Chili: heurts au 1er jour d’une grève nationale sur fond de contestation sociale
Au moins 36 personnes ont été blessées et 348 arrêtées mercredi au Chili lors de heurts au premier jour d’une grève nationale de 48 heures partiellement suivie, symptôme d’une contestation sociale soutenue, dans le sillage de trois mois de protestations étudiantes.
Une grande manifestation jeudi devait ponctuer la double journée d’action à l’appel de plusieurs syndicats dont la CUT, première centrale du pays (10% des actifs), pour réclamer une meilleure répartition des fruits de la croissance au travers d’une série de mesures sur l’impôt, le code du travail et l’éducation.
Dix-neuf policiers et 17 civils figurent parmi les blessés, “tous avec des blessures légères”, a déclaré à la presse mercredi soir le porte-parole du gouvernement, Andres Chadwick, qui a affirmé que la grève, “injustifiée” aux yeux du gouvernement, “n’a pas réussi à paralyser le pays”.
Les principaux heurts ont eu lieu dans la capitale, Santiago, où en plusieurs secteurs la police a usé de lances à eau et de gaz lacrymogènes pour dégager des carrefours de barricades de pneus enflammés ou disperser des manifestations spontanées qui bloquaient la circulation.
Une des personnes arrêtées l’a été pour “tentative d’homicide sur un policier”, selon le vice-ministre de l’Intérieur, Rodrigo Ubilla.
Les accrochages sont restés localisés, notamment autour d’universités de la métropole de 6 millions d’habitants. Ils étaient d’une ampleur bien inférieure aux incidents qui ont marqué les grandes manifestations étudiantes de juillet et août pour une réforme de l’éducation.
Le gouvernement a qualifié la grève d'”échec”, notant que les transports ont fonctionné quasi-normalement à travers le pays, à l’image du métro de Santiago, au flux inférieur de 27% seulement à la normale.
A Santiago, des administrations sont restées fermées, de même que plusieurs commerces, et des bureaux du centre étaient désertés tôt dans l’après-midi, les entreprises permettant aux employés d’anticiper les problèmes de transport a constaté l’AFP. Mais la capitale n’évoquait pas une ville paralysée.
Les autorités ont estimé la participation à la grève à 14% dans la fonction publique. Un syndicat de fonctionnaires, ANEF, a évoqué 80% de participation.
“En plus de ne pas savoir gouverner, il ne savent pas compter”, a lancé le président de l’ANEF, Raul de la Puente.
Pour le gouvernement de droite de Sebastian Pinera, qui affronte sa pire épreuve sociale en 17 mois au pouvoir, la grève était “opportuniste” et cherchait à capitaliser la contestation étudiante, populaire, qui a draîné des manifestations d’une ampleur sans précédent au Chili depuis 20 ans.
Pour maints analystes, le malaise chilien est partagé bien au-delà des étudiants: “c’est la crise d’un modèle qui, dans l’éducation, a généré de nombreuses inégalités, et dans le domaine social se traduit par une faible protection des travailleurs”, analyse le sociologue Manuel Antonio Garreton.
“A travers ces mobilisations, la société chilienne cherche une façon de passer d’un modèle social pinochétiste (référence à Augusto Pinochet au pouvoir de 1973 à 1990) à un modèle réellement démocratique que nous n’avons pas encore”, estime l’analyste de l’Université catholique.
L’éducation en est un point central. Elle constitue un poste d’endettement majeur de dizaines de milliers de foyers chiliens en quête d’un enseignement de qualité que ne peut garantir le secteur public, parent pauvre du système, dont l’Etat s’est en partie désengagé sous la dictature de Pinochet.
AFP
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