Présentation actualisée des évènements récents à Athènes et Thessalonique…
…vus par les yeux de quelques participants prolétariens
Partie I
Le coup de feu de la police le samedi 6 décembre a déclenché, dans toutes les cités grecques, les plus féroces émeutes depuis des décennies. Ce qui suit est une première – et incomplète – présentation des récentes émeutes à Athènes, qui sont toujours en cours, basée sur nos expériences propres et sur ce dont nous avons entendu parler. D’une côté, la férocité des émeutes et la détermination des émeutiers et des pillards, et de l’autre, la stratégie à venir de l’État prennent certainement plus de temps à être compris de façon adéquate, ce qui est quelque chose que nous ne sommes honnêtement pas en position de faire en ce moment, parce que nous participons à beaucoup d’actions locales, de manifs et d’assemblées.
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Samedi 6 décembre
Vers 21h10, un garde spécial de la police a tué par balle un garçon de 15 ans, Alexis-Andreas Grigoropoulos, de sang-froid, dans une altercation ordinaire près de la place Exarchia. Tout de suite après, nombre de gens – la plupart des libertaires – se sont rassemblés dans la zone pour savoir ce qui se passait et exprimer leur colère contre la brutalité policière. Des centaines de policiers tentèrent de boucler la zone pour étouffer les réactions, sans résultat. Spontanément, les gens ont commencé à attaquer la police dans les rues près de la place, par tous les moyens possibles. En moins de deux heures, plus de 10 000 personnes avaient emprunté les rues avoisinantes pour parler des évènements et affronter la police. Quelques groupes anarchistes occupèrent le bâtiment historique de l’Ecole Polytechnique, qui se trouve à quelques pâtés de maison, et la Faculté d’économie, qui se trouve à un kilomètre du centre, afin de les utiliser comme centres de lutte. Les gauchistes firent la même chose à la Faculté de droit, à moins d’un kilomètre de l’endroit où le meurtre avait eu lieu. Dans ce quartier, les affrontements avec la police et les attaques contre les banques et les magasins durèrent jusqu’à 4h, pour ce dont nous avons été témoins.
Les nouvelles concernant le meurtre se diffusèrent rapidement à beaucoup de gens, via les téléphones portables et Internet. En conséquence, environ 150 personnes, qui se trouvaient déjà sur la place Monastiraki, attaquèrent spontanément et pillèrent presque tous les magasins de la rue Ermou, la onzième rue la plus chicos du monde. Là, s’y joignirent nombre de passants venant des bars et boîtes alentour.
Dans le centre d’Athènes, cette nuit-là, quelques personnes attaquèrent le commissariat près de l’Acrople, causant pas mal de dégâts.
Il faut noter que les nouvelles concernant le meurtre du jeune garçon se diffusèrent immédiatement à beaucoup de villes (Thessalonique, Ioannina, Irakleio (Heraklion), Volos), où eurent aussi lieu plusieurs attaques contre des banques, des commissariats et des magasins.
Dimanche 7 décembre
Les occupants de la Faculté de droit appelèrent à une manifestation à 14h devant le Musée d’Archéologie qui est juste à côté du bâtiment historique de l’Ecole Polytechnique également occupé, dans l’avenue Patission. De nombreuses personnes se rassemblèrent et, vers 15h30, la manif commença, en direction du quartier général de la police athénienne. Nous savions d’ores et déjà que la police ne nous laisserait jamais approcher son quartier général, mais nous étions déterminés à parvenir aussi près que possible. Les destructions de banques et les jets de pierre contre les flics commencèrent immédiatement après que nous ayons quitté la place. Comme nous tournions à droite vers l’avenue Alexandre, en nous trouvant à la fin de la manif, nous avons réalisé que les participants étaient environ 4 000, de tous âges. Il y eut des attaques contre tous les magasins visibles, principalement des boutiques de voitures de luxe et des banques. Au début, la police se tint à bonne distance des émeutiers et ne se laissait pas prendre pour cible. Ensuite, comme ils se rapprochaient, les émeutiers les attaquèrent principalement avec des pierres. La police fit une première tentative pour casser la manif, avec du gaz lacrymogène, près de la place d’Argentine, mais sans succès. Dix minutes plus tard, à l’angle avec la rue Hippocrate, ils firent une seconde tentative plus féroce avec beaucoup de gaz lacrymo, qui finit par réussir : la manif se divisa en plusieurs parties et ses fractions principales se dirigèrent vers la droite à travers Neapoli. Les attaques contre les magasins et les banques continuaient, accompagnées aussi de destruction de voitures. Nombre de gens choisirent de continuer à marcher vers le quartier général de la police, par une rue parallèle mais, au bout d’un certain temps, il fut évident qu’il n’y avait pas moyen d’y accéder : une petite rue perpendiculaire à l’avenue Alexandre est l’endroit où a été prise la déjà fameuse photo du policier anti-émeute, tenant une arme. Nous avons décidé de reculer et de retourner à la place Exarchia pour voir quoi faire ensuite. Sur le retour, il y avait toujours des affrontements avec la police, mais moindres. Quelques personnes attaquèrent le commissariat 5 qui se trouve non loin, et la police répliqua avec des balles en caoutchouc.
Plus tard dans la soirée, les affrontements avec la police recommencèrent – et dans une moindre mesure les attaques de magasins – autour de l’Ecole Polytechnique et de la Faculté d’économie, qui dureraient jusqu’à tard dans la nuit.
Lundi 8 décembre
Le matin, des jeunes de plusieurs lycées se rassemblèrent spontanément en face du quartier général de la police pour manifester. Nombre de jeunes des banlieues nord, est et ouest allèrent au centre-ville, pour un manif spontanée. Les jeunes des écoles du Pirée (un port au sud-ouest de la ville) attaquèrent le commissariat central en renversant les voitures de police.
A 18h, les occupants de la Faculté de droit appelèrent à une manifestation à Propylaia, une place centrale d’Athènes. Notre estimation est que plus de 20 000 personnes, principalement des gens jeunes, participèrent à cette manif. Nombre d’entre eux, peut-être plus de 1 500, marchaient « en dedans et en dehors » de la manif attaquant les banques et détruisant les magasins de luxe du centre-ville. Ils commencèrent à détruire ou piller les marchandises, presque dès le début de la manif. Les jeunes détruisirent des banques place Omonia et attaquèrent plus de la moitié des magasins des avenues Stadiou et Filellinon. Il y eut aussi beaucoup de pillages dans les magasins des premiers pâtés de maisons de l’avenue du Pyrée. Les gens marchaient doucement et personne n’a vraiment essayé d’arrêter ni les attaques, ni le pillage. Certains s’arrêtèrent même et acclamèrent les jeunes en train d’attaquer. Au même moment, des jeunes attaquaient aussi les flics, les banques et les magasins, à différents endroits de la ville, tout le long de l’avenue Syggrou, une rue menant au sud d’Athènes. Jusqu’à présent le montant réel des dommages causés à la propriété privée cette nuit-là n’a pas été estimé. Les médias disent que cela se monte à 10 millions d’euros, ce qui est peut-être vrai puisque des dizaines de magasins furent attaqués, pillés ou brulés, principalement par des « jeunes incontrôlables », grecs et immigrants.
Bien qu’on puisse dire que les jeunes Grecs (étudiants et travailleurs précaires) aient pris l’initiative et que les immigrants aient suivi, nous devons admettre qu’il était très difficile de les distinguer dans les rues. En ce qui concerne les immigrants, les Albanais de deuxième génération participèrent principalement aux attaques contre les flics et les bâtiments, et les immigrants d’autres origines – principalement Afghans et Africains – s’en tinrent aux pillages. Les émeutes et pillages couvrirent approximativement la moitié du centre-ville. Bien que la police ait procédé à de nombreuses arrestations ce soir-là, il serait faux de dire qu’elle pouvait même penser à contrôler la situation, parce qu’il y avait tellement de gens dans les rues, agissant en petits groupes de dix ou vingt personnes.
Mardi 9 décembre
Les enseignants de l’enseignement primaire et secondaire firent grève ce jour-là contre la brutalité policière. A midi, la manifestation commença la place Propylaia et se dirigea vers le Parlement, mais il n’y avait pas plus de 3 000 participants. Après la fin de la manif, et en dépit du fait qu’ils étaient peu nombreux, 150 jeunes lancèrent des cocktails Molotov, des pierres et autres objets sur la police anti-émeute.
Le soi-disant parti communiste (KKE), effrayé par la perspective d’une émeute généralisée, exhiba une fois encore sa nature contre-révolutionnaire, réactionnaire. Ils qualifièrent les émeutiers et pillards d’agents secrets d’ « obscures forces étrangères » et appelèrent le « mouvement populaire », un sujet imaginaire, dont ils étaient prétendument les représentants légitimes, à rester à distance du combat. L’histoire se répète : ce parti, durant les 35 dernières années, a psalmodié le même mantra, dangereux et monotone, à propos des « provocateurs » ; en 1973 ils avaient fait la même chose contre les étudiants et les ouvriers qui avaient occupé l’Ecole Polytechnique; une émeute qui avait menée au renversement de la dictature. Une fois encore, ils essaient de sauver l’Etat et de restaurer l’ordre public.
A 15h, l’enterrement du garçon décédé se déroule au cimetière de Palario Faliro, une banlieue du sud d’Athènes. Plus de 5 000 personnes se rassemblent pour rendre un dernier hommage à Alex et hurler une fois de plus contre les assassins de la police. Durant les obsèques, environ 200 jeunes prirent part à des attaques contre la police anti-émeute, qui se trouvait tout près. Cet affrontement dura plus d’une heure, pendant laquelle quelques magasins et banques furent attaqués ; des pierres furent aussi lancées contre une voiture de police. Au bout d’une heure, les jeunes se dirigèrent vers le commissariat de Palaio Faliro mais furent arrêtés non loin de là. Durant cette émeute, trois motards de la police tirèrent plus de dix fois en l’air pour « effrayer « les émeutiers.
Pendant la nuit, des fascistes firent leur apparition dans les rues autour de l’Ecole Polytechnique et de la Faculté d’économie où de féroces affrontements avec la police eurent lieu. Sur la place Victoria, des immigrants attaquèrent la police et tentèrent de piller trois magasins, mais des civils et des « citoyens » arrêtèrent brutalement l’un d’entre eux. Plus généralement ce fut le jour où l’Etat mit en avant officieusement le soi-disant « automatisme social » et encouragea la collaboration entre propriétaires de magasins, fascistes, « citoyens » et la police, contre les émeutiers.
Mercredi 10 décembre
C’était un jour de grève générale dont le mot d’ordre avait été déterminé un mois auparavant : il était principalement « contre le budget 2009 de l’Etat ». Du fait des émeutes en cours, les leaders syndicaux condamnèrent la brutalité policière, tout en séparant en même temps les « émeutiers » des « manifestants responsables, tranquilles ». Plus de 7 000 personnes rejoignirent le rassemblement sur la place Syntagma. Quelques manifestants lancèrent des cocktails Molotov sur la police, pendant une grève générale qui paralysait la Grèce et mettait la pression sur un gouvernement sénile.
