Algérie : “Les émeutes comme action politique”
Diar Echems, Zaatcha, Oued Smar et bien d’autres quartiers de la capitale et dans d’autres villes et régions du pays ne vivent plus qu’avec l’idée de se faire entendre par la seule voie de la manifestation, voire l’émeute et la violence. Samedi dernier, c’était au tour des locataires des chalets d’Alger Plage, dans la commune de Bordj El Bahri, de sortir dans la rue pour dresser des barricades. Pneus enflammés et troncs d’arbres sont empilés, barrant ainsi la route aux automobilistes qui se dirigeaient vers la Tamentefoust.[print_link]
Il semblerait que les émeutiers de Diar Echems ont fait des émules. Les habitants des autres quartiers vivant dans des conditions quasi inhumaines ou faisant face à des problèmes dont la solution est entre les mains des autorités locales ont compris que les manifestations de rue portent leurs fruits et constituent la seule solution pour que les pouvoirs publics daignent les écouter. C’est le dernier recours.En fait, l’émeute est désormais ancrée dans notre société. Elle devient même un mode d’expression et de revendication. Cela devant la sourde oreille des autorités locales. Parce que ce sont elles qui, trop occupées à fouetter d’autres chats, méprisent leurs administrés, refusant même de leur accorder ne serait-ce que quelques minutes pour s’enquérir des raisons de leur colère, faute de proposer des solutions. D’autre part, les émeutiers ne s’expliquent pas au moment où l’on parle d’embellie financière et pendant que les uns et les autres s’enrichissent à vue d’œil et de manière illicite alors qu’eux continuent à vivre le calvaire.
Ce d’autant que les promesses qui leur ont été faites n’ont pas été tenues. Le mépris avec lequel ils sont traités, alors qu’ils ont pris leur mal en patience espérant une issue à leurs conditions de vie, ne pouvait qu’exacerber ces citoyens qui finissent par laisser exploser leur colère et leur refus d’endurer encore ce qu’ils n’ont que trop supporté et depuis trop longtemps. Estimant qu’ils n’ont plus rien à perdre, peut-être même tout à gagner, ces citoyens occupent la chaussée comme ils ont vu d’autres le faire et finir par avoir gain de cause. Parce qu’ils savent et voient que des indus occupants viennent s’installer tous les jours dans des baraques en parpaings attribués par les APC, souvent moyennant une dizaine de millions de centimes, avant de bénéficier de logements sociaux et vendre leurs «logis» à leurs parents. Les émeutes sont devenues un mode d’action politique, un modèle de contre-pouvoir, en l’absence de canaux démocratiques, comme l’affirment beaucoup de sociologues. Cela devient inquiétant. Parce que cela nourrit un peu plus la violence dans un pays qui n’en a que trop souffert. Une décennie de terrorisme et d’effusion de sang est plus que suffisante pour que les gouvernants comprennent une fois pour toute que seules l’ouverture du débat et l’écoute des préoccupations des citoyens, même s’ils n’ont pas de solutions immédiates à offrir, peuvent éviter ces manifestations de rue qui, souvent, dégénèrent en émeutes violente
latribune-online.com
23-03-2010
Par Faouzia Ababsa
Suite aux dernières émeutes qui ont secoué Alger. Plus de 40 arrestations dont 7 mineurs
liberte-algerie.com
23 03 2010-03-23
Les émeutes qu’ont connues, dernièrement, les localités de Birkhadem, Gué de Constantine et les Eucalyptus, enflammant une partie d’Alger, pour dénoncer les conditions de précarité et la malvie auxquelles sont confrontés les jeunes, ont conduit à l’arrestation de pas moins de 40 émeutiers.
Présentés devant la justice pour “attroupement illégal” et “atteinte à l’ordre public et destruction de biens publics”, 9 des mis en cause ont été écroués et 7 mineurs impliqués comparaîtront en citation directe.
