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De Poitiers à Paris, les méthodes et l’organisation des groupes autonomes

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es “autonomes” refont parler d’eux. Samedi 10 octobre, à Poitiers, des manifestants cagoulés, masqués, disposant de matériels divers préalablement dissimulés sur leur itinéraire ont commis des actes de violence et de vandalisme dans le centre-ville. Ils s’étaient rassemblés à l’occasion d’un défilé de protestation contre l’ouverture de la nouvelle prison de Vivonne alors que se tenait en parallèle un festival d’arts de la rue. Quatre mois plus tôt, à Paris, le 21 juin, jour de la Fête de la musique, des petits groupes identiques avaient pris pour cible le siège de l’administration pénitentiaire et jalonné leur trajet de caches pour leurs projectiles. [print_link]Dans les deux cas, la préparation et les méthodes employées sont les mêmes. A Poitiers comme à Paris, ces groupes d’autonomes ont joué la stratégie du “coucou” : ils se servent du cadre d’une manifestation, un jour d’événement festif. Un cadre qui permet d’utiliser masques et cagoules, parfois sur le mode carnavalesque.

“Il y avait énormément de monde en ville, tout d’un coup, ils ont sortis leurs masques au milieu de la foule et sont partis en direction de la prison”, raconte la directrice de cabinet du préfet de la Vienne, Anne Frackowiack.

A Paris, des touristes japonaises s’y étaient laissées prendre, en puisant dans la “caisse aux déguisements” déposée sur le sol au départ de la manifestation…

Deuxième point commun : les caches. A Poitiers, des fumigènes et des masses avaient été stockés sur le parcours. De la même façon, à Paris, les policiers avaient découvert, après coup, que l’église Saint-Merri (4e arrondissement) avait abrité un petit arsenal : boules de pétanque, carreaux de plâtre découpés et six mortiers de feux d’artifice.

Enfin quand les groupes s’ébranlent, ils ont revêtu des vêtements noirs (sweats à capuche, bonnets…), qu’ils abandonnent sur place au moment de la dispersion.

“ON N’A RIEN VU VENIR”

Une quinzaine de personnes avaient été interpellées à Paris, après que le siège de l’administration pénitentiaire et un bout de la façade en verre du centre Georges-Pompidou avaient été endommagés. Dix-huit l’ont été à Poitiers où des vitrines de banques et de Bouygues Telecom – dont la maison mère est le constructeur de la nouvelle prison – ont été particulièrement visées.

“On n’a rien vu venir, affirme un responsable policier. Poitiers a été organisé de façon clandestine.” Plusieurs sites Internet avaient évoqué la manifestation organisée par le collectif contre la prison de Vivonne, située au sud de Poitiers. Sur l’un d’entre eux, familier aux autonomes, des internautes s’interrogeaient sur l’opportunité de prévoir une manifestation festive sur le thème de la situation carcérale. Un internaute s’était invité dans le débat, maniant le sous-entendu : “La fête, ça peut vouloir dire plein de trucs…”

Les incidents de Poitiers ont avivé un débat en cours depuis plusieurs mois au sein de la mouvance dite “ultra-gauche” sur la pertinence de telles actions. “Des groupes de militants, ceux que nous appelons “hors-sol”, ont, de fait, pris le contrôle de la manifestation qui regroupait environ 300 personnes, imprimant leurs décisions, leur rythme, leur manière d’agir et leurs fantasmes à l’ensemble”, écrit l’Organisation communiste libertaire (OCL), acteur historique de l’autonomie dans les années 1970, dans un communiqué rédigé par ses militants poitevins.

“A disparu alors, poursuit l’OCL, tout souci d’expliquer le pourquoi de cette manifestation – pas de tract clair, pas de slogan lancé, des banderoles vides de toutes inscriptions! Or, quand de tels messages sont absents, ils ne reste plus que celui des vitrines brisées comme but en soi (…). Ce n’est pas la première fois que cela se produit et il est urgent que les pendules soient remises à l’heure.”

En écho, sur le site alternatif Indymedia, un membre du collectif de Vivonne protestait : “La manif c’était de la connerie pure, les gens ne comprenaient même pas qui nous étions”.

