ESPAGNE • En un an, 1 million de personnes ont perdu leur travail
Aucun autre pays de l’Union européenne ne connaît une hausse aussi vertigineuse du chômage. Le nombre de sans-emploi frôle désormais les 3 millions, et le pire est encore à venir.
Des employés de Nissan ont manifesté dans les rues de Barcelone le 18 novembre 2008. Le constructeur automobile a annoncé la suppression de 1 680 emplois-AFP
Il y a un an, cela aurait semblé impossible. C’est aujourd’hui la réalité la plus dure de la crise. Il y a un an, l’Espagne comptait un peu plus de 2 millions de chômeurs. Aujourd’hui, on en dénombre presque 3 millions. Selon les chiffres publiés hier par le ministère du Travail, 171 243 chômeurs supplémentaires ont été enregistrés en novembre.
La crise financière et économique s’acharne sur le marché du travail espagnol, dont le caractère cyclothymique, porté aux manifestations paroxystiques, avait fait du pays le moteur de la création d’emplois en Europe pendant les années de croissance (au cours de la seule année 2006, l’Espagne avait généré 40 % de tous les nouveaux emplois dans la zone euro). A peine deux ans plus tard, du fait d’un ralentissement économique dont plus personne ou presque ne doute qu’il s’agit d’une récession, l’Espagne est devenue le pays où il y a le plus de chômage en Europe, avec un taux de 12,8 % selon l’estimation d’Eurostat, un chiffre qui, selon tous les pronostics, devrait continuer à augmenter.
La dégradation rapide du marché du travail montre la fragilité du miracle économique espagnol de la dernière décennie. Fondé principalement sur des secteurs peu productifs et nécessitant une main-d’œuvre abondante, comme le BTP, ce miracle n’a pas résisté aux assauts de la crise financière. “Les fondations étaient fragiles et, quand la tourmente est arrivée, elle les a emportées”, commente José Antonio Herce, du cabinet de consultants Analistas Financieros Internacionales.
La forte hausse du chômage s’explique également par la flexibilité du marché du travail espagnol. “C’est l’un des plus flexibles de la planète”, explique José Carlos Díez, économiste en chef de la société de Bourse Intermoney. “Un tiers des salariés ont un contrat à durée déterminée. Les entreprises peuvent donc ajuster leurs effectifs sans avoir besoin de licencier.”
Les salariés du BTP ont été les premiers à accuser le coup. Le nombre de demandeurs d’emploi dans ce secteur a doublé en un an. Mais le secteur des services est également touché désormais, avec près de 100 000 chômeurs supplémentaires en novembre. Le principal moteur de l’économie espagnole se grippe et ressent les effets du manque de confiance, qui finit par se traduire par une baisse de la consommation. “Le BTP purge ses excès et il n’a pas fini de le faire, explique Herce. Mais, avec les nouveaux chiffres, on constate aussi que le commerce et l’hôtellerie embauchent moins.”
Le nombre de demandeurs d’emploi a tellement augmenté que le montant total des prestations de chômage (16,55 milliards d’euros) versées de janvier à octobre 2008 dépasse déjà la somme inscrite au budget de cette année (15,5 milliards d’euros). Et de plus en plus de chômeurs ne touchent pas d’allocations.
Quand l’ajustement prendra-t-il fin ? Les mesures annoncées par le gouvernement réussiront-elles à freiner la progression du chômage [le Premier ministre José Luis Rodríguez Zapatero a annoncé le 28 novembre un plan de relance de 11 milliards d’euros, qui ambitionne de créer 300 000 emplois en 2009, essentiellement au niveau des collectivités locales] ? “On peut supposer que l’ajustement touche à sa fin”, a déclaré en réponse à la première question le secrétaire d’Etat chargé de la Protection sociale, Octavio Granado, sans exclure pour autant une détérioration. “Il existe le risque que le chômage augmente encore un peu”, a également admis le vice-président du gouvernement et ministre de l’Economie, Pedro Solbes. Quant à l’efficacité du plan anticrise du gouvernement, Herce estime que les mesures vont se borner à enrayer la détérioration du marché du travail. “Elles sont ambitieuses, mais pas autant qu’elles le devraient.”
Manuel V. Gómez
El País
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