“Qui a piqué l’ExistransInter ?”
Nous avons reçu ce texte d’une camarade. dndf

Qui a piqué l’ExistransInter ?
À propos de la marche de l’ExistransInter du 18 octobre 2025, et en réponse à un débat que personne ne désirait avoir à propos des syndicats et des partis dans les espaces d’organisation de l’ExisTransInter.
« Imaginez » une petite fête de quartier, tranquille, organisée par et pour les habitants d’une rue. Soudain, débarquent le maire, sa clique, des syndicats et un parti politique avec leur sono, leurs banderoles et leur programme. Ils veulent « converger », « élargir la lutte ». Résultat : les habitants de la rue ne reconnaissent plus leur fête. C’est un peu le sentiment du texte « Sauvons l’ExisTransInter ! » [1], qui accuse certaines organisations d’avoir kidnappé leur marche.
Face à eux, d’autres collectifs [2] rétorquent : « Mais bande d’isolatos ! Seuls, vous n’aurez jamais les moyens de faire plier le gouvernement ! Il faut s’allier, même avec des gens un peu chiants, pour avoir de la puissance. ».
Ces échanges d’articles et de commentaires de posts se sont passés ce mois-ci, à propos de l’édition 2025 de la marche ExisTransInter pour la défense des droits/existences trans’ et intersexes, et beaucoup de personnes trans’ et intersexes ont dû se résilier à contrecœur à cette joute oratoire. Encore.
Bref, c’est le débat éternel qui revient tous les ans : faut-il préserver son jardin secret (pour des raisons très légitimes) ou aller squatter la maison du voisin en espérant pouvoir y mettre sa déco ?
J’aivoulu produire un texte qui puisse nous permettre de produire un début de réflexion, au sein de la scène autonome, sur ce débat non désiré. Étant trans’ mais pas intersexe, je n’ai pas osée m’aventurer sur cette dernière question, car je me suis radicalisée sur les questions trans’ avant tout.
Si, en tant que syncrétique «toto», je rencontre souvent des désaccords avec des textes et des prises de parles de quelques collectifs trans’, je n’ai jamais attendu de ces collectifs qu’ils incarnent à chaque intervention «La flamme de la révolution mondiale». Mais lorsque je lis des communiqués ouvriéristes dénonçant un communiqué de collectifs trans’ se plaignant de ne plus pouvoir organiser entre concernés la seule marche qui les concerne dans l’année, je ressens ce qu’a probablement dû ressentir Marx face au programme de Gotha … Mais s’il faut jouer aux plus idiots, face aux héritiers du provisoire permanent, il faut également se montrer ouvert au dialogue, car nous allons devoir nous fréquenter à l’avenir, sur tous les terrains de la lutte des classes, y compris dans nos marches trans’.
Certes, la sincérité dans le soutien aux droits trans’ est une vertu qu’il convient de saluer, et je leur concède volontiers ce mérite. Il n’empêche : être sincère n’a jamais conféré l’omniscience, pas plus que cela n’a blanchi l’incongruité historique de la posture. On salue au passage l’effort archivistique de ceux qui exhumèrent de vieux grimoires sur «la question des femmes» pour éclairer le présent. Préparez les sels aromatiques, car l’aveu qui suit va peut-être bouleverser quelques chapelles : si l’on me parle de féminisme et des contradictions du genre, il faut avouer que la pensée de Lénine n’est pas précisément la première qui me vienne à l’esprit. On pourrait même dire qu’elle en est absente avec une constance remarquable [3]. Mais on s’autorisera à douter que cette érudition sélective, fétichisant des analyses d’un autre siècle, confère la moindre autorité pour donner des leçons aujourd’hui. Les problèmes de périodisation, cela se soigne — la cure de désintoxication commence par un sevrage : accepter la composition des luttes telles qu’elles sont, au lieu de les projeter de force sur le mirage d’un futur hypothétique et la fresque jaunie d’un âge d’or qui n’a jamais existé [4]. Avant de prétendre imposer un schéma théorique à un mouvement autonome, ne conviendrait-il pas d’en saisir les motivations premières? Comment ignorer que les lois putophobes actuelles résonnent avec la recrudescence des attaques transphobes. Passer sous silence la criminalisation des TDS – qui forment pourtant l’un des piliers du militantisme organisé – alors que cette question mobilise tant de collectifs, relève d’une légèreté intellectuelle pour le moins surprenante.
Se dire sincèrement concerné par les violences transphobes tout en négligeant les trajectoires sociologiques des segmentations prolétariennes qui composent la catégorie “trans” mobilisée aujourd’hui, c’est reproduire les ornières d’un ouvriérisme dépassé. Ce dernier se contente trop souvent de déclarer : “Si nos droits reculent, c’est la faute à la crise et aux offensives économiques de la bourgeoisie.” Affirmation difficilement contestable, mais qui, en pratique, n’avance guère le débat – si ce n’est qu’elle sert à uniformiser les analyses au détriment des urgences concrètes qui animent cette marche et assurent son renouvellement.
En cela, le texte “Sauvons l’ExisTransInter!” rappelle une vérité essentielle : “Nous rappelons que la convergence des luttes nécessite d’abord des mouvements autonomes forts. Ce n’est pas en sacrifiant le principal cadre unitaire trans et intersexe que nous renforcerons la prise en compte de nos luttes et de nos droits.” Un rappel salutaire, qui mériterait d’être médité avant toute velléité de “convergence” imposée. Peu importe que votre appréciation du travail du sexe diffère de celle des premiers concernés. Cette quête d’une pureté prolétarienne mythique vous rend surtout incapable de saisir les compositions réelles des mouvements actuels. On ne refait pas une lutte à son image sous prétexte que sa composition nous déplaît.
Quant à la spontanéité qui anime la base, elle ne saurait s’expliquer par quelque idéal abstrait. Et même si c’était le cas, soyez assurés que ce ne serait certainement pas pour le noble but de travailler en “autogestion” dans des usines socialisées. Soyons sérieux : personne, ou presque, ne rêve de cela. L’émancipation ne se mesure pas à l’aune de notre capacité à reproduire, en mieux, le management d’ateliers.
On comprend votre tendre attachement aux saintes écritures léninistes et autres icônes révolutionnaires – une fidélité touchante, presque archéologique. Mais permettez-nous de vous confier un secret : il s’est passé quelques choses après Lénine, Trotski, Kollontaï ou Zetkin… Si, si, on vous l’assure. Des choses vachement plus pertinentes, nuancées, et surtout, qui ne sentent pas autant la naphtaline.
Les chevaliers blancs de la révolution
Dans ce débat, un larron arrive chaque année, le militant d’avant-garde. C’est sa plus grande qualité : être l’arriviste des luttes qui cherche à radicaliser une mobilisation qui ne lui convient pas. Son crédo? «Moi je sais où va l’Histoire, suivez-moi, je vous emmène vers la Révolution.» Il voit dans chaque lutte (féministe, antiraciste, trans*) un vivier à recruter pour sa grande armée.
Le problème, c’est que son plan repose sur une idée un peu magique : si on accumule assez de militants, on débloque le niveau «Révolution». C’est la politique du «je le veux très très fort». Sauf que dans la vraie vie, les gens se mobilisent pour des choses concrètes : un permis de séjour, des hormones remboursées, un compte en banque qui ne soit pas dans le rouge. Pas parce qu’ils ont eu une révélation en lisant un tract un peu obscur.
Le Gauchiste et son Groupe Révolutionnaire
Ce militant a un logiciel bien précis : celui de Lénine, mais mis à jour pour 2025. Il est persuadé que si son groupe – le Parti Révolutionnaire des Vrais Radicals – accumule assez de membres, il pourra un jour prendre le pouvoir et installer le communisme, parce que c’est bien connu, le communisme ça s’installe. Ce n’est pas du tout quelque chose qui dépend de la spontanéité révolutionnaire des masses.
