Vidéo polémique

Il n’est pas question de faire comme l’Huma et de ressortir le vieil épouvantail  “casse égale provocation”.Cela dit, ça existe aussi et pour une fois, on a une vidéo….



sinon, on la trouve également sur le site d’arrêt sur image avec le reste de ce texte


Une vidéo de l’agence Reuters prise dans une manifestation parisienne, qui circule sur le Net, pose de nombreuses question sur l’attitude des policiers en civil dans les manifestations. Si aucune preuve n’accuse ces policiers de “casser” eux-mêmes, leur complaisance devant les casseurs attise le débat.

A coups précis, il fracasse la vitrine. Samedi 16 octobre, aux environs de 19 heures sur le boulevard Diderot à Paris, un “casseur”, visage masqué, s’en prend méthodiquement à la devanture d’une agence bancaire, poteau en métal à la main. Il est sorti d’un groupe de manifestants masqués pour la plupart, munis de fumigènes, partis de la place de la Nation à la fin de la manifestation officielle contre la réforme des retraites. Comme le raconte en détail Rue89, certains d’entre eux cassent des abribus et quelques vitrines, suivis de près par des policiers.

Devant la banque, un passant tente d’arrêter l’homme qui casse la vitrine, mais se fait frapper dans le dos par un autre homme masqué, qui saute en l’air et lui donne un coup de pied, avant d’éloigner journalistes et manifestants, une matraque à la main. Les images, spectaculaires, ont été mises en ligne sur Youtube par un compte anonyme (“parisactu”), créé pour l’occasion. Une première vidéo, sans le son, a été postée dès le 16 au soir. Une seconde, avec le son, et enrichie d’un ralenti pour revoir la scène plus calmement, a été postée le lendemain.

Après la scène de l’affrontement, assez confuse, la caméra filme la fin du “cortège sauvage”, avec des interpellations par des policiers en civil, après que les manifestants ont tenté d’occuper l’opéra Bastille.

La vidéo est rapidement reprise et commentée sur internet. En moins d’une semaine, elle totalise près de 150 000 vues. Et très vite, des soupçons sont formulés, tant dans les forums de Youtube que sur des sites et des blogs : les casseurs filmés par la caméra ne seraient-ils pas des policiers en civil, en pleine action pour dégrader l’image du mouvement ou provoquer les manifestants les plus violents ? Il est vrai que ces images posent de nombreuses questions.

D’abord, comment la vidéo a-t-elle été mise en ligne ? Les images de vendredi soir proviennent bien d’une caméra de Reuters, confirme-t-on à l’agence à Paris. Mais impossible d’en savoir plus : pas de commentaires, ni sur la façon dont elles ont “fuité” sur le net, ni sur leur contenu. En revanche, @si a pu joindre la personne qui les a postées sur Youtube. Elle indique “n’avoir aucun lien avec Reuters” mais précise que les images circulaient dans tous les médias audiovisuels et toutes les agences de presse, via les canaux satellites habituels utilisés par l’agence pour diffuser ses vidéos. D’ailleurs, la séquence a été utilisée le 19 octobre en ouverture d’un sujet de BFM TV sur les casseurs. Et celui qui a posté la vidéo ne souhaitait en effet pas du tout démasquer des policiers en civil, mais “montrer qu’une minorité pouvait perturber le message d’une grande manifestation pacifique…”

“des flics en civil, ça ne fait aucun doute”

Les réactions hostiles n’ont pas tardé. Dans les commentaires de Youtube, d’abord, où des internautes pointent par exemple “les rangers, le bâton, les gestes militaires pour écarter les gens, les coups au vieux faussement donnés pour impressionner, l’escouade de flic en civil qui intervient immédiatement pour exfiltrer les deux types… Ca ne fait presque aucun doute qu’il s’agit de flics en civil.” Et dès le dimanche matin, un très court article posté sur BellaCiao.org, site proche de l’extrême-gauche, s’interroge : “Une personne casse une vitrine de banque. Une autre personne essaye de l’arrêter mais se prend un coup de pied d’un troisième qui tient apparemment une matraque dans la main. Ensuite la personne qui cassait la vitrine est entouré de ce qui est présenté comme un “anarchiste” (mais qui pourrait tout à fait être bien autre chose…) et se fait exfiltrer pendant que les manifestants leurs lancent des objets dessus. Aurions-nous là une preuve flagrante de manipulation , d’infiltration afin de stigmatiser le mouvement social ?” L’article essaime sur le net, par exemple sur La banlieue s’exprime, News of tomorrow, ou encore ici, là ou là. Des blogueurs du Post s’interrogent également, après que la vidéo a été relayée par le Zapping du web du site, lundi 18.

