Accueil > Du coté de la théorie/Around theory > Adorno et la discussion sur le prolétariat comme classe révolutionnaire

Adorno et la discussion sur le prolétariat comme classe révolutionnaire

english version after

Adorno et la discussion sur le prolétariat comme classe révolutionnaire

Une des caractéristiques de l’anthropologie négative de Théodor W. Adorno, telle que Werner Bonefeld l’élucide, est  sa puissante affirmation théorique que « la nature première », la quête d’une essence humaine, ou encore de sa restauration, est une impasse tant théorique que pratique. Il n’existe qu’une seconde nature, produite par l’historicité de l’Homme [l’espèce, pas le genre], par son existence sociale. Poser la question de la vision de l’être humain comme possédant une essence trans-historique ce n’est pas dire que l’Homme n’a pas des caractéristiques distinctes qui persistent dans le temps ; une « nature humaine » si on veut. La distinction que faisait Marx entre l’abeille et l’humain en tant qu’ « architectes » dans son Capital, souligne la capacité de l’Homme à s’auto-créer  et son historicité, qui contraste autant avec le lent processus évolutif mentionné par Darwin  qu’avec la constitution transcendantale de la subjectivité humaine de Kant, et la possibilité de connaissance qu’elle induit. Notre enquête anthropologique doit commencer, donc, avec la présence historique de l’Homme tel qu’il a été façonné par la forme-valeur et les rapports sociaux capitalistes, d’un côté, et, de l’autre côté, par la possibilité objective-réelle de les abolir par la révolution et le communisme, par la création de la communauté humaine [Gemeinwesen], ce que Marcuse nommait « l’individualisme communiste ».

Ce qu’Adorno a appelé la croissante « composition organique de l’homme », « la mécanisation de l’homme », que Marx désignait comme la domination réelle du capital, « ce qui détermine les sujets comme des moyens de production et non comme des êtres vivants, s’accroît avec la proportion de machines par rapport au capital variable » et est devenu une réalité horrifique vécue par ceux qui n’ont que leur force de travail à vendre (même si une partie toujours croissante de cette classe ne peut pas trouver d’acheteurs pour cette marchandise).

Les catégories économiques, comme par exemple l’échange, la forme marchandise, la forme argent, la valeur, le travail abstrait, ont leurs bases réelles dans les « rapports sociaux définis entre les hommes », spécifiquement dans « …le caractère social particulier du travail qui les produit » . En effet, pour Bonefeld, les catégories économiques que Marx a développées dans sa critique de l’économie politique proviennent du même antagonisme de classe qui les a générées. La forme-valeur, donc, cette forme sociale et historique « pervertie » [verrücte], exprime un rapport social qui  apparaît comme un rapport entre des choses. C’est un rapport social qui est opaque aux êtres humains dont la propre action sociale produit ces mêmes formes. Comme dit Marx, l’Homme sous le capitalisme est « gouverné par les produits de sa propre main ». Les produits dans ce cas n’étant pas seulement les marchandises qu’il produit, mais ces rapports sociaux eux-mêmes qui sont produits et reproduits par l’activité sociale du prolétariat.

Ce que Kant voyait comme constitution de la subjectivité humaine et la base fondamentale de toute connaissance dans sa Critique de la Raison pure est, pour Adorno, la base historiquement constituée de la connaissance dans la société capitaliste bourgeoise, transposée dans la tête de Kant en monde réel et structure ontologique de base. Adorno, donc, a pénétré derrière les formes sociales réifiées que Kant avait ontologisées et rendues métaphysiques. Ce que Kant, en tant que LE philosophe de la société capitaliste bourgeoise, a révélé – tel qu’Adorno le lit et tel que Christian Lotz lit Adorno – c’est comment : « le sujet qui s’échine [abarbeiten] par rapport à son objet, se produit lui-même et ses objets comme des objets abstraits, puisque ces objets se déconnectent de sa  constitution dialectique vivante et deviennent des structures déterminées et réifiées ». Tel que Lotz lit Adorno, donc, d’un côté, le monde social et historique est fait par l’activité sociale de sujets et en même temps « … le monde que nous créons nous domine de plus en plus, puisque, dans toute activité, le caractère objet indépendant du monde s’accroît.  Toute domination de l’objet, d’après Adorno, conduit, donc, à une domination du sujet ». C’est là que se trouve la réification, les formes sociales « comme des choses » que Lukács a d’abord identifiées mais qui maintenant peuvent être plus directement reliées à la forme-valeur elle-même et les catégories que Marx a si patiemment développées dans ses manuscrits pour la critique de l’économie politique, encore inconnus quand Lukács a écrit Histoire et Conscience de Classe.