Du coup, pour lui, votre lutte de trans’ (ou de féministes, ou de précaires)… c’est surtout une super opportunité de recrutement! Il va vous soutenir, mais en chuchotant : «C’est bien, mais la vraie lutte, c’est la révolution sociale. Rejoignez-nous, et après on s’occupera de vos petits problèmes.» Mais il y a un hic : on ne peut pas tirer la couverture à soi, s’endormir dessus et se réveiller le jour de la révolution. Ça marche pas comme ça une insurrection … En somme, le problème central n’est pas le chiffre exact en lui-même, mais le fétichisme du nombre comme garantie d’une politique sérieuse. [5] La question «À partir de combien de membres, de votes ou de soutiens une organisation passe-t-elle de l’aventurisme à une politique communiste sérieuse?» est en réalité un piège. Elle présuppose qu’il existerait un seuil magique, une masse critique quantifiable qui transformerait mécaniquement l’isolement actuel en une force historique crédible.
Cette logique arithmétique est un héritage pervers du parlementarisme et du léninisme traditionnel [6] , qui mesurent la légitimité et la potentialité révolutionnaire à l’aune de la représentativité statistique. Or, l’histoire a montré que des partis massifs peuvent être le cimetière de l’énergie révolutionnaire, tandis que de petits noyaux ont parfois cristallisé des ruptures décisives. Le “sérieux” d’une politique communiste ne se mesure pas à sa taille, mais à sa capacité à intervenir dans les contradictions réelles du capital.
Le véritable critère n’est donc pas numérique, mais qualitatif et stratégique.
L’aventurisme, c’est précisément l’action qui ignore ces conditions, qui substitue la volonté héroïque du groupe à l’analyse du rapport de forces réel, et qui prétend incarner la révolution en dehors de son mouvement réel.
Le Réformiste, fossoyeur bavard de la révolte
Si le gauchiste (trotskiste ou maoïste) qui vous harangue en manif vous épuise, l’option opposée peut sembler séduisante : le réformiste à vos côtés. Lui ne rêve pas de prendre le pouvoir, mais d’obtenir un strapontin à la table des puissants. Son art? Négocier des bouts de tapis dans la maison qui brûle.
Ne voyez pas en lui un lâche, mais un gestionnaire de crise. Sa mission : désamorcer la révolte en intégrant les revendications dans le système. Il vous promet lois, chartes de diversité et cases à cocher. C’est l’équivalent de réarranger les transats en première classe sur le Titanic. La crise du néolibéralisme est patente – émeutes et instabilité se multiplient -, pourtant le réformisme persiste dans cette illusion colossale. Croire résoudre cette crise par de simples ajustements redistributifs relève d’une méprise totale sur la nature du pouvoir.
La bourgeoisie ne cédera pas ses privilèges sans livrer bataille, usant de toute la violence d’État à sa disposition. Quant à la gauche institutionnelle – France Insoumise, Verts et autres -, elle est structurellement contrainte. Au gouvernement, elle n’aurait d’autre choix que d’administrer l’État bourgeois, fût-il rebaptisé “VIe République” : renforcer l’exécutif pour réprimer les dissensus, et perpétuer une politique étrangère impériale dans le pré carré néocolonial français [7] [8].
Le problème fondamental? Le capitalisme en crise n’a plus de miettes à concéder. Il ne produit plus de compromis, seulement de la barbarie. Le réformiste devient alors ce vendeur de parapluies en plein désert, dont le discours sur les “droits” et la “négociation” sonne tragiquement creux.
Croire obtenir une sécurité durable par ce biais revient à vouloir arrêter un tsunami avec un rideau de perles. La bourgeoisie n’accorde des droits que tant qu’ils ne menacent pas ses intérêts. Au premier obstacle, ces acquis volent en éclats. Le réformisme, in fine, se réduit à participer à la gestion civilisée de la déchéance, en lui apposant un séduisant vernis «inclusif» jusque dans les luttes trans et intersexes’.
Le grand mystère de la classe ouvrière disparue
Revenons à notre gauchiste. Il évoque la «Classe Ouvrière» avec la ferveur d’un stratège contemplant une armée prête à en découdre. Le seul hic – et il est de taille – c’est que cette armée ressemble davantage à un puzzle éclaté. Finis les bastions fordistes et leurs milliers d’ouvriers en bleu de travail; place aux petits boulots, à la précarité, à Uber et aux missions intérim.
Les forteresses ouvrières d’antan se sont effondrées depuis la crise des années 1970. Pourtant, ces militants persistent dans le déni, s’arc-boutant – et nous arc-boutant – à leur stratégie de parti de masse. L’identité ouvrière qu’ils chérissent tant avait sa cohérence il y a un demi-siècle; elle est aujourd’hui inopérante. Les segmentations du prolétariat, fruits d’une déqualification progressive du travail, expliquent que les luttes s’incarnent désormais dans des revendications non plus professionnelles, mais salariales, politiques, démocratiques.
On ne saurait analyser la composition actuelle des mouvements – généralement interclassiste – en justifiant les défaites par des incantations commodes : «trahison», «défaitisme» ou «manque de radicalité». Il est épuisant de devoir répondre à des esprits bloqués sur les mêmes logiciels depuis l’époque des premières scissions trotskardes au Goulag – et non ce n’est pas une blague.
La vieille gauche réformiste, réduite au club des enseignants et fonctionnaires, n’échappe pas à cette incompréhension. Elle propose de mieux partager le gâteau, sans s’interroger sur ceux qui le produisent ni sur les raisons de son rétrécissement. Résultat? Une partie des déçus se tourne vers le seul qui semble clamer «on arrête tout, on change les règles» : le Rassemblement National.
Alors, les trans’, ils servent à quoi dans l’Histoire?
Après cette galerie de portraits où gauchistes et réformistes se renvoient la balle de notre avenir, une question demeure : quelle place y occupons-nous réellement? Nous ne prétendons être ni l’Armée du Salut de la révolution, ni un simple «problème identitaire» à régler dans les marges du débat public. Pour comprendre notre position dans ce paysage théorique saturé d’incantations, il faut appréhender la double contradiction du mode de production capitaliste [9] : le capital exige une force de travail abstraite et interchangeable, tout en devant la reproduire à bas coût. Le genre constitue la clé de voûte de cette équation, instituant une division «naturelle» entre production (masculine, salariée) et reproduction (féminine, gratuite), offrant ainsi au capital un océan de travail non rémunéré. Le mode de production capitaliste (MPC), pris comme totalité, a besoin de ces activités féminisées, et il faut également qu’elles soient gratuites [10]. C’est en cela que le MPC a un problème avec les femmes.
Les personnes trans’ évoluent dans la faille de ce système. Nous incarnons la preuve vivante que le genre est une construction sociale – révélant ainsi la contingence des fondations mêmes de la reproduction capitaliste. Nous ne sommes ni un détail folklorique ni l’avant-garde désignée de la révolution, mais le symptôme d’une fissure structurelle : lorsque le genre se recompose, se fluidifie ou se durcit en période de crise, c’est toute l’architecture du capital qui se dévoile. Notre existence pose une question concrète et brûlante : qui peut encore se reproduire, et à quel prix, dans un système en voie de désintégration?
Notre rôle n’est pas d’incarner un nouveau sujet révolutionnaire, mais de rendre visible l’insoutenabilité croissante du genre comme forme sociale capitaliste. La transitude, en tant qu’expérience vécue sous le capitalisme, est le point de concentration où s’incarnent, dans la chair et le psychisme, les contradictions de la société patriarcale. Nous sommes un symptôme matériel de la crise de la reproduction sociale. Lorsque nos corps refusent l’assignation, nous mettons à nu le caractère profondément arbitraire de l’organisation capitaliste du genre.
En résumé, le genre n’est ni une relique traditionnelle ni une lubie postmoderne : c’est l’infrastructure invisible de l’économie capitaliste [11]. L’histoire montre que si la fonction du genre – division binaire et hiérarchisée – persiste à travers les restructurations du capitalisme, ses formes identitaires évoluent [12]. Le néolibéralisme, en crise, tente aujourd’hui de rétablir une binarité coercitive, et c’est pourquoi les personnes trans’ sont en première ligne des attaques réactionnaires. Placer la double contradiction du MPC – genre et classe – au cœur de nos analyses n’est pas un choix, mais une nécessité. Seul le prolétariat, dans sa dimension universelle, porte l’horizon du communisme réel : l’auto-abolition des classes et la rupture radicale avec ce monde pourri.
Alors, on fait quoi?
Notre avis sur le débat de départ est donc simple, mais pas simpliste.
D’un côté, on a un peu raison. L’autonomie, c’est la base. On ne laisse pas quelqu’un d’autre dicter ses revendications à une lutte. C’est comme si votre coloc venait négocier pour vous votre augmentation avec votre patron. Bonne chance.