Le scepticisme est aussi largement alimenté par un témoignage, repris de site en site. Il est présenté comme celui de la fille de l’homme aux cheveux blancs qui a tenté d’empêcher le casseur de fracasser la vitrine de la banque. Le témoignage a été posté à l’origine dans les commentaires sous un article de Rue89 qui cite l’altercation devant la banque. Sous la signature “Sophie24Barbes”, il met clairement en cause l’attitude des policiers qui encadraient les membres du cortège sauvage : “Comment ont-il pu passer ? Comment les CRS ne les ont ils pas croisé ? Impossible ! Les “casseurs” descendaient la rue le champ libre. Toute la place pour eux. Plus un flic à l’horizon. Ils étaient pourtant loin de se cacher. D’autre “casseurs” on tenter de calmer la situation.”

Le témoignage se demande aussi si des policiers n’étaient pas mêlés aux casseurs : après le coup de pied reçu par le père de la jeune femme, “un homme, la cinquantaine, très calme, habillé d’un imperméable gris m’a prise de côté et m’a dit de me calmer : “C’est une erreur”. Non les flics n’était pas là, quoique. Qui était cet homme en gris. Pas un anarchiste c’est sûr ! Il avait l’air d’encadrer le groupe. Un flic ?”

Contactée par @si, la jeune femme, Sophie de Quatrebarbes, confirme avoir envoyé le message : “J’ai été très choquée de la façon dont les policiers avaient laissé faire les manifestants violents, alors que la manifestation s’était bien passée, de façon très bon enfant. Les casseurs n’ont pas pu ne pas croiser de policiers, ils descendaient le boulevard Diderot alors que des dizaines de cars de police l’avaient remonté à peine quelques minutes avant !” C’est “encore sous le coup de la colère”, environ deux heures plus tard, que la jeune femme a laissé son témoignage sur Rue89 : “Je ne voulais pas que les journalistes n’aient qu’une version de ces incidents. Je suis allé sur Liberation.fr, mais j’ai eu l’impression qu’il fallait être abonné pour laisser un message, alors je suis allé voir Rue89, et j’ai constaté qu’ils parlaient déjà de l’événement. Ca m’a confortée. Je me demande toujours s’il n’y a pas eu manipulation pour avoir des images de violence. J’ai fait circuler le témoignage à mes amis, et je l’ai envoyé à l’AFP et à un journaliste de Marianne que je connais.”

Bertrand de Quatrebarbes, le père de la jeune femme, qui apparaît dans la vidéo, partage ses doutes. Il raconte à @si : “Nous étions dans un café avec ma femme et ma fille après la manifestation. Quand j’ai entendu du bruit, je suis sorti et vu le cortège qui approchait avec des pétards et des fumigènes. J’ai vu un homme cagoulé commencer à détruire la vitrine. Je croyais qu’il était jeune et je n’ai pas réfléchi, je suis intervenu. Un lycéen ou un étudiant, même avec une barre de fer, ça ne me fait pas peur. Mais c’était un homme, dans la trentaine, et il a été sidéré de mon intervention.” Plusieurs points lui “semblent bizarres” : “Le “ninja” qui m’a frappé dans le dos ne m’a pas fait mal du tout, le coup n’était pas du tout fort. Après, plusieurs personnes se sont mises autour de moi et m’ont donné des coups pas violents du tout, quasiment des faux coups, jusqu’à qu’une voix autoritaire dise “Lâchez-le”. C’était l’homme au visage découvert, qui a ensuite parlé à ma femme et ma fille, qui avait la main en sang pour s’être pris une bouteille de bière lancée par un casseur. J’ai eu l’impression que les gens qui m’ont entouré m’ont en fait protégé pendant le moment violent. Mon hypothèse ? C’était des policiers qui avaient des consignes pour laisser faire des dégâts matériels, mais surtout pas de blessés.”

La préfecture : pas de commentaires
Devant ces données problématiques, les positions des journalistes sont variées. D’autant que la préfecture de Police de Paris, interrogée par @si comme d’autres, “ne commente pas ces affirmations”. LePost conclut “qu’il ne s’agirait pas de policiers, selon la version d’un journaliste et une observation minutieuse de la vidéo”, mais sans vraiment expliquer pourquoi. Pour l’Humanité, les choses sont tout aussi claires, mais dans le sens inverse : les casseurs de la vidéo sont “loin du «voyou des cités» décrit par le Figaro. D’autant qu’il était accompagné, selon des témoins, «d’une dizaine de photographes» qui immortalisaient la scène –pour qui ? D’ordinaire, les casseurs, les vrais, les attaquent et les volent. On peut dès lors se demander pourquoi ils se sentaient si en sécurité auprès de ces casseurs-là…” Quant à Rue89, sa rédaction reste prudente et ne tranche pas : “Casseurs et policiers en civil se mêlent les uns aux autres, sans qu’il ne soit aisé de les distinguer, comme lors de l’agression devant le Crédit Lyonnais. Les riverains de Rue89 ont d’ailleurs été nombreux à réagir, mais pas tous dans un sens identique: les mêmes personnes étant parfois désignées comme des casseurs, parfois comme des policiers en civil.”