Isabelle Mandraud et Caroline Monnot
Article paru dans l’édition du 13.10.09
LE MONDE | 12.10.09 | 10h46  •  Mis à jour le 12.10.09 | 10h59
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  1. X
    13/10/2009 à 08:42 | #1

    “Poitiers : Eclaircissements récents sur l’impossibilité de quelques affinités”
    Si nous prenons ici l’exemple de la manifestation contre la nouvelle prison de Vivonne à Poitiers (ou plutôt contre le transfert de ses nouveaux détenus), ce n’est pas que celui-ci soit particulièrement emblématique ni parce qu’il fait couler tant de boue parmi les habituels chieurs d’encre militants et/ou journalistes ; il y a juste ce petit quelque chose qui vous fait prendre la plume à des instants où la connerie semble vouloir concurrencer l’espace-temps, et c’est bien le cas peu après cette manifestation, et sans même avoir besoin de mentionner le tourbillon mediatico-policier qui l’enserre.

    Bris de vitrines de banques, de commerces, de locaux journalistiques, de magasins Bouygues (entreprise participant à la construction des prisons) et d’autres collabos, tags dans tout le centre ville, et notamment contre des monuments religieux, des magasins, affrontements avec les flics etc. Bref, le classique d’une manif qui, si elle n’offrait que peu de contenu, n’aura pas servi à rien d’autre qu’à balader son chien.

    Si l’appel à cette manifestation était loin de pouvoir convaincre des sensibilités anarchistes de rupture (notamment avec le gauchisme), et si l’aspect spectaculaire qui ne cesse d’enjoliver cette tendance actuelle du gauchisme radical (et politique) à suivre des maitres à penser (quelques livres à la mode), voire des maitres tout court (comme les Partis, mêmes imaginaires) était si présent dans l’esthétisme qui auréolait cette journée anti-carcérale, ou encore si les bases de cette lutte, qui mettra en avant les aspects les plus superficiels de l’univers carcéral [1] plutôt que l’administration pénitentiaire de nos vies elles-mêmes ; il nous importe quand bien même de défendre la destruction des outils de la domination (peu importe l’échelle de cette destruction) en ce qu’elle dépasse largement les cadres symboliques et spectaculaires pour contribuer par de réels dégâts physiques et matériels à la guerre sociale.

    C’est que souvent, le dégât matériel est méprisé par le militant moyen, qui pense lui, que seule la conscientisation des « masses » peut venir à bout de ce monde, et que donc il faut l’attendre pour agir. Il faudrait, pour que ce dégât porté à l’ennemi soit moralement approuvé, qu’il lui soit infligé par tous les exploités, et au même instant T. Ce qui équivaut, à la lumière du passé, à ne porter aucun dommage au système, à attendre et à crever en n’ayant rien été d’autre que le spectateur pacifié de sa propre vie. Et ils sont nombreux, par exemple, les anarcho-flics, ces éternels commentateurs, à nous délivrer leurs messages de paix tandis que nos cœurs bouillonnent vers la guerre. L’apocalypse qu’ils nous promettent n’est d’ailleurs pas sans rappeler celle que nous promettent les nouveaux leaders philosophiques du gauchisme tacticien post-gauchiste, à la seule différence comptable que celle-ci viendrait plus tard que l’autre. Par ailleurs, comme l’avaient fait remarquer quelques compagnons italiens [2] préoccupés par les tournures tacticiennes et politiciennes de la défense des inculpés de Tarnac et notamment des comités de soutien , « l’insurrection qui vient ne lit pas Libé », il est temps de rajouter que l’insurrection qui vient ne lit pas non plus L’Insurrection qui vient, ni d’ailleurs les communiqués officiels des organisations politiques.