De l’autre, le repli communautaire, s’il est une constante, n’offre qu’une impasse : attendre la fin du capitalisme au fond d’une cave promet surtout de manquer tous les couchers de soleil. La vérité, plus prosaïque, refuse les raccourcis magiques : les personnes trans* luttent d’abord pour leur survie immédiate, et n’ont nul besoin de se voir infliger le fardeau supplémentaire de la Révolution Mondiale.
Nos combats ne sont pas des «détails» négociables : ils s’attaquent aux mécanismes intimes de l’exploitation. Notre mouvement n’a que faire d’être la caution radicale du gauchiste ou le faire-valoir inclusif du réformiste.
Quant à l’interventionnisme, il exige de penser la lutte des classes dans son éclatement actuel. Le vieux débat entre autonomie et convergence est un leurre. Il ne s’agit ni de fuir les espaces mixtes comme la peste, ni de s’y dissoudre joyeusement, mais de faire de chaque lutte trans* un point de cristallisation où le genre, en tant que rapport social, se décompose. L’enjeu n’est pas de «converger» avec la gauche, mais de transformer nos contradictions en brèches où s’engouffre la question de l’abolition de toutes les séparations.
Intervenir, alors, ne consiste pas à apporter la bonne parole révolutionnaire de l’extérieur. C’est, au contraire, retourner comme un gant les impasses du présent : quand un collectif exige l’accès aux soins, il ne réclame pas seulement un droit – il révèle l’absurdité d’un système qui médicalise les existences pour les rendre compatibles avec le marché.
Cette voie refuse tout autant le fétichisme de l’auto-organisation que les prétentions de l’avant-garde éclairée. Elle postule que la communisation – la rupture sans entre-deux avec le MPC – ne se décrète pas, mais s’éprouve dans les luttes, lorsque la défense de nos vies nous force à attaquer les catégories fondatrices de l’ordre social – genre, famille, marchandise – et que nous y croisons d’autres fractions du prolétariat en lutte.
L’interventionnisme que nous appelons de nos vœux est un anti-léninisme viscéral doublé d’un anti-réformisme sans concession. Peu importent les étiquettes et les appareils : l’essentiel est d’être présent, non pour diriger, mais pour aiguiller la colère vers la rupture.
Aussi, lorsque des collectifs trans’ et intersexes s’organisent, et réclament la stratégie de renforcer leur autonomie – ce qui ne rentre pas en contradiction avec la convergence des luttes – trans’ ou pas trans’ … je kiffe.
Note
«Bien ou mal (plutôt mal), nous amenons les masses à la révolution, en éveillant en elles les instincts politiques les plus élémentaires. mais dans la mesure où nous avons affaire à une tâche plus complexe : transformer ces»instincts«en aspiration consciente d’une classe ouvrière qui se détermine elle-même politiquement, nous avons tendance à recourir aux raccourcis et simplification du»penser-pour-les-autres«et du substitutionnisme.». Voilà les germes qui mènent, selon Trotski en 1905, aux politiques réactionnaires et aux activités buraucratiques.
Léon Trotski, Nos tâches politiques, paraît à Genève en 1904, Editions Pierre Belfond, p. 127
Notes
[1] https://toutesdesfemmes.fr/sauvons-lexistransinter-communique-commun-dun-collectif-dassociations-trans-et-inter/
[2] https://www.revolutionpermanente.fr/Exclusion-des-partis-et-des-syndicats-de-l-Existransinter-un-pas-en-arriere-pour-les-luttes-trans
[4] Thurston, Robert. “Women, the State and Revolution : Soviet Family Policy and Social Life, 1917-1936.” The American Historical Review, JSTOR, 1995
[5] Chris Harman, la révolution allemande p.199, sebastian Haffner, Allemagne 1918, p.235; idées reprises d’une publication éditoriale en attente, de Danzig à Venise
[6] IIe Congrès de l’IC, Juillet 1920, Conditions d’admission des Partis dans l’Internationale Communiste; idées reprises d’une publication éditoriale en attente, de Danzig à Venise
[9] Ici, nous reprenons les précieux apports théoriques de la revue Théorie Communiste (TC), dans le n°23 (Distinction de genre) et 24 (Réponse aux Américaines).
[10] En temps de crise, l’État devient un garant de la reprodution de la force de travail, jusqu’à un certain point où une restructuration devient nécessaire. C’est ce qu’a montré Suzanne de Brunhoff dans l’État et le Capital. La féministe opéraïste Maria Rosa Dalla Costa a montré que le couple hétérosexuel, et plus largement les femmes, deviennent les refuges de la reproduction de l’armée de réserve en quête de boulot. La maison et les activités féministes en dehors de cette spatialité garantissent également (toujours jusqu’à un certain point) la reproduction de la force de travail. Les activités des femmes indirectement médiées par le capital ne sont donc pas localisées à la maison, ou à collectiviser grâce aux gardiens trotskistes du trône. Elles sont déjà sociales et contribuent à la reproduction générale du MPC. C’est par des moments de rupture avec le capital et le genre que nous pourront améliorer réellement nos situations, et prendre en charge notre destin.
[11] GONZALEZ Maya & NETON Jeanne, «Logic of Gender on the separation of spheres and the process of abjection», in. Endnotes n° 3 – Gender, race, class and other misfortunes
[12] Nous reformulons ici les idées d’Artifices, tirées de «Les pédés dans et contre le capital – De la constitution d’une identité sexuelle à la dernière restructuration»
Maroussia

C’est comique cette manie de vouloir exceller dans l’art d’élaborer des théories dont le tenant et les aboutissants n’ont plus aucun sens. Une sorte d’exercice scolaire où n’importe quel sujet pourrait être problématisé n’importe comment, soubassé par n’importe quelle théorie, pourvu qu’il y ait une pincée de marxisme et une bonne grosse rasade de soupe identitaire. Seulement lorque l’on arrive à faire abstraction du verbiage, que reste-t-il? Un contenu tristement pragmatique “accepter la composition des luttes telles qu’elles sont”, justement pourquoi devrions-nous déjà considérer que le sujet est une lutte alors qu’il est question d’une manifestation? pourquoi accepter le manque total de perspectives et y trouver une quelconque consolation? Dans quel but? “produire un début de réflexion, au sein de la scène autonome, sur ce débat non désiré”, quel rapport avec l’autonomie? pourquoi se persuader de la nécessité d’échanger si le débat semble d’emblée peu intéressant? A moins qu’il le faille mais que les gens s’y refusent, dans ce cas là il serait judicieux d’étayer à minima ce genre d’assertions…
Visiblement le seul but un peu clair c’est : “Il ne s’agit ni de fuir les espaces mixtes comme la peste, ni de s’y dissoudre joyeusement, mais de faire de chaque lutte trans* un point de cristallisation où le genre, en tant que rapport social, se décompose. L’enjeu n’est pas de «converger» avec la gauche, mais de transformer nos contradictions en brèches où s’engouffre la question de l’abolition de toutes les séparations.” ce qui ne veut strictement rien dire, ça se saurait si dans cette manif ou les autres le rapport social lié au genre se décompose mais peutêtre ce genre de phrase fait son effet sur un t-shirt parce qu’en terme d’analyse on repassera. “Cette voie refuse tout autant le fétichisme de l’auto-organisation que les prétentions de l’avant-garde éclairée” alors cette nouvelle manie de répéter dans tous les textes étudiants que “l’auto-organisation” c’est de la d, franchement restez dans vos collectifs ça sera certainement mieux pour l’auto-organisation en effet vous avez l’air de ne rien en saisir.
La critique des léninistes est sympa comme souvent mais semble maladroite puisqu’à part cracher entre autres sur Kollontaï et Zetkin car il y a eu depuis “des analyses plus pertinentes, nuancées”, l’auteur ne semble pas en mesure d’avancer lesquelles ni même de formuler en quoi i y aurait la moindre perspective en vue. Encore un criant et malheureux cas de jeunisme étudiant sans position ni intervention, qui se gargarise d’embrouilles entre gauchistes, car c’est son monde. Je ne sais pas ce qu’étaient “les autonomes” mais j’ai cru comprendre qu’ils avaient autre chose à foutre que mettre leur énergie à coller aux délire normopathes de leur époque en tentant d’y coller des paillettes de subversion.
