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Le mouvement social «contre la vie chère» frappe la Guadeloupe depuis le 19 janvier et la Martinique depuis le 5 février…

Comment la grève a-t-elle débuté en Guadeloupe ?

Le 19 janvier, les gérants des 115 stations-services de l’île diffusent un mot d’ordre de fermeture illimitée de leurs établissements. Le lendemain, un «Comité contre l’exploitation outrancière» (LKP) appelle à la grève générale. Les blocages affectent les secteurs de l’éducation, des transports, du bâtiment, de la santé, du tourisme, de l’hôtellerie, de l’électricité ou de l’eau, qu’ils soient privés ou publics. Les internautes de 20minutes.fr sont les premiers à relayer l’information, avant l’ensemble des médias.[print_link]

Que réclament les manifestants ?

Les milliers de manifestants de Pointe-à-Pitre exigent notamment une baisse du prix des carburants, des produits de première nécessité, des impôts et des taxes, ainsi qu’une hausse du salaire minimum de 200 euros. Au final, 146 revendications sont énoncées par le collectif.

Qu’est-ce que le collectif LKP ?

Le «Comité contre l’exploitation outrancière» (Liyannaj kont pwofitasyon, LKP) est un collectif qui regroupe 49 organisations, à savoir des syndicats insulaires, des partis politiques (PC guadeloupéen, MoDem, Les Verts, etc) et des associations culturelles militant pour l’identité créole. Son leader et porte-parole est Elie Domota, 42 ans, aussi secrétaire général de l’Union générale des travailleurs guadeloupéens (UGTG).

Comment se sont déroulées les négociations ?

Le 31 janvier, les conseils régional et général de la Guadeloupe proposent 54 millions d’euros pour satisfaire les principales revendications du LKP, qui refuse. Le lendemain, le secrétaire d’Etat à l’Outre-mer arrive dans l’île. Des négociations «quadripartites» (LKP, patronat, Etat, collectivités territoriales) débutent le 4 février. Yves Jégo annonce la réouverture de 25 stations-services et l’application du Revenu de solidarité active (RSA) dans l’île dès cette année, soit avec un an d’avance. Il propose par ailleurs une baisse de 10% des prix de 100 produits de première nécessité dans la grande distribution ainsi que 40.000 billets d’avions aller-retour à 340 euros Pointe-à-Pitre/Paris pour «les Guadeloupéens les plus modestes».

Pourquoi Yves Jégo est-il revenu à Paris ?

Le 8 janvier, un pré-accord sur une hausse de bas salaires est trouvé entre patronat guadeloupéen et LKP, en présence de Yves Jégo. Mais l’accord devait d’abord être soumis à François Fillon et Michèle Alliot-Marie, sa ministre de tutelle. Yves Jégo est alors rentré en métropole pour «faire entendre la voix de l’Outre-mer». Un départ soudain mal perçu par les Guadeloupéens. De retour sur l’île ce mardi, le secrétaire d’Etat a assuré que l’Etat mobilisera près de 190 millions d’euros pour la mise en œuvre de tous les points évoqués dans les négociations. La demande du patronat guadeloupéen de voir l’Etat financer une hausse de 200 euros sur les bas salaires a, elle, été refusée par François Fillon.

Pourquoi la grève s’est-elle étendue à la Martinique ?

Le 5 février, un collectif composé de douze syndicats martiniquais déclare la grève générale en Martinique. Entre 15.000 et 20.000 manifestants se rassemblent à Fort-de-France pour réclamer, comme en Guadeloupe, une augmentation des salaires, des retraites et des minima sociaux, ainsi qu’un contrôle des prix. Les grévistes contraignent plusieurs grandes surfaces à fermer leurs portes. Pour expliquer cette grève tardive par rapport à celle de la Guadeloupe, les syndicalistes jugent qu’il est plus difficile de mobiliser sur leur île que chez leurs voisins. Une situation qu’ils expliquent par un dialogue social mieux rodé en Martinique, où des structures de régulation sociale ont été mises en place ces dernières années.

Où en est-on aujourd’hui dans les Dom ?