Il y eut quelques petites émeutes sur l’avenue Panepistimiou. Après la manif, de nombreuses personnes rejoignirent les assemblées à l’Ecole Polytechnique et à la Faculté de droit pour discuter de ce qui allait être fait dans les jours à venir. Plus tard, il y eut une grande assemblée du milieu libertaire à la Faculté d’économie. Plus tôt dans la matinée, les lycéens attaquèrent le commissariat local dans la banlieue de Kaisariani. Durant la nuit, il y eut des affrontements avec la police sur l’avenue Tritis Septemvriou, au centre d’Athènes.
Les émeutes se sont étendues à quelques 42 préfectures de Grèce, même dans des villes où il n’y avait jamais eu de manifs avant. Le schéma est le même : des étudiants, principalement, et des jeunes attaquent des commissariats, des banques, des magasins et des bâtiments d’Etat. Ils se rassemblent spontanément, après avoir communiqué entre eux par téléphones portables. Les anarchistes et les « politisés » représentent juste une petite fraction des émeutiers, et dans bien des cas ils sont pris au dépourvu par la férocité, la diffusion et la durée des émeutes.
C’est principalement à Athènes et à Héraklion (Crête) qu’une grande partie des émeutiers sont des immigrants et, de la sorte, cette émeute peut être nommée à juste titre, multinationale, la première de ce genre en Grèce. Contre cette situation totalement nouvelle, les médias ont tenté de changer leur propagande et parlent de « manifestants grecs » et « pillards étrangers », dans une tentative de raviver le racisme.
Jusqu’à aujourd’hui, la moitié des gens arrêtés à Athènes sont des immigrants et le principal chef d’accusation retenu contre eux est le pillage. L’immense majorité de ceux qui ont été arrêtés dans le pays sont des jeunes.
Jeudi 11 décembre.
Le jeudi, les lycéens désertèrent leurs écoles et rassemblèrent devant les commissariats partout dans Athènes. Certains furent attaqués avec des containers et des pierres, et la police lança des gaz lacrymo en retour, et dans certains cas… des pierres. En tout 35 commissariats furent bloqués à Athènes, et à certains endroits d’autres gens participèrent tout autant, principalement des parents. L’entrée de la prison de Koryllos fut aussi attaquée par les étudiants.
Les médias disent que 4 500 cartouches de gaz furent utilisées par la police durant ces cinq jours. Ils sont à court de lacrymo et pensent en importer d’Israël !
Le matin, un groupe de libertaires occupa l’hôtel de ville d’une banlieue du sud d’Athènes. De nombreuses personnes du quartier participèrent à l’assemblée du soir, et les travailleurs municipaux qui soutenaient l’occupation firent un communiqué qu’on trouvera en annexe. L’hôtel de ville a été utilisé depuis lors comme un point de rassemblement et un centre de contre-information.
Des assemblées eurent lieu dans beaucoup d’universités et les occupations se répandirent. Des militants de l’organisation étudiante du Parti communiste (PKS) tentèrent de bloquer les assemblées afin d’empêcher les occupations (Université du Panthéon, Ecole de philosophie de l’Université d’Athènes). Leurs tentatives échouèrent alors que les occupations se développaient dans Athènes et la Grèce.
Il y eut une grande manif tôt dans la soirée (peut-être 5 000), au centre d’Athènes, appelée par une assemblée de syndicalistes principalement gauchistes qui se réunissaient à la Faculté de droit occupée. A la fin de la manif, les affrontements avec la police commencèrent dans le centre-ville et autour de la Faculté de droit occupée et durèrent quelques heures.
A Komotini, une ville du nord-est, près de la Turquie, une manif d’étudiants fut attaquée et pourchassée dans l’université par de nombreux fascistes et loubards d’extrême-droite qui infestent la région pour protéger… la sécurité nationale.
Il y a un sentiment général d’hostilité envers les flics et un ras-le-bol d’ensemble. La brutalité policière dans un Etat de plus en plus policier depuis les Jeux Olympiques de 2004, de très mauvais salaires et conditions de travail, des lycéens surmenés et sous pression, le mécontentement étudiant d’une vie de plus en plus caractérisée par l’insécurité et la peur, la corruption du gouvernement et des officiels de l’église, la surexploitation des immigrants et une société déchirée par des division de classes qui se creusent : un mélange explosif dont le meurtre du garçon était juste la mèche.
La publication d’extraits de la déposition du flic qui avait assassiné le garçon souleva une indignation générale. Il « accusa » le lycéen d’avoir « un comportement déviant » parce qu’il « avait été renvoyé de l’école privée où il allait » (ce qui est un mensonge, soit dit en passant). Son avocat, une célébrité télévisuelle, fit une déclaration encore plus provocante : « c’est seulement à la justice grecque de décider si le jeune garçon a été tué justement ou non ». Le rapport balistique était attendu ce jour. « Des fuites » dans les médias, les jours précédents, suggéraient que le rapport dirait qu’Alexandros avait été tué par ricochet et non par un tir direct (ce qui va à l’encontre des affirmations de chacun des témoins oculaires). Toutefois, de telles provocations trouvèrent au moins leur réponse dans les rues. Entre autres choses, de nouveaux slogans imaginatifs furent inventés chaque jour : « nous n’avons pas lancé de pierres ; elles ont ricoché », « la bonne chose est que l’avocat soit tué par ricochets ».
Vendredi 12 décembre
700 lycées et 100 universités sont occupés et on s’attend à ce que ce nombre grimpe. Une grande manif étudiante fut organisée à Athènes (10 000 ou plus). Les étudiants et d’autres manifestants attaquèrent la police et quelques banques furent démolies. Pendant la manif, 200 anarchistes saccagèrent le bureau de l’avocat. Les flics anti-émeute arrêtèrent plusieurs étudiants (certains d’entre eux ont 13-14 ans).
Samedi 13 décembre
Un sit-in fut organisé place Syntagma à midi, par le comité de coordination des occupations d’université et les groupes politiques. Plus de 1 000 personnes, de tous âges, y participèrent : étudiants, lycéens aussi bien que travailleurs. Le sit-in devait durer jusqu’au bout de la nuit. Après minuit, la police attaqua le manif pacifique avec des lacrymos et dispersa la foule qui s’était assemblée. Des rassemblements et des manifs furent aussi organisés dans les banlieues autour d’Athènes : Nea Smirni, Peristeri, Zografou.
Dans la soirée, le ministère de l’environnement et des travaux publics, rue Patission, fut attaqué par une foule de 200 personnes. À 21h, environ un millier de personnes se rassemblèrent à Exarchia pour protester contre le meurtre d’Alexis-Andreas Grigoropoulos, près de l’endroit où il avait été assassiné. Certains attaquèrent le commissariat local pendant que d’autres affrontaient la police anti-émeute. Une manif se dirigea vers Monastiraki et Gazi, des quartiers où beaucoup de gens vont en boîte le samedi soir. La manif fut attaquée par la police, et quelques-uns parvinrent à continuer. Les conflits continuaient à Exarchia, mais les attaques de la police forçaient les gens à se disperser dans différentes directions. Une grande partie de la foule fut repoussée aux environs de l’Ecole Polytechnique. Les émeutes continuèrent dans les rues autour de l’Ecole Polytechnique pendant la nuit.
Les gens qui avaient réussi à poursuivre la manif traversèrent Monastiraki, Thisseio, Gazi et essayèrent alors de revenir dans le centre en passant par la rue du Pirée. Les manifestants attaquèrent quelques banques et caméras de surveillance. La police attaqua de nouveau la manif vers la place Omonia, et il y eut alors près de 50 arrestations. Les gens arrêtés furent relâchés sans poursuites.
Pendant la journée, pas mal de banques furent attaquées partout dans Athènes.
Dimanche 14 décembre
Il y a eu des manifestations dans plusieurs banlieues d’Athènes ainsi que dans beaucoup de villes de Grèce (Thessaloniki, Corfu, Volos, Xanthi, etc.). Plus tôt dans la nuit, une manifestation pacifique place Syntagma, appelée par des bloggeurs, était dispersée au gaz lacrymogène par la police anti-émeute.
Sur la place centrale de Nea Smirni, une banlieue au sud-est d’Athènes, un grand café abandonné appelé « Galaxias », appartenant à la municipalité, était occupé à midi par environ cent personnes (libertaires, membres d’un parti municipal et plusieurs résidents) pour être transformé en centre de contre-information et de coordination d’action. L’occupation de bâtiments publics est une nouvelle forme de luttes venant des émeutes. Comme nous l’avons vu, cela a commencé dans la banlieue d’Agios Demetrios, avec l’occupation de la mairie. L’occupation du « Galaxias » a adopté le nom de « Eleftheros Galaxias » (qui signifie « la Galaxie Libre ») et a appelé à une assemblée de voisinage plus tard dans l’après-midi.
Durant la journée, quatre stations de radio ont été occupées. Elles ont été utilisées pour les déclarations radiophoniques et des communiqués d’appel à la généralisation de l’insurrection.
L’après-midi, le Comité des résidents d’Exarchia a appelé à un rassemblement sur la place où le meurtre d’Alexis a eu lieu. Malgré la pluie, un nombre significatif des personnes y participèrent et discutèrent des événements lors d’un rassemblement en plein air. Quand la police anti-émeute est apparue, les gens l’ont repoussée en criant et en les insultant.
Le maire d’Athènes annonça qu’un nouvel Arbre de Noël sur la place Syntagma serait érigé le mercredi, puisque le précédent avait été brulé par les cocktails Molotov dans la nuit du 8 décembre. Pour l’État, cet arbre symbolise l’esprit consumériste et le retour à la normale alors que pour les insurgés, son incendie signifie que l’émeute continue. Plusieurs tentatives d’y mettre le feu sont survenues pendant les manifestations.
Lundi 15 décembre
À 17h00, les occupants de la vieille mairie de Halandri, une banlieue du nord-est d’Athènes, était attaquée par une poignée de crapules qui avaient prétendument des connexions mafieuses avec les propriétaires de magasin locaux. L’un d’entre eux forçait les manifestants à quitter le bâtiment en les menaçant avec un fusil de chasse et une batte de base-ball. Néanmoins, les gens réussirent à réoccuper le bâtiment deux heures après.
Dans Agios Demetrios, l’assemblée populaire de l’occupation a essayé de coopérer avec les employés municipaux pour redémarrer quelques services sans la médiation des autorités municipales. L’objectif était de satisfaire les besoins sociaux urgents, tels que le fait d’éditer des cartes vertes pour les immigrants et de payer les salaires et les allocations supplémentaires. Le maire et le conseil municipal ont intimidé les ouvriers en essayant de les empêcher de fournir ces services.
