A paraître : « La frontière comme méthode ou la multiplication du travail »
Chez nos camarades des éditions de l’Asymétrie
On a coutume de dire, pour s’en féliciter ou le déplorer, que les frontières seraient en train de s’estomper et de disparaître. A rebours de ces lieux commun, ce livre démontre qu’au contraire les frontières prolifèrent dans le monde actuel et ce, sous des formes et selon des configuration mouvantes, et en constante réinvention, au fil des flux de capitaux, de marchandises et de personnes qu’elles articulent, mais aussi au rythme des luttes qui les environnent et les bousculent. Sandro Mezzadra et Brett Neilson proposent ici un nouveau paradigme qui décloisonne disciplines et théories pour comprendre comment les frontières sont devenues le laboratoire des mutations du capitalisme et de l’État.
Extrait de la préface ( Traduction Julien Guazzini)
« Depuis l’Antiquité tardive, le tracé et l’établissement des frontières a été enveloppé de brouillard et de poussière, de violence et de magie. Aux quatre coins du monde, des sources rapportent les récits merveilleux et terrifiants du tracé des lignes de démarcation entre sacré et profane, bien et mal, privé et public, intérieur et extérieur. Depuis les expériences liminaires des sociétés rituelles, jusqu’à la délimitation de la terre en propriété privée, du fratricide de Remus par Romulus lors de la mythique fondation de Rome à l’expansion du limes de son Empire, ces récits évoquent la puissance productive de la frontière — le rôle stratégique qu’elle joue dans la fabrication du monde. Ils offrent aussi, d’un simple coup d’oeil, un aperçu de la profonde hétérogénéité du champ sémantique de la frontière, de ses implications symboliques et matérielles complexes. La représentation cartographique moderne et la disposition institutionnelle qui font de la frontière une ligne — tout d’abord en Europe, mondialisée ensuite par le tourbillon du colonialisme, de l’impérialisme et des luttes anticoloniales — a quelque peu masqué cette complexité et nous a amené à penser la frontière comme littéralement marginale. On assiste aujourd’hui à un profond changement à cet égard. Comme l’ont remarqué de nombreux chercheurs, la frontière est venue s’inscrire au centre de l’expérience contemporaine. Nous assistons seulement à une multiplication des différents types de frontières, mais aussi à la réémergence de la profonde hétérogénéité du champ sémantique de la frontière. Les démarcations symboliques, linguistiques, culturelles et urbaines ne s’articulent plus de façon rigide autour de la frontière géographique. Au contraire, elles se chevauchent, se connectent et se déconnectent de façon souvent imprévisible, contribuant à délimiter de nouvelles formes de domination et d’exploitation. »
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