La focalisation d’Adorno sur la réification dérive clairement de l’innovant essai de Lukács « Réification et la conscience du prolétariat » dans Histoire et Conscience de Classe, même si  Adorno, à la fin des années 1950, a pu bénéficier de l’accès aux textes inédits de Marx pour sa critique de l’économie politique, y compris les Grundrisse, qui étaient inconnus de Lukács au début des années 1920. Alors que le point de départ d’Adorno n’est pas différent de celui de Lukács et son affirmation que la forme marchandise et son caractère fétichiste, son « objectivité illusoire » réifiée, est « … le problème structurel central de la société capitaliste dans tous ses aspects… », Adorno rejetait l’affirmation de Lukács selon laquelle être « le sujet-objet identique de l’histoire de la société »  permettait au prolétariat d’avoir une conscience de classe qui pouvait saisir la nature réifiée, chosifiée, des rapports sociaux capitalistes, et les renverser. C’est cette vision très hégélienne du prolétariat comme sujet-objet identique de l’histoire, et son lien avec la théorie de Lukács  sur la conscience de classe « imputée » liée au Parti, à travers laquelle la conscience empirique du prolétariat peut s’aligner avec sa conscience de classe imputée, qui soulève la question d’un certain déterminisme chez Lukács, équivalent à une « théologie de classe », selon l’expression provocatrice de Norbert Trenkle. Il semblerait ici que la vision de Lukács est celle d’un prolétariat qui assume virtuellement le rôle d’une catégorie ontologique, dans laquelle il existe une irréductible « aspiration à la totalité »Pour Lukács, donc, le prolétariat a une « mission historique ». En effet, le hégélianisme de Lukács dans Histoire et Conscience de Classe est redevable à la philosophie propre de Hegel de l’histoire universelle.

Adorno, par contre, affirme dans son essai « Sujet et Objet » que l’être humain « est un résultat, non un eidos »,  qui n’a pas d’essence trans-historique. Là où Lukács voyait l’humain comme un « être de l’espèce » [Gattungswesen], pour qui l’histoire est une « scène » sur laquelle cet être de l’espèce ou essence pré-existants, autrefois perdus, finiront par se réaliser, Adorno voyait l’humanité comme le résultat de ces médiations, ces rapports sociaux, produits et reproduits par sa propre action sociale, avec la possibilité que les médiations existantes puissent être renversées et de nouveaux rapports sociaux créés.  Hegel joue un rôle décisif tant pour Lukács que pour Adorno. Cependant le hégélianisme de Lukács dans Histoire et Conscience de Classe est redevable à la philosophie de Hegel sur l’histoire universelle ; une vision qui est téléologique, alors que la dette d’Adorno à la philosophie de Hegel (ainsi que la dette théorique de ceux qu’il a le plus influencés, Krahl, Backhaus, Reichelt, ainsi que Moishe Postone et Werner Bonefeld) réside plus dans la philosophie de Hegel du droit et sa logique, avec sa perception du rôle de l’abstraction comme la clé véritable de la substantialité de la valeur, et les formes multiples qu’elle assume dans le rapport d’échange. Et cette abstraction est ce qu’Alfred Sohn-Rethel, dont l’influence sur Adorno a été considérable, décrit comme « abstraction réelle », pas une pensée ou une abstraction mentale : l’abstraction « ne surgit pas de » la pensée humaine, mais provient de « la sphère spatio-temporelle des rapports entre les humains ».

C’est ici aussi que la catégorie d’Ernst Bloch de « possibilité objectivement réelle » peut assumer sa juste place dans la théorie marxiste ; une catégorie qui a aussi ses racines dans l’être historique réel lui-même. Bloch a essayé de naviguer sur le terrain théoriquement difficile par lequel la théorie marxienne doit articuler le rapport complexe entre déterminisme et possibilité ; nécessité et contingence. Pour Bloch, « les causes sont des présuppositions matérielles qui doivent se réaliser   nécessairement, comme des lois ; par contre, « les conditions sont des présuppositions matérielles d’une possible réalisation qui n’aura pas lieu sans l’aide d’un sujet intervenant. Ainsi le capitalisme développe en lui-même les conditions, non les causes, pour une percée révolutionnaire vers le Socialisme, de telle sorte que,dans sa phase finale, il rend cette percée possible, mais il ne contient pas cette rupture comme conséquence nécessaire inéluctable ». Cette distinction cruciale entre nécessité et possibilité, malheureusement obscurcie par le marxisme traditionnel, nous oblige donc à revisiter la question du sujet révolutionnaire, dont la praxis socio-politique est la clé pour rendre possible une percée révolutionnaire hors du capitalisme.