Pour un des “riverains” du site, les choses sont en effet claires. Il s’agit d’un homme ayant participé au “cortège sauvage”. Dans les commentaires, il répond à Sophie de Quatrebarbes, en lui rappelant qu’ils se sont parlé samedi. “Sur le passage avec ton père, les 3/4 au moins des gens qui se sont mêlés à l’embrouille étaient des flics, affirme-t-il. C’est triste à dire mais dans le cortège il y avait un bon tiers de civils infiltrés, ils ont d’ailleurs tous sortis leur brassards au moment de l’entrée de la manif dans l’opéra, c’était impressionnant, on pensait être entourés de camarades et en fait on était limite en minorité…”


“Entrés dans l’opéra, ils ont mis leurs brassards…”

Pour un manifestant qui a accompagné les manifestants masqués, et qu’@si a pu joindre, les choses sont encore plus tranchées. Ce jeune homme, qui se dit “habitué des cortèges sauvages”, précise bien qu’il ne parle qu’en son nom, et ne veut être présenté “comme le porte-parole de personne”. Il confirme la présence massive de policiers en civil : “Quand nous sommes entrés dans l’opéra Bastille, un petit tiers des gens qui nous accompagnaient se sont mis à nous interpeller et à nous mettre par terre. Puis ils ont mis leurs brassards de la police.” Il se dit “sûr à 100% que les membres du groupe qui ont entouré l’homme aux cheveux blancs en faisant semblant de lui donner des coups étaient des flics : ils étaient sur le côté, pas dans le cortège, et ont accouru quand ils ont pensé que ça pouvait dégénérer, pour protéger cet homme, mais aussi exfilter celui qui cassait la vitrine.” Mais il va plus loin. Selon lui, le “ninja” de Quatrebarbes était lui aussi un policier, ainsi que l’homme s’attaquant à la vitrine, même s’il admet “que pour ces deux là, ça peut se discuter”.

Le jeune homme que nous avons interrogé donne des “indices” : le “ninja” lui a semblé se déplacer comme un policier face à la foule. D’ailleurs, la vidéo peut laisser penser q’il est armé d’un tonfa,

Il assure aussi avoir vu l’homme un peu plut tôt en tête de cortège, “chauffer les gens, mais sans savoir où on allait, alors que le mot d’ordre était très clair pour les vrais manifestants”.

Et le fait qu’il ait pu repasser quelques instants plus tard près des policiers en civil sans être importuné alors qu’il avait menacé des gens avec sa matraque lui semble très suspect.
Tonfa

Idem pour celui qui cassait la vitrine tout seul. Il est simplement exfiltré de la scène, mais pas interpellé, “alors que même pas vingt minutes avant, un homme qui faisait des graffitis a été mis par terre et interpellé de façon musclée”. De plus, pour notre témoin, le casseur “a agi anormalement : d’habitude, ceux qui cassent le font en groupe, pas isolé comme ça, justement pour éviter les interpellations”.

Son analyse rejoint en partie celle de Jean-François Herdhuin, ancien commissaire de police, spécialiste des manifestations, interrogé ce jeudi par Rue89 : “Pour moi, l’homme à la matraque, on dirait un policier. Mais je ne suis pas sûr à 100%, car son comportement est anormal, il s’isole dans la foule. Normalement, il devrait avoir un brassard… Parfois, pour ne pas se faire lyncher, les policiers en civil ne le mettent pas. “

La consigne : “laisser casser”
L’ex-policier ne croit à la provocation ouverte de policiers, désireux de laisser faire les casseurs pour donner une mauvaise image des manifestants. “Aujourd’hui ça ferait scandale en interne, assure-t-il… La manip dans une manif, c’est dangereux pour tout le monde: pour les politiques et pour les manifestants. (…) Si on est sûr de discréditer les manifestants par une non-intervention alors que les gens cassent, ça peut être politiquement très réussi. Mais cela peut aussi se retourner contre les politiques avec un drame, la mort d’un jeune par exemple.” Malgré leur différence de bord, et bien qu’il pense que c’est un policier qui attaquait la vitrine, notre témoin manifestant est à peu près sur la même longueur d’onde, et estime que face à un risque potentiel, les policiers ont tenté de limiter les dégâts : “Je crois que les flics ne sont pas intervenus tout de suite pour ne pas que ça dégénère. Ils ont attendu qu’on arrive à Bastille et là nous ont attrapé. C’était un guet-apens !” Un syndicaliste policier disait la même chose à la Croix peu de temps auparavant, en assurant qu’il arrive que les policiers aient pour consigne de “laisser casser”, car, expliquait-il, un gouvernement “joue sa survie en cas de manifestation qui tourne mal”.

