« Le stalinisme de la canne à sucre »
« Capitalisme d’État et développement à Cuba »
Le dimanche 11 de ce mois, une vague de protestations a débuté dans différentes villes cubaines. L’appauvrissement général, le manque de vaccins, les pannes d’électricité constantes, la situation sanitaire et la gestion par le gouvernement de la pandémie de coronavirus sont quelques-uns des facteurs les plus visibles à l’origine de ces journées de manifestations. Les secteurs de droite, surtout en dehors de l’île des Caraïbes, se précipitent pour tenter d’hégémoniser le mécontentement. Une grande partie de la gauche, pour sa part, soit condamne les masses qui sont descendues dans la rue, achetant en fait la version de droite, soit aussi, plus ou moins timidement, appelle à “plus de démocratie” et à une plus grande libéralisation de l’économie. Mais ce qui se passe à Cuba n’est pas étranger à la scène mondiale. Les révoltes sociales surgissent partout, car ce sont les conditions de vie imposées par la société capitaliste qui sont contestées par ces mouvements. Et, bien sûr, Cuba est aussi capitaliste que n’importe quelle région du monde.
Le texte suivant, publié à l’origine en anglais sur le site “Ritual” (qui n’est plus disponible), puis repris dans d’autres médias (voir : https://mcmxix.org/2018/07/09/sugarcane-stalinism/) traite de la nature capitaliste du régime imposé à Cuba et démonte la mythologie gauchiste qui veut voir dans son histoire le développement d’une forme de socialisme.
Son auteur, Emanuel Santos, un Cubain né à La Havane, a partagé avec nous cette version espagnole, que nous avons légèrement modifiée dans quelques petits détails. La trajectoire politique d’Emanuel va d’une première approche de l’anarchisme, à un intérêt croissant pour l’œuvre de Marx, motivé précisément par le débat au sein des initiatives sociales et des groupes anarchistes. Par la suite, il s’est rapproché des positions et des groupes de la gauche communiste d’orientation “bordigiste” et “conseilliste”.
Allons vers la vie
“L’économie capitaliste, qu’elle soit privée ou étatique, exige une croissance économique sans fin, qui ne peut toutefois être obtenue que par une augmentation du taux d’exploitation ou une réduction de la consommation de la classe ouvrière. La bourgeoisie d’État cubaine a expérimenté les deux stratégies, avec des résultats désastreux pour les travailleurs, qui ont vu leur niveau de vie absolument décimé au cours des six dernières décennies. Dissidents de droite et activistes de gauche, sur l’île et à l’étranger, ont proposé leurs solutions, certaines plus dignes de discussion que d’autres, mais toutes souffrant du même défaut : elles ne remettent nullement en cause les fondements de la société capitaliste. Le consensus général à droite est que l’appareil de commandement devrait être démantelé en faveur d’un système de libre-échange et que les biens de l’État devraient être vendus aux enchères à des entreprises privées ou à des particuliers. En revanche, les avis sont beaucoup moins partagés sur la rapidité avec laquelle il convient de procéder à la dénationalisation (les expériences de la Russie et des pays de l’ancien bloc soviétique sont censées avoir servi d’avertissement contre les dangers d’une “privatisation irréfléchie”) et sur les programmes sociaux qui seront épargnés par la guillotine. Les propositions émanant de la gauche vont de l'”autogestion” à la yougoslave, dans laquelle les entreprises gérées par les travailleurs sont en concurrence dans une économie de marché, au capitalisme d’État “démocratisé”. En effet, l’une des critiques les plus fréquentes de la gauche à l’égard du castro-stalinisme est qu’il exclut injustement toutes les personnes, sauf une poignée, du processus décisionnel. En d’autres termes, il est autoritaire et antidémocratique. Cependant, cette critique confond les symptômes avec la maladie. Le caractère rigide et hiérarchique de l’économie cubaine est un effet secondaire de la propriété étatisée. Sa transformation en propriété privée individuelle ou sa décentralisation par des moyens légalistes ne modifierait en rien son contenu. La seule chose qui changerait dans ce cas serait la forme institutionnelle spécifique du capitalisme. En réalité, toutes les solutions proposées ne sont guère plus que des modifications superficielles du système actuel, tandis que ses piliers essentiels – le travail salarié et l’accumulation du capital – restent fermement en place. Il est révélateur que tous les facteurs cités pour justifier de tels changements – par exemple, l’amélioration de la qualité du retour d’information, l’élimination des gaspillages, l’augmentation de la productivité, la rationalisation des entreprises, etc. En fin de compte, le dualisme gauche-droite ne représente rien de plus que différentes alternatives pour gérer le capitalisme”.
“De manière similaire au Covid et ses mutations rapides, cette conception se décline en différents variants. Ce qui varie est alors principalement la raison cachée des restrictions, celles-ci ne pouvant jamais avoir un objectif avant tout sanitaire. On retrouve par exemple un variant « anti-capitaliste » pour lequel l’objectif des restrictions serait d’enfoncer artificiellement les peuples du monde dans la dette, de les pousser vers des transformations sociales et économiques déjà en cours.”
https://iaata.info/Quelques-reflexions-sur-la-catastrophe-en-cours-4762.html#fnref9