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La critique de la marchandise n’est pas ipso facto une critique du capital

Tout vient à point à qui sait attendre

Le dernier texte mis en ligne sur le blog de nos camarades de « Il Lato Cattivo »

illatocattivo

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Deux mots sur l’Expo et le 1°Mai à Milan

Il Lato Cattivo

[ maggio 2015 ]

Le rapide dégonflage des velléités de Syrisa ainsi qu’un timide accent de reprise économique aux USA et en Union européenne – reprise bien réelle, mais due surtout à la chute du prix du pétrole et de la dévaluation de l’euro – permet à ces bouffons de cour de s’extasier devant ce miracle : la sortie de la crise serait dans notre dos. En vérité, la pause n’est que momentanée ainsi que Michael Roberts dans ses prévisions  pour 2015 le préconise , une dernière balançoire (reprise-recession-reprise) avant que le cycle de Kondratiev n’atteigne son point le plus bas probablement en 2018. Ce qui est parfaitement plausible. Cependant, dans l’immédiat, la période reste mouvementé et susceptible de soudaines flambées : en premier, les révoltes du prolétariat noir aux États-Unis (Ferguson, Baltimore) et celui judéo-éthiopien en Israël.  Ici, nous nous pencherons sur le cortège du 1er mai à Milan, pas seulement pour des raisons de proximité géographique. La lecture à chaud faites par des protagonistes et des participants de la manifestation milanaise, ont été nombreuses et variées (cf l’Apendice) : nous avons tenté d’effectuer une synthèse…à part

 

Les composantes politiques et syndicales de la manifestation milanaise les plus apparentées aux pratiques du (défunt) mouvement ouvrier, ont déploré, rageusement, pour la plupart,  – la tournure prise par la journée sous l’action des plus excités, comme une occasion manquée pour poursuivre ou relancer, à partir ou à travers NO EXPO, un mouvement de plus grande ampleur et portée. Les millions de votes obtenus par Syriza et Podemos, font évidemment envie à beaucoup, en Italie, même si elle est mieux positionnée par rapports à d’autres, elle fait partie des soi-disant PIIGS, ce qui laisse supposer une certaine communauté de destin et la possibilité de trajectoires politiques similaires et « exportables »

Mais, la journée de Milan a été la prise en compte que les années 1999 et 2001 (les années d’or de l’altermondialisme) sont à des années lumière. (Quant à la nouvelle configuration à la grecque ou à l’espagnole, en réalité nous n’y sommes pas encore – ? – pas même à moyen terme). Et tout concoure à le démontrer : pas seulement l’ « esprit »,  le cortège vraiment plus sombre par rapport aux colonnes colorées  du passé, mais en premier lieu confirmé  par le nombre resté insignifiant (30.000 personnes). C’est aussi ce qu’exprime le rapport de force instauré entre les « bons » et les « méchants », qu’aucun observateur ou participant, de bonne ou mauvaise foi, n’a pu s’empêcher de saisir que ce rapport de force était lié autant à l’augmentation relative des « méchants » qu’à la diminution absolue des « bons ». Pour les parties que nous pourrions définir de « ruptures », désignées par les média de « i black.bloc », l’exutoire de mai semble avoir été positif. Mais tout ce qui brille n’est pas or : non seulement une gestion de la place surveillée par la police qui a permis de circonscrire une poche de manifestants « violents », les tenant à distance du centre historique pour limiter les dégâts. Mais à bien voir, les affrontements sur la place n’ont impliqué quasi exclusivement que quelques courants politiques ou idéologiques bien délimités et identifiables et, vice versa, peu ou pas du tout du prolétariat plus ou moins marginal ou « racialisé » qui existe à Milan comme dans presque toutes les grandes métropoles européennes (ce prolétariat, précisément qui fut l’acteur des révoltes  suédoises de 2013 et des anglaises de 2011).

S’il est vrai, d’autre part, que pour la majorité de ces militants la voie ne réside pas dans la croissance graduelle du mouvement ou la conquête d’un accord, le schéma reste malgré tout quantitatif et gradualiste, sauf que l’action revendicative quotidienne sans l’émotion du vieux syndicaliste, est remplacée par la multiplication des foyers de révolte qui n’auront qu’à s’étendre dans le temps et l’espace, jusqu’à la…Grande-Révolte-Sans-Fin. Comme cela peut advenir dans une ville dans laquelle – le centre ou la « zone rouge à part – tout fonctionne à l’habituel, les transports compris, circonstances qui ne dérangent pas le révolté de passage qui doit rentrer à la maison.  Le fait que «ce qui est lié et n’est réalité effective que dans sa connexion avec un autre, acquière une exist»ence propre et une liberté dissociée, cela c’est l’énorme puissance du négatif ; c’est l’énergie de la pensée, du pur Je (PHÉNOMÉNOLOGIE DE L’ESPRIT, Traduction, présentation, notes, chronologie, bibliographie et annexes par Jean-Pierre L EFEBVRE GF Flammarion, p. 44 de l’édition ; mais pour cette « liberté dissociée » il existe une limite au-delà de laquelle la relation à l’autre (sa propre raison d’être )  revient à faire valoir ses propres droits. A bon entendeur, salut.