Si nul ne conteste qu’il arrive traditionnellement à des policiers en civil “d’infiltrer” des manifestations, jamais, à notre connaissance, des fonctionnaires n’ont été surpris en flagrant délit de “casse” eux-mêmes. En mai 2009, le Canard enchaîné avait assuré que des policiers avaient été vus en train de faire “monter la pression” dans un cortège parisien, en “invectivant les gendarmes” et en “prenant à témoin la foule”. L’info avait été relayée par Métro par exemple, mais la Préfecture avait démenti.

Jean-Luc Mélenchon assure néanmoins qu'”il y a des moments où on trouve que certains groupes ont un comportement un peu étrange: nous voyons des gens qui cinq minutes jettent des pierres et la minute d’après, ont un brassard…” Le leader du Parti de gauche a retenu la leçon de la vidéo de Reuters et appelle ses troupes à “photographier et filmer beaucoup”, avant de “tout mettre sur les réseaux sociaux, c’est la meilleure des protections”

trouvé sur arret sur image

  1. Patlotch
    22/10/2010 à 11:46 | #1

    J’avoue ne pas avoir de proximité avec des “casseurs”. La provenance et les motivations sociales et/ou idéologique sont la plupart du temps évacuées, comme si “le casseur” était une identité pertinente pour l’analyse, comme s’il n’avait pas de réalité sociale en dehors de cette activité. Il me suffit des témoignages de mon fils au collège – qui a été bloqué par des collégiens, avec intervention de la BAC – pour savoir qu’il n’y a pas ou plus de solution de continuité entre éléments intérieurs et extérieurs. Le casseur militant, spécialisé, tend à devenir minoritaire, même si les formes d’actions peuvent être les mêmes. Bref, et contrairement au consensus “ils font chier tout le monde”, entre démocrates anti-réformes et partisans de la réforme, “otages”, patrons ou politiques, ils ont tout à voir avec les luttes en cours. Le discours d’Hortefeux est plus réaliste à cet égard que celui de Mélanchon (quelle merveilleuse idée de flic que de “tout mettre sur les réseaux sociaux”, puisque cela a conduit en prison pris en photos sur le fait… “la meilleure des protections”, pour qui ?).

    A cet égard, il est nécessaire de considérer les choses sous l’angle du contenu, relativement à des motivations ou des objectifs, même limités, immédiats, dans le feu de l’action, souvent imprévisible et incontrôlable par quiconque.

    Il me semble qu’il existe alors toute une palette de possibilités qu’on ne peut apprécier qu’en relation avec une situation particulière, non de façon générale, et selon la position “théorique” que l’on adopte dans le conflit. Certains vont au casse pipe, ou se laissent entraîner, dans des actions qui ont parfois toutes chances d’aboutir à se faire ramasser par la police, avec ce qui s’en suit sur le plan judiciaire. Cela peut être par simple erreur tactique comme par mauvaise appréciation du rapport de force, sans besoin de piège ou manipulation.

    Au delà du classique de la “provocation policière” ou du rôle de “traitres” des “lumpen prolos” chers aux ‘lutteurs ouvriers’, il y a bel et bien des policiers infiltrés dans certains milieux, qui doivent jouer le jeu, faire leurs preuves aux yeux de leurs camarades, qui en rajoutent dans la casse, et qui sont exfiltrés en cas de danger pour eux, avant d’être grillés s’ils sont repérés. Cela peut être le cas de l’exemple donné.

    Considérer les choses selon le contenu, c’est se donner des critères d’analyse en rapport avec ce qu’on veut. Si “notre” objectif, c’est de participer à ce qui se passe comme moment entre les luttes actuelles et la révolution/communisation, sans possibilité de la provoquer actuellement comme montée en puissance de ces luttes sur leur base peu ou prou revendicatrice, il est alors évident que l’essentiel des commentaires, quand ils ne comportent pas d’éléments d’information significatifs sur les faits, même chez les plus radicaux dans ce mouvement, n’a guère d’intérêt pour y voir clair de “notre” point de vue.