    La « section Poitou » de l’Organisation Communiste Libertaire (OCL) s’indigne du déroulement de cette petite manifestation dans son communiqué nommé avec ce gout de la phrase qu’ont ceux qui veulent rentrer dans les musées : Il n’y a pas eu plus d’émeute à Poitiers le 10 octobre que de socialisme en France en mai 1981 [3]. Ils nous expliquent du haut de leur sagesse d’anciens (il semble devenir de plus en plus difficile de ne pas imaginer de longues barbes blanches à nos sages libertaires), ce qu’est l’émeute, la vraie. « Une émeute, c’est, rappelons-le, un soulèvement populaire mis en œuvre par une partie importante et significative de la population dans un espace politique donné. » Celle-ci est très jolie, nous vous l’accordons, elle contient en elle tout ce que la politique et le démocratisme ont gangréné du cadavre encore chaud de la révolte des résignés. Populaire, populaire… cet adjectif singulier invariant en genre qui fut si longtemps l’apanage des maoïstes et des léninistes, qui le sera encore et toujours des franges les plus réactionnaires et fascistes du spectre de la politique, peut prendre plusieurs sens, tous complémentaires : issu du peuple, appartenant au peuple, destiné au peuple, très connu et apprécié du plus grand nombre, et donc du peuple. Nous ne reviendrons pas encore sur la notion de peuple, qui ne finira jamais de provoquer notre colère contre toute forme de négation de l’individu, qu’elle soit nationaliste, patriotique ou démocratique. Nous espérons aussi ne pas avoir à revenir sur la politique et ses mécanismes de représentation, de séparation, de médiation et de respectabilité. C’est que pour l’OCL du Poitou, l’heure n’est pas à l’attaque et à la destruction de toutes les prisons, il y aurait à régler en premier lieux quelques questions « cruciales » à leurs yeux, assez cruciales en tout cas pour devenir de bons prétextes à la passivité active qui les caractérisent : « Quel sens donner à l’abolitionnisme ? Quelle population croupit dans les prisons ? Dans une société « libertaire », quel sens aura la déviance ? » ; Et pour clôturer le joyeux bal du statu quo social : « faudra-t-il ou non « punir », pourquoi, comment ? ». Le « Pourquoi » et le « Comment » étant déjà la réponse à la question « faudra-t-il punir ? ». Pas besoin de revenir non plus sur les éternelles théories du complot des anarchistes organisés et des trotskistes sur la main de l’Etat derrière chaque offensive contre ses infrastructures ou celles du Capital (« […] les événements décrits succinctement plus haut – qui, répétons-le, ne furent en rien une émeute, et dont la responsabilité revient essentiellement aux forces de l’ordre »). En bref, nous pouvons remercier l’OCL-Poitou pour son expertise révolutionnaire.

    « On parle toujours de la violence du fleuve, jamais de celle des rives qui l’enserrent. »

    Mais au-delà de cette anecdotique organisation permanente à la prétention de représenter autre chose qu’elle même, on a tous pu entendre ici ou là les fonctionnaires de la pacification sociale habillés en révolutionnaires pointer leurs sales gueules, comme toujours. A travestir ce que nous vivons comme des contributions à la création autonome de nos vies, à la libération d’espaces de créativité sociaux comme individuels en un spectacle morbide, au nihilisme, à l’action de sombres desperados romantiques, à une violence aussi systématisée que la non-violence systématisée (le pacifisme) de certains d’entre-eux. Si il serait justifié de pointer du doigt les mécanismes activistes derrières ces rassemblements sans contenu (ou trop peu), rassembleurs, et qui sous prétexte de vouloir parler à un maximum de gens (on en revient à l’adjectif populaire) devront nécessairement passer par les plus petits dénominateurs communs, cette même logique manipulatoire propre à l’intégration des réflexes démocratiques et du catéchisme des foules (qui ont toujours raison) ; Il convient toutefois de rappeler aux politiciens et autres « grands-frères » bien intentionnés, que lorsque qu’éclate notre rage, tout ce qui nous oppresse et se trouve sur notre route à un moment donné mérite de subir nos foudres, qu’il soit vêtu de bleu ou de tracts, et que nous ne tolérons pas les arbitres.

    Le Collectif Contre la Prison de Vivonne, de qui serait venue l’initiative de cette manif (dans le cadre d’une « journée anti-carcérale ») se fend, lui, d’un communiqué [4], le jour d’après, pour y affirmer « que les pratiques utilisées ne correspondaient pas à leurs attentes et qu’un bilan de la stratégie politique émanera de ces événements », tout cela avant d’agiter l’éternel spectre de l’état d’exception, des méthodes policières pourtant si banales (arrestations, fichage, contrôles d’identité…), mais qui seraient « dignes d’une ère ancienne »… Tout cela pour finir par demander la libération des manifestants encore en garde-à-vue. Autant de choses qui de notre coté ne peuvent résonner qu’autrement, puisqu’il y aurait à se dissocier de tout sauf des pratiques ici remises en question dans ce communiqué défaitiste. Mais le non-sens guette toujours l’avidité de reconnaissance des autorités et de la normalité.

    Nous n’étions pas à Poitiers le 10 octobre 2009 parce que nous nous méfions de la forme sans fond et des logiques (ré)activistes, nous ne serons jamais aux cotés de ceux qui assument l’autoritarisme de la condamnation des actes de révoltes, des arbitres politiques qui départagent les bonnes émeutes anti-autoritaires des mauvaises.