Dans ce que l’on appelle la « nouvelle lecture de Marx », basée sur tous ses manuscrits pour la critique de l’économie politique, maintenant finalement publiés, une des questions soulevées a été la question du sujet : au sein des rapports sociaux capitalistes basés sur la forme-valeur, « qui » ou « quel » est le sujet ? Marx lui-même parle du capital comme d’un « sujet automatique » ou sujet « dominant » ou « actif » [übergreifende Subjekt]. La « nouvelle lecture » a exploré les implications du terme de Marx, en même temps que son lien avec la propre lecture de Marx de la dialectique systématique de Hegel, et aussi combien ce lien important  a été perdu tant dans les traductions que dans les discussions de Marx. Quelles sont les implications du fait de désigner le capital ou la valeur comme sujet automatique ? Que devient alors le prolétariat comme sujet révolutionnaire ?  Ceci n’est pas une question d’intérêt philologique ou même philosophique – encore moins académique. Pour Bonefeld, il existe le danger dans la « nouvelle lecture de Marx » de voir « … la valeur comme l’essence automotrice de la richesse capitaliste, alors qu’en réalité il met l’accent sur « … les rapports sociaux de production déterminés », les rapports de classe qui en réalité produisent les « … mystérieuses choses économiques qui en apparence possèdent le caractère mystique de s’instancier elles-mêmes ». La lecture que fait Bonefeld de Marx ici nous dit qu’il est insuffisant d’interpréter Marx comme s’il disait que le capital est « … quelque chose qui se rapporte à lui-même, c’est-à-dire quelque chose qui a la capacité de s’auto-valoriser ». Plutôt, « l’idée du ‘capital’ comme quelque chose qui ‘s’auto-constitue’ ne fait que renforcer le fétichisme d’un monde capitaliste qui ne voit le travail [le prolétariat] que comme une marchandise qui gagne un salaire ». Ce que Bonefeld, donc, a ajouté est le point crucial que « le pouvoir constitutif du travail social » existe et persiste « dans un mode à renier ». Ce qui apparaît être le résultat des pouvoirs productifs du capital est plutôt la forme pervertie des pouvoirs du prolétariat et sa pratique sociale. L’interprétation de Bonefeld de l’action sociale de l’ouvrier dans le vente de sa force de travail au capitaliste (individu, corporation ou Etat) est ici éclairant : « Les sujets agissant rationnellement qui échangent sur le marché pour assurer leur vie exécutent des lois sociales abstraites qu’ils ont eux-mêmes générées historiquement et reproduites par  leur comportement rationnel, et sur lequel ils n’ont pas de contrôle – leur pratique rationnelle existe à travers eux et en eux, et aussi contre eux. »

Pour Bonefeld, avec raison d’après moi, la classe n’est pas un concept affirmatif, mais « un concept entièrement négatif. La critique de la société de classe trouve sa résolution positive non pas dans des producteurs de plus-value mieux payés et employés à plein temps. Elle trouve sa résolution positive seulement dans la société sans classes. » De même que le prolétariat ne restaure pas un être de l’espèce qui a été perdu, ou une première nature, il ne crée pas non plus une « république du travail », ni une société basée sur le pouvoir ouvrier, comme dans la vision du marxisme traditionnel, et même de la gauche communiste historique. La praxis émancipatrice, selon moi, avance à travers l’abolition du travail, qui est la seule manière de renverser les rapports sociaux basés sur la forme-valeur. Cela entraîne une vision d’un métabolisme avec la nature basée sur des modes de poiesis distincts du travail tel qu’il s’est manifesté historiquement.

On se trouve alors confronté tant théoriquement que pratiquement à la question : comment le prolétariat peut-il sortir de ces formes sociales perverties, ce fétichisme de la marchandise dans lequel il est embourbé, ces rapports sociaux réifiés qui ne sont pas simplement des modes de fausse conscience, des idéologies de la classe dominante qui lui sont imposées par l’ennemi de classe, mais plutôt des rapports sociaux qui lui apparaissent comme le résultat de lois objectives, a-historiques, économiques et naturelles, et non comme le produit de l’activité du prolétariat lui-même.  Cette dernière condition, véritable base du fétichisme de la marchandise et rempart des rapports sociaux capitalistes, doit être affirmée théoriquement pour qu’elle soit attaquée politiquement par les révolutionnaires et par la classe elle-même. Et ici la contribution d’Adorno, particulièrement sa vision de la praxis, me semble mériter toute notre attention.

On se trouve maintenant à l’intersection d’Adorno comme théoricien marxiste et les appels incessants qui lui ont été faits pour qu’il se relie à une pratique révolutionnaire, qui ont dominé les dernières années de sa vie, les tumultueuses années 1960. Beaucoup d’étudiants, élèves d’Adorno, actifs dans le SDS allemand (H.J. Krahl et Frank Böckelmann, entre autres ) ont  fustigé leur professeur  pour n’avoir pas embrassé ce qu’ils voyaient comme la « révolution ». Krahl, par exemple pensait qu’Adorno était tombé dans « une anxiété régressive envers toute forme de résistance active contre la stabilisation du capitalisme monopolistique ; en fait, comme un penseur pour qui « …le matérialisme dialectique des forces de production enchaînées se reflète dans le concept d’une théorie elle-même enchaînée, indéniablement empêtrée dans l’immanence de ses concepts », une véritable retraite dans l’académisme. Le dur jugement de Krahl de 1969 apparaît aujourd’hui bien différent à la lumière du développement réel des « révolutions » que le SDS voyait comme étant le début d’une révolution prolétarienne globale : la « Révolution Culturelle » de Mao en Chine, la lutte du FNL au Vietnam dirigé par Ho Chi Minh et autres  luttes « anti-impérialistes » dans le tiers-monde. Le paysage contemporain où la Chine est un puissant laboratoire capitaliste, et le Vietnam un allié fidèle des USA dans le Sud-est asiatique, tous avec la même classe dominante qui a inauguré la « Révolution Culturelle » ou qui a forcé les Américains à quitter Saigon, éclaire d’une lumière très différente l’enthousiasme du SDS des années 1960.