    Dans l’attente de témoignages plus précis sur des aspects peu médiatisés ou déformés des événements actuels, une bonne sociologie d’ensemble, il me semble qu’une dimension importante, et nouvelle, est l’irruption massive de l’illégalité, avec les risques afférents avec ou sans violence, comme élément déterminant dans la dynamique d’ensemble. C’est ce que masque tout discours sur “les casseurs” comme phénomène en soi coupé de cet affrontement social comme tout. La limite à la prise de risque est massivement, quoi que l’on puisse obtenir, que ça doit recommencer comme avant, reprise du boulot, avec ce qu’on aura gagné ou perdu. Exemple ce matin, le salarié de la raffinerie de Grandpuits, réquisitionné, qui “ne veut pas perdre son boulot ni faire de la prison”. Autrement dit, le blocage de l’économie est vu comme un moyen de gagner la bataille, toutes choses égales par ailleurs concernant le capitalisme, et non comme une déclaration de mort à l’économie. Aller plus loin, “franchir le pas”, serait de considérer qu’on peut sortir de la règle du jeu du salariat etc. Même si dans “grèves”, il y a “rêves”, difficile de les prendre pour la réalité.

    Toujours est-il qu’un acquis majeur de ces événements, la meilleur antidote contre l’idéologie démocratique, c’est la preuve faite à grande échelle qu’elle est un frein et un obstacle à la victoire des luttes, même dans des objectifs syndicaux limités. S’il avait fallu voter toutes les actions qui ont eu un impact déterminant sur la montée en puissance du mouvement, il ne se serait rien passé.

  2. Anonyme
    23/10/2010 à 01:47 | #2

    Un peu bizarre de voir ce type d’info relayée ici… vraiment.

    Quelques textes trouvés sur Internet sur les casseurs ou sur l’exemple précis :
    http://paris.indymedia.org/spip.php?article3523
    http://paris.indymedia.org/spip.php?article3560
    http://paris.indymedia.org/spip.php?article3570

    et sur les pratiques entre autres :
    http://paris.indymedia.org/spip.php?article3628
    http://paris.indymedia.org/spip.php?article3671

  3. pepe
    23/10/2010 à 09:28 | #3

    Rien de “bizarre” la dedans. D’abord, l’article d’ “arrêt sur image” est extrêmement prudent…
    Ensuite, un des articles que tu proposes en contre argumentaire se trouve… trois articles plus bas sur la même page de dndf!! Les commentaires qui sont liés aux articles sont, eux, pour le coup très clairs!
    Il n’y a ucune apologie du complot chez dndf, de même qu’il n’y aucune apologie de la violence romantique.
    On craint degun:on ne “retiendra” aucune info ou polémique repérées sous prétexte que ça pourrait servir ou desservir quiconque.On se saisira de tout débat, toute polémique, tout information, si on considère qu’elle a un quelconque intérêt.
    On sait pertinement que la violence “minoritaire” est stigmatisée depuis toujours (ce qui n’empêche pas d’avoir un point de vue dessus!).
    On sait aussi que le pouvoir manipule les images de violence, depuis toujours et qu’il lui arrive de les alimenter.

  4. A.D.
    25/10/2010 à 23:29 | #4

    “Ce midi, une fois de plus, la ligne de front du conflit social s’est dessinée, non pas entre travailleurs et flics, mais entre partisans de la domination et partisans de son renversement. Si cet antagonisme apparaît explicitement au moment des affrontements avec les milices de l’État, la rupture existe déjà en permanance au sein du mouvement, qui vit et évolue en fonction de cette division fondamentale. Un mouvement réellement contestataire ne naîtra que d’une scission préalable de celui-ci en deux camps distincts et antagonistes.”

    Je copie ce bout de commentaire de cette semaine, les brèves du désordre :agitation bordelaise, de la semaine passée.
    Le milieu radical peut, au plus, au mieux, participer à cette scission, à ce passage à l’acte d’écart, pas forcément plus ou mieux que quiconque dans le rythme.

    La scission, ou fraction pour moi, c’est la cristallisation des limites de tous ordres d’une part dans l’impossible affirmation du travail sans affirmation corrolaire de son exploitation, d’autre part et en opposition totale c’est l’affirmation du dépassement des classes par et dans une dynamique de luttes de classes. La fraction de classe c’est la critique de la classe par la classe, c’est contre le capital et dans le rapport d’exploitation la critique pratique et théorique de la classe du travail dans ce qui la fonde, et qui fait son unité aliéné.
    La classe se bat contre elle-même pour se battre contre l’ensemble du rapport, c’est de cette battaille que peut sortir un mouvement de communisation, m’est avis.

  5. Patlotch
    26/10/2010 à 11:27 | #5

    @A.D.

    L’écart, au sens de Théorie communiste, est créé à l’intérieur des luttes par la dynamique à l’intérieur des limites. Certes, c’est une dynamique, une tendance à l’affrontement avec sa propre existence de classe, comme limite des luttes dans et contre le capital. Mais fondamentalement, la lutte est contradiction entre prolétariat et capital, et les clivages au sein du prolétariat découlent de ce rapport fondamental, l’exploitation, y compris comme concurrence pour le travail et le salaire.