    Au plaisir de détruire ce qui nous détruit, ailleurs, sans attendre et tout le temps.

    Quelques anarchistes précipités, Le Dimanche 11 Octobre 2009.

    Notes [1] l’affiche d’appel à cette manifestation « festive » faisait le choix étonnant, par exemple, de souligner que l’on réveillait les détenus bien trop tôt en cas de transfert… (L’affiche est visible ici).

    [2] Cf. Lettre ouverte aux camarades français à propos des arrestations de Tarnac et pas seulement.

    [3] publié le 11 octobre et lisible ici.

    [4] Que l’on peut lire ici.

  2. norman
    13/10/2009 à 11:54 | #2

    si décrié par Muray (hommo festivus),le mot “festif” semble vouloir se redonner un peu d’éclat.

  3. A.D.
    13/10/2009 à 15:48 | #3

    ” (L’affiche est visible ici)
    publié le 11 octobre et lisible ici…Que l’on peut lire ici.”
    ICI ?
    Qu’est-ce à dire ?
    Schuss

  4. SAV
    13/10/2009 à 17:24 | #4

    ICIs :

    1) Affiche http://www.non-fides.fr/IMG/png/manifestationfestive.png

    2) Lettre ouverte aux camarades français à propos des arrestations de Tarnac et pas seulement http://www.non-fides.fr/spip.php?article454

    3) Texte de l’OCL “Il n’y a pas eu plus d’émeute à Poitiers le 10 octobre, que de socialisme en France en mai 1981” http://oclibertaire.free.fr/spip.php?article634

    4) Communiqué sur la manifestation du 10 octobre à poitiers http://anticarceral.poitiers.over-blog.fr/article-communique-37363438.html

  5. allez trincamp
    31/10/2009 à 20:44 | #5

    Un texte sur la défense des comités de soutien à Tarnac : http://nantes.indymedia.org/article/18527

  6. harold
    31/10/2009 à 21:23 | #6

    Franchement, qu’est-ce qu’on cherche en publiant ces pseudo-critiques, à dézinguer la seule tendance théorique un peu consistante ?

  7. A.D.
    31/10/2009 à 22:04 | #7

    . La diversité et les oppositions internes, pour ne pas dire les conflits, au sein de ce courant communisateur sont définitoires de son existence et elles doivent être reconnues.

  8. Patlotch
    31/10/2009 à 23:02 | #8

    AD “La diversité et les oppositions internes, pour ne pas dire les conflits, au sein de ce courant communisateur sont définitoires de son existence et elles doivent être reconnues”

    Je crains de n’avoir pas saisi la substantifique moëlle “théoricienne” de cette lutte des “comités de soutien à Tarnac”.

    Puisque tu cites, AD, la chute de l’Adresse du défunt Meeting (ci-dessous, source http://meeting.communisation.net/ ), tu ne manqueras pas de nous expliquer en quoi, entre autres, ce texte concerne le “sein du courant communisateur”.

    TARNAC ? COMMUNISATRISTE ARNAQUE !

    ” Un courant communisateur existe au travers d’expressions théoriques diversifiées et de certaines pratiques dans les luttes actuelles. Ce courant est le fait d’un certain nombre d’individus ou de groupes partageant aujourd’hui (chacun à leur façon), tant théoriquement que pratiquement :

    •la constatation que toute organisation de classe permanente, préalable aux luttes ou persistant au-delà, est aujourd’hui confrontée à son échec.
    •la conviction que la seule perspective révolutionnaire actuelle est celle de la destruction du capitalisme et indissociablement de toutes les classes,
    •la certitude que la lutte de classes entre le prolétariat et la classe capitaliste est partout dans le monde l’unique dynamique de cette destruction,
    •la critique de toute perspective révolutionnaire incluant une période de transition vers le communisme,
    •la conviction que la destruction du capitalisme n’ouvre pas la voie au communisme mais ne peut qu’être immédiatement la communisation de tous les rapports entre les individus.
    La communisation n’est pas un programme qu’il faudrait appliquer, ni même quelque chose que l’on pourrait d’ores et déjà définir comme un but à atteindre, mais les voies qui y conduisent sont à explorer et cette exploration se doit d’être internationale. La diversité et les oppositions internes, pour ne pas dire les conflits, au sein de ce courant communisateur sont définitoires de son existence et elles doivent être reconnues.”

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