Si incongruité il y a, c’est bien de se persuader que rejoindre la gauche en écrivant des tartines pour le justifier pouvait avoir le moindre intérêt. Cela n’a jamais fait avancer qui que ce soit dans la pensée critique.
Les contorsions réformistes des néo-communisateurs étaient divertissantes parfois divertissantes, aujourd’hui je ne sais même pas qui a la patience de lire ces bêtises jusqu’au bout.
Au fait, puisque c’est le sujet cette fois-ci, nos activistes trans savent-ils définir de quoi à quoi ils transitionnent ? Au dernières nouvelles on en était toujours au mauvais laïus circulaire et constructiviste disant qu’une femme est une femme et un homme est un homme…
De quoi le dernier commentateur cause-t-il ? Est-ce la responsabilité des activistes trans d’expliquer un phénomène qui existe tout à fait indépendamment d’elles et eux ?
@Anonyme
Drôle de question. Évidemment que c’est à ceux qui prétendent militer pour une interprétation d’un phénomène donné d’expliquer en quoi leur interprétation serait juste.
@Ahah
Vous semblez croire qu’il suffirait d’exiger une définition fixe pour résoudre la question du genre, alors que ce qui est en jeu n’est pas une querelle sémantique, mais un rapport matériel de pouvoir. Les personnes trans’ n’ont pas à “définir” la validité de leur existence dans les catégories que l’État, la médecine, et de façon plus infrastructurelle, le MPC leur impose. Elles vivent, travaillent, s’organisent, subissent des violences et s’émancipent dans un cadre social où les normes de genre fonctionnent comme des instruments de discipline, comme élément produit activement par le MPC indispensable à ce dernier. L’autonomie trans’, ce n’est donc pas un luxe identitaire : le vrai luxe est de ne pas se justifier.
“Mauvais laïus circulaire et constructiviste” … Je suis ravie que vous vivez seul-e l’abolition du genre. ça doit être une expérience fantastique. En attendant que cela soit une réalité globale, je vous remercie d’avoir participé à cet échange réjouissant.
L’autrice honteusement femme.
J’aimerais pouvoir dire que la question du genre, comme hiérarchie et domination/appropriation, et donc de son abolition comme telle, est une affaire de masse qui concerne tous les êtres humains et foncièrement toutes les femmes et tous les hommes ou intersexués puisqu’on ne dispose pas aujourd’hui d’autres repères que cette binarité historiquement construite et verrouillée par les rapports de classe dans le mode de production capitaliste.
Dans cette discussion un homme comme moi, étant a priori du bon côté du manche si j’ose dire, pourrait se sentir complètement hors jeu si ce n’est coupable de n’appartenir à aucune catégories particulièrement touchées dans son existence par une forme ou une autre de cette domination. En dehors d’un malaise moral ou éthique, il n’y a que la théorie, et particulièrement celle de la communisation en version TC pour lui (me) permettre de s’y retrouver clairement sans avoir le sentiment que ce serait le problème des catégories généralement citées, homo, trans, intersexes, etc.
C’est pourquoi je n’apprécie pas particulièrement qu’on mette en cause sa pertinence parce qu’elle serait hors sol des conditions concrètes de ces dominations et des luttes qu’elles engendrent dans les limites d’une situation où la question révolutionnaire, au sens communiste, est si peu présente dans les luttes actuelles.
@Maroussia
Vous, les activistes, exigez une reconnaissance dans le cadre des catégories genrées (qui pré-existent de loin au MPC, soit dit en passant) sans respecter le cahier des charges sexistes qui fondent leur existence. Ça ne peut pas marcher.
Quant à la nécessité des normes de genre pour le MPC, c’est très discutable. On a jamais autant approché l’égalité des sexes que dans les centres capitalistes contemporains. Le recul actuel semble plutôt être le symptôme d’un capitalisme en crise.
C’était Ahah la réponse à Maroussia.
C’est une remarque qui pourrait faire hurler les féministes. Le capitalisme n’a certes pas inventé les normes de genre, mais les a remodelées comme tous les caractères des modes de production antérieurs (cf Le Manifeste) L’égalité sexuelle est d’abord une idéologie y compris dans sa version féministe mainstream, une sorte d’implication réciproque entre aspirations des femmes et besoins de l’économie. Il ne faut pas confondre les apparences et la réalité : salaires, “charge mentale” dans la famille et le ménage, et depuis quelques années, metoo révèle une déferlante de l’appropriation masculine dans tous les domaines où l’égalite est censée la mieux réalisée, – vedettes de la politique, de la culture, des médias… – telle qu’il ne s’agit en rien d’une nouvelle situation de crise, mais de la continuité d’une absolue domination.
Il y a peut-être lieu d’être un peu plus subtil et rigoureux dans la compréhension de l’intérêt pour le capital des normes de genre et du discours sur l’égalité sexuelle, y compris les nouveaux droits des homosexuel.le.s, qui rappelle celui des droits de l’homme “en principe” dans les pays les plus démocratiques politiquement.
Après tout, c’est à cela que devrait servir une critique théorique radicale au delà de nos impressions, non ?
@Un passant
“Il ne faut pas confondre les apparences et la réalité”
Je suis certain que les féministes que tu invoques dirait que le droit de vote, le droit d’avoir un compte en banque, le droit d’avorter, etc., ne sont qu’apparences… Pour rappel, accéder au stade de “travailleur libre” reste un progrès par rapport à la dépendance personnelle (aux hommes de la famille en l’occurence). Le phénomène #Meetoo prouve qu’il y a encore un long chemin à parcourir pour l’égalité des sexes, mais sa seule existence, impensable il y a même 20 ans, montre bien que ça bouge. Cela ne veut pas dire pour autant que les droits consentis par le capital, sont de la poudre au yeux. Au contraire, ils améliorent même sa domination par une intégration toujours plus poussée.
Quant au genre, il n’existerait pas si la reproduction de l’espèce humaine ne dépendait pas de l’accouplement mâle-femelle. C’est ce point fondamental, matériel, que les activistes trans ont aujourd’hui besoin de nier en le noyant dans le constructivisme et les arguments fumeux allant du continuum des sexes aux exemples exotiques de “trans” dans des tribus perdues. Le genre peut se décliner de milles façons (on remarquera quand même une forte tendance à la domination masculine). Il peut admettre un “troisième genre”, des “berdaches”, etc., mais jamais il n’existe jamais sans le binôme homme/mâle-femme/femelle, car sa raison d’être découle de la question reproductive. Cela veut aussi dire qu’il existera toujours tant que l’espèce humaine se reproduira de manière “naturelle”. Mais après tout, peut-être qu’un jour le capital normalisera des techniques de reproductions artificielles qui feront perdre son sens au genre.
@Ahah
L’accès massif des femmes au salariat, et particulièrement au salariat ouvrier, qui en fait des “travailleurs libres”, soit des prolétaires selon Marx, intervient dès le 19ème siècle dans les pays du capitalisme avancé. Le travail domestique perdure, c’est la double peine de “la femme, prolétaire du prolétaire” (Flora Tristan 1843, avant le Manifeste de 1848). On pourrait indéfiniment discuter de la différence entre “progrès” et évolution, changement ou rupture historique, dans le sens où le prolétaires sont plus libres que les serfs ou les esclaves et le capitalismeun progrès sur le féodalisme. Concernant #meetoo, ‘il ne faut pas confondre’ le niveau de la lutte, c’en est une, avec ce qui serait spontanément accordé par la société capitaliste, même si les choses s’équilibrent dans de nouveaux rapports en un compromis (comme le fordisme par ex.), une implication réciproque disai-je; #meetoo ne choque plus que les rares masculinistes revendiqués et plus nombreux refoulés, les machos pour le dire simplement. .
Sur le genre, j’avoue ne pas saisir le concept de son abolition, soit de sa disparition historique comme différence dans la révolution communiste, suivant en ce point dav9antage Silvia Fédérici que TC, et préférant parler d’abolition de la domination de genre et de toutes hiérarchies genrées.