    Dans le texte cité des Brèves du désordre, est mis en avant non le rapport d’exploitation, mais “la domination” et les clivages que celle-ci induit dans la classe exploitée, présentés comme “une rupture au sein du mouvement”… “division fondamentale”… “scission préalable”… produisant “deux camps antagonistes”… au sein du prolétariat, donc. A mon sens, c’est un glissement de compréhension du fait que c’est fondamentalement le rapport d’exploitation qui crée les rapports de domination et leur manifestations étatiques répressives, policières.

    Ces clivages, oppositions, conflits internes au prolétariat, même s’ils en sont une manifestation, une conséquence, ne constituent pas en eux-mêmes l’écart au sens théorique (l’écart est une abstraction, le concept théorique de la dynamique de remise en cause de l’appartenance de classe dans la lutte). S’il y avait un objectif révolutionnaire à creuser l’écart, c’est en tant que cela permettra de “franchir le pas” d’une remise en cause de son appartenance de classe par le prolétariat. Ce n’est pas un but en soi de créer une scission, comme “passage à l’acte d’écart”. Il s’agira au contraire d’élargir le processus, de gagner de plus en plus de couches prolétaires à cette remise en cause.

    Il ne m’apparaît d’ailleurs pas, contrairement à la position de ce texte et heureusement, que “le milieu radical” se donne pour objectif cette scission en deux camps “antagonistes” au sein du prolétariat (je rappelle qu’antagonisme définit une contradiction dialectique dont la résolution conduit à la suppression d’un des termes). Même si ces affrontements oppose(ro)nt ceux qui veulent rester ce qu’ils sont et ceux qui veulent l’abolir, il est extrêmement réducteur de voir le problème de l’abolition du capital en termes d’antagonisme interne au prolétariat.

    De la confusion du rapport essentiel d’exploitation, qui définit le capital et génère la lutte de classes, à la domination et à la police qui en découlent comme nécessaires, on glisse à considérer comme “fondamental” la scission interne au prolétariat, comme moteur de sa remise en cause de son existence de classe et de la production de son auto-transformation révolutionnaire.

    S’il y a des conflits internes, il ne s’agit pas de viser le fractionnement, mais le contenu de la lutte fondamentale entre prolétariat et capital. Ils ne sont pas une médiation dans laquelle “la classe se bat contre elle-même pour se battre contre l’ensemble du rapport” (AD)

    “Tenter de briser les divisions entre prolétaires sera toujours positif, et ira forcément contre l’organisation de type syndical, qui finit toujours par séparer ce qu’elle est censée réunir.” Trop loin, ‘Sortie d’usine’ http://troploin0.free.fr/ii/index.php/textes/50-sortie-dusine?start=4

  6. A.D.
    26/10/2010 à 16:23 | #6

    “A mon sens, c’est un glissement de compréhension du fait que c’est fondamentalement le rapport d’exploitation qui crée les rapports de domination et leur manifestations étatiques répressives, policières.”,écris-tu.
    Je ne vois pas la domination produite par l’exploitation pour plusieurs raisons : la domination précède l’exploitation avant d’en procéder( les classes avant le mode de production capitaliste), la domination est aussi de genre( la classe comme divisée sexuellement), conformant l’édifice social au but visé -le but se confondant avec le moyen, il n’y a pas pour moi de moment séccable : d’abord l’exploitation qui crée la domination, mais plutôt un tout très intriqué

    “. Ce n’est pas un but en soi de créer une scission, comme « passage à l’acte d’écart ». Il s’agira au contraire d’élargir le processus, de gagner de plus en plus de couches prolétaires à cette remise en cause.”
    Pas un but ? inclure de plus en plus, de prolétaires? sûrement mais dans un mouvement du style centri fugeuse : force centrifuge et centripète, c’est le mouvement même qui force à s’y maintenir ou à s’en dégager.
    Je pourrais dire ad contrario que l’abolition du rapport entre classes est identique à l’antagonisme interne au prolétariat : s’abolir en tant que classe c’est abolir le rapport de classes. La classe ne peut monter en puissance dans une perspective d’abolition des classes, ‘”briser les divisions entre prolétaires” ce n’est pas uniquement incorporer, il s’agit aussi d’un conflit interne, d’une définition hors rapport, contre la totalité du rapport, sans possibilité de négociation.
    La question n’est pas “S’il y a des conflits internes…”, ils y sont : les jaunes sont un conflit interne, les syndiqués à mégaphone gueulant dedans, à Bruxelles comme à Bordeaux :”La police fait son travail, les policiers sont aussi des travailleurs.”, qui annoncent la couleur sont un conflit interne : c’est vrai ils travaillent tous, même la grève c’est le travail.
    Je ne sais pas si la fraction est fondamentale, mais les conflits internes ne seront pas dépassés dans une quelconque montée en puissance, ils ne seront pas surmontés par la magie de la dynamique communisatrice. Sortir de sa propre définition, c’est lutter contre son double, contre soi-même qui contraint par son silence, par sa pusilanimité, par son indifférence et par sa soumission à la domination-exploitation, à retourner au jeu pour lui fait, sans lequel il n’est rien, par lequel il existe dans une catégorie reconnue socialement “pauvre,Mais travailleur”,
    L’attraction de la fraction.
    fondamentalement Cordial