 En tout cas, cette répétition dans les relations de pouvoir inversé, d’une ancienne polarisation – entrevue, plus récemment,  même au Blockupy de Francfort, le 18 Mars (avec des participations  inférieures à celles de Milan: 10.000 manifestants) – est symptomatique de quelque chose. Nous pensons qu’il serait plus question d’une difficulté, que d’une radicalisation. Le retour en vogue  du mot d’ordre « rapproprions-nous la ville » en dit long à ce sujet. Lancé par Lotta Continua après l’Automne Chaud de 1969 le slogan en question faisait fureur dans la « fameuse » période des « groupuscules qui suivit le reflux des dures luttes dans les usines, et scellât – consciemment ou pas – le fait que dans cette dernière situation les choses commencèrent à mal tourner. D’où  l’illusion que l’on pouvait volontairement déplacer le centre de gravité des luttes, tout en se convainquant  qu’un tel déplacement constituerait un pas en avant, sinon une victoire ! Sauf que, que cela plaise ou non, un centre de gravité n’est pas déterminé de façon suggestive, c’est un fait objectif, inhérent à la structure du capitalisme.

Aujourd’hui les choses apparaissent paradoxalement renversées, dans le sens que les limites n’ont pas été encore franchies : « le laboratoire secret de la production sur le seuil duquel est inscrit no admittance except on business », reste peu touché dans son ensemble par les agitations de quelques sortes que se soient. Une approche différente devait être faite pour le secteur de la logistique mais, retenons ceci : ni l’abolition de l’article 18, ni l’approbation des JobsAct n’ont suscité un ample et massif mouvement de refus. La signification de l’opposition à l’Exo de Milan, c’est-à-dire une auto-célébration de la marchandise, réside précisément dans une critique de la marchandise, celle de la sphère de la circulation – celle dont le May Day, par ses « pratiques » de luttes  (pour le moins les plus apparentes) a mis en avant. Mais la critique de la marchandise n’est pas ipso facto une critique du capital.

Attention : nous n’entendons pas faire ici une critique des discours et des pratiques qui caractérisent la mobilisation No Expo à partir de ce qu’elle « devrait être », en faisant référence à une « juste direction stratégique »  ou à un quelconque modèle de « radicalité ». Nous voulons seulement mettre en évidence un trait caractéristique de la phase actuelle, trait qui, par ailleurs, met en lumière les difficultés des comparaisons – comparaisons avancées ici et là – entre les les journées comme celles de May Day de cette année (ou encore celle du 15 octobre 2011 à Rome), et les révoltes de Genève (1960 ou de la Piazza Statuto (1962). Point de nostalgie. Mais il est vrai qu’aujourd’hui il y a un écart  entre les « places » et lieux de travail (ou, comme on le disait dans le temps : entre l’ « usine et la société », qui est pris comme un problème, mais on n’en fait pas une histoire. Sauf à imaginer des révolutions de science-fiction  réalisées par l’Université ou, dans le meilleur des cas par l’armée industrielle de réserve, pendant que l’armée industrielle active continue à remplir sa tache.

Pour ceux qui imaginent une sorte de « longue marche », constituée de petits pas – pour qui aujourd’hui nous sommes 1.000, demain nous serons 1010, d’ici un an 2000 et ainsi va…–  il y de quoi désespérer. Mais, comme aujourd’hui dans l’impossibilité structurelle et manifeste d’un trajet progressif de la lutte quotidienne à la révolution, les paroles de Rosa Luxembourg, au lendemain du rétablissement de l’ordre à Berlin, prennent un sens nouveau :  « […] la révolution est l’unique forme de ”guerre” – même celle-ci est sa particulière règle de vie – dans laquelle la victoire finale sera préparée au travers d’une série de  ”défaites” ». Rosa Luxemburg, Scritti scelti, a cura di L. Amodio, Einaudi, Torino 1975, pp. 675-82). Paroles qu’il convient de méditer à fond. Certes, les partisans de l’apprentissage révolutionnaire à travers les « petites victoires » –  qu’ils soient ex-staliniens démocratisés ou casseurs de vitrines encapuchonnés – répondrons : mais comment voulez vous que l’on change les choses, comme çà, du jour au lendemain ? Tout se fait graduellement. !

