“Égypte : La Révolution arrive…”
Alors que la colère des Égyptien-nes grandit face aux méthodes du régime militaire en place, et de la police, qui rappellent les pires moments du régime de Moubarak, une grosse manif sauvage a soudainement envahi les rues bondées du Caire hier soir.
Plusieurs milliers de personnes (difficile d’estimer le nombre exact, je dirais entre 5 et 10’000, en tout cas la plus grosse manif que j’aie vue depuis Maspero), comptant des familles de martyres (Mina Daniel et les morts de Maspero, Essam Atta…), des proches de détenu-es, la campagne de soutien à Alaa Abdelfattah, les socialistes révolutionnaires, très visibles, et des milliers de personnes vénères contre la contre-révolution en cours, ont pris la rue, depuis la place Talaat Harb, puis Tahrir, en direction de la Direction centrale de la sécurite du Caire, et de la prison où Alaa Abdelfattah est emprisonné.
Une manif très dynamique et complètement spontanée. Les slogans incitent les Égyptien-nes à se revolter et à descendre dans la rue pour renverser le régime militaire (« cellui qui se tait, pourquoi ille se tait ? », « descendez, descendez », « dis, n’aies pas peur, les militaires doivent partir », « ils ont tué ton frère, ils ont tué ton père, et toi qu’est-ce que tu fais ? », plus les traditionnels « le peuple veut la chute du régime », « à bas, à bas, le gouvernement militaire » et « dégage »). La foule remonte les rues populaires du centre-ville, parfois bloquant la circulation qui arrive en contre-sens, hésitant parfois sur la route à prendre, des personnes s’organisent pour sécuriser le parcours, d’autres, parmi lesquel-les de nombreuses femmes, parfois voilées, maintiennent la pression en lançant de nouveaux slogans, d’autres encore s’emploient à taguer les murs de slogans anti-militaires… À un moment, des flics qui suivaient le cortège se retrouvent submergés alors que la manif fait demi-tour. Plusieurs personnes les encerclent, les montrent du doigt, en criant « policiers, voyous, policiers, voyous », et d’autres slogans anti-flics, jusqu’à les repousser en dehors de la manif. Un peu plus loin, on croise carrément des véhicules de la sécurité centrale, sur leur trajet de retour. Ceux-ci se font aussitôt recouvrir de tags et d’autocollants, une bouteille d’eau est lancée sur l’un d’entre eux, mais de nombreux gentils citoyens se mettent aussitôt à faire une chaîne pour protéger les fourgons et les faire passer.
Arrivée devant la Direction de la sécurite du Caire, les forces anti-émeutes sont déployées en force derrière les grilles du bâtiment, dont les murs se font là aussi aussitôt recouvrir. Ils font pas trop les fiers quand même, et l’on voit des flics en civil aux fenêtres, pendant que des gradés essayent de gérer la situation. De gentils citoyens les aideront d’ailleurs à canaliser la manifestation dans une autre direction, c’est-à-dire devant le lieu de rétention de Alaa Abdelfattah. La aussi, les forces anti-émeutes sont déployées, mais cette fois pas de grilles pour les protéger, mais une fois encore un cordon de gentils citoyens qui, tout en scandant des slogans contre la police et l’armée, s’évertuent à les protéger, alors que l’ambiance n’est même pas particulièrement hostile…
Enfin, la foule reste un bon moment devant la prison, chantant des slogans, prenant en photo les flics, notamment ceux qui nous photographient sur les toits mais n’aiment pas être photographiés en retour, des personnes montent sur un des fourgons pour y déployer une banderole…
Sur le chemin du retour, les slogans deviennent de plus en plus radicaux « On veut pas seulement virer Tantatoui, mais tout le Conseil militaire », « Tantawi, fais gaffe, la révolution arrive, on est de retour sur Tahrir », un chant d’anniversaire est improvisé, souhaitant au Maréchal qui fêtait ce jour-là ses 76 ans, « une année noire »…
De retour sur la place Tahrir, la foule est beaucoup moins nombreuse mais toujours aussi énervée, et continue à bloquer une partie de la circulation et à chanter des slogans. Tout le monde parle de réoccuper la place, mais après le 18 novembre…
En attendant, d’autres manifestations de ce type devraient avoir lieu, sans compter les milliers d’employé-es encore en grève dans tout le pays…
Comme un air de révolution dans l’air…
Indymedia Paris, 1er novembre 2011. sur juralib
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