Au 23e jour de grève générale en Guadeloupe et 7e en Martinique, les négociations entre les grévistes et le patronat viennent de rependre. La position de Yves Jégo apparaît fragilisée par l’absence de solution à la question centrale de la hausse des bas salaires. Afin d’accélérer la sortie de crise, François Fillon a nommé deux médiateurs, des hauts-fonctionnaires, pour assister le secrétaire d’Etat. Toutefois, une note sur la fixation des prix du carburant aux Antilles et en Guyane, rendue publique ce mercredi, s’avère accablante pour les compagnies pétrolières, accusées de s’enrichir parfois «sans cause» sur le dos des consommateurs. Le document, rédigé par un des membres d’une mission d’inspection interministérielle, critique également l’Etat.

Audrey Garric
Craintes de “chaos” et d'”explosion” en outre-mer

Mardi, François Fillon a botté en touche. Il a jugé que c’était aux partenaires sociaux insulaires de s’entendre sur les augmentations salariales réclamées par les grévistes, et non à Paris de délier les cordons de sa bourse.

Guadeloupe: des négociations doivent s’ouvrir

Les émeutes de mai 1967 à Pointe-à-Pitre?: les forces de l’ordre ouvrant le feu, faisant plusieurs dizaines de morts, sur les manifestants guadeloupéens réclamant des augmentations salariales. Ce n’est pas encore –?heureusement?– une comparaison. Juste, à ce stade, un rappel historique que l’on commence à faire, ces derniers jours, dans les médias français et auquel, d’après des échos, on penserait également en haut lieu. Mais cette simple référence renvoie à un épisode si noir de l’Histoire de France qu’elle en dit long sur la tension actuelle.

Mardi, une réunion interministérielle de crise a dû être tenue à Matignon, autour du Premier ministre François Fillon, à propos de la situation sociale dans les départements d’outre-mer (DOM). Aux Antilles, la Guadeloupe est paralysée depuis trois semaines par une grève générale contre la vie chère, et la Martinique a embrayé depuis une semaine. En Guyane, les syndicats viennent d’annoncer leur volonté de “poursuivre sur la terre ferme le combat” de leurs camarades antillais. A La Réunion, à des milliers de kilomètres de là, syndicats, partis et associations de gauche réunis en un collectif se lancent à leur tour dans la “mobilisation”, estimant que la problématique sociale de cette île de l’océan indien “est la même qu’aux Antilles”.

“Amateurisme improvisé”
Face à cette traînée de poudre contestatrice, Paris visiblement hésite. La semaine dernière, le gouvernement, après avoir tardé à prendre conscience de la gravité de la crise –?qui, significativement, n’a pas été évoquée par le Président Sarkozy lors de sa récente intervention télévisée?–, avait dépêché en Guadeloupe son secrétaire d’Etat à l’Outre-mer, pour y rétablir le calme social. Las, muni d’un mandat de négociation manifestement peu clair, il a dû lundi fausser compagnie à ses hôtes après avoir été rappelé en urgence pour consultation à Matignon. Où l’on n’apprécie guère le coût budgétaire des concessions qu’il s’apprêtait à faire aux grévistes. Et où, surtout, l’on craint visiblement que céder aux syndicats antillais crée un appel d’air rendant difficile le refus de concessions aux syndicats de la métropole.

Mardi, du coup, François Fillon a botté en touche. Il a jugé que c’était aux partenaires sociaux insulaires de s’entendre sur les augmentations salariales réclamées par les grévistes, et non à Paris de délier les cordons de sa bourse. Il a donc renvoyé son secrétaire d’Etat les mains presque vides en Guadeloupe, avec une simple mission de médiation. Mission assurément périlleuse. Et accueil glacial garanti. Au risque de décupler la colère locale et de fâcher encore un peu plus un Nicolas Sarkozy que l’on dit très irrité de l’incapacité de son gouvernement de gérer ce dossier, alors que lui doit déjà affronter une grave crise sociale dans l’Hexagone même.

En attendant, l’opposition socialiste, centriste et écologiste ainsi que les associations noires fustigent “l’improvisation”, “l’amateurisme” et “le désengagement” de l’Etat. Et entrevoient pour les DOM un “chaos” économique et une “explosion” sociale. Qui, à leurs yeux, pourrait bien, dixit la socialiste Ségolène Royal mardi, “être le signe avant-coureur de ce qui peut se passer sur le territoire métropolitain”.

BERNARD DELATTRE

Cet article provient de http://www.lalibre.be

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