Le matin, une centaine de lycéens environ, et quelques ouvriers et militants se sont rassemblés à l’extérieur du tribunal dans la rue Evelpidon pour exprimer leur solidarité envers les interpellés des affrontements contre la police anti-émeute de la semaine précédente. Les jeunes sont entrés dans le tribunal, en évitant les contrôles. En même temps, une manifestation était organisée dans la banlieue de Korydallos par plus de mille jeunes des écoles proches. Ils sont allés à la prison Korydallos (la plus grande prison du pays) et ont attaqué la police avec des pierres et des cocktails Molotov. Par ailleurs, dans le quartier de Pagrati, des lycéens manifestaient à l’extérieur du poste de police. A midi, plus de mille jeunes des écoles locales se rassemblaient à l’extérieur du quartier général de la police dans l’avenue Alexandras et attaquaient la police avec des œufs, de la farine et des pierres. Deux étudiants furent arrêtés après avoir été battus.
L’après-midi, environ 150 personnes participaient à une manifestation musicale place Propylaia. Les manifestants bloquaient l’Avenue Panepistimiou en chantant et en dansant, mais subirent une attaque féroce des polices spéciales. En même temps environ 100 personnes faisaient une intervention dans la station de métro souterraine de Propylaia. Des tracts étaient distribués, exprimant une critique explicite de la circulation capitaliste de la marchandise force de travail, en demandant le transport libre pour tous et en promouvant la violation des politiques de tolérance zéro à l’intérieur des stations de métro. L’intervention prit fin avec le sabotage de tous les distributeurs automatiques, l’écriture de slogans sur les murs de cet environnement stérilisé et le bombage des caméras de surveillance. Les polices spéciales surgirent dans la station de métro et les joyeux participants les attaquèrent verbalement et se moquèrent d’eux du haut des escaliers à l’entrée de la station. Dans le même temps, une action similaire se déroulait dans la station de métro de Daphni, organisée par l’assemblée populaire de l’Hôtel de Ville occupé d’Agios Demetrios.
Une énorme banderole représentant Kugias, l’avocat du flic tueur, était accrochée sur l’université place Propylaia, avec le slogan « vas te ricocher toi-même, espèce de cafard ». Peu après l’intervention à la station de métro, une manifestation appelée par l’assemblée de l’occupation de la Faculté de Droit commençait depuis cette place. Environ 2 000 personnes y participaient, se dirigeant vers le Parlement puis revenant place Propylaia.
Dans la banlieue de Nea Filadelfia, le centre culturel municipal était occupé pour être utilisé comme un lieu de rassemblement et un centre de contre-information.
Les occupations de bâtiments municipaux et stations de radio aussi bien que de départements universitaires ont continué de s’étendre partout dans Athènes et dans d’autres villes.
Ce jour-là, 14 représentants de communautés immigrées ont publié une déclaration essayant de prendre leurs distances avec les émeutes et le pillage en particulier : « nous ne sommes pas des pillards, les immigrants ont une expression publique et de la dignité […] Nous déclarons que la grande majorité des immigrants ne sont ni des pillards, ni des criminels ». Adoptant une position tout à fait différente, les militants du Repaire athénien des migrants albanais distribuaient le matin une brochure au piquet de grève étudiant à l’extérieur du quartier général de la police, revendiquant leur part dans les émeutes, « Ces jours sont également les nôtres ». Le texte peut être trouvé en annexe.
Mardi 16 décembre
Un groupe de 50 personnes réussit à entrer dans les studios de FILET, la chaine de télévision national, contrôlé par l’Etat, et interrompait le bulletin d’information de 15h00 pendant environ 1 minute. Les caméras furent retournées vers les manifestants qui portaient les banderoles demandant « la libération immédiate de tous les prisonniers de l’insurrection », « la Liberté pour tous » et enjoignant les téléspectateurs : « [d’] Arrêter de regarder la télé et [de] sortir dans les rues ». Le groupe qui a organisé cette action a publié un communiqué qui peut être trouvé dans l’annexe de la chronologie.
A midi, un groupe d’environ 70 militants attaquait le poste de police central d’Ilissia qui sert aussi de quartier général d’une unité des polices spéciales (YMET). Un fourgon de la police et quatre véhicules de la police furent brûlés et 2 agents de police blessés. L’après-midi, des rassemblements et des manifestations étaient organisés dans les banlieues de Petralona, Daphni, Agios Demetrios avec la participation d’étudiants de lycéens, ouvriers et d’autres résidents. Simultanément, environ mille personnes se rassemblaient dans Exarchia et se dirigèrent vers le poste de police local où ils furent arrêtés par d’importantes forces de police.
L’occupation de la Mairie d’Agios Demetrios se terminait par une manifestation d’environ 300 personnes.
À un autre endroit du centre-ville, une intervention était organisée à la station de métro de la place Victoria, l’après-midi. Les distributeurs automatiques étaient détruits, des slogans écrits sur les murs (l’un d’entre eux était « rendons l’insurrection souterraine ») et les caméras de surveillance bombées.
Mercredi 17 décembre
Les bureaux centraux de la Confédération Générale du Travail de Grèce (GSEE), situés au carrefour de Patission et de l’avenue Alexandras, furent occupés tôt le matin par un groupe d’environ 70 ouvriers. Les buts de l’occupation étaient exprimés dans un premier communiqué de l’occupation qui peut être trouvé en annexe. Environ 50 bureaucrates et leurs nervis essayaient d’expulser les squatters vers 15h00 mais étaient repoussés par les gens avec l’aide des occupants de l’ASOEE, se trouvant à proximité. Un rassemblement était appelé à 18h et regroupa 800 personnes.
Depuis le début, il était évident qu’il y avait deux tendances à l’intérieur de l’occupation – peu importe leur manifestation extérieure : l’une, ouvriériste, qui voulait utiliser l’occupation symboliquement pour critiquer la bureaucratie syndicale et promouvoir l’idée d’un basisme indépendant de l’influence politicienne ; et l’autre, prolétarienne, qui voulait attaquer une autre institution de la société capitaliste, critiquer le syndicalisme et utiliser l’endroit pour créer une autre communauté de lutte dans le contexte des troubles généraux. Les syndiqués gauchistes qui étaient présents à l’assemblée ne surent pas vraiment que faire avec tous ces ouvriers insurgés et abandonnèrent.
Le matin, les étudiants accrochaient deux banderoles géantes sur l’Acropole avec des slogans appelant à des manifestations de masse à travers l’Europe le 18 décembre, et à la résistance. Les ouvriers du site archéologique soutenaient l’action. Dans les jours précédents, les ouvriers de l’Acropole étaient en grève à cause d’une diminution de leur salaire suite à la réduction d’une allocation spéciale. Plus tard dans la journée le ministère promettait de satisfaire les demandes des grévistes et la mobilisation était suspendue.
Le soir, les occupants du vieil Hôtel de Ville dans Halandri organisaient une manifestation dirigée contre le poste de police. Au moins 400 personnes ont participé et ont attaqué le poste de police avec des œufs, pierres, bouteilles, etc ; 30 minutes plus tôt, la même manifestation avait lancé des œufs et de la peinture sur le tribunal local. Une autre manifestation traversait les banlieues de Kesariani, Pangrati et Vironas. 300 personnes y prenaient part et se dirigeaient vers le poste de police où ils s’affrontaient brièvement à la police. Ensuite, la manifestation se dirigea vers l’Hôtel de Ville de Kesariani qui était occupé depuis quelques heures.
Le sabotage de distributeurs automatiques de ticket et de caméras de surveillance se répétait le soir dans 5 stations de métro : Attiki, Ano Patisia, Kato Patisia, Tavros et Monastiraki.
Un nouveau lycéen se fit tirer dessus par des inconnus sur un lieu de rencontre de jeunes dans Peristeri, une banlieue à l’ouest d’Athènes. Heureusement, l’étudiant, dont le père est un syndicaliste bien connu et un membre du parti soi-disant communiste, n’a pas été blessé sérieusement.
Un groupe de professeurs (pour la plupart enseignants de droit dans les universités grecques) lançaient un appel au Gouvernement et aux groupes olitiques à prendre quelques mesures contre « les maux » de la société grecque, demandant surtout une utilisation plus stricte de l’asile universitaire et des poursuites judiciaires contre l’utilisation de cagoules pendant les manifestations. Ainsi les intellectuels, bien que tardivement, essayaient de réintroduire le vieux Black Act[1] dans la Grèce de 2008 en actualisant son sens à l’encontre des insurgés.
Jeudi 18 décembre
Une manifestation partait à midi de la place Propylaia avec la participation de lycéens, étudiants, enseignants et autres ouvriers. Le syndicat de base des postiers appelait à une grève d’une journée, alors que le syndicat des ouvriers des librairies et des maisons d’édition appelait à un arrêt de travail de 5 heures. Les postiers formaient leur propre bloc dans la manifestation. De même, la confédération des syndicats des ouvriers de secteur public (ADEDY) appelait à un arrêt de travail de 5 heures. Cela donnait l’occasion à beaucoup d’ouvriers de participer de façon indépendante à la manifestation. Le nombre des manifestants était très élevé. Certains les estiment à environ 20 000. Quand la manifestation atteignit le parlement, les affrontements avec la police anti-émeute commencèrent. Les flics protégeaient principalement l’Arbre de Noël nouvellement érigé place Syntagma ; ils l’entouraient, en essayant d’empêcher son incendie par les cocktails Molotov lancés. C’était un spectacle si ridicule à voir que des centaines de manifestants criaient et en se moquaient d’eux. Le vrai esprit de Noël : l’Arbre de Noël, (en plastique, en fait), symbole du consommateur heureux, protégé par les forces de la loi et de l’ordre ! Les affrontements se propagèrent à l’Avenue Panepistimiou, l’Avenue d’Akadimias et la Rue Solonos jusqu’au soir. Plusieurs personnes furent arrêtées et parmi eux un soldat qui passait par là et fut brutalement frappé par les flics.
Après une manifestation semblable dans la ville de Patras, la bourse du travail locale fut occupée par des manifestants suite à l’exemple de l’occupation de GSEE.
Une manifestation antiraciste avec quelques centaines de personnes a été organisée l’après-midi par les organisations immigrées et antiracistes. Certaines de ces organisations étaient celles qui avaient nié la participation d’immigrants dans les émeutes et le pillage, démontrant ainsi leur rôle comme les médiateurs capitalistes.
Le soir, les membres de la Jeunesse soi-disant Communiste ont organisé une manifestation dans Peristeri pour protester contre l’attentat contre le lycéen la veille. Selon des témoignages, quelques étudiants ont conspué les membres de la Jeunesse Communiste.
Un groupe d’étudiants en art a interrompu un concert de musique classique dans Megaro Mousikis, le music-hall le plus important de Grèce, les tracts distribués critiquant le rôle de l’art et des artistes dans la relation avec les événements récents et a scandé quelques slogans contre les flics et l’État.