Adorno lui-même voyait le volontarisme et l’aventurisme du SDS comme une pseudo-révolution [Schein-revolution]. L’histoire a déjà fourni un verdict sur la vision apocalyptique du gauchisme là-dessus, et ses théories staliniennes et nationalistes tiers-mondistes, mais peut-être qu’à la lumière du développement du capital et de son pouvoir pendant ces dernières quarante-cinq années, il est temps de jeter un autre regard sur les écrits et cours tardifs d’Adorno, particulièrement sur ses « Notes marginales sur Théorie et Pratique » (publié en 1969) comme  partie d’une enquête sur la prospective de l’émergence du prolétariat comme sujet révolutionnaire à l’époque actuelle.

Adorno ne fait pas de lien direct entre la théorie marxiste et le prolétariat comme sujet révolutionnaire, mais il fournit des éléments pour un tel lien ; des éléments qui me semblent cruciaux. Commençons d’abord par la distinction que fait Adorno entre « actionnisme » et « praxis » Pour lui l’actionnisme est faux ou une pseudo praxis ; en effet, il est « régressif ». Pour Adorno, l’actionnisme est « vraiment conformiste » parce qu’il se coupe de la théorie. Alors que la « pseudo-activité » de l’actionnisme prétend  menacer le pouvoir du capital, à défaut d’une théorie adéquate il finit par consolider ce même pouvoir et les rapports sociaux qu’il produit. La comunisation ne peut pas émerger d’un long cheminement à travers les institutions, comme des générations de gauchistes l’ont proclamé ; elle ne peut pas plus émerger du désespoir que le capitalisme produit en abondance. Comme  dit Adorno : « La praxis sans la théorie… ne peut qu’échouer… Une fausse praxis c’est pas de praxis. Le désespoir qui … saute aveuglément dans praxis, avec les intentions les plus pures unit les forces à la catastrophe. … L’idée que la théorie doit se plier à la praxis… condamne la praxis à l’erreur » La théorie est donc l’élément vital pour que la praxis révolutionnaire se développe. L’impatience envers la théorie qui émerge à chaque fois que surgissent des luttes sociales, est le moyen le plus sûr de voir ces éruptions finir par une consolidation du pouvoir du capital.

Cependant, la théorie d’Adorno ne trace pas de lien direct avec le prolétariat comme sujet révolutionnaire.  En fait, comme témoin de la défaite de la révolution prolétarienne dans les années 1920, le triomphe de la contre-révolution stalinienne et ensuite du fascisme, et finalement le spectacle d’étudiants « révolutionnaires » avec le « petit livre rouge » de Mao à la main et des louanges à Ho Chi Minh et Castro sur leurs lèvres,  l’incapacité d’Adorno de voir le prolétariat comme  un sujet révolutionnaire ne devrait pas nous surprendre.  En effet, les craintes d’Adorno au sujet le l’accroissement de la composition organique de l’homme, exprimées d’abord dans les années 1940 puis développées dans ses textes sur le pouvoir de l’industrie de la culture, ont culminé en 1965 avec son essai sur « La Société »,  qui semblait ne laisser que très peu de place à un espoir révolutionnaire : « Les hommes doivent agir pour changer les conditions pétrifiées d’existence, mais ces dernières ont marqué les gens d’une empreinte si profonde, elles les ont tellement privés de leur vie et de leur individuation, qu’ils semblent à peine capables de la spontanéité nécessaire pour le faire ». Néanmoins, pour Adorno, le fait que la possibilité de répondre à ce danger « est menacée d’étouffement » pourrait être « la première condition pour une rupture finale avec l’omnipotence de la société. » Ainsi, le pessimisme d’Adorno n’a jamais été total.

En outre, aujourd’hui, alors qu’une nouvelle génération de révolutionnaires a cherché à unir la théorie marxiste avec la prospective d’une praxis révolutionnaire, avec la communisation, la vision déterminante d’Adorno selon laquelle le prolétariat littéralement produit -et reproduit continuellement- ses propres chaînes, les rapports sociaux qui l’emprisonnent, pointe directement vers la seule classe qui peut briser ces chaînes et créer une communauté humaine. La responsabilité de la théorie aujourd’hui est d’assumer la tâche avec laquelle l’histoire la confronte.

Mac Intosh mai 2015

ADORNO AND THE DISCUSSION OF THE PROLETARIAT AS A REVOLUTIONARY SUBJECT

One of the hallmarks of Theodor W. Adorno’s negative anthropology, as elucidated by Werner Bonefeld, is the powerful theoretical claim that “first nature,” the quest for a human essence, let alone its restoration, is both a theoretical and practical dead-end. There is only “second nature,” the product of Man’s [the species, not the gender] historicity, her social existence. To question the vision of the human being as possessing a trans-historical essence is not to say that Man does not have distinct features and characteristics that persist over time; a “human nature” if you will. Marx’s own distinction between the bee and the human as “architects” in his Capital, points to the capacity of Man for self-creation, and her historicity, that contrasts both with the slow evolutionary processes to which Darwin had pointed and to Kant’s transcendental constitution of human subjectivity, and the possibility of knowledge that it provides. Our own anthropological inquiry though has to begin, then, with the historical presence of Man as shaped by the value-form and capitalist social relations, on the one hand, and the objective-real possibility of abolishing them through revolution and communism, the creation of a human community [Gemeinwesen], what Marcuse termed “communist individualism,” on the other.

