Lu sur la toile : le va et vient entre crise et restructuration…
Acquis, hoquets, accalmie ? (b): remarques à la marge du « shutdown »
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Effet Mathieu » [1]et crève américain
« Par référence à un verset fameux de l’évangile selon St Mathieu (« A celui qui a, il sera beaucoup donné et il vivra dans l’abondance, mais à celui qui n’a rien, il sera tout pris, même ce qu’il possédait. »), les spécialistes parlent d’ « effet Mathieu » pour désigner la capacité des forts à devenir les premiers bénéficiaires des dispositifs visant à améliorer le sort des plus faibles. » (A.Supiot)
Le 20 septembre, des élus républicains ont voté une loi visant à réduire drastiquement le budget alloué aux « food stamps » (aide alimentaire pour les plus pauvres) qui en priverait l’année prochaine 3,8 millions de personnes, soit presque exactement le nombre de ceux ayant pu, grâce à cette aide, rester juste au-dessus du seuil de pauvreté ces dernières années. Ce budget alloué aux food stamps étant voté dans le même cadre, le « farm bill », que celui des subventions agricoles dont ont largement bénéficié certains élus républicains lorsqu’ils étaient exploitants, on peut donc dire qu’on en est à la quintessence de cet « effet Mathieu ». C’est ce qu’est venu aussi souligner, au début du même mois de septembre, l’étude de Piketty et Saez montrant que le fameux 1% avait capté 95% des gains de la reprise, le 0,1% s’attribuant même la part du lion avec 60%. Là encore, c’est notamment un effet heureux des monceaux de liquidités déversées par la Réserve fédérale en attendant que « le chômage baisse » (alors que c’est plutôt les taux d’inactivité et d’invalidité qui augmentent) et qui ont surtout pour l’instant ramené la bourse à ses niveaux d’avant-crise. Et c’est ce même 1% qui compare aujourd’hui la critique des bonus financiers « aux lynchages dans le sud profond » ou hier les velléités de réforme du système fiscal « à l’invasion de la Pologne par Hitler ». L’auteur de ce dernier rapprochement, Stephen Schwarzman étant le dirigeant d’un fond d’investissement, Blackstone, qui a racheté à prix cassés plus de 30 000 maisons saisies pour les relouer à prix d’or à des ménages n’ayant plus accès au crédit. Bref, l’oligarchie prospère sur la paupérisation[2].
L’oligarchie existe mais n’explique pas tout
Rappelons, que, si certes elle fait « le bonheur éditorial» d’Halimi le reconquérant ou de ces charlots de Pinçon, l’oligarchie est bien « produite » par la restructuration. Le rétablissement du taux de profit, par la mutation progressive des parts de la valeur ajoutée, a aboutit au captage des gains de productivité par une infime minorité, ce qui a en partie mené « à sacrifier l’accumulation du capital au profit du revenu personnel des capitalistes » (A contre-courant), donc à la « surfinanciarisation ». Dans le même temps, la technocratie mutait, « le retrait de l’Etat de l’économie ne s’ [étant] pas accompagné de celui de ses serviteurs, qui au contraire ont massivement investi le domaine de l’entreprise privée. »[3], aux Etats-Unis la mode étant d’ailleurs plutôt aux allers-retours (Cf. les « revolving doors »). Enfin le capitalisme familial est loin d’avoir été laminé par une internationalisation qui a fortement accrue la centralisation du capital dans de nombreux secteurs. L’entente cordiale entre logique patrimoniale des super-riches et logique de surprofit des oligopoles transnationaux illustrant le va et vient entre crise et restructuration… Mais même dans le meilleur de l’immonde, la réalité n’est jamais aussi simple qu’une profession de foi sociale-darwiniste : l’oligarchie existe mais n’explique pas tout. Ainsi le « shutdown », montre, justement par ce qu’il retarde ou entrave (entre autres les négociations pour les accords de libre-échange transpacifique et transatlantique), qu’on est pas non plus dans une mouture ploutocratique de l’« éternel retour ». Quoique se lamentent les altercapitalistes, réorganisation de la finance et réforme de l’off-shore sont bien en train d’avoir lieu et la restructuration telle qu’elle s’étale et/ou s’intensifie (voir La temporisation dans son contexte) n’annonce pas l’avènement d’on ne sait quelle féodalité post-moderne mais un redéploiement au long cours de l’exploitation sur des échelles nouvelles. Et si certains oligarques peuvent plastronner c’est qu’ils bénéficient encore de l’appui tout aussi imposant qu’inattendu…d’une partie du prolétariat américain.