Comme suggéré en commentaire #6, je m’intéresse peu aux considérations sur la base d’identités sexuelles comme prétendant être plus avancées en matière de libération sexuelle que les hétérosexuels, comme aux théories de Judith Butler. Je comprends simplement que ces catégories, prétendues non normées, éprouvent une plus grande sensibilité à ces questions face au rejet, à l’hostilité ou à l’agressivité sociétales; c’est une forme de réformisme sexuel. Ces positions me semblent effectivement seulement entériner la norme binaire du genre sans pouvoir en sortir. Dans une certaine mesure, le fait de se focaliser sur les luttes de ces catégories traduit le peu d’avancement des luttes sur l’abolition de la domination de genre dans l’humanité des femmes et des hommes d’aujourd’hui.
@Ahah
“Quant au genre, il n’existerait pas si la reproduction de l’espèce humaine ne dépendait pas de l’accouplement mâle-femelle. C’est ce point fondamental, matériel, que les activistes trans ont aujourd’hui besoin de nier…” Le fait que le genre est une construction sociale n’entre pas en contradiction avec l’autre fait qu’il a un lien avec des fonctions reproductives biologiques, “matérielles”, et rien de tel n’est d’ailleurs affirmé dans le texte, même si on peut interroger les catégories linguistiques et intellectuelles qu’on utilise pour décrire cette reproduction. Les catégories “mâle” et “femelle” s’appuient sur une réalité biologique, mais comme n’importe quelle autre catégorie du langage (“espèce” par exemple, dans le domaine de la biologie), elles se discutent. Mais en tout état de cause, le texte ci-dessus ne soulève même pas ce problème, et pourtant “Ahah” s’est senti obligé de se lancer dans une diatribe sans lien avec le sujet d’origine.
En réalité, l’expression “activistes trans” (de qui parle-t-on ? comme si tous les militants de la cause trans partageaient les positions de Judith Butler) est un vulgaire dogwhistle (“transactivists”, en langage JK Rowlingien). Le commentateur ici présent semble reprocher aux personnes trans de se déclarer “femme” alors qu’elles sont nées “hommes” ou inversement ou autre. Comment interpréter autrement la phrase “Au fait, puisque c’est le sujet cette fois-ci (sic), nos activistes trans savent-ils définir de quoi à quoi ils transitionnent ?” La question posée par le commentateur a le même contenu, avec une forme légèrement plus sophistiquée, que celle posée par le militant d’extrême-droite Matt Walsh aux universitaires de gauche américains : “What is a woman ?”
@Un passant
Sur la “double peine”, il faudrait vraiment être de mauvaise foi pour prétendre que le travail salarié s’additionnerait simplement au travail domestique. Le travail domestique, auquel sont encore trop souvent astreintes les femmes aujourd’hui, à considérablement diminué depuis 1843.
Pour la suite, oui c’est du réformisme sexuel, mais du réformisme qui s’acharne à ne pas comprendre le fonctionnement de ce qu’il essaie de reformer.
Je comprends très bien que des personnes aient envie de changer de sexe dans le regard des autres – l’appartenance sexuelle n’est jamais qu’un rapport social -, et qu’elles se confrontent dans cette démarche à toutes sortes de difficultés qui les conduit à se battre pour y parvenir. Elles n’en font pas forcément un plat théorique au point qu’il y aurait, du point de vue des abolitions de toutes dominations, à les ranger avec acharnement dans un camp adverse.
J’en resterai là avec un commentateur dont je ne saisis ni d’où il parle à tord et à travers dans le contexte de ce blog, ni de quoi dans ce sujet, ni où il veut en venir. Bref, je ne comprends pas le ahahisme.
Parfois, l’avantage du grand âge est qu’on se contrefout d’avoir raison ou tort, dès lors que la conversation reste un plaisir de l’esprit rendant à sa vive jeunesse, mais c’est ici l’inverse, un trop plein de fatigue.
Le genre comme “infrastructure invisible de l’économie capitaliste”. L’Aufhebung comme troisième voie entre deux options dites binaires ? Très étrange que de considérer la sexuation comme relevant d’un choix ! J’ai bien compris que cette étrangeté se veut troublante et provocatrice envers les normes. Mais quel forçage vertical que de s’échiner à déranger ces normes censément superstructurelles que sont les comportements sexués normalisés que dénonçaient les féminismes passés, celui de de Beauvoir par exemple, en les baptisant infrastructurelles ! Le structuralisme se retrouve cul par dessus tête. Pourquoi pas, formellement ? Mais pourquoi le reprendre en l’inversant ? Selon l’hypothèse que le structuralisme serait une pensée révolutionnaire dont le sujet serait à déplacer ou à compléter ? Effrayant héritage. Au moins pour ceux qui avaient saisi que le structuraliste était le contraire d’une pensée révolutionnaire.
Et que signifie ce glissement des luttes pour l’émancipation en matière d’orientations sexuelles vers une lutte pour l’incarnation (d’ailleurs forcément plus ou moins médicalisée) sur la variation d’une gamme ininterrompue de sexuations possibles, désormais accessibles ? Mon corps m’appartient-il parce que je peux le changer ? De quelle liberté s’agit-il ? Comment ne pas y voir une incarnation de la réification ? Une livraison de soi à la marchandisation ? L’Aufhebung comme hypostase. La dialectique comme angélisme. La lutte de classe apparaît bien angoissée…
@Anonyme
“Le fait que le genre est une construction sociale n’entre pas en contradiction avec l’autre fait qu’il a un lien avec des fonctions reproductives biologiques, “matérielles”, et rien de tel n’est d’ailleurs affirmé dans le texte, même si on peut interroger les catégories linguistiques et intellectuelles qu’on utilise pour décrire cette reproduction.”
Le fait même de prétendre sérieusement (c’est-à-dire autrement que par provocation) que l’on peut “transitionner” d’un genre à un autre, c’est en soi déjà la négation du lien nécessaire entre genre et fonction reproductive.
“Les catégories “mâle” et “femelle” s’appuient sur une réalité biologique, mais comme n’importe quelle autre catégorie du langage (“espèce” par exemple, dans le domaine de la biologie), elles se discutent.”
On reconnaît ici le début d’enfumage à base de critique du discours. Les catégories mâles et femelles n’ont pas besoin d’être reconnue intellectuellement pour exister réellement. La reproduction sexuée qui s’appuie sur elles les vérifient quotidiennement.
“Mais en tout état de cause, le texte ci-dessus ne soulève même pas ce problème, et pourtant “Ahah” s’est senti obligé de se lancer dans une diatribe sans lien avec le sujet d’origine.”
Le présent texte est du niveau d’un bête communiqué Indymedia. Il se retrouve ici probablement juste parce qu’il y a quelques références à Réalité et TC en notes. Cela dit effectivement il n’aborde pas la question que je soulève. J’ai envie de dire “comme d’habitude”.
Depuis quelques années, on a toute une variété de militantisme trans allant du plus socedem, aux masos bouteldjistes en passant par des “matérialistes”. À l’heure actuelle, au sein des milieux se voulant subversifs, je n’ai vu aucune de ces tendances être réellement confrontée radicalement sur ses postulats théoriques de départ. Pourtant, comme dit plus haut, l’idée même de transition de genre est un non sens. Alors, que des gens “bricolent” pour survivre, on ne leur en voudra pas, encore heureux. Mais quand on devient militant, voir théoricien, on produit et diffuse une interprétation du monde qui doit souffrir la critique. L’activisme trans semble néanmoins bénéficier d’une dispense, toute critique étant renvoyée à un discours forcément d’extrême-droite, ce que tu as bien démontré Anonyme.
Tu parles du film de Matt Walsh. J’invite les gens a cherché les quelques extraits qui traînent sur Youtube. Walsh est une sorte Micheal Moore d’extrême-droite. Il est catho et défend clairement une vision sexiste de la société. Mais ce qui est intéressant, c’est que lorsqu’il interroge des universitaires, consultants ou médecins, il n’a pas besoin de mettre en avant son idéologie religieuse. Il n’a même pas besoin d’être de trop mauvaise foi. Il demande à ces gens (très bien payés) d’expliquer concrètement ce qu’ils racontent à longueur de journée. Et là, évidemment, c’est le malaise parce qu’ils en sont incapables. Au fond, peu importe que Walsh utilise ensuite ces séquences pour défendre de façon spécieuse ses positions conservatrices, c’est son rôle. En fait, c’est même heureux pour les progressistes qu’à la fin il soit un conservateur à gros sabots. Si cela n’était pas le cas, il serait bien plus destructeur. En attendant, certaines de ses interviews montrent à quel point le discours sur la transition de genre s’écroule comme un château de cartes dès qu’il est confronté à des questions basiques sur les catégories qu’il mobilise (pardon “des questions d’extrême-droite”).