Vendredi 19 décembre
L’Institut français était attaqué à midi par 40 personnes avec des cocktails Molotov et des pierres. Des slogans étaient bombés sur les murs : « Etincelle à Athènes, Incendie à Paris, l’insurrection vient » et « Grèce-France : insurrection partout ». Cette action exprimait la solidarité avec les activistes qui sont accusés de saboter les chemins de fer aussi bien qu’avec les mobilisations lycéennes en France.
L’après-midi un concert de solidarité était donné place Propylaia avec la participation de centaines d’artistes et de plus de 5 000 personnes.
À 18h00, une manifestation était organisée dans Egaleo, une banlieue d’Athènes, par le groupe anarchiste local. Plus de 100 personnes ont participé à la manifestation qui s’est dirigée vers le poste de police. Les manifestants ont attaqué le poste de police et ont cassé les vitrines et les caméras de surveillance de toutes les banques sur leur chemin. Au même endroit, il avait lieu une manifestation organisée par des groupes gauchistes qui suivaient une autre route.
Pendant la journée, ouvriers permanents et intérimaires, étudiants et chômeurs des occupations d’ASOEE et de GSEE organisaient des interventions dans deux centres d’appel : MRB (une compagnie organisant des sondages d’opinion publique) et OTE (la compagnie de télécommunications nationale de la Grèce). La première intervention est survenue autour de midi et seulement quelques personnes y ont participé à cause de la grande distance entre le site et le centre-ville. Dans la deuxième intervention, environ 60 personnes ont participé et ont bloqué le travail pendant quelques minutes. Les ouvriers intérimaires dans le centre d’appel ont répondu à l’action d’une façon positive.
À ce moment-là, 800 lycées étaient occupés selon le Syndicat des enseignants des écoles secondaires (OLME).
Environ cent personnes ont interrompu la première du Théâtre national à Athènes, tard le soir. Ils ont pris la scène et ont tendu une banderole disant « Tout le monde dans la rue. Libération immédiate de tout les interpellés pendant la révolte ». Le texte distribué dans la salle et lu par des acteurs disait, entre autres : « maintenant que vous ayez éteint vos portables, il est grand temps d’allumer votre conscience ».
Samedi 20 décembre
Ce jour-là, 3 stations de radio furent occupées. L’après-midi, des manifestations étaient organisées dans beaucoup de banlieues et quartiers d’Athènes : Gyzi, Peristeri, Halandri, Vironas, Petralona, Nea Smirni. Les manifestations étaient organisées par les occupations locales ou par des groupes libertaires ou gauchistes locaux. Cette mobilisation survenait après l’appel à une journée internationale d’action par les occupations d’ASOEE et de l’école Polytechnique d’Athènes. Des centaines des gens ont participé aux manifestations.
Plus tard, un grand magasin d’Agios Panteleimonas, un quartier pauvre d’Athènes où vivent beaucoup d’immigrants, a été pillé par un groupe de militants.
Le soir, le bâtiment de Teiresias, une compagnie interbancaire qui « traite les données qui reflètent le comportement économique des individus et des entreprises » a été attaqué et incendié.
Plus tard, plus de mille personnes se sont rassemblées dans les rues autour de la place Exarchia commémorant le meurtre d’Alexandros. Les affrontements commencèrent avec la police mais la foule fut dispersée et repoussée à l’intérieur des locaux de l’école Polytechnique. Les affrontements ont continué autour de l’université jusqu’à tôt le matin.
Le département financier de la police grecque dans Nea Filadelfeia fut attaqué aux cocktails Molotov. En dehors des dégâts causés au bâtiment, 7 voitures furent détruites.
Dimanche 21 décembre
A midi, des manifestations se déroulèrent dans Kesariani-Pagrati (environ 250 participants) et Ilion (environ 100 participants). Dans Ilion, les manifestants ont lancé des pierres et ont cassé les vitrines de 4 banques et d’une agence pour l’emploi (OAED).
L’occupation de GSEE s’est terminée dans l’après-midi avec une manifestation qui s’est dirigée vers l’école Polytechnique via l’avenue Patission. Le parcours initial de la manifestation devait traverser des quartiers prolétariens proches où beaucoup d’immigrants vivent. Mais cela fut modifié car des rumeurs circulaient, disant que la police violerait l’asile universitaire et évacuerait l’école Polytechnique. Le dernier rassemblement dans le GSEE, centré sur la question de la solidarité avec les insurgés emprisonnés ou subissant la répression de la police, décida d’organiser une manifestation le mercredi 24 décembre à 16h00, de la place Monastiraki à la place Syntagma, par la rue Ermou qui est le centre commercial le plus riche de Grèce.
Environ cent étudiants des écoles de théâtre ont interrompu 15 pièces de théâtre autour d’Athènes. Les slogans principaux des interventions: « Nouvel an insurrectionnel, tout le monde dans la rue », « Il n’est pas possible de tuer nos rêves ».
Lundi 22 décembre
L’Hôtel de Ville de Peristeri fut occupé à midi par environ 100 personnes.
Un groupe de type mafieux a attaqué une femme de ménage intérimaire, K. Kuneva, 44 ans, secrétaire du syndicat des femmes de ménage, de retour chez elle, tard le soir. Ils brulèrent son visage à l’acide sulfurique. Elle a perdu un œil et est restée en soins intensifs à l’hôpital, en situation critique, souffrant encore aujourd’hui de sérieux problèmes de vue et du système respiratoire. K. Kuneva travaillait dans une des compagnies sous-traitantes de l’ISAP (Chemins de fer d’Athènes-le Pirée) et disait qu’elle était en conflit constant avec ses patrons et que, ces derniers temps, elle avait reçu des appels anonymes menaçants.
Mardi 23 décembre
Tôt le matin, des coups de feu visaient un car de la police anti-émeute dans Goudi, sans blesser personne. Un groupe s’intitulant « Action Populaire » revendiquait l’attaque en téléphonant à un centre de média en ligne, sans laisser d’explications sur leurs motivations, ce qui est tout à fait inhabituel comme pratique. Cela, comme le lieu d’où partirent les coups (un petit bâtiment occupé utilisé comme un lieu de rencontre pour les étudiants contestataires) rendirent l’affaire très suspecte. Peu de temps après, le procureur général autorisa la police à fouiller le lieu, violant ainsi l’asile universitaire.
5 000 personnes participèrent à la manifestation organisée par les comités de coordination des universités occupées et des lycées. Avant que la manifestation ne commence, certains manifestants ont retourné une voiture de la police mais cette action n’a pas été suivie par plus d’affrontements pendant la manifestation.
La plupart des participants à l’occupation de l’École de droit ont décidé de quitter le bâtiment.
Dans Nea Filadelfia, 200 personnes ont manifesté du centre culturel municipal occupé au poste de police local. Les manifestants ont lancé des œufs, de la peinture et des pierres sur le poste de police.
Mercredi le 24 décembre
L’occupation d’ASOEE s’est terminée l’après-midi.
Plus de 1 500 personnes, principalement du milieu libertaire, ont participé à la manifestation qui avait été organisée durant l’occupation du GSEE du dimanche, en solidarité avec les insurgés poursuivis. La manifestation, partie de la palce Monastiraki, a traversé la rue Ermou, a atteint la place Syntagma et est revenue ensuite place Monastiraki par la rue Kolokotroni. Certains jeunes ont rejoint la manifestation qui traversait la partie la plus commerciale de la ville, quand les courses de Noël étaient à leur sommet. Les slogans de la manifestation appelaient à une poursuite de l’insurrection contre « l’esprit » des achats de Noel. L’occupation de l’école Polytechnique s’est terminée à minuit.
Vendredi 26 décembre
Environ 150 personnes ont participé à une manifestation devant l’hôpital d’Evaggelismos où K. Kuneva est suivie. Les slogans clamaient : « Résistance contre le terrorisme patronal ».
Samedi, le 27 décembre
A midi, 300 personnes occupaient le bâtiment de quartier général de l’ISAP comme une première réponse à l’attaque meurtrière sur Konstantina Kuneva. Le groupe qui avait organisé cette action publiait un communiqué qui peut être trouvé dans l’annexe de la chronologie.
À 16h00, une assemblée fut appelée afin organiser des actions de solidarité avec les insurgés emprisonnés ou sous poursuites judiciaires. 500 personnes y ont assisté. Il y fut décidé que, dimanche, des gens participeraient aux actions contre l’ouverture des magasins. (En Grèce les magasins sont fermés le dimanche, mais l’État essaie d’imposer une loi contre). La veille, le gouvernement avait décidé d’ouvrir les magasins « exceptionnellement » dans le centre d’Athènes pour compenser le dommage « que les propriétaires de magasin » avaient subi à cause de la violence de l’insurrection). Dans la même assemblée, des gens décidèrent également de tenir une manifestation devant les prisons de Korydallos pour la Saint-Sylvestre, à 23h00, pour exprimer leur solidarité aux insurgés emprisonnés.
Dimanche 28 décembre
À 9h30, environ 200 personnes se sont rassemblées à l’extérieur d’une grande librairie sur la place Syntagma et ont bloqué les entrées. Certains d’entre eux étaient des membres du syndicat des employés de librairie, mais la plupart d’entre eux étaient des ouvriers et des étudiants de l’assemblée de solidarité du jour précédent. Beaucoup de participants décidèrent qu’ils pourraient bloquer plus de magasins et ils marchèrent sur la rue Ermou. Là, ils se répartirent en groupes de 10 à 20 personnes et ils commencèrent à bloquer les entrées de quelques magasins principaux de la rue (comme nous avons dit auparavant, une des rues commerciales les plus chics d’Europe). Les slogans criés étaient : « Liberté à ceux qui doivent travailler » « Ils nous font travailler le dimanche, nous tirent dessus et nous vivons dans une guerre chaque jour ». A mesure, une foule de consommateurs envahissait la Rue Ermou et il devenait difficile de continuer à bloquer les accès d’une façon ou d’une autre. Cela restait intéressant car les patrons de magasin semblaient avoir peur : ils éteignaient les lumières et attendaient patiemment que les manifestant quittent les lieux. Certains gauchistes participèrent eux aussi aux blocages qui survenaient en même temps dans au moins 3 autres endroits du centre commercial de la ville. 500 membres du Parti prétendu communiste marchaient dans le haut et le bas de la rue, plus intéressés par l’offre d’un spectacle médiatique que par le fait de bloquer en fait les magasins. À environ 13h30, les bloqueurs décidèrent de quitter l’endroit, marchant vers une grande librairie dans Exarchia (à environ 2km de distance). Après avoir fait fermer le magasin par le patron, ils repartirent. La plupart d’entre eux allèrent à l’ISAP occupé en organisant une manifestation de ce bâtiment à l’hôpital Evaggelismos où K. Kuneva est suivie, mettant fin ainsi à cette occupation particulière.