  7. Patlotch
    26/10/2010 à 17:57 | #7

    @A.D.

    AD “l’abolition du rapport entre classes est identique à l’antagonisme interne au prolétariat : s’abolir en tant que classe c’est abolir le rapport de classes.”

    Je pense qu’on ne peut pas parler, de façon figée, d’un “antagonisme interne au prolétariat” comme sélection entre deux parties (“deux camps”) qui s’opposeraient, dont l’un serait en quelque sorte identique au capital (Il ne faut quand même pas oublier que la classe capitaliste existe, consciente d’elle-même, et active comme classe face au prolétariat dans son ensemble : voilà, en essence, les deux camps !). Il y a une tension entre deux CONTENUS qui sont partie intégrante de la lutte de classes sous deux formes.

    D’une part la lutte revendicative, syndicale sous ses toutes formes, pour le salaire, cad une lutte pour déplacer, à l’intérieur de la règle du jeu de l’exploitation capitaliste, le curseur de la plus-value en faveur des travailleurs (ou du prolétariat en général considérant le salaire indirect duquel relèvent les retraites). Ici je dis bien lutte revendicative/syndicale, et non pas lutte réformiste (opposée à révolutionnaire). Ce que certains appellent “un meilleur partage des richesses”. Mais tant que les prolétaires voeint une possibilité de satisfaire des revendications pour vivre moins mal, ils la choisissent, et, tort ou raison, c’est normal.

    D’autre part la lutte révolutionnaire qui veut abolir la règle du jeu… la valeur… l’échange (à commencer celui de la marchandise force de travail)… la richesse même. Donc ici, dans les conditions de ce cycle de luttes, sans perspective d’étape socialiste ou autogestionnaire, je dis bien “lutte révolutionnaire”, au sens de communisatrice (révolution comme immédiateté), et non “lutte politique”, qu’on oppose ou considère traditionnellement comme un complément, un prolongement, de la lutte syndicale (c’est le cas de l’extrême gauche, et plus généralement de tous les démocrates radicaux).

    Il s’agit donc non pas d’un antagonisme au sein de la classe, ou entre ce qui serait deux natures du prolétariat (classe du capital et classe de l’abolition), mais d’une opposition entre deux contenus qui sont néanmoins liés l’un à l’autre en relation avec l’état présent du rapport capitaliste, précisément le stade d’avancement de la crise.

    En clair la lutte revendicative ne disparaîtra pas par la conscience (ou même la théorie) qu’il faut aller plus loin, mais quand ayant donné tout ce qu’elle peut, elle produit son dépassement. L’impasse revendicatrice, c’est ce qu’on a vu, typiquement, avec la lutte contre le CPE, qui est devenue massive pour le retrait, avec un grande discrétion des politiques alternatives.

    A ce stade de ma compréhension, ce conflit sur les retraites me paraît différend, dans la mesure où la gauche, dans le prolongement politique classique du combat revendicatif/syndical, met en avant “une autre réforme” dans le cadre d’une alternative politique, avec les nuances sur l’échiquier des partis (en réalité il y a bien d’autres réformes possibles, mais toutes sont des variantes dans la distribution du salaire direct et indirect dans l’espace mondial et le temps générationnel de la vie. Une question est de savoir s’il y a une possibilité de stabilité d’un tel dispositif, dans une relance à venir, une restructuration dans la restructuration mondiale du capital. Nous n’en sommes pas là, mais…).

    La capacité de passer de la lutte revendicative à la lutte révolutionnaire ne se décrète pas. Elle n’est pas qu’une question de choix de “sortir de sa propre définition… lutter contre son double, contre soi-même qui contraint par son silence, par sa pusilanimité, par son indifférence et par sa soumission à la domination-exploitation”, toutes considérations d’ordre subjectives voire morales. C’est vrai mais cela ne peut venir d’abord, être considéré comme une condition préalable. Cela se pose comme nécessaire quand, du fait du rapport de force dans la crise de l’économie politique, crise de reproduction des présuppositions à l’exploitation, revendiquer n’est plus possible. Cela se pose comme un prolongement de luttes qui, ne pouvant plus faire bouger le curseur en leur faveur, peuvent envisager la solution immédiate de le faire sauter. En d’autres termes, c’est la chose qui produit l’idée, la lutte sa théorie, non l’inverse. On le savait déjà.