Énième diatribe transphobe, qui démontre que le passant avait sans doute raison de vouloir en rester là quelques commentaires plus tôt. Fascinant de voir que les “matérialistes” anti-trans finissent toujours par sombrer dans la défense de l’extrême-droite, mais je ne pensais pas qu’il serait si facile de le démontrer. Affligeant de lire une apologie de la droite ultraconservatrice dans les commentaires d’un site dédié à la communisation. Bref, au passant qui se plaignait de ne pas comprendre l’Ahahisme, le commentateur l’a exposé plus clairement ici : l’ahahisme est un conservatisme comme un autre. On apprécierait que les réactionnaires aillent rire ailleurs que sur les sites dédié à la théorie communiste, et c’est pourquoi il n’y a pas lieu de répondre sur le fond, malgré les nombreuses grossières incompréhensions du concept de transition.
Le dernier message vient de passer d’un cran le niveau de l’anathème, en réponse à d’autres messages déjà bien agressifs.Les échanges sur ce thème commencent sérieusement à tourner à l’anathème et l’insulte. On va donc “censurer” d’un peu plus près.
On n’est pas sur les réseaux sociaux ici et il n’y pas de place pour les gros muscles argumentatifs. dndf
D’abord dire à Anonyme (#17) que je ne suis pas davantage motivé par ses commentaires que par ceux de Ahah. Celui-ci a sans doute raison de supposer que le texte ne se retrouve ici que pour les références à Réalité et TC, sans pour autant être cohérent avec les analyses de ce dernier théorisant “la double contradiction de classe et de genre”*
Je n’ai jamais compris au demeurant en quoi le genre était ou portait une contradiction et encore moins un antagonisme : quels seraient les pôles de cette contradiction ? Les hommes et les femmes ? Diantre ! Il s’agirait donc qu’ils soient abolis au même titre que le capital et le prolétariat ? Sur ce point voir Schizosophie en #15.
Mais passons. Le mérite de TC est d’avoir cherché une articulation théorique entre exploitation capitaliste et domination masculine, patriarcat. On peut estimer qu’il n’a proposé qu’un bricolage structuraliste, mais au moins a-t-il posé la question de façon fondamentale.
Le problème du texte est que cette problématique théorique doublement communiste et féministe est évacuée au profit de celle de la transition de genre et de la pratique de lutte en relation avec la politique, l’autonomie et l’extrême-gauche, dont l’activisme n’a aucune chance de “décomposer le genre”, le petit monde de LGBT… etc. etc. n’étant jamais qu’un symptôme et ses luttes transclassistes jamais à l’abri de fournir le capitalisme arc-en-ciel en ingrédients transgressant les normes sexistes traditionnelles mais dépourvus de contenu de rupture révolutionnaire.
Partant de là le débat ne pouvait que s’enliser et aboutir aux sempiternels positionnements vis-à-vis de l’extrême-droite, l’ennemi principal en lieu et place du capital, de l’exploitation de classe et des dominations qui l’accompagnent.
La lutte de classes est plus qu’”angoissée” (Schizosophie), elle est absente, d’oussque dans le contexte de ce blog et de ses centres d’intérêt, ce “débat” n’en a pas. Le problème est dans la question.
Certaines de ces théories critiques concernant la transition ont été influencées par TC. Au-delà de ce texte, qui ne m’a pas beaucoup parlé, je pense à celui d’Alison Escalante, que j’ai trouvé très intéressant. TC n’a pas parlé des dissidences de genre ou sexuelles, mais pour une raison quelconque, il leur a donné des outils pour théoriser et on peut en discuter, mais je pense bien sûr qu’il ne faut pas perdre de vue l’importance de ce fait et la nécessité de relier la contradiction de genre non seulement aux luttes des femmes, mais aussi aux dissidences, car elles sont complètement liées.
@Anonyme
CQFD. Le concept de transition de genre est incritiquable. Si vous avez de la chance, on vous dit la première fois avec des gros yeux que vous n’y avez vraiment rien compris. Si vous insistez et observez que le militantisme trans est bien incapable de l’expliquer de façon un tant soit peu cohérente, vous êtes sûr d’être renvoyé à “l’extrême-droite”! L’issue de secours gauchiste bien commode quand on patauge sur le plan de l’argumentation.
Pas difficile de comprendre comment des Matt Walsh et autres Charlie Kirk, roulent facilement sur le camp qui se veut progressiste. Ce sont eux les bigots, ce sont eux qui devraient se faire coincer en débat sur les absurdités auxquelles ils croient. Et pourtant. Après au moins deux décennies de relativisme forcené mélangeant croyances et savoirs dans le grand “safe space” de la gauche radicale et de ses voitures balais “radicales”, c’est eux qui font bégayer l’avant-garde de la critique sociale surdiplômée en lui posant quelques questions de base. Un comble.
Bon, au-delà de la colère moralisatrice du premier anonyme, le refus de débattre est bien plus lié à un refus de discuter des choses considérées comme des vérités de base de tout mouvement non-conservateur que d’une incapacité à répondre aux questions de Matt Walsh. Ainsi, si un commentateur s’avisait de défendre la théorie de l’inégalité des races humaines sur ce site, je suis persuadé qu’il rencontrerait un anonyme pour refuser de débattre avec lui et le renvoyer à l’extrême-droite (ce qui serait, en l’occurrence, assez juste). En vérité, il est possible que cet hypothétique commentaire ne verrait pas la lumière du jour, parce que la modération refuse probablement à juste titre certains discours (sans parler à sa place).
A une époque où les conservateurs essaient de rendre la vie des personnes trans de plus en plus difficile, en les enfermant (pas métaphoriquement : https://www.nytimes.com/2025/04/07/us/politics/trans-student-arrest-bathroom-law-florida.html) et en les empêchant d’accéder aux soins dont ils ont besoin, il est normal qu’une partie des “progressistes” se raidissent quand ils constatent que des argumentaires anti-trans viennent jusqu’à se répandre dans des milieux plus larges que ceux des réactionnaires habituels, et veuillent traiter les transphobes comme on traite toujours les tenants du racisme biologique. Mais la raison pour laquelle il n’est pas possible d’opérer ainsi est la suivante : les argumentaires transphobes sont beaucoup plus répandus que le racisme biologique (pas le racisme en général, on s’entend), donc là où l’on peut se dispenser d’avoir de longues discussions avec des néonazis, on ne peut se dispenser de répondre aux transphobes. D’ailleurs, à l’époque où le racisme biologique était plus en vogue, des auteurs illustres ont quand même consacré un certain temps à combattre ces arguments sur le plan des idées (cf. Stephen Jay Gould), et certains le font toujours.
Enfin bref, pour répondre à l’argumentaire d’Ahah, qui, pour être honnête, me paraît transphobe et donc m’est désagréable, mais qui est pour ainsi dire raisonné, on peut prendre sa citation : “Le fait même de prétendre sérieusement (c’est-à-dire autrement que par provocation) que l’on peut “transitionner” d’un genre à un autre, c’est en soi déjà la négation du lien nécessaire entre genre et fonction reproductive.” Pourquoi ? C’est à Ahah de le démontrer. En vérité, le fait que le genre soit lié au niveau social à des fonctions reproductives ne signifie évidemment pas qu’il est identique à ces fonctions reproductive, ni que celles-ci déterminent individuellement le genre, sinon ce n’est pas un rapport social mais juste un “fait biologique” (expression prisée des conservateurs). Et puis si c’était le cas, est-ce que les femmes dites cisgenres qui ne peuvent pas enfanter, quelle qu’en soit la raison, cesseraient d’être des femmes ? Si une femme trans est perçue et traitée comme telle par son entourage, et plus largement par la société en général, qu’est-ce qui la différencie d’une femme en général ? J’avoue ne pas comprendre la volonté de réduire un rapport social à ses déterminants biologiques, à part si l’on se sent dérangé par un bouleversement de l’ordre naturel (mais je reconnais que c’est un procès d’intention).