Lundi 29 décembre
A 15h, environ 120 personnes se sont rassemblées au deuxième étage du centre commercial « THE MALL ATHENS » – le plus grand et plus chic centre commercial de la région de l’Attique – à Marousi, une banlieue à 15 km du centre d’Athènes, et ont manifesté pendant 30mn dans le centre commercial. Il y avait deux banderoles, une demandant la libération immédiate des insurgés arrêtés et une autre avec le credo « je consomme, donc je suis ». Pendant la manif, qui était visible par tous ceux qui se trouvaient dans le bâtiment, certains manifestants brandirent une autre banderole, sur laquelle était écrite « travaille, consomme, meurs », alors que d’autres distribuaient des tracts aux centaines de gens à l’intérieur et à l’extérieur des magasins. Après la fin de la manif, ils s’emparèrent des micros du bureau d’informations et lurent leurs tracts. Il y eut des graffitis et le slogan « travaille, vote et tais toi » fut écrit près de l’entrée principale. Finalement, ils quittèrent le centre en jouant au foot avec les boules et décorations du sapin de Noël juste devant l’entrée principale.
L’après-midi, une manifestation organisée par l’assemblée de solidarité à K. Kuneva se dirigea vers les bureaux de l’entreprise de nettoyage (dont le propriétaire est un ex-officiel du PASOK, un des deux principaux partis politiques en Grèce), au Pirée. Ils se rendirent là-bas afin de protéger une autre ouvrière de licenciement. Toutefois, le patron avait fermé les bureaux et les flics étaient dehors, gardant l’endroit. Les gens attaquèrent la police et les mirent en fuite, avec quatre officiers de police blessés, conduits à l’hôpital.
Mercredi 31 décembre
A 23h30, une foule d’environ 1 000 personnes se rassembla devant la prison d’Athènes qui se trouve dans la banlieue Korydallos, exigeant la relaxe immédiate des rebelles arrêtés durant le soulèvement de décembre. La foule hurlait des slogans comme « Liberté pour tous les prisonniers », « la passion de la liberté est plus forte que les cellules », « Ni droits communs, ni prisonniers politiques, brûlons toutes les prisons ». Les détenus enflammèrent des couvertures et des draps et les agitèrent par les fenêtres des cellules. A minuit, la foule assemblée alluma des feux d’artifice et des torches pour « saluer » l’arrivée d’une nouvelle année de lutte. Ensuite, ils se dirigèrent vers la prison des femmes en criant des slogans en solidarité avec les détenus. Finalement, ils se rendirent à la place centrale de Korydallos attaquant verbalement la police et se dispersèrent.
TPTG
1/1/2009
Partie II : Résumé des événements récents des émeutes grecques, à Thessalonique, entre le 6 et le 31 décembre
Nous donnons ici une chronologie sommaire des événements qui ont eu lieu dans la seconde ville la plus importante de Grèce entre le samedi 6 décembre et le mercredi 31 décembre. Pendant les cinq premiers jours, quand des milliers de prolétaires enragés allèrent dans la rue et mirent ces villes de marchandises en feu, nous vivions l’apogée du récent bouleversement, du moins à Thessalonique et dans les autres villes et villages de province. Durant ces journées, nous avons rencontré des lycéens, des étudiants, des jeunes (principalement, mais pas uniquement) ouvriers, des chômeurs, des jeunes immigrés. Les comportements violents dans la rue et les affrontements diminuèrent après le 11 décembre. Une chose importante à propos du bouleversement à Thessalonique, contrairement à Athènes, est que bien que presque toutes les facultés aient été occupées par les étudiants, très peu de lycée furent occupés, particulièrement la première semaine. Pour la plupart, moins de lycéens participèrent aux manifestations et aux actions après les cinq premiers jours du bouleversement. Les jeunes immigrés participèrent seulement aux affrontements pillages et attaques massifs, qui eurent lieu entre le 7 et le 10.
Cette brève présentation ne peut pas répondre au besoin d’une considération en profondeur de l’agitation récente en Grèce. C’est juste une première tentative pour informer les camarades et les prolétaires plus largement, à propose des évènements en cours, du point de vue des participants.
Samedi 6 décembre
Immédiatement après que le jeune Alexis-Andreas Grigoropoulos, âgé de 15 ans, ait été assassiné par un agent spécial de la police à Athènes, 200-300 personnes, principalement des anarchistes et des étudiants gauchistes, se réunirent à l’Ecole Polytechnique de l’Université Aristote de Thessalonique (AUTH), qui se trouve près du centre commercial et culturel de la ville. Une manifestation spontanée se dirigea vers le commissariat de la place Aristote (la place la plus touristique de la ville), où eurent lieu des combats avec la police. Au même moment, il y avait des gens qui combattaient la police anti-émeute avec des pierres et des cocktails Molotov autour de la place Syntrivani, près de l’AUTH. Les affrontements avec les flics durèrent toute la nuit.
Dimanche 7 décembre
Une manifestation est partie de la place Kamara (située dans le quartier étudiant près de l’AUTH) à midi. 1 500 à 2 000 personnes (lycéens et étudiants, anarchistes et gauchistes) défilèrent dans les rues commerciales du centre-ville (Egnatia, Agias Sofia, Tsimiski), détruisant quelques banques et vitrines, jusqu’au commissariat de la place Aristote. Là, beaucoup de manifestants attaquèrent la police avec des pierres et quelques cocktails Molotov. Un flic prit feu. La police répliqua avec des lacrymos. La manifestation se prolongea jusqu’à la rue Ermou et ensuite à travers Venizelou vers le ministère de Madédoine et de Thrace. Beaucoup de magasins, et l’Hôtel de Ville, furent détruits rue Venizelou. Après avoir atteint le ministère, la manif se dirigea vers le commissariat Ano Poli par la rue Agiou Dimitriou, où la police anti-émeute fut à nouveau attaquée. En se dirigeant vers la place Kamara, des jeunes pillèrent un supermarché. Pendant que la manif se terminait, quelques lycéens tentèrent de piller une librairie et de nouveaux affrontements avec la police commencèrent.
Plus tard dans la soirée, l’Ecole supérieure d’Art dramatique et les bureaux du Barreau de Thessalonique furent occupés, le premier par des étudiants et des anarchistes et le second principalement par des étudiants gauchistes. Ces deux endroits, situés dans le centre-ville, seraient utilisés comme point de ralliement pour les participants des manifs.
Durant la nuit, il y eut des affrontements avec la police devant l’AUTH. Un émeutier fut blessé par une balle en caoutchouc de la police. La même nuit, le commissariat du quartier est de Toumpa, l’Hôtel de Ville du quartier d’Agios Pavlos et les bureaux du parti Nouvelle Démocratie (le parti du gouvernement en Grèce) furent attaqués dans le quartier des 40 Ekklisies.
Lundi 8 décembre
A 10h, 400 lycéens manifestèrent dans le quartier de Toumpa et attaquèrent une fois encore le commissariat. Il y eut aussi des blocages de routes dans d’autres quartiers de la ville. Pendant ce temps, 1 500 lycéens érigèrent des barricades et affrontèrent la police anti-émeute dans les rues Slovou et Ethnikis Amynis et place Navarinou, le quartier étudiant du centre-ville. Des magasins des rues Tsimiski et Vinizelou furent aussi attaqués. Neuf facultés étaient occupées par des étudiants. Le même matin, le commissariat du quartier ouest de Sykies fut aussi attaqué. Il y avait un appel à manifester à 18h30, place Kamara. 6 000 personnes défilèrent dans le centre-ville. Il y avait des lycéens et des étudiants, quelques jeunes immigrés, des délinquants, quelques ouvriers, des anarchistes et des gauchistes. Un grand nombre de banques et de magasins (téléphones portables, électronique, fringues, fast-food et bijouteries) furent détruits, principalement rue Tsimiski, la rue la plus commerçante de la ville, et rue Venizelou. Certains furent aussi pillés. Il y eut des affrontements avec les flics en face du ministère de Macédoine et Thrace. Les flics nous étouffèrent avec des lacrymos. Les combats avec les flics continuèrent autour de l’AUTH pendant la nuit.
Mardi 9 décembre
C’était le jour des obsèques d’Alexis à Palaio Faliro, à Athènes. Les enseignants du primaire et du secondaire étaient en grève et il y eut un débrayage l’après-midi de tous les travailleurs du secteur public. Une manifestation partait de la place Kamara à midi. 4 000 personnes défilèrent vers le ministère de Macédoine et de Thrace, où il y eut quelques heurts avec la police.
Pendant la nuit, il y eut quelques combats entre les jeunes et la police anti-émeute dans le secteur de l’université. Nous devons signaler que plusieurs secteurs de l’université furent pillés par des lycéens venant de différentes banlieues durant ces jours-ci. La même nuit, les fascistes apparurent près de l’université. La même chose est survenue dans de nombreuses villes de la Grèce, spécialement à Patras, ce qui est la preuve que cela avait été organisé par le gouvernement. Dans certains cas, comme à Larisa, les fascistes attaquèrent les émeutiers de concert avec des flics en civil et des « propriétaires de magasins en colère ».
Mercredi 10 décembre
C’était un jour de grève générale, décrétée longtemps auparavant par la Confédération Générale du Travail de Grèce (GSEE) et la Confédération des travailleurs du service public (ADEDY) contre le budget 2009. Du fait des émeutes en cours, les leaders syndicaux annoncèrent le mardi qu’ils annuleraient les manifestations prévues. A Thessalonique, les branches locales de la GSEE et l’ADEDY tentèrent de confiner les grévistes dans un rassemblement pacifique en face de la Bourse du travail. Les lycéens et les étudiants se montrèrent alors déterminés à emmener les grévistes en manif et ils y réussirent. 4 000 étudiants et travailleurs défilèrent vers le ministère de Macédoine et Thrace. Là, quelques lycéens attaquèrent les flics qui répliquèrent avec des lacrymos. Les combats continuèrent une demi-heure dans une zone de 500 mètres entre le ministère et la Bourse du travail. Quelques jeunes combattirent la police, mais de nombreux travailleurs et étudiants les soutenaient en restant sur place et en insultant les flics. Finalement, les flics furent contraints de battre en retraite. Après ça, 500 personnes bloquèrent la rue Egnatia, une avenue principale du centre-ville, pour plus d’une heure. Dans la soirée, des lycéens affrontèrent la police anti-émeute pendant un moment, sur la rue Ethnikis Amynis. Le même soir, l’occupation des bureaux du Barreau de Thessalonique prit fin.
Jeudi 11 décembre
Tôt dans l’après midi, 80 anarchistes attaquèrent les bureaux du journal local « Makedonia », rue Monastiriou. L’occupation de l’Ecole d’Art dramatique appela à une manifestation à 17h place Kamara. 2 000 personnes, principalement des étudiants et des anarchistes, et quelques lycées défilèrent pacifiquement vers les quartiers est de la ville, désertiques. Il n’y eut pas d’affrontement ce jour-là, pour autant que nous le sachions.