    L’identité n’est pas d’un côté entre lutte du prolétariat avec un autre lui-même, et de l’autre sa lutte comme classe du capital contre le capital. Ce qui est identique, c’est la lutte de classes et la crise de l’économie politique comme deux versants d’une même monnaie. Un des aspects les plus intéressants, les plus enrichissants (sic) de ce conflit est de voir comment les luttes produisent de la crise dans la crise, repoussant même la possibilité que la revendication initiale soit satisfaite : le prolétariat produit littéralement par son activité de grèves et blocages d’une économie nationale dans la mondialisation, une autre situation économique et sociale.

    Au fond “l’écart” est à son point de réalisation communisatrice à rapprocher de ce qu’Astarian nomme “activité de crise du prolétariat”.

  8. Patlotch
    28/10/2010 à 11:46 | #8

    @A.D.

    J’avais laissé ce point de côté :

    AD “Je ne vois pas la domination produite par l’exploitation pour plusieurs raisons : la domination précède l’exploitation avant d’en procéder( les classes avant le mode de production capitaliste), la domination est aussi de genre( la classe comme divisée sexuellement), conformant l’édifice social au but visé -le but se confondant avec le moyen, il n’y a pas pour moi de moment séccable : d’abord l’exploitation qui crée la domination, mais plutôt un tout très intriqué”

    Dans le contexte de cette discussion, je garde pour plus tard la domination de genre (encore que la question des retraites mette en évidence une sur-exploitation des femmes dominées par rapport aux hommes dominants…).

    Il me semble que dans toutes les sociétés de classes, même précédent le mode de production capitaliste, la domination, de la classe dominante comme son nom l’indique, a toujours eu pour objet de procurer à ses membres et associés un avantage matériel, en s’appropriant tout ou partie de la production des “dominés”. C’est le cas dans l’esclavage et le servage.

    Il est indéniable que le pouvoir procure des gratifications autres que la possession de richesses matérielles – entre autres sexuelles, psychologiques -, mais dans le rapport de classes en question, dominer est fondamentalement un moyen de posséder. Raisonnant par l’absurde, on voit bien que dominer sans en tirer d’avantage matériel n’aurait pas grand sens. Inversement, se procurer sur le dos des autres ce type d’avantage suppose leur domination, sans quoi c’est plus difficile. Même avec toutes les servitudes volontaires envisageables, le masochisme a des limites.

    On peut trouver des formes de domination qui n’ont pas pour objet d’exploiter, à proprement parler, mais on ne peut pas exploiter sans dominer. C’est la fonction de l’Etat, de ses “appareils idéologiques” (Althusser), de la “biopolitique” (Foucault), ou du Spectacle (Debord), bref l’idéologie. Plus la police.

    Non, le but ne se confond pas avec le moyen, et si exploitation et domination forment “un tout très intriqué”, “sans moment sécable”, encore faut-il saisir l’articulation des deux. “Être radical, c’est prendre les choses à la racine.” (Marx, Critique de “La philosophie du droit” de Hegel) : Qu’est-ce qui est essentiel dans tel mode de production à telle époque de son évolution et comment cela fonctionne ? La racine du capitalisme, c’est l’exploitation, pas la domination. Mais encore faut-il être convaincu que nous vivons sous le règne du capital, qui plus est en subsomption réelle.

    B-A BA, comment cela fonctionne, tous ceux qui travaillent pour un patron sous l’autorité d’un chef le savent ou devraient, quelles que soient les subtilités du management. Ceux qui ne travaillent pas sont sous la coupe des institutions du non-travail, mais plus prosaïquement dans le besoin de travailler pour vivre. Avec de plus en plus l’injonction et l’obligation au travail accompagnant son absence (chômage, précarité…), et le glissement progressif de l’obligation à la répression. La police est de plus en plus une police du travail, une police pour exploiter, comme la démocratie l’idéal de “l’Etat de droit” pour exploiter.

    L’usine du monde étant délocalisée et la classe productive peu visible dans les pays du “centre”, sans doute cela participe-t-il d’un occultation de l’exploitation, et les apparences focalisent-elles les regards sur les diverses formes de domination et de répression ? Toujours est-il que quand les prolos s’arrêtent, ya pas photo, ça fait une sacrée différence dans le paysage économique et social. Et là, visiblement, l’intervention policière montre sa véritable nature, quand il s’agit de “débloquer”. Belle démonstration du rapport entre domination et exploitation.

    Voilà, c’est plus basique que théorique…

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