Le plus grand nombre d’arrestations d’émeutiers, cette fin de semaine, a été enregistré dans le plus grand bidonville haï Ramli, commune de Gué de Constantine. Les services de sécurité ont procédé à l’arrestation de 23 personnes impliquées de destruction de biens publics en l’occurrence la société Kahrakib qui a été saccagée ainsi que de sabotage des trains électriques. Présentés devant le procureur au niveau du tribunal de Hussein-Dey , 9 émeutiers ont été écroués et 7 autres mineurs vont comparaître en citation directe. Huit autres émeutiers arrêtés à haï Joumhouria, (commune d’Eucalyptus) pour attroupement illégal au niveau de la RN 61 et la RW 168 n’ont eu qu’une citation directe par le procureur du tribunal d’El-Harrach.
Par ailleurs, 5 autres personnes arrêtées à Birkhadem pour attroupement illégal sur la RN 63 ont été présentées devant le procureur de Bir-Mourad-Raïs. Les mis en cause ont été libérés pour comparaître en citation directe à l’audience. Les services de sécurité chargés du maintien de l’ordre public ainsi que les élus locaux ont reçu des instructions pour favoriser le dialogue et une prise en charge des problèmes.
Nouvelle manifestation de mal-logés dans un quartier d’Alger
tsa-algerie.com
21 03 2010
La révolte des mal-logés se poursuit à Alger. Après les jeunes du quartier Ramla de Oued Smar au sud de la capitale, samedi, c’est au tour de ceux des baraquements d’Alger Plage de sortir dimanche en début de soirée dans la rue pour réclamer des logements.
Les manifestants habitent dans des baraques installés au lendemain du séisme qui avait frappé en mai 2003 Boumerdès et sa région, faisant plus de 2300 morts et des dégâts matériels. Ces baraques ont servi à reloger temporairement les habitants dont les habitations ont été détruites ou subi d’importants dommages lors de ce tremblement de terre. Mais depuis ce drame aucune solution de relogement n’a été proposée aux habitants, malgré les promesses des responsables locaux et nationaux.
Les manifestants ont coupé la route adjacente à leur quartier, avec des barricades, et ont brûlé des pneus. A 20 heures passées, la manifestation se poursuivait toujours. Quelques véhicules de police sont positionnés à quelques mètres du lieu de la manifestation.
Sit-in des habitants de Diar El Bahia devant l’APC d’El Madania
letempsdz.com
21-03-2010
«Nous exigeons d’être relogés après les Zaâtcha»
Le syndrome de Diar Echems se propage à une vitesse vertigineuse. Après plusieurs quartiers d’Alger, dont les habitants se sont révoltés parfois violemment pour réclamer des logements, hier c’était au tour des habitants de Diar El Bahia, immeuble de 4 étages de 148 logements où habitent 190 familles dans des conditions déplorables, de se rassembler «pacifiquement» devant le siège de l’APC pour demander leur part du programme présidentiel destiné à la résorption de l’habitat précaire.
«Nous exigeons d’être relogés après les habitants de Zaâtcha», avertit un représentant des citoyens qui comptent canaliser «cette mobilisation» et se constituer en comité de quartier pour «arracher» leurs droits.
Ils étaient hier des centaines de citoyens de Diar El Bahia à se rassembler pacifiquement devant le siège de l’APC qui fait face à leur immeuble, sous très haute surveillance policière.
La sagesse, malgré la tension dans l’air «étouffé» de l’ex-Clos Salembier, l’a emporté. Des négociations entre les forces de l’ordre et les citoyens prêts à faire entendre leur voix ont abouti à la désignation d’une délégation de 4 personnes parmi les habitants de l’immeuble Diar El Bahia, qui a été reçue par le chef de cabinet du wali délégué de Sidi M’hamed.
«Le chef de cabinet du wali délégué de Sidi M’hamed a promis que notre dossier sera prioritaire», souligne un des représentants des citoyens que nous avons rencontrés sur les lieux lors de notre passage. «Les autorités locales ont été maintes fois alertées sur l’état plus que délabré de notre immeuble, mais toutes nos tentatives sont restées jusque-là, vaines», nous affirme-t-on.