Ils nous prennent pour des fous : la porte du « laboratoire secret » ne s’ouvre pas doucement, quand on utilise un pieds de biche pour forcer la serrure, la porte ne s’ouvre pas en douceur, mais brutalement.

Quant à l’ « événement-Expo », à plus de deux semaines du début de la kermesse, il n’y a pas plus de données sur le volume des entrées.

Cependant, les 50 millions de visiteurs de l’Exposition universelle de Paris en 1900 (ou ceux d’Osaka en 1970) sont probablement hors de portée. Mais, au-delà de cela, il est important de saisir les changements en ce qui concerne la nature de l’événement :

Exposition universelle de 1867: les patrons invitent les délégués de métiers à venir s’émerveiller au spectacle des  machines. Sur la scène, la magie de la mécanique promet l’image d’un pouvoir miraculeux capable de tous les sortilèges de la machine à vapeur : produire rapidement, à bon marché et sans effort est désormais possible. Le patronat – non sans malice, comme le remarqueront les édiles – désirait enchanter les ouvriers : à ce côté  spectaculaire de la machine, ils  opposent  ”l’exposition permanente de la misère matérielle et morale” des ouvriers. La fête du capital qui met en évidence ”ses” machines s’inscrit sur un fond de défaite ouvrière : la magie du progrès  technique se réduit sans mystère dans les conséquences d’un pouvoir patronal, dont les nouvelles formes d’asservissement passent par la mécanisation. Par conséquent, c’est le spectacle d’une dépossession : les machines sont la propriété du patron, nouvel avatar du capital ; la mécanisation de la production déqualifie le travail à travers sa division  intensive et tend à priver les travailleurs de moyens pratiques   pour obtenir le droit de disposer du produit de leur propre travail. » (Jacques Rancière & Patrick Vauday, En allant à l’Expo, in « les révoltes logiques », n.1, hiver 1975, p.8)

«Les expositions universelles sont les centres de pèlerinage de la marchandise fétiche. L’Europe s’est mobilisée pour voir les marchandises écrivait Taine en 1855. Les expositions universelles ont eu comme précurseurs les expositions nationales de l’industrie, dont la première eut lieu en 1798 sur le Champ de Mars. Elle fut issue du désir de divertir les classes ouvrières et devenir pour elles une fête d’émancipation ».  les travailleurs furent pour elles la première clientèle. Le milieu industriel du divertissement n’existait pas encore. Un tel cadre, ce fut la fête populaire qui l’apporta. C’est le célèbre discours de Chaptal qui ouvre cette exposition. Les saint-simoniens , qui projettent l’industrialisation de la planète s’emparent de l’idée d’exposition universelle. Chevalier, le précurseur de ce mouvement est un disciple d’Enfantin et rédacteur du journal saint-simonien Le Globe. Les saint-simoniens ont prévu le développement de l’industrie mondiale ;  mais ils n’ont pas prévu la lutte des classes ».   (Walter Benjamin, Parigi, capitale del XIX secolo. I “passages” di Parigi, a cura di Rolf Tiedmann, Einaudi, Torino 1982, p. 240).

Les Expositions Universelles dont nous parlent ces auteurs appartenaient à un monde dans lequel l’accès de la « classe dangereuse » au périmètre de la polis moderne – et donc l’accès du mouvement ouvrier à l’État, du prolétariat aux isoloirs électoraux de la République démocratique, de la consommation ouvrière au cycle de la plus-value relative – n’était pas encore garanti. Aujourd’hui, l’Expo Milano 2015 correspond symboliquement à un processus exactement inverse : à l’expulsion de tous les résidus staliniens et social-démocrate de l’État  (de Rifondazione Comunista pour arriver, aujourd’hui, aux D’Alema et Bersani) ; à la reformulation du vote ouvrier en terme abstentionniste et/ou populiste ; à l’érosion systématique du salaire direct et indirect. Et, du moins à l’échelle d’une ville comme Milan, ce processus se vérifie. Pour s’en rendre compte il suffit de penser au sort réservé aux conducteurs de tram et de train à Milan qui, à la mi-mai, avaient prévu une grève : ils ont été réquisitionnés. Nous sommes ouvertement dans la négation du droit de grève au nom des « intérêts généraux du pays », supposément représentés par l’Expo. Par charité, ne nourrissons pas d’illusions sur les « droits », mais même cela est un signe des temps.