What Adorno termed the rising “organic composition of man,”  “the mechanization of man,” through what Marx designated as the real domination of capital, “[t]hat which determines subjects as means of production and not as living purposes, increases with the proportion of machines to variable capital”[1] and has become a horrific lived reality for those who have only their labor-power to sell (even as an ever-greater segment of that class can find no buyers for its commodity).

Economic categories, e.g. exchange, the commodity form, the money form, value, abstract labor, have their real bases in “definite social relations between men,” specifically in “… the peculiar social character of the labor that produces them.”[2] Indeed, for Bonefeld, the economic categories that were unfolded by Marx in his critique of political economy arise from the very class antagonism that has generated them.[3] The value-form, then, that “perverted” [verrücte] social and historical form, expresses a social relation that appears as a relation between things. It is a social relation that is opaque to those human beings whose own social action produces those very forms. As Marx says, Man under capitalism is “governed by the products of his own hand.” The products in this case being not just the commodities she produces, but those perverted social relations themselves that are produced and reproduced by the social activity of the proletariat.

What Kant saw as the constitution of human subjectivity and the fundamental bases of all knowledge in his Critique of Pure Reason, is, for Adorno, the historically constituted basis for knowledge in bourgeois-capitalist society, transposed in Kant’s mind into the real world and its very ontological structure. Adorno, then, penetrated beneath the reified social forms which Kant had ontologized and made metaphysical. What Kant, as the philosopher of bourgeois-capitalist society had revealed – as Adorno reads him, and as Christian Lotz reads Adorno – is how: “[t]he subject that works itself off [abarbeiten] in relation to its object, produces itself and its objects as abstract objects, as these objects disconnect themselves from their living dialectical constitution and turn into fixed and reified structures.”[4] As Lotz reads Adorno, then, on the one hand, the social and historical world is made by the social activity of human subjects, and at the same time “… the world that we create increasingly dominates us, since with every activity the independent object-character of the world increases. Every domination of the object, according to Adorno, leads, hence, to a domination of the subject.”[5] Here then is the reification, the thing-like social forms to which Lukács first pointed, but which now can be more directly linked to the value-form itself, and the categories that Marx so patiently unfolded in his manuscripts for the critique of political economy, still unknown when Lukács wrote History and Class Consciousness.

Adorno’s own focus on reification clearly derives from Lukács’ path breaking essay “Reification and the Consciousness of the Proletariat” in History and Class Consciousness, though Adorno by the late 1950’s had the benefit of having had access to Marx’s own previously unpublished texts for his critique of political economy, including the Grundrisse, which were unknown to Lukács in the early 1920’s.[6] While Adorno’s starting point is not unlike Lukács’s and his claim that the commodity form and its fetish character, its reified “phantom objectivity,” is “… the central structural problem of capitalist society in all its aspects ….”, Adorno rejected Lukács’ claim that being the “identical subject-object of the history of society”[7] permitted the proletariat to have a class consciousness that could grasp the reified, thing-like nature of capitalist social relations and over-turn them. It is that very Hegelian inflected vision of the proletariat as the identical subject-object of history, and its connection to Lukács’ theory of “imputed” class consciousness linked to the Party, through which the empirical consciousness of the proletariat can be aligned with its imputed class consciousness, that raises the question of a certain determinism in Lukács, one tantamount to a “theology of class,” in Norbert Trenkle’s provocative phrase. It would seem that Lukács’ vision here is one in which the proletariat virtually assumes the role of an ontological category, and in which it has an irreducible “aspiration towards totality.”[8] For Lukács, then, the proletariat has an “historical mission.” Indeed, Lukács’ Hegelianism in History and Class Consciousness is indebted to Hegel’s own philosophy of universal history.

Adorno, by contrast, claims in his essay “Subject and Object” that the human being “is a result, not an eidos;”[9] that she does not possess a trans-historical essence. Where Lukács saw the human as a “species-being” [Gattungswesen], with history as the “stage” upon which that pre-existing species-being or essence, once lost, will finally be again actualized, Adorno saw humankind as the outcome of those mediations, those social relations, produced and reproduced by its own social action, with the possibility that the existing mediations can be overturned and new social relations created. Hegel plays a decisive role for both Lukács and Adorno, However, Lukács’ Hegelianism in History and Class Consciousness is indebted to Hegel’s philosophy of universal history; a vision that is teleological, while Adorno’s debt to Hegel (and the theoretical debt of those he has most influenced, Krahl, Backhaus, Reichelt, as well as Moishe Postone and Werner Bonefeld) lies more with Hegel’s philosophy of right and his logic, with its grasp of the role of abstraction as the veritable key to the substantiality of value, and the multiple forms it assumes in the exchange relation. And that abstraction is what Alfred Sohn-Rethel, whose influence on Adorno was considerable, describes as a “real abstraction,” not a thought or mental abstraction: the abstraction “does not spring from” the human mind, but arises “in the spatio-temporal sphere of human interrelations.”[10]