Et un autre citoyen d’ajouter : «Cette fois-ci, nous avons fait une protestation pacifique. Nous exigeons d’être relogés après les habitants de Zaâtcha, car notre souffrance n’a rien à envier à la leur». Le même citoyen menace : «Si aucune mesure n’est prise pour nous sortir de ce calvaire qui dure depuis des lustres, ce sera comme partout ailleurs, la prochaine fois, l’émeute.
Le P/APC étant absent lors de notre passage pour cause de participation au congrès du FLN, nous dit-on, ainsi que le SG de la commune, nous avons pu joindre en fin d’après-midi le vice-président de l’APC qui explique que l’attribution de logements n’est pas une prérogative de l’APC.
«Nous savons très bien dans quel état vivent les habitants de Diar El Bahia mais à l’heure où je vous parle, l’immeuble n’est pas programmé dans la liste des citoyens à reloger», affirme-t-il.
«Nous allons faire tout notre possible pour qu’ils soient relogés, nous défendrons leur dossier et nous espérons qu’ils seront relogés d’ici la fin de l’été», promet-il.
Après les émeutes des habitants de Diar Echems, le wali d’Alger a annoncé un vaste programme de relogement dans le cadre de la résorption de l’habitat précaire, entamé avec le relogement de 512 familles de ce quartier.
D’autres quartiers leur ont emboîté le pas comme ceux de Djnane Sfari à Birkhadem, Zaâtcha ou encore tout récemment ceux de «Grégory» à Kouba, où les habitants exigent leur «part du gâteau».
Diar El Bahia, 190 familles dans le calvaire
Diar El Bahia, un immeuble de 4 étages, est situé juste en face du siège de l’APC. Construit en 1958, selon ses habitants, l’immeuble qui abrite 190 familles (700 personnes) et «destiné à tenir 20 ans au plus», raconte un citoyen, n’a jamais fait l’objet de travaux de réfection.
Nous avons constaté de visu son «état de délabrement avancé», surtout à l’intérieur. Nous avons visité quelques habitations où s’entassent des familles parfois dépassant 10 membres, dans des conditions on ne peut plus déplorables. Des habitations de 27 à 35 mètres carrés, aux murs délabrés, des balcons qui risquent de tomber à tout moment, sans oublier les escaliers fissurés qui risquent aussi de s’effondrer.
«La seule fois que les autorités locales ont effectué des travaux, c’était il y a quelques années déjà, sur les balcons. Une jeune fille avait trouvé la mort en tombant du 3e étage».
«Constatez par vous-même les conditions dans lesquelles on vit depuis l’indépendance», nous dit encore une femme d’un certain âge lorsque nous avons franchi le seuil de sa «maison», un petit espace, des matelas à même le sol, un balcon jonché de tous types de «matériels» et une cuisine qui abrite… les toilettes.
«C’est insupportable, ça ne peut plus durer comme ça», dit-elle, avant qu’un autre habitant n’intervienne pour tirer à boulets rouges sur le P/APC.
«Lui, il est bien loti, il a même attribué un logement à sa fille, célibataire de surcroît, alors que chez nous, pas moins de 90 jeunes en âge de se marier attendent encore à cause de la vétusté des lieux», peste-t-il. Dans la requête transmise hier aux autorités locales, les habitants de la cité énumèrent les autres problèmes auxquels ils font face quotidiennement :
«Le fort taux d’humidité rend caduc tout travail de réfection», écrivent-ils, déplorant le non-raccordement de l’immeuble au gaz de ville.
Aussi, ils citent le calvaire des habitants du rez-de-chaussée qui souffrent de l’absence «des rayons de soleil» en raison de la construction d’un centre de formation dans la cour de l’immeuble, infesté par les rats et les insectes, en plus des odeurs nauséabondes insupportables en été.
Un incendie s’est déclaré récemment dans les caves de l’immeuble qui a failli emporter des vies humaines. Et le P/APC a tout fait pour qu’une équipe de télévision qui s’est déplacé sur place ne montre la réalité, lui affirmant que tous nos problèmes seront pris en charge», affirme un citoyen en colère.
«Nous nous laisserons pas faire», conclut-il. Les autorités locales sont averties. Diar El Bahia est un autre foyer d’émeute à «éteindre».
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