L’exposition Universelle parisienne de 1900 fut le symbole métamorphique de la Belle Époque  à une encablure de la boucherie impérialiste de la Première Guerre mondiale quand, dans le cours de quelques mois, le rêve progressiste du capital (qui incluait l’harmonie entre le capital et le travail) s’effondra dans la boue des tranchées. Nous évoquerons seulement du passage qui suit  – l’Octobre russe de 17 et le Novembre allemand de 18 – pour souligner comment, dans l’espace de peu d’années, on peut passer par renversements successifs, de la prospérité relative à la guerre, et de la guerre à la  révolution. Ainsi, de la même manière finira en son temps la Belle Époque période dénommée « post-moderne. Ce qui est certain, c’est que, comme nous le disions plus haut, le rêve est né et mort aussitôt. Dans les formes et les contenus, l’Expo d’aujourd’hui ne conserve rien de la séduction sociale qu’elle eut dans le passé. En matière économique, juridique et politique, dans un  tel environnement social et culturel il ne s’agit pas aujourd’hui de coopter la classe ouvrière, mais de faire en sorte qu’elle n’apparaisse pas. Qu’elle soit non apparente, en un mot : invisible.

Quant à la gravité de la situation économique et sociale actuelle en Italie ou en Europe, il ne faut pas se laisser abuser : il reste encore des marges pour comprimer et éroder ultérieurement les salaires et les conditions de travail et de vie. Non seulement celles des ouvriers moins qualifiés , mais surtout celles couches les plus « privilégiées » du travail salarié, dans le secteur public en particulier. Mais ces marges ne sont pas infinies ; et à forces de comprimer, l’explosion devient inévitable. La violence apparue à Milan, la même qui a suscité des réactions hystériques à droite et à gauche, tantôt entre ceux qui, très bourgeoisement, l’exècre comme une dévastation folle et incontrôlable, tantôt ceux qui, incapable de voir au-delà du bout de leur nez, la célèbre comme une violence insurrectionnelle (!)  – elle apparaîtra alors comme une bagarre de bistrot. Comme nous l’avons montré in vitro les méthodes utilisées contre les travailleurs de la logistique en lutte, la classe capitaliste ne fait pas dans la dentelle quand on touche où ça fait mal, fusse à fleur de peau, ou quand on touche à la base de son pouvoir, c’est-à-dire à l’entreprise. Et quand l’État montre  véritablement  les dents, c’est là que s’effondre la spécialité de la barricade.  Qui pense que les 30.000 morts de la Commune, les canons de Bava-Beccaris, les Freikorps, etc., sont des choses d’un autre temps aura l’occasion de se raviser.

Petite anthologie mi-légère, mi-sérieuse de la littérature sur le 1° Mai milanais          

Connaissance de la douleur

A propos. Analystes et théoriciens du complot doivent se faire une raison.  Ceux qu’on appelle ”black bloc” ne viennent pas de Mars, ne se sont pas ”infiltrés” dans le cortège et ne sont pas plus à la solde du spectre. Ils existent, sont un problème et il faut en tenir compte. Ils étaient dans  le cortège, à l’intérieur, pas au bout. Des parties de la manifestation ont dû les tolérer et tenter d’éviter une réaction de la police qui semblait s’y préparer.  (Luca Fazio, Milano, I riot che asfaltano il movimento, in «Il Manifesto», 2-5-2015 ; ici et dans les citations suivantes, les italiques sont toujours les nôtres.

« C’est banal, sur cette même place, dix ans plus tôt, ils auraient été deux. Les méchants à l’arrière à rammaser les coups et les autres devant avec leur bonnes raisons. Les ”autres”, désormais, doivent prendre en compte la réalité. Comment alors organiser la place, bien qu’il est d’autres occasions tout aussi  importante, sachant que cela deviendra un problème insurmontable.  Parce que la journée d’hier signifie que personne à Milan, et même ailleurs, n’a l’autorité de pouvoir décider de l’attitude à respecter dans un cortège « . (ibid.)

« Une autre note, non marginale. Celle d’hier, de toutes les dispositions de protection que le cortège à mises en œuvre, il y avait une place dangereuse. Sur cette place on a vu des gamins et des gamines égarés à la première manifestation, des personnes absolument non violentes, des dizaines de groupes musicaux qui ont continué à jouer leur musique. On a vu aussi les solitaires vieux renards avec la queue entre les jambes car ils  ne parlent plus la langue de la place.  Mais il semble inconsciemment admis à considérer que désormais il faut s’attendre à des conflits toujours plus âpres, avec des accents désespérés, sans raisons ni perceptives. »(ibid.)