Vendredi 12 décembre
Une manifestation appelée par les occupants de l’école d’Art est partie de la place KAMARA à 18h30. 1 500 à 2 000 personnes, principalement des militants libertaires, des étudiants et de jeunes ouvriers, se sont dirigées vers les quartiers populaires de l’ouest de la ville. Les manifestants ont traversé les quartiers de Neapoli et de Sykies et sont revenus à l’école d’Art par le quartier du centre-nord, Ano Poli. Malgré la pluie intense, la manifestation a duré trois heures, des slogans contre les flics et l’état et d’autres appelant à une libération immédiate de tous ceux qui avaient été arrêté durant les derniers jours, étaient répétés sans cesse et inscrits sur les murs ; beaucoup de tracs furent distribués. Un grand nombre d’habitants du quartier applaudissaient, alors que d’autres se joignaient à la manif, un fait qui témoigne de la large sympathie avec l’insurrection, même de la part de prolétaires qui ne participaient pas aux émeutes ou aux autres actions. Un bureau du LAOS (parti d’extrême droite) fut attaqué et brulé ; un bureau politique de Nouvelle Démocratie fut aussi attaqué. Ce même soir, des militants de la gauche extra-parlementaire manifestèrent dans des zones voisines.
Samedi 13 décembre
Dans l’après-midi, 500 personnes, principalement des militants libertaires, se rassemblèrent place Kamara. Ils constituèrent un bloc et se dirigèrent vers la place Aristote où s’étaient principalement rassemblés des militants de la gauche extra-parlementaire, suite à l’appel de la Coordination des assemblées générales et des occupations de l’AUTH, pour une manif. Les deux groupes formèrent initialement une manifestation commune de 1 000 personnes le long de la rue Egnatia. Après un moment, les deux blocs se séparèrent de quelques mètres. Ils marchèrent tous deux le long de l’avenue Nikis, la rocade du centre, pleine de cafés et de bars, où beaucoup de caméras de surveillance de banque furent détruites. Les gauchistes se dirigèrent vers le ministère de Macédoine et de Thrace alors que la plupart des gens quittaient la manif. Ce fut la première manifestation depuis sept jours qui avait un caractère plus politique que social.
Dimanche 14 décembre
Une manifestation à moto démarra de l’école d’Art occupée à 13h00. Elle se dirigea vers les banlieues éloignées de l’est de la ville – Stavroupoli, Evosmos, Eptalofos, Xirokrini – où vivent de nombreux immigrés de Russie et d’Albanie et les travailleurs pauvres. Quelques-uns d’entre eux se joignirent à la manif. En revenant, les manifestants passèrent en face du ministère de Macédoine et de Thrace, et devant le commissariat d’Ano Poli, et revinrent à l’école d’Art.
Une autre manifestation eut lieu dans la banlieue éloignée, au sud-est, de Peraia. 60 lycéens et étudiants marchèrent jusqu’au commissariat et ensuite à l’Hôtel de Ville, où ils accrochèrent une banderole proclamant : « à bas le gouvernement des assassins et de la police ».
Lundi 15 décembre
Tôt le matin, une initiative de militants de l’occupation de l’école d’Art occupait l’Hôtel de Ville du quartier de Sykies, à l’ouest, afin de le transformer en centre de contre-information local et d’appeler à une assemblée populaire locale. Les assemblées populaires dans les quartiers et les occupations des bâtiments municipaux ou d’État ont émergé comme nouvelle forme de lutte, tout d’abord à Athènes, introduites par l’occupation de l’Hôtel de Ville de la banlieue Agios Demetrios, l’occupation de l’ancien Hôtel de Ville dans la banlieue nord d’Halandri et celle de Galaxias, dans la banlieue Nea Smirni. Pendant cette semaine, cette forme de lutte se répandit aux autres quartiers et banlieues d’Athènes et à nombre de villes partout en Grèce.
Dans la journée les habitants du coin passaient à l’Hôtel de Ville occupé de Sykies ; certains d’entre eux avaient sympathisant avec l’action, d’autres juste curieux. Dans la soirée, au moins 200 personnes se retrouvèrent là, dans une première assemblée populaire ; principalement des participants aux contestations et aux émeutes des jours précédents, mais aussi des habitants du coin favorables au bouleversement en cours. L’assemblée décida d’appeler à une manifestation locale mercredi après-midi et d’organiser des actions de contre-information locale mardi. Cette assemblée continue à se tenir dans l’Hôtel de Ville jusqu’à présent.
Toute la journée de lundi, beaucoup d’assemblées générales d’étudiants avaient lieu à l’AUTH, votant l’occupation des locaux universitaires contre la répression d’Etat. La plupart des assemblées étudiantes demandaient aussi la démission du gouvernement et le désarmement de la police. Aux dires de certains étudiants, les assemblées générales étaient massives, rappelant celles qui avaient eu lieu durant le mouvement étudiant de 2006-2007. Durant cette semaine, plus d’étudiants participèrent activement aux occupations, par rapport à la semaine précédente, quand le seul point de rendez-vous pour chacun était la rue.
Mardi 16 décembre
Le procès de huit flics avait lieu au tribunal de Thessalonique ; ils étaient accusés d’avoir molesté Avgoustinos Demetriou, un étudiant de Chypre, le 17 novembre 2006, alors qu’ils étaient en service et en civil. Bien qu’ils aient été déclarés coupables et condamnés de 15 à 39 mois d’emprisonnement, ils furent relâchés sous caution pour 5 euros par jour. 150 personnes se rassemblèrent devant le tribunal pour protester contre la police. Quand l’attendu fut prononcé, les gens attaquèrent la police anti-émeute gardant l’entrée du tribunal avec des pierres, des œufs et des bouteilles vides. Les flics répliquèrent en utilisant des lacrymos et en frappant les manifestants.
A 19h00, une manifestation appelée par la coordination des assemblées générales et des occupations de l’AUTH démarra de la place Kamara. Environ 3 000 personnes, pour la majeure partie des étudiants, défilèrent dans les rues principales du centre-ville et se dirigèrent vers le ministère de Macédoine et de Thrace. Pendant la manif, des slogans et des graffitis furent inscrits sur les vitrines et les murs ; les militants étudiants occupèrent pendant un moment trois stations de radios, diffusant proclamations et communiqués. Il n’y eut pas d’affrontements, bien que les flics furent largement insultés à vue.
Les premières assemblées générales étudiantes eurent lieu et davantage de bâtiments universitaires furent occupés. L’école de cinéma occupée, située à l’ouest dans la banlieue ouvrière de Stavroupoli, appela à sept jours de projections populaires et de discussions ouvertes dans le quartier.
Mercredi 17 décembre
Le matin, un supermarché Carrefour à Stavroupoli fut pillé par 50 militants. Les marchandises furent distribuées sur un marché du voisinage.
A 14h30, une manifestation, appelée par la première assemblée populaire de l’Hôtel de Ville de Sykies, démarra de l’ancienne prison de Genti Koule et se poursuivit dans les rues du quartier de Sykies. Plus tard dans la soirée, la deuxième assemblée populaire eut lieu à Sykies. Les participants étaient moins nombreux que la première fois, principalement des habitants du coin.
Pendant ce temps, la première assemblée populaire du quartier d’Ano Poli eu lieu à 18h00, avec plus de 200 participants, la plupart d’entre eux étant de jeunes gens (ouvriers et étudiants), qui avaient participé aux contestations et émeutes des jours précédents et dont la plupart vivent dans ce quartier partiellement préservé et alternatif de la ville, mais aussi d’autres habitants du coin, d’âges divers, en sympathie avec l’agitation en cours. L’assemblée se tint dans le bâtiment de la bibliothèque municipale, qui avait accueilli dans le passé un centre social expulsé par les flics 10 ans auparavant. Beaucoup de gens participèrent à la discussion avec des comptes-rendus des événements des jours précédents, tout en proposaient qu’une revendication essentielle à avancer soit la libération immédiate de tous ceux qui avaient été arrêtés. Des rassemblements de contre-information furent planifiés pour le lendemain. Après la fin de l’assemblée, 150 personnes participèrent à une manif spontanée dans les rues d’Ano Poli, chantant et taguant des slogans contre les flics, le travail salarié et l’Etat.
Ce même soir, des militants étudiants organisèrent une assemblée populaire dans le quartier ouest, éloigné, d’Ampelokipi, pour ce que nous en savons.
Jeudi 18 décembre
La Coordination des occupations et des assemblées générales de l’AUTH appela à une manifestation place Kamara à 11h00. Du fait de la forte pluie, seulement 300 militants se rassemblèrent et se dirigèrent vers le ministère de Macédoine et de Thrace.
Dans la soirée un concert fut organisé place YMCA, à côté de la zone de l’Exposition internationale de Thessalonique, par l’école d’Art occupée, avec de nombreux artistes alternatifs y participant, 4 000 à 5 000 personnes de tous âges étaient là. De nombreux tracts appelant à la solidarité avec les personnes arrêtées furent distribués, relayées en même temps par des annonces dans les haut-parleurs. Ce concert pris fin après minuit. Plus tard dans la nuit, un autre concert eut lieu à l’école Polytechnique, appelé par la Coordination.
Vendredi 19 décembre
La seconde assemblée populaire d’Ano Poli eut lieu place Koule Kafe, en face de la bibliothèque municipale précédemment mentionnée. 100 à 150 personnes y participèrent ; des rassemblements de contre-information furent prévus pour le lendemain.
Samedi 20 décembre
Vers 10h00, des militants libertaires occupèrent le cinéma Olympion, le plus luxueux de la ville et lieu du Festival International du Film de Thessalonique, au cœur du centre-ville. Les projections officielles laissèrent place aux films militants et aux documentaires pour le reste de la journée. Le café du cinéma servit de lieu de rendez-vous pour les occupants et les passants, où les boissons étaient gratuites. Des milliers de tracts furent distribués. Les slogans furent criés à côté de l’Olympion occupé, une boite de bonbons fut lancée sur le maire de Thessalonique pendant une opération caritative de rue, qui fut interrompue. Une petite unité de police accourut afin de défendre le maire ridiculisé. A 18h00, 400 à 500 personnes se retrouvèrent dans une assemblée ouverte qui eut lieu au « cinéma Olympion libéré ». De nombreux comptes-rendus de l’agitation récente et les propositions pour le futur furent débattues. Tard dans la soirée, l’occupation prit fin avec une manifestation de 1 000 à 1 500 personnes dans l’avenue Nikis et la rue Ethnikis Aminis. Les flics qui gardaient l’arbre de Noël furent attaqués à la peinture, des caméras de surveillance furent détruites.
Dimanche 21 décembre
La troisième assemblée populaire eut lieu à Ano Poli. Environ 100 personnes occupèrent temporairement l’église de Taksiarches où ils firent des propositions et discutèrent des actions pour le lendemain. Un prêtre menaça d’excommunier les participants ! Cette occupation constitua un scandale majeur pour les fractions conservatrices de la société locale. Le lendemain, une douzaine de flics en civil gardaient l’église de Taksiarches alors que la police anti-émeute surveillait une autre église connue dans le quartier d’Ano Poli.