Du reste, je tombe d’acccord avec le consensus général dans les commentaires : le texte d’origine est discutable, le militantisme d’affirmation de l’identité de genre est un réformisme sexuel, il est nécessaire de penser les questions de genre autrement, et je remercie l’anonyme 2 de la recommandation qui à première vue semble intéressante. En attendant que la lutte des classes démêle les problèmes (sans doute mal) posés dans ces commentaires…
À défaut de trouver un intérêt à ce fil du point de vue de la théorie communiste, il m’a donné l’occasion de compléter ma culture en matière de transidentité, notamment la différence entre transgenre et transsexuel.le.
Cf https://lgbtqia.fandom.com/fr/wiki/Transgenre
Je ne suis pas certain qu’il y ait à “expliquer” le “concept de transition”. C’est une pratique de changement de genre, et parfois de sexe par intervention médicale, pour qui ne se sent pas appartenir à celui assigné à la naissance. Qu’y aurait-il à “critiquer” dans ce choix individuel sans tomber dans la transphobie ? Il en est qui militent pour soutenir cet acte parce qu’il rencontre des obstacles juridiques, l’hostilité ou l’agressivité. Rien que de légitime a priori.
Il n’y a pas de quoi fouetter un chat, d’autant que la population concernée, en France par exemple, est de l’ordre de 180 000 personnes (transgenres et non binaires), soit 0,33% de la population. On suppose qu’elles appartiennent à toutes classes sociales et de ce fait que leurs luttes, cherchant entre elles l’unité, ne peuvent tout simplement pas poser la question communiste en tant qu’abolition des classes. Cela reste le cas d’une extrême minorité, dont l’auteur.e du texte avec référence à TC dans la confusion propre aux activistes autonomes, trans ou pas. On peut concevoir que certain.e.s considèrent que les dominations genrées ne peuvent être abolies que dans l’abolition des classes, mais du point de vue communisateur on ne voit pas la pertinence de l’immédiatisme.
Dans la perspective communiste abolissant la distinction de genre, assignation sociale binaire, il faut imaginer que la transition de genre n’aurait plus lieu d’être puisque le regard des autres ne serait plus un problème (on peut toujours rêver) mais que le changement de sexe anatomique pourrait être souhaité dans certains cas : la révolution ne pas faire disparaître les intersexes de naissance.
En attendant le système capitaliste n’a et n’aura aucune difficulté à donner place en son sein à toutes les différences de genre, de sexe et d’attirances sexuelles.ainsi qu’aux potentialités commerciales qu’elles ouvrent pour satisfaire leurs niches de besoins particuliers et singuliers sur le marché des désirs.
Comme l’écrivait Desnos, les lois de nos désirs sont des dés sans loisirs.
J’imagine que l’anonyme 2 faisait référence à ce texte d’Alison Escalante : https://libcom.org/article/gender-nihilism-anti-manifesto-alyson-escalante ? Merci pour la piste, j’irai jeter un œil avec intérêt.
@Anonyme 3
Merci de prendre tes gants et de mettre ta pince à linge antifa avant de me répondre. On ne sait jamais… Je ne perdrai pas de temps sur les parallèles oiseux avec la race, ça n’a pas grand rapport. Je n’irais pas non plus questionner la qualificatif de “soins” que tu emploies pour certaines pratiques, bien qu’il me paraisse fort discutable dans biens des cas.
Tu me demandes pourquoi le concept de transition est une négation du lien nécessaire entre genre et fonction reproductive. Je l’ai déjà dit plus haut, le genre n’aurait aucune raison d’exister si l’espèce humaine ne dépendait pas matériellement (sans guillemets, contrairement à un commentateur qui visiblement doute de ce point) de la reproduction sexuée. Il sert à l’encadrer socialement. Tu sembles d’ailleurs plutôt d’accord, donc je ne vois pas trop ce que tu ne comprends pas. Il y a toute une palette de déclinaisons du genre selon les sociétés, mais il y a toujours une norme de genre et elle discrimine toujours des catégories “homme” et “femme” en fonction de des organes sexuels des individus. Par dessus ce constat anatomique, elle fixe plus ou moins strictement les rôles attendu socialement des individus en fonction de la catégorie à laquelle ils sont assignés. Et ces rôles, on le sait tous il me semble, sont présentés comme la conséquence naturelle du sexe. C’est donc ne rien y comprendre que de croire que si tout le monde y mettait du sien et était un peu plus ouvert on pourrait détacher le genre du sexe. Ça n’a aucun sens. Le genre est LA discrimination sexiste fondamentale. Dire ça, ce n’est pas réduire “réduire un rapport social à ses déterminants biologiques”, c’est juste rappeler que les déterminants déterminent…
À partir de là, tu peux bien me sortir des marges tous les cas que tu veux : on s’en fout, c’est pas la question. Tantôt ces individus seront considérés comme des êtres spéciaux, magiques, appartenant à un “troisième genre”, intersexes, stériles, raté(e)s, des monstres, des anomalies, etc. Autant de désignations plus ou moins sympathiques qui rappellent toujours qu’ils sortent de la norme.
Enfin, non, une “femme trans” ne sera jamais une femme “tout court”, même avec un très bon “passing”. Son corps ne lui permettra jamais de vivre vraiment l’expérience d’une femme, en particulier en ce qui concerne la reproduction et ce qui l’entoure (sur le plan biologique évidemment, mais aussi sur le plan social).
Les adversaires de “Ahah” sont les antifas et les personnes trans… On voit bien où se trouvent les obsessions des uns et des autres. Pas plus de commentaires à ce sujet.
Les cas à la marge en question : l’infertilité, qui touche jusqu’à une personne sur six, et la ménopause, qui touche toutes les femmes cisgenres. Parler au nom du bon sens et refuser de regarder la réalité en face, on pourrait difficilement trouver une meilleure illustration du conservatisme contemporain.
Dans ce qui est en vérité le cœur de l’argument, Ahah explique que “non, une “femme trans” ne sera jamais une femme “tout court”, même avec un très bon “passing”.” Je ne pense pas que la plupart des personnes trans estiment être traitées comme des personnes de leur genre “tout court” ; effectivement, elles sont traitées par beaucoup comme des êtres “spéciaux, […] appartenant à un “troisième genre”, intersexes, stériles, raté(e)s, des monstres, des anomalies, etc.” (magiques sans doute moins souvent). Mais elles sont aussi, assez souvent, traitées comme des types spéciaux de leur genre de transition (cf. par exemple le cas du viol extrêmement fréquent des femmes trans qu’on a mises dans les prisons d’homme).
Ahah affirme, plus spécifiquement, que le “corps [d’une femme trans] ne lui permettra jamais de vivre vraiment l’expérience d’une femme, en particulier en ce qui concerne la reproduction et ce qui l’entoure”. On se demande pourquoi en général : les femmes trans se font harceler dans la rue, subissent des discriminations et des remarques sexistes diverses et variées sur la base de leur morphologie à tout bout de champ, comme les femmes cisgenres. Sur “la reproduction et ce qui l’entoure”, une femme qui choisit de ne pas avoir d’enfants (ou qui ne le peut, voir ci-dessus) aura une expérience “incomplète” en ce qui concerne la reproduction et n’en sera pas moins femme pour autant. Le fait que la plupart des sociétés de classe a estimé nécessaire d’assigner une partie de la population à la reproduction physique (et sociale), sur la base de la reproduction sexuée, ne signifie pas que les catégories qui découlent de cette organisation recouvrent exactement la capacité à se reproduire ainsi. Effectivement, les 0,33 % de la population qui sont des personnes transgenres sont des marges dans leur catégorie. Cela ne signifie pas qu’elles n’existent pas. Elles existent, bon, c’est comme ça, alors pourquoi s’en indigner, qu’est-ce qu’il y a à expliquer ?
Tout cela repose sur une incompréhension du ressort des discriminations sexistes, qui ne trient pas “en fonction de des organes sexuels des individus”, mais justement en fonction des “rôles, [qui] on le sait tous il me semble, sont présentés comme la conséquence naturelle du sexe”. La présentation est un fétiche comme un autre et Ahah tombe dans le panneau. Cela signifie que la part non-négligeable des femmes qui ne peut pas faire d’enfants mais qui est généralement perçue comme appartenant au genre féminin subit une discrimination sexiste, et une discrimination au titre de la perception qu’a la société de tous les qualificatifs qu’Ahah a utilisé pour décrire les cas à la marge pas si marginaux que ça. Les personnes trans subissent une version extrême de cette discrimination, étant perçues comme allant à l’encontre du rôle qui leur a été assigné comme “conséquence naturelle du sexe”. En somme, elles tordent l’ordre naturel et toutes les autres lubies conservatrices du même genre.