It is here too, that Ernst Bloch’s category of “objectively-real possibility” can assume its rightful place in Marxist theory; a category that is also rooted in actual historical being itself. Bloch sought to navigate the difficult theoretical terrain through which Marxian theory must articulate the complex relationship between determinism and possibility; necessity and contingency. For Bloch, “causes are material presuppositions of lawlike, necessary realization;” by contrast, “conditions are the material presuppositions of a possible realization which will not come to pass without the help of an intervening subject. Thus, capitalism develops in itself the conditions, not the causes, for a revolutionary breakthrough into Socialism in such a way that in its coming to an end, it makes the breakthrough possible, but it does not contain the break as a law-like, necessary consequence.”[11] This crucial distinction between necessity and possibility, unfortunately obscured by traditional Marxism, then, compels us to revisit the question of the revolutionary subject, whose socio-political praxis is the key to making a revolutionary breakthrough from capitalism possible.

Within what’s termed the “new reading of Marx,” based on all of his manuscripts for the critique of political economy, now finally published, one of the issues raised has been the question of the subject: within capitalist social relations based on the value-form, “who” or “what” is the subject? Marx himself speaks of capital as an “automatic subject” or the “dominant” or “active” subject [übergreifende Subjekt][12]. The “new reading” has explored the implications of Marx’s term, together with its connection to Marx’s own reading of Hegel’s systematic dialectic, as well as how that important connection has been lost in both translations and discussions of Marx.[13] What are the implications of designating capital or value as an automatic subject? What, then, becomes of the proletariat as a revolutionary subject? This is not an issue of philological or even philosophical – let alone academic – interest. For Bonefeld, there is a danger within the “new reading of Marx” of seeing “… value as the self-moving essence of capitalist wealth,” whereas his emphasis is on “… the definite social relations of production,” the class relations that actually produce the “… mysterious economic things that seemingly possess the mystic character to ‘instantiate’ themselves.”[14] As Bonefeld reads Marx here, it is insufficient to interpret Marx as saying that capital is “… something which relates to itself, that is, a thing which has the capacity to self-valorisation.”[15] Rather, “[t]he idea of ‘capital’ as something which is ‘self-constituting’ only reinforces the fetishism of a capitalist world which sees labour [the proletariat] only as a wage-earning commodity.”[16] What Bonefeld, then, has added is the crucial point that the “constitutive power of social labour” exists and persists in “a mode of being denied.”[17] What appears to be the outcome of the productive powers of capital is instead the perverted form of the powers of the proletariat and its social practice. Bonefeld’s account of the social action of the worker in the sale of his/her labor power to the capitalist (individual, corporation or state) is illuminating here: “The rationally acting subjects who exchange on the market to secure their being execute abstract social laws which they themselves have generated historically and reproduce through their rational behaviour, and over which they have no control – their rational practice exists through them and in them, and also against them.”[18]

For Bonefeld, correctly as I see it, class is not an affirmative concept, but “an entirely negative concept. The critique of class society finds its positive resolution not in better-paid and fully employed producers of surplus-value. It finds its positive resolution only in the classless society.”[19] Just as the proletariat does not restore a lost species being or first nature, it does not create a “republic of labor,” or a society based on worker’s power, as in the vision found in traditional Marxism, and even in the historical communist left. Emancipatory praxis, in my view, proceeds through the abolition of labor, which is the only way to overturn social relations based on the value-form. That entails a vision of a metabolism with nature based on modes of poïesis distinct from labor as it has historically manifested itself.

We are then confronted both theoretically and practically with the question of just how the proletariat can break through those perverted social forms, that commodity fetishism, within which it is enmeshed, those reified social relations that are not simply modes of false consciousness, ruling class ideologies, imposed upon it by its class enemy, but rather social relations that appear to it to be the result of objective, a-historical, natural economic laws and not the product of the proletariat’s own social activity. This latter condition, the veritable basis of commodity fetishism, and bulwark of capitalist social relations, must be theoretically exposed if it is to be politically attacked by revolutionaries and by the class itself. And here Adorno’s contribution, particularly his vision of praxis, seems to me to require our close attention.

We are now at the intersection of Adorno as a Marxist theoretician and the incessant calls for him to commit to a revolutionary practice that dominated the final years of his life; the tumultuous 1960’s. Many of Adorno’s own students, active in the German SDS (H-J Krahl, and Frank Böckelmann, among them) castigated their teacher for his “failure” to embrace what for them was the “revolution.” Krahl, for example, saw Adorno as falling into “a regressive anxiety towards any form of active resistance against”[20] the stabilization of monopoly capitalism; indeed, as a thinker for whom “… the materialist dialectic of the chained forces of production are reflected in the concept of a theory in its own chains, inescapably enmeshed in the immanence of its concepts;”[21] a veritable retreat into academicism. Krahl’s harsh judgment of 1969 looks very different today in the light of the actual development of the “revolutions” which the SDS saw as the start of a global proletarian revolution: Mao’s “Cultural Revolution” in China, the struggle of the NLF in Vietnam led by Ho, and the other “anti-imperialist” upheavals in the Third World. The contemporary landscape of a China as a capitalist powerhouse, and a Vietnam as a faithful ally of the U.S. in South-East Asia, all with the very same ruling class that inaugurated the “Cultural Revolution” or that forced the Americans to abandon Saigon, casts a very different light on the enthusiasm of the SDS in the 1960’s.

