoir aucune véritable préoccupation des autorités, ou aucune volonté réelle de résoudre nos griefs. Plus de 500 employés meurent lentement dans la paralysie de notre entreprise. »
Nous réclamons désespérément  à l’Etat de sauver notre entreprise, ”

Ghareeb et des milliers d’autres travailleurs rappellent aux autorités la décision d’Avril 2013, qui a condamné l’ancien Premier ministre Hicham Qandil à un an de prison pour avoir omis de respecter le verdict de la renationalisation de la Nile Cotton Ginning Company.

Quand il a interjeté appel de ce verdict, la peine a été confirmée en Septembre 2013. L’ancien premier ministre a été arrêté en Décembre 2013 et purge actuellement sa peine.

«Nous voulons simplement que le gouvernement pratique ce qu’il prêche à propos de la production et la « roue de la production» dit Gareeb. Aidez-nous à ramener cette entreprise à la production , et en moins d’un mois, nous ramenons les bénéfices . “

 

 

 

Categories: Nouvelles du monde Tags:
  1. Pas encore de commentaire

%d blogueurs aiment cette page :