Lundi 22 décembre
Tôt le matin, la bibliothèque municipale d’Ano Poli fut occupée afin d’accueillir les assemblées populaires et d’être utilisée comme centre de contre-information. Dans la matinée, des tracts furent distribués par des occupants dans les rues et les lycées d’Ano Poli. La quatrième assemblée populaire eut lieu le soir. Outre l’organisation des actions pour le lendemain, un thème majeur de l’assemblée fut l’idée d’un appel à des actions dans le centre-ville pendant Noël, faisant valoir que « cette année on ne célèbre pas Noël, on s’émeute ».
Jeudi 23 décembre
A 18h30, une manifestation locale appelée par la bibliothèque municipale occupée eut lieu dans les rues principales du quartier d’Ano Poli, à laquelle participèrent une centaine de militants du milieu libertaire. De nombreux tracts appelant à une libération immédiate des personnes arrêtées et dénonçant les célébrations de Noël furent distribués aux employés des magasins, aux habitants et aux passants. Après la manif, l’occupation de la bibliothèque municipale pris fin sur fond d’agitation sociale réduite. De ce fait il était devenu impossible d’organiser des contestations et d’autres actions durant Noël.
Retour à la normale ?
Jusqu’ici tout va bien. La vie dans la ville de Thessalonique semble être revenue à la normale. Toutefois, quelques réunions de militants continuent à avoir lieu, comme dans l’école d’Art occupée dans la banlieue est de Kalamaria et à Ano Poli. Hier, jeudi 30 décembre, 100 personnes manifestèrent à Kalamaria contre les célébrations du Nouvel An, appelant à la libération immédiate des personnes arrêtées pendant que des ouvriers, des immigrés et des militants occupaient la Bourse du travail de Thessalonique, exprimant leur solidarité à l’ouvrière syndicaliste bulgare de l’ISAP (métro d’Athènes et du Pirée) Konstantina Kouneva, qui avait été attaquée à l’acide sulfurique le 23 décembre ; elle est toujours à l’hôpital et dans un état grave.
Comme pour ce soir, il y a un appel à un rassemblement place Rotonda à minuit et demi : « pendant la nuit du réveillon, nous n’allons pas rester à la maison en attendant une nouvelle année morte ; nous allons sortir nous amuser et les rues seront à nous ; tout à changé, l’émeute fait maintenant partie de nos vies ; pour chaque moment assassin, pour tous les copains qui sont morts, pour tout ce que nous ressentons et nous recherchons »
Il est quasiment impossible pour qui que ce soit d’estimer si ou comment cette agitation sociale va continuer après le 7 janvier, le jour de la rentrée. Selon ce qui arrivera, plus rien ne sera pareil, non seulement pour nous qui avons été dans la rue, mais aussi bien pour toute la classe ouvrière de ce pays.
Blaumachen et amis,
Thessalonque, 31 décembre 2008
Annexe 1
Communiqué
Samedi soir, la police grecque a tué un lycéen de 15 ans.
Le meurtre était la goutte d’eau.
C’était la continuation d’une compagne coordonnée, une campagne de terrorisme d’État aidé par l’organisation fasciste « Aube dorée », qui visait les étudiants en lutte contre la privatisation de l’enseignement, les lycéens, les immigrés qui sont sous le contrôle permanent de l’État parce qu’ils sont de la mauvaise couleur, la classe ouvrière qui doit travailler pour trois francs six sous jusqu’à la mort.
Les dirigeants gouvernementaux qui ont couvert beaucoup de crimes conte la société, qui ont brûlé les forêts grecques à l’été 2007, sont aussi responsables de l’incendie des villes ces jours-ci. Ils maintiennent le népotisme. Ils protègent les gens du gouvernement qui ont été impliqués dans le scandale des écoutes de portables, ceux qui ont pillé les fonds de retraites publiques, ce qui ont enlevé et torturé des immigrés et qui ont été impliqués dans des scandales judiciaires, boursiers et religieux.
Nous sommes en guerre civile avec les fascistes, les banquiers, l’État et les mass media qui veulent une jeunesse soumise et une société pacifiée. Bien qu’ils n’aient aucune excuse, ils essaient encore d’utiliser des théories du complot, et des théories d’« attaque déloyale » afin de calmer les esprits.
La rage qui s’est accumulée tout au long des années doit s’exprimer et ne prendra pas fin.
Dans le monde entier, les gens tournent le regard sur ce qui se passe ici.
Les gens doivent se soulever partout.
Cette génération de jeunes pauvres, chômeurs, précaires, sans domicile et immigrés brisera la vitrine de cette société et réveillera les citoyens séniles de leur songe d’un Rêve Américain éphémère.
Ne regardez pas les infos, la conscience s’élève dans les rues.
Quand les jeunes sont assassinés, les vieux ne doivent pas dormir.
Adieu alexandros, puisse ton sang être le dernier d’un innocent à couler.
Le syndicat des travailleurs de la municipalité d’Aghios Dimitrios, Athènes, 11/12/2008
Annexe 2
« Ces jours sont les nôtres, aussi ».
Lundi 15 décembre
(Le texte suivant a été distribué aujourd’hui aux étudiants encerclant le siège de la police, par des gens de l’Association des Immigrés Albanais. Je souhaitais le traduire et le présenter ici parce qu’il montre quelque chose de très important : que des liens de solidarité se forment et se renforcent à travers différents secteurs de la société grecque – une chose merveilleuse !)
Ces jours sont les nôtres, aussi.
Après l’assassinat d’Alexis Grigoropoulos, nous avons connu un état d’agitation sans précédent, une explosion de colère qui semble infinie. Il semble que ce soient les étudiants qui ont été à l’origine de ce soulèvement, qui avec une passion inépuisable et une chaleureuse spontanéité ont renversé la situation dans son ensemble. Vous ne pouvez pas arrêter quelque chose que vous ne contrôlez pas, quelque chose qui s’organise spontanément et dans des conditions que vous ne comprenez pas. C’est la beauté du soulèvement. Les élèves du secondaire font l’histoire et laissent à d’autres le soin de l’écrire et de la classer idéologiquement. Les rues, les objectifs, la passion leur appartiennent.
Dans le cadre de cette mobilisation élargie, derrière les manifestations étudiantes à l’avant-garde, il y a une participation massive de la deuxième génération d’immigrés et également de nombreux réfugiés. Les réfugiés viennent à la rue en petit nombre, avec peu d’organisation, mais de la spontanéité et de l’impétuosité. À l’heure actuelle, ils sont les plus actifs parmi les étrangers vivant en Grèce. Quoi qu’il en soit, ils ont très peu à perdre.
Les enfants d’immigrés se mobilisent en masse et dynamiquement, principalement au travers des actions de l’école secondaire et de l’université ainsi que via les organismes de gauche et d’extrême gauche. Ils sont la partie la mieux intégrée de la communauté immigrée, sa partie la plus courageuse. Ils sont différents de leurs parents, qui sont arrivés ici la tête basse, comme s’ils mendiaient un morceau de pain. Ils font partie de la société grecque, puisqu’ils n’ont jamais vécu ailleurs. Ils ne mendient rien, ils demandent l’égalité avec leurs camarades grecs. Égaux en droits, dans la rue, dans leurs rêves.
Pour nous, les immigrés organisés politiquement, il s’agit d’un second Novembre 2005 Français. Nous n’avons jamais eu l’illusion que lorsque les peuples se soulèveraient de rage, nous serions en mesure de les diriger d’aucune manière. Malgré les luttes que nous avons menées toutes ces années, nous n’avons jamais réussi à atteindre un tel niveau de réponse que celui d’aujourd’hui. Maintenant il est temps à la rue de parler: Le cri assourdissant que nous entendons est pour les 18 ans de violence, de répression, d’exploitation et d’humiliation. Ces jours sont les nôtres, aussi.
Ces journées sont pour les centaines d’immigrés et de réfugiés qui ont été assassinés aux frontières, dans les commissariats de police et sur les lieux de travail. Ils sont pour tous ceux qui ont été assassinés par les flics et les milices. Ils sont pour tous ceux qui ont été assassinés pour avoir osé franchir la frontière et travailler jusqu’à la mort, pour n’avoir pas baissé la tête, ou pour rien. Ils sont pour GRAMOZ PALOUSI, LOUAN MPERNTELIMA, ENTISON GIAXAI, TONI ONOUXA, AMNPTOURAKIM INTRIZ, MONTASER MOXAMENT ASTRAF et tant d’autres que nous n’avons pas oubliés.
Ces jours sont pour la violence policière quotidienne qui reste impunie et sans réponse. Ils sont pour les humiliations à la frontière et aux centres de détention d’immigrés, humiliations qui continuent à ce jour. Ils sont pour l’injustice criante des tribunaux grecs, pour les immigrés et les réfugiés injustement en prison, pour la justice nous est refusée. Même aujourd’hui, dans ces jours et ces nuits de révolte, les immigrés paient un lourd tribu aux attaques de l’extrême-droite et des flics, avec des peines d’emprisonnement et d’expulsion que les tribunaux distribuent avec un amour chrétien aux infidèles que nous sommes.
Ces jours sont pour l’exploitation continue et sans relâche depuis 18 ans maintenant. Ils sont pour les luttes qui n’ont pas été oubliées: dans les faubourgs de Volos, les travaux olympiques, la ville d’Amaliada. Ils sont pour la peine et le sang de nos parents, pour le travail non déclaré, pour les horaires de travail interminables. Ils sont pour les transferts financiers et les frais d’envoi, les contributions que nous versons à la communauté et qui ne sont jamais reconnues. Ils sont pour les papiers d’identité que nous chercherons pendant le reste de notre vie, tel un billet de loterie gagnant.
Ces jours sont pour le prix que nous devons payer pour simplement exister et respirer. Ils sont pour tous les moments où nous avons serré les dents face aux insultes, face aux reniements quotidiens. Ils sont pour tous les moments où nous n’avons pas réagi quand bien même nous avions les meilleures raisons au monde de le faire. Ils sont pour toutes les fois où nous avons réagi et où nous nous sommes retrouvés seuls parce que nos morts et notre rage ne correspondaient pas aux formes existantes admises, n’apportaient pas de votes, n’étaient pas vendeurs au prime time de l’actualité.
Ces jours-ci appartiennent à tous les marginaux, aux exclus, aux personnes affligées de noms difficilement prononçables et d’histoires incompréhensibles. Ils appartiennent à tous ceux qui meurent chaque jour dans la mer Egée et le fleuve Evros, à tous ceux assassinés à la frontière ou dans une rue du coeur d’Athènes. Ils appartiennent à la communauté rom de Zefyri, aux toxicomanes d’Eksarhia. Ces jours-ci appartiennent aux enfants de la rue Mesollogiou, aux non intégrés, aux étudiants incontrôlable. Grâce à Alexis, ces jours-ci nous appartiennent à tous.
18 ans de rage silencieuse, c’est trop.
A nos rues, pour la solidarité et la dignité !