By contrast, Adorno himself saw the voluntarism and adventurism of the SDS as a pseudo-revolution [Schein-revolution] History has already provided a verdict on the apocalypticism of the leftism of that era, and its political embrace of Stalinism and third-world nationalism, but perhaps in light of the very development of capital and its power over the past 45 years, it is time to take another look at Adorno’s late writings and lecture courses, especially his “Marginalia to Theory and Practice” (first published in 1969), as part of an inquiry into the prospects for the emergence of the proletariat as a revolutionary subject at the present time.

Adorno forges no direct link between Marxist theory and the proletariat as revolutionary subject, but he provides elements for such a link; elements that seem to me to be crucial. Let’s start, then, with Adorno’s distinction between “actionism” and “praxis.” For him, actionism is false or pseudo praxis; indeed it is “regressive.”[22] For Adorno, actionism is “truly conformist”[23] just because it cuts itself off from theory. While actionism’s “pseudo-activity” claims to challenge the power of capital, lacking an adequate theory it ends up consolidating that very power, and the social relations that produce it. Communization cannot emerge from the long road through the institutions, as generations of leftists have claimed; nor can it simply emerge out of the desperation that capitalism produces in abundance. As Adorno said: “Praxis without theory … cannot but fail …. False praxis is no praxis. Desperation that … leaps blindly into praxis, with the purest of intentions joins forces with catastrophe. ….. The requirement that theory should kowtow to praxis … condemns praxis to delusion.”[24] Theory, then, is the vital element if revolutionary praxis is to develop. The impatience with theory that emerges whenever social struggles erupt is the surest way to see those eruptions end with a consolidation of the power of capital.

Adorno’s theory, though, fails to provide any direct link to the proletariat as the revolutionary subject. Indeed as witness to the defeat of proletarian revolution in the 1920’s, the triumph of Stalinist counter-revolution and then of fascism, and finally the spectacle of student “revolutionaries” with Mao’s “Red Book” in hand, and praise for Ho Chi Minh  and Castro on their lips, Adorno’s inability to see the proletariat as a revolutionary subject should not surprise us. Indeed Adorno’s fears about the rising organic composition of man first articulated in the 1940’s, further developed in his texts on the power of the culture industry, culminated in his 1965 essay on “Society,” seemingly leaving little room for revolutionary hope: “Men must act in order to change the petrified conditions of existence, but the latter have left their mark so deeply on people, have deprived them of so much of their life and individuation, that they scarcely seem capable of the spontaneity necessary to do so.”[25] Nonetheless, for Adorno, the fact that the possibility of responding to that danger “is threatened with suffocation” could be “the first condition for an ultimate break with society’s omnipotence.”[26] Adorno’s pessimism, then, was never total

Moreover, today, as a new generation of revolutionaries has now sought to unite Marxist theory with the prospect of revolutionary praxis, with communization, Adorno’s seminal insight that the proletariat literally produces – and continuously reproduces — its own chains, the social relations that imprison it, points directly to the only class that can smash those chains and create a human community. The burden of theory today is to assume the task with which history has now confronted it.

                                                        Mac Intosh

[1] Theodor Adorno, Minima Moralia (NLB, 1974), p.229.

[2] Marx, Capital, volume I (Penguin Books, 1976), p.165.

[3] Werner Bonefeld, Critical Theory and the Critique of Political Economy (Bloomsbury, 2014), p.9.

[4] Christian Lotz, “Capitalist Schematization: Political Economy, Exchange, and Objecthood in Adorno” in Zeitschrift für kritische Theorie, Heft 36-37/2013., p.116.

[5] Christian Lotz, The Capitalist Schema: Time, Money, and the Culture of Abstraction (Lexington Books, 2014), p.19.

[6] Not only were Adorno’s students, including H-J Krahl, H-G Backhaus, H. Reichelt,  avid readers of  what were then Marx’s recently published texts, but so too was Adorno, as the research of Dirk Braunstein, Adornos Kritik der politischen Ökonomie, shows. That would not be apparent to those whose reading of Adorno was focused on Dialectic of the Enlightenment.

[7] Lukács, History and Class Consciousness, (The MIT Press, 1971), p.206.

[8] Ibid., p.198.

[9] Theodor W. Adorno, “Subject and Object,” in Andrew Arato and Eike Gebhardt (eds.), The Essential Frankfurt School Reader (Urizen Books, 1978), p.511. Moreover, as Adorno says, not only is the “subject’s formation” an historical phenomenon, but claims for the subject’s a-historical “nature” is “… a wishful projection at times, but today no more than a lie.” Ibid., p.499.

[10] Alfred Sohn-Rethel, Intellectual and Manual Labour: A Critique of Epistemology (Humanities Press, 1983), p.20.

[11] Ernst Bloch, “Causality and Finality as Active, Objectifying Categories (Categories of Transmission) in Telos, number 21, Fall 1974, p.104. This is from a chapter of Bloch’s at that time still unpublished Experimentum Mundi.

[12] Marx, Capital, volume I, pp. 255-56.