A la recherche du temps perdu

Au delà du triomphe de l’Expo, le premier mai laisse derrière lui l’image informe d’un mouvement qui, bien qu’il ait réussi à mobiliser 30.000 personne pour la May Day, se découvre politiquement impotent. Il s’est produit à la fin ce que tous prévoyaient, même si beaucoup avaient dit vouloir l’éviter : la logique de l’événement s’est imposée sur celle du processus, de la construction, de l’accumulation et de la répartition des forces. […] Ce qui s’est passé ne peut être résolu grâce à l’esthétique de l’émeute qui ne parvient pas à couvrir les limites collectives des projets politiques, aussi parce que la définition courante de l’émeute s’approche toujours plus dangereusement de celle d’une révolte peut-être intense, mais instantanée et destinée à être réabsorbée sans grandes difficultés par l’objective et despotique suprématie militaire et symbolique de l’État. Si l’émeute  n’existe qu’au moment où elle apparaît, à quoi sert l’émeute ? […] Il ne s’agit pas ici de séparer les bons des méchants, ni les enragés des craintifs. Il s’agit ici de mettre en évidente, et aussi d’en parler,  une particulière différence de perspective politique. Il faut clairement dire ici, qu’il y en a qui pensent nécessaire de construire quotidiennement des connections au cœur des luttes et les multiples figures qui s’y expriment, plutôt que de répondre activement à l’individualisation autrement  imposée. Il est question ici, d’établir des liaisons non à travers la banale quotidienneté et l’émeute d’un jour, mais à travers les multiples et diverses singularités qui, chaque jours, sont contraintes au sein et contre le travail précaire ouvrier et migrant. »  (∫connessioni precarie,

Questioni di prospettiva. Un giudizio politico su Expo, Mayday e dintorni,

disponibile su internet)

Que tu sois pour moi le couteau

« […] cette partie du cortège qui est aujourd’hui synthétisé et banalisé dans la formule du ”bloc noir” – qui rassemblait par contre des courants politiques très différents et stratifiés –  que cela plaise pou non, était la plus nombreuse à l’intérieur du cortège.  A ceux qui prétendraient nier cette évidence, nous les prions de tourner leur regard à l’entrée de la via De Amicis d’où l’on pouvait observer le grossissement  des colonnes et le regroupement de nombreux jeunes vers cette partie de la manifestation.  […] Partons d’une prémisse : cette rage, ce mélange, ces thèmes sont nos affaires et nous voulons le prendre en mains avec toutes les difficultés qu’elles recèlent. Celui qui se retire, par calcul, crainte ou prétendue supériorité politique et morale, est en train de creuser un sillon de séparation entre les alphabétisés de la politique et les appauvris et enragés qui n’ont aucune possibilité de se présenter sur la scène politique. Cela met en place une hiérarchie de type apartheid politique entre représentativité et non. (Infoaut, Non a tutti piace Expo, disponible sur le réseau)

Candide ou optimisme

« Ce premier mai milanais a été une journée incommodante. Elle était incommodante pour les révolutionnaires parce que le fait central – celui de la participation, de la détermination, de l’organisation, de l’existence d’une force révolutionnaire capable de mettre en acte son refus de l’interdiction de se prendre pour le centre – a été mis au second plan du récit majoritaire. (Autonomia Diffusa, 15 Tesi “partigiane” sul primo maggio, disponible sur le réseau)

Les souffrances du jeune Werther

« […] cette ”internationale” de camarades qui luttent quotidiennement dans le pays, qui se rencontrent   en Europe et sur les barricades, cette internationale veut se débarrasser de cette fange politique […] Et ainsi, tous ceux qui étaient sur la place à Milan, déterminés à embellir un mobilier urbain dégradé et prêts à s’affronter avec la police (autonomes ou anarchistes soient-ils) devraient avoir compris être à ce moment l’unique force réelle, radicale et impétueuse dans ce pays de fascistes, d’infâmes délateurs et chrétiens-démocrates. […] les relations, dans cette ”internationale”, sont tout, et elles condensent des années et des années de luttes communes. […]  La vérité c’est que de telles journées ne peuvent être capitalisées politiquement, elles n’expriment pas la colère des précaires ou de la plèbe (qu’on l’appelle comme on veut), elles n’affichent aucune puissance, ne produisent et ne viennent d’aucun sujet politique. […] Et à ceux qui évoqueraient les motifs de protestation contre l’Expo, nous dirons une seule chose : on s’en tape de l’Expo. […] Le cortège no epo etait une occasion, demain sera une autre ». (Anonimo, Un po’ di possibile, altramenti soffochiamo… , disponible sur le réseau)

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