Nous n’avons pas oublié, nous n’oublierons pas – Ces jours-ci sont les vôtres aussi
Luan, Tony, Mohamed, Alexis …
Repère des immigrés Albanais
http://www.steki-am.blogspot.com
Annexe 3
A propos de l’interruption, par des protestataires, de la diffusion de la chaîne nationale grecque NET le 16 décembre 2008 à 15H10
Notre action est une réponse aux pressions accumulées qui ravagent nos vies, et pas simplement un enflammement sentimental lié au meurtre de Alexandros Grigoropoulos par la police grecque.
Nous ne sommes qu’une des organisations spontanées qui participent à la révolte sociale en cours. En un geste symbolique pour éviter que les médias ne nous subjuguent, nous les citoyens civils, nous interrompons la diffusion de la chaîne nationale grecque (NET).
Nous pensons que les médias cultivent systématiquement un climat de peur, nous vendent de la désinformation pour de l’information, et dépeignent un soulèvement aux multiples facettes comme une flambée de violence inconsidérée.
L’explosion de troubles civils est expliquée en termes criminels plutôt que politiques. Sélectivement, des évènements cruciaux sont balayés sous le tapis. Le soulèvement est servi comme un divertissement, quelque chose à regarder avant qu’un autre feuilleton n’arrive. Les médias servent à supprimer toute pensée libre et originale dans notre vie quotidienne.
Organisons-nous nous-mêmes. Aucune autorité n’apportera de solution à nos problèmes. Rassemblons-nous et organisons nos espaces publics – rues, squares, parcs et écoles -en zones de libre expression et de communication. Rassemblons-nous, face à face, côté à côte, pour exprimer notre cause et le cours de notre action en une chose commune.
Surmontons notre peur, éteignons nos télés, sortons de nos maisons, continuons à faire valoir nos droits, et prenons nos vies en main.
Nous condamnons la violence policière et appelons à la libération immédiate de tous les protestataires emprisonnés.
Nous sommes pour l’émancipation, la dignité humaine et la liberté.
Annexe 4
Premier communiqué de l’occupation de la GSEE
Nous déterminerons notre histoire nous même ou nous la laisserons être déterminée sans nous.
Nous, travailleurs manuels, employés, chômeurs, intérimaires et précaires, locaux ou migrants, ne sommes pas des téléspectateurs passifs. Depuis le meurtre d’Alexandros Grigoropoulos le samedi soir, nous participons aux manifestations, aux affrontements avec la police, aux occupations du centre ville comme des alentours. Nous avons dû maintes et maintes fois quitter le travail et nos obligations quotidiennes de prendre les rues avec les lycéens, les étudiants et les autres prolétaires dans la lutte.
NOUS AVONS DECIDE D’OCCUPER LE BATIMENT DE LA CONFEDERATON GENERALE DES TRAVAILLEURS EN GRECE (GSEE)
Pour le transformer en un espace de libre expression et un point de rendez-vous pour les travailleurs,
Pour disperser les mythes vendu par les médias sur l’absence des travailleurs des affrontements, que la rage de ces derniers jours ne serait que l’œuvre de quelques 500 « cagoulés », « hooligans », ou d’autres histoires farfelues, alors que dans les journaux télévisés les travailleurs sont présentés comme des victimes de ces affrontements, et alors que la crise capitaliste en Grèce et dans le Monde mène à des licenciements innombrables que les médias et leurs dirigeants considère comme un « phénomène naturel ».
Pour démasquer le rôle de la bureaucratie syndicale dans le travail de sape contre l’insurrection, mais aussi d’une manière générale. La Confédération générale des travailleurs en Grèce (GSEE), et toute l’intégralité de la machinerie syndicale qui le soutient depuis des dizaines et des dizaines d’années, sape les luttes, négocie notre force de travail contre des miettes, perpétue le système d’exploitation et d’esclavage salarié. L’attitude de la GSEE mercredi dernier parle d’elle même : la GSEE a annulé la manifestation des grévistes pourtant programmée, se rabattant précipitamment sur un bref rassemblement sur la place Syntagma, tout en s’assurant simultanément que les participants se disperseraient très vite, de peur qu’ils ne soient infectés par le virus de l’insurrection.
Pour ouvrir cet espace pour la première fois, comme une continuation de l’ouverture sociale créée par l’insurrection elle-même, espace qui a été construit avec notre contribution mais dont nous avons été jusqu’ici exclus. Pendant toute ces années nous avons confié notre destin à des sauveurs de toute nature, et nous avons finit par perdre notre dignité. Comme travailleurs, nous devons commencer à assumer nos responsabilités, et cesser de faire reposer nos espoirs dans des leaders « sages » ou des représentants « compétents ». Nous devons commencer à parler de notre propre voix, nous rencontrer, discuter, décider et agir par nous même. Contre les attaques généralisées que nous endurons. La création de collectifs de résistance « de base » est la seule solution.
Pour propager l’idée de l’auto-organisation et de la solidarité sur les lieux de travail, de la méthode des comités de luttes et des collectifs de base, abolir les bureaucraties syndicales.
Pendant toutes ces années nous avons gobé la misère, la résignation, la violence au travail. Nous nous sommes habitués à compter nos blessés et nos morts – les soit disant « accidents du travail ». Nous nous sommes habitués à ignorer que les migrants, nos frères de classe – étaient tués. Nous sommes fatigués de vivre avec l’anxiété de devoir assurer notre salaire, de pouvoir payer nos impôts et de se garantir une retraite qui maintenant ressemble à un rêve lointain.
De même que nous luttons pour ne pas abandonner nos vies dans les mains des patrons et des représentants syndicaux, de même nous n’abandonnerons pas les insurgés arrêtés dans les mains de l’Etat et des mécanismes juridiques.
LIBERATION IMMEDIATE DES DETENUS
RETRAIT DES CHARGES CONTRE LES INTERPELLES
AUTO-ORGANISATION DES TRAVAILLEURS
GREVE GENERALE
L’assemblée générale des travailleurs insurgés
Annexe 5
Quand ils attaquent l’une d’entre nous, c’est nous tous qu’ils attaquent !
Aujourd’hui, 27 décembre, nous occupons les bureaux centraux de ISAP (RATP d’Athènes) comme une première réponse à l’attaque meurtrière au vitriol sur le visage de Constantina Kouneva le 23 décembre, quand elle revenait du travail. Constantina est aux soins intensifs à l’hôpital d’Evangelismos avec des problèmes respiratoires et des problèmes de vue
Qui est-elle et pourquoi l’a-t-on attaquée ?
Constantina est une des centaines de travailleuses immigrées qui travaillent dans le ménage pour une entreprise privée, coopérant avec la société de transport public. Secrétaire générale du syndicat Panattica (de tout le département de la capitale) de nettoyeurs et femmes de chambre, très engagée et connue des patrons pour cela. La semaine dernière elle s’est disputée avec la compagnie (Oikomet) revendiquant toute la prime de Noël pour elle et ses collègues, en dénonçant les actes illégaux des patrons. Avant cela, sa mère a été virée par la même compagnie. Elle-même a été déplacée loin de son premier poste de travail, alors qu’une rencontre, après ses accusations, devrait se faire avec ses patrons et la Commission du Travail le 5 janvier 2009. Ce sont des pratiques très répandues dans le secteur des compagnies de nettoyage qui embauchent des travailleurs précaires.
Les contrats en retard, les salaires jamais payés, les heures supplémentaires non payées, la différence entre ce que les travailleurs signent et ce qui se passe vraiment, le choix d’embaucher presque exclusivement des immigré(e)s, qui ont peur de perdre la carte de séjour, l’argent qui n’est pas déclaré à la sécurité sociale, et ceci toujours sous la protection du secteur public et de ses membres corrompus, qui connaissent la situation et renforcent ces conditions d’esclavage moderne… ce sont les règles dans ce domaine.
C’est spécialement le cas d’Oikomet, une compagnie de nettoyage qui embauche des travailleurs précaires partout en Grèce, et propriété de Nikitas Ikonomakis (membre du PASOK, le parti socialiste grec) qui emploie officiellement 800 travailleurs (les travailleurs parlent du double, tandis que les trois dernières années plus de 3000 y ont travaillé), où le comportement mafieux illégal des patrons est un phénomène quotidien. Par exemple, les travailleurs y sont obligés de signer des contrats blancs (les conditions sont écrites par les patrons ultérieurement) qu’ils n’ont jamais l’occasion de revoir. Ils travaillent 6 heures et ne sont payés que pour 4,5 (salaire brut) pour ne pas dépasser les 30 heures (si non ils devaient être inscrits dans la catégorie de travailleurs à haut risque). Les patrons les terrorisent, les déplacent, les licencient et les menacent avec des démissions forcées (une travailleuse a été retenue de force dans un bureau de la compagnie pendant 4 heures jusqu’à ce qu’elle signe sa démission). Le patron crée lui-même un syndicat afin de manipuler les travailleurs tandis qu’il licencie et embauche à sa guise sans permettre la communication et l’action collective entre les travailleurs.
Quelle est la relation entre Oikomet et ISAP ?
Oikomet a le monopole du nettoyage chez ISAP (comme dans d’autres services publics) car elle «offre le paquet le moins cher avec les conditions d’exploitation et de dévalorisation du travail les plus élevées». Tel sont les termes «d’offre et de demande» mis en place par les services publics, auquel ISAP participe. ISAP est complice du maintien de ce statut d’exploitation sauvage malgré les dénonciations continues de la part des travailleurs. L’attaque meurtrière contre notre collègue a un caractère de vengeance et de punition exemplaire.
La cible n’était pas choisie au hasard : femme, immigrée, syndicaliste active, mère d’un adolescent ; la plus vulnérable aux yeux des patrons.
La manière n’était pas choisie au hasard : elle relève des pratiques d’autrefois et a pour objectif de stigmatiser, de terroriser et de montrer ce qui les attend.
Le moment n’était pas choisi au hasard : à l’heure où les médias, les partis, l’Église, les entrepreneurs et les chefs des syndicats essayent de décrédibiliser le mouvement d’explosion sociale, où l’assassinat de sang-froid se camoufle en un ricochet de la balle du flic porc assassin, l’attaque contre Constantina passe inaperçue. L’attaque meurtrière des patrons a été minutieusement préparée.
Constantina est une d’entre nous. La lutte pour la DIGNITÉ et la SOLIDARITÉ est NOTRE lutte. L’attaque contre Constantina a marqué notre mémoire des rafles racistes, des camps de concentration, des attaques paramilitaires, des accidents du travail, des assassinats de l’État, des conditions de travail esclavagistes, des inculpations, des licenciements jusqu’au terrorisme – montrant le long chemin de la lutte sociale et de la lutte de classes. Notre cœur est rempli de douleur et de rage. On va seulement dire :
Les assassins vont payer !
Le terrorisme patronal ne passera pas !
Assemblée de solidarité à Constantina Kouneva
[1] Décret du Parlement de Grand-Bretagne de 1723, pendant le règne de George I. Il faisait du fait d’apparaître armé dans un espace public, avec le visage masqué ou obscurci, une félonie (c’est-à-dire une infraction passible de pendaison) – Ndt.
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