[13] See, for example, Riccardo Bellofiore, “Lost in Translation? Once Again on the Marx-Hegel Connection” in Marx’s Capital and Hegel’s Logic: A Reexamination, Edited by Fred Moseley and Tony Smith (Chicago: Haymarket Books, 2015).

[14] Bonefeld, Critical Theory, p.9, my emphasis.

[15] Werner Bonefeld, “Capital as Subject and the Existence of Labour” in Emancipating Marx: Open Marxism 3 (London: Pluto Press, 1995), pp. 190-191.

[16] Ibid., p. 196.

[17] Ibid.

[18] Werner Bonefeld, “Negative dialectics in miserable times: Notes on Adorno and social praxis,” in Journal of Classical Sociology, 2012: 1 p. 130.

[19] Bonefeld, Critical Theory, p. 222.

[20] Hans-Jürgen Krahl, “The Political Contradictions in Adorno’s Critical Theory” in Telos, number 21, Fall 1974, p.164.

[21] Ibid., p.167.

[22] Theodor W. Adorno, “Marginalia to Theory and Praxis,” in Adorno, Critical Models (Columbia University Press, 1998), p. 273. Adorno himself pointed out that this text was intended as part of a1969  lecture course which ironically had to be suspended because of interruptions by students led by SDS. Ibid., p.126.

[23] Ibid., p. 269.

[24] Ibid., p.265.

[25] T. W. Adorno, “Society” in Salmagundi, No. 10-11, Fall 1969, Winter 1970, p.153.

[26] Ibid.

  1. R.S.
    12/06/2015 à 15:00 | #1

    “D’où parle” celui qui dit que tout le monde est englué dans la marchandise, l’échange, la valeur, le fétichisme et la réification ?

    La valeur en tant que telle est une abstraction nécessaire, mais elle devient une illusion théorique en dehors de sa forme réellement existante : la valeur en procès, c’est-à-dire le capital. Là seulement les questions posées sur les classes, leur luttes et leur abolition sont formulées dans leur véritable élément.
    Mc Intosh parle de classes, de prolétariat parfois et de communisation, mais seulement incidemment de capital, de force de travail, de plus-value et jamais d’exploitation. On balance selon les besoins de la valeur au capital, du prolétaire à l’homme (avec ou sans majuscule), de l’historicité aux hommes “privés de leur vie” (quelle vie si toute nature est histoire -proposition qui révèle son absurdité dès que l’on inverse le sujet et le prédicat), de l’exclusive nature sociale de l’Homme (qui conserve tout de même sa majuscule) aux “formes sociales perverties” (s’il y a perversion il y a authenticité supposée quelque part), du travail à abolir au “pouvoir constitutif du travail social” dont le capital s’empare et pervertit (oubliant que le travail de l’ouvrier est lui-même transubstantiation). Qu’est-ce qui est emprisonné ? un cocktail d’homme et de prolétaire. C’est dans “l’emprisonnement” que réside la contradiction et c’est de par la contradiction que l’emprisonnement est pour lui-même que la contradiction apparaît : “l’emprisonnement” n’emprisonne rien qui ne soit pas sa détermination. Il n’y a pas “d’emprisonnement”. Bref, on bricole quelque chose de vaguement théorique avec un peu d’homme et un peu de prolétaire en espérant que le “name dropping” fasse office de théorie.
    Lukacs avait compris que si l’on voulait formuler le dépassement du fétichisme et de la réification, c’était spécifiquement du mode de production capitaliste dont il fallait parler (et non de l’échange ou de la marchandise en général). Pour lui le prolétaire est porteur d’une marchandise qui fait corps avec lui, c’est la relation entre la valeur d’échange et la valeur d’usage de la force de travail (le sujet-objet identique). Il y a de la dynamique chez Lukacs car il y a le capital et l’exploitation. Le problème de Lukacs c’est d’avoir fait de cette relation entre valeur d’usage et valeur d’échange de la force de travail une essence du prolétariat et une nature révolutionnaire.
    Il a fallu tout un développement historique long et tragique de la lutte de classe pour que s’effondre et soit critiqué cet essentialisme parce qu’avant d’être “hégélien” il était une pratique, une identité de la classe, une configuration vécue des luttes de classe.
    Il suffirait d’un clic informatique pour oublier le cocktail brimbalant et les “perversions” de Mac Intosh.

  2. Anonyme
    21/06/2015 à 09:11 | #2

    Pas un commentaire, une simple question : qui est ce Bonefeld (un Allemand, Autrichien…) dont l’auteur du texte parle ? Il est lisible en français ?
    Maxime

  3. 24/06/2015 à 23:16 | #3

    Werner Bonefeld, d’origine allemande, est un disciple de Michael Heinrich, une figure centrale de la Neue Marx-Lektüre. Depuis pas mal de temps, il vit et enseigne en Angleterre (https://www.york.ac.uk/politics/people/werner-bonefeld/). Comme John Holloway, Richard Gunn ou d’autres encore, il est associé au courant surtout anglo-saxon “Open Marxism” (https://en.wikipedia.org/wiki/Open_Marxism). À ma connaissance, rien n’a été traduit en français.

%d blogueurs aiment cette page :