« Suicide is painless »
On accuse les quelques élus Tea-Party à l’origine du « shutdown » et qui sait, peut-être demain, d’un défaut américain sur la dette, d’être, entre autres, des « anarchistes » menant le parti républicain voire l’Amérique au « suicide ». Au delà de l’aveuglement doctrinal ou des intérêts de tel ou tel de leurs soutiens financiers, il y a bien une forme de logique suicidaire à l’œuvre, celle qui anime ceux qui les ont élus. Ainsi il a été noté que ce sont les Etats où la proportion de travailleurs du public par rapport à ceux du privé est la plus importante, qui votent le plus républicain (le Wyoming, l’Etat qui compte le plus de fonctionnaires- 1 salarié sur 4- est aussi l’un des plus à droite du pays). De même, Mitt Romney est arrivé en tête dans 213 des 254 comtés où la distribution de « food stamps » a doublé depuis le début de la crise. La palme revenant au comté d’Oswley dans le Kentucky, le plus pauvre du pays, ou la moitié de la population reçoit l’aide fédérale et vote à 80% républicain…[4]
Ce phénomène a été notamment décrit dans le livre de Thomas Frank Pourquoi les pauvres votent à droite où il analyse « la grande réaction », c’est à dire la montée des conservateurs, comme « un mouvement issu de la classe ouvrière qui a causé d’inestimables dommages historiques à cette même classe ouvrière. » : « (…) petits fermiers votant fièrement pour qu’on les expulse ; pères de famille dévoués faisant tout leur possible pour que leurs enfants ne puissent jamais se payer l’université ou bénéficier de soins médicaux dignes de ce nom ; travailleurs des villes du Midwest applaudissant au moment d’offrir une victoire écrasante à un candidat dont la politique fera disparaître leur mode de vie, transformera leur région en « ceinture de rouille » et leur portera des coups dont ils ne se relèveront jamais. » (Agone 2013) [5] Bien sûr un tel acharnement dans « la conscience renversée » n’est pas une nouveauté historique (Cf. Kracauer Les employés) et les succès actuels des diatribes contre l’assistanat, etc. de ce côté ci de l’Atlantique montrent qu’il ne s’agit pas d’une exclusivité américaine, les conditions actuelles de la lutte de classe, où le « bargaining power » n’est plus qu’un lointain souvenir, y étant évidemment pour beaucoup. Apocalypse monétaire et obligataire (peu probables puisque ça n’arrange personne et que l’armée américaine ne va pas s’évaporer du jour au lendemain) ou pas, c’est plutôt les évolutions à venir de ce « perpetuum mobile » qui devient l’enjeu central alors même qu’entre relance (le programme « Help to buy » en Angleterre par exemple) et apuration des comptes (Detroit et les retraites) toutes les conditions deviennent mouvantes.
[1] Rien à voir avec un pigeon mort bien connu mais probablement bien plus avec feu le recouvreur de la ville de Capharnaüm…
[2] As more rely on foodstamps, Republicans are seeking cuts in International Herald Tribune 05/09, Paul KrugmanThe persecuted ploutocrats ibid28/09 et Catherine Rampell The Wealthy bag profits in housing bust ibid 05/10
[3] “(…) la haute élite administrative a su saisir une opportunité historique au travers des privatisations, pour se maintenir en tant qu’élite et survivre au déclin de la puissance publique qui fondait autrefois son statut et son pouvoir. » Dudouet et Grémont Les grands patrons en France, du capitalisme d’Etat à la financiarisation
[4] Voting trend that rejects local reality in IHT 28/09 et Timothy Egan Red state pain ibid le 22/09 Bien evidemment les lamentations démocrates sont parfaitement crapuleuses puisque c’est sous Clinton qu’a eu lieue la dernière grande attaque contre ce qui reste de Welfare aux Etats-Unis…( et ce sans même parler de l’abstention massive)
[5]Dans un tout autre registre, rappellons aussi l’analyse faite par Théorie Communiste du vote ouvrier pour le Front national : « L’” identité nationale “ne se substitue pas à l’identité ouvrière, c’est l’identité ouvrière qui fait de la ” résistance “sous la forme de l’identité nationale qui avait toujours été une de ses déterminations. ” Résistance “mais il ne s’agit pas d’un anachronisme, elle a totalement changé de contenu en retravaillant certaines de ses déterminations, de volonté de libération du travail du salariat, elle est devenue l’affirmation, menacée en tant qu’ordre social, du travail salarié. » (Mr Le Pen et l’identité ouvrière in TC n°18
Nervosité dans les supers marchés US suite aux pannes repetées des “cartes alimentaires food stamps”
Walmart customers riot when unable to use EBT cards
http://www.clarionledger.com/article/20131013/NEWS/131013001/Walmart-customers-riot-when-unable-use-EBT-cards?nclick_check=1
Walmart shelves in Springhill, Mansfield, cleared in EBT glitch
Posted: Oct 13, 2013 7:38 PM CEST
Updated: Oct 14, 2013 7:30 PM CEST
By Carolyn Roy – bio | email
MANSFIELD, LA (KSLA) –
Shelves in Walmart stores in Springhill and Mansfield, LA were reportedly cleared Saturday night, when the stores allowed purchases on EBT cards even though they were not showing limits.
The chaos that followed ultimately required intervention from local police, and left behind numerous carts filled to overflowing, apparently abandoned when the glitch-…….
http://www.ksla.com/story/23679489/walmart-shelves-in-springhill-mansfield-cleared-in-ebt-glitch
Meme les Tea party s’en inquetent :
America Would Be Consumed With Mass Rioting And Looting If Food Stamp Program Stops Functioning
October 14, 2013
http://www.blacklistednews.com/America_Would_Be_Consumed_With_Mass_Rioting_And_Looting_If_Food_Stamp_Program_Stops_Functioning/29575/0/37/37/Y/M.html