Pour conclure, je reprends tel quel les mots du passant : “Je ne suis pas certain qu’il y ait à “expliquer” le “concept de transition”. C’est une pratique de changement de genre, et parfois de sexe par intervention médicale, pour qui ne se sent pas appartenir à celui assigné à la naissance. Qu’y aurait-il à “critiquer” dans ce choix individuel sans tomber dans la transphobie ? Il en est qui militent pour soutenir cet acte parce qu’il rencontre des obstacles juridiques, l’hostilité ou l’agressivité. Rien que de légitime a priori.” La transidentité, c’est ça, pas plus, pas moins. Il ne s’agit pas, comme le dit le texte d’origine, de “de faire de chaque lutte trans un point de cristallisation où le genre, en tant que rapport social, se décompose” parce qu’on ne peut pas plus se débarrasser du genre à la force de l’esprit qu’on ne peut échapper à la valeur en se concentrant très fort, mais qu’une partie des gens sentent, pour x ou y raison, le besoin de passer d’une catégorie à une autre, quel est le problème ?
Pour celles et ceux qui seraient intéressés et qui douteraient de l’oppression que subissent les femmes trans, en tant que femmes et en tant que personnes trans, voici un article fort intéressant sur le traitement des femmes trans au Brésil, sur lequel je suis tombé par hasard. Points principaux : plus de 90 % d’entre elles se prostituent, leur espérance de vie est la moitié de celle du brésilien moyen, et elles sont ravalées au rang d’objet sexuel pour des hommes qui les tuent souvent en toute impunité. Mais peut-être Ahah nous soutiendra face à ces faits que “[leurs] corps ne [leur] permettr[ont] jamais de vivre vraiment l’expérience de femme”, et, ironiquement, il y a du vrai là-dedans, mais pas de la façon dont Ahah l’entend : https://www.negationmag.com/articles/trans-murder-brazil
@anonyme 2
Lu le texte d’Esclante. (https://libcom.org/article/gender-nihilism-anti-manifesto-alyson-escalante.)
Je trouve sa critique du piège genré entourant le concept de transidentité assez juste. L’auteur en reste néanmoins à une critique du genre purement discursive qui lui permet certes de nous livrer sa proposition nihiliste, mais évite une compréhension du genre à un niveau plus anthropologique.
L’addendum dans lequel l’auteur fait contrition pour avoir donné l’impression d’adopter un ton prescripteur et pour avoir oublié de parler de théorie décoloniale est malheureusement grotesque et lamentable.
@Anonyme
Assez d’accord sur le côté purement discursif. L’auteure a me semble-t-il évolué depuis vers des positions plus proches du féminisme marxiste, ce qui a sans doute donné des assises plus solides à son point de départ de rejet des luttes identitaires d’affirmation de soi. Sur l’addendum, n’ayant pas lu les ouvrages cités, je réserve mon jugement, mais le côté acte de contrition est effectivement assez gènant.
Les précédents commentaires, ainsi que le texte d’Escalante, m’amènent à préciser que, parlant en #19 du “petit monde LGBTQIA + comme d’un symptôme” ce n’est pas à prendre comme celui d’une maladie ou d’une anormalité, ce qui renverrait à la norme binaire du genre, mais de la problématique d’ensemble du genre, d’un “trouble dans le genre” (Butler 1990).
On peut considérer que l’énorme médiatisation actuelle du transgenrisme et de la transexualité, démultipliée par les réseaux sociaux particulièrement dans les jeunes générations, ne contribue pas à éclaircir la domination de genre, encore moins dans son rapport au capitalisme, et qu’elle peut même avoir des effets pervers se retournant contre les personnes concernées (certaines le disent), ne serait-ce que par la réaction conservatrice qu’elle suscite, jusque, aux États-Unis, au Brésil, en Amérique latine, en Hongrie, en Russie… au niveau des États. À cet égard, il ne s’agit pas que de “fascisme” mais d’une modalité de la gouvernance du capital, et c’est donc là qu’il convient de porter le fer.
Par conséquent, je pense qu’aborder la problématique du genre par le biais du transgenrisme, considéré en soi dans l’essentiel de ce débat, est bien moins fécond que l’approche générale par la domination masculine. C’est toute la critique marxiste du patriarcat qui risque d’en faire les frais. Il suffit d’ailleurs de considérer que plus un homme réussit sa transition en femme, plus iel est confronté.e aux mêmes problèmes que les femmes (cisgenres, donc), redoublés, en cas d'”imperfections” dans la transition, de ceux spécifiques à la transidentité, aggravés si l’on ne dispose pas des moyens de se payer une belle apparence (interventions de chirurgie faciale, hormonotherapie, par exemple), ce qui relève foncièrement d’une inégalité de classe.
C’est pourquoi je préconise d’inverser la démarche théorique en repartant de la double critique du capital et du patriarcat, telle qu’initiée par les féministes marxistes Federici, Fortunati et Dalla Costa, refondée par Théorie Communiste il y a 15 ans, reprise et précisée par Jeanne Néton et Maya Gonzales (textes pour Endnotes et livre ‘Logique du genre’, 2022).
Cf https://positionspolitics.org/abjection-and-abstraction-an-interview-with-maya-gonzales-and-jeanne-neton/ 9 juillet 2022
C’est pour moi à cette condition qu’on pourrait avoir chez dndf, qui n’est pas Indymédia, un débat conséquent avec la problématique de la communisation. On est là pour ça ;-)
Voici le lien valide de l’entretien référencé en #29
https://renverse.co/analyses/article/abjection-et-abstraction-entretien-avec-maya-gonzalez-et-jeanne-neton-3606
Sex is the flip side of gender. Following Judith Butler, we criticise the gender/sex binary as found in feminist literature before the 1990s. Butler demonstrates, correctly, that both sex and gender are socially constituted and furthermore, that it is the “socializing” or pairing of “gender” with culture, that has relegated sex to the “natural” pole of the binary nature/culture. We argue similarly that they are binary social categories which simultaneously de-naturalise gender while naturalising sex. For us, sex is the naturalisation of gender’s dual projection upon bodies, aggregating biological differences into discrete naturalised semblances.
While Butler came to this conclusion through a critique of the existentialist ontology of the body, we came to it through we came to it through an analogy with another social form. Value, like gender, necessitates its other, “natural” pole (i.e. its concrete manifestation). Indeed, the dual relation between sex and gender as two sides of the same coin is analogous to the dual aspects of the commodity and the fetishism therein. As we explained above, every commodity, including labour-power, is both a use-value and an exchange-value. The relation between commodities is a social relation between things and a material relation between people.
Following this analogy, sex is the material body, which, as use-value to (exchange) value, attaches itself to gender. The gender fetish is a social relation which acts upon these bodies so that it appears as a natural
characteristic of the bodies themselves. While gender is the abstraction of sexual difference from all of its concrete characteristics, that abstraction transforms and determines the body to which it is attached — just as the real abstraction of value transforms the material body of the commodity. Gender and sex combined give those inscribed within them a natural semblance (“with a phantomlike objectivity”), as if the social content of gender was “written upon the skin” of the concrete individuals.
(Extrait de Logic of Gender, pour compléter le propos du dernier commentaire, en deux parties du fait d’une fausse manip…)
Sidérant cet anglais ! Le sexe est au genre ce que la valeur d’usage est à la valeur d’échange parce que le sexe (distinct du genre, donc) est une construction sociale reléguée au pôle “naturel” (les guillemets indiquant sans doute que cette naturalisation est artificielle) de l’opposition, dite binaire, nature/culture. Le sexe serait donc faussement une conformation anatomique ou biologique dont le genre se saisirait comme le mort saisit le vif, comme la valeur d’échange s’impose à l’usage. Ce déni de la conformation anatomique ou biologique va à l’encontre des expériences les plus ordinaires de chacun, au moins envers soi-même. Mais alors pourquoi changer de sexe puisque, naturellement, il n’y en a pas ?
Le féminisme d’avant 1990 s’enquérait de ce que le sexe (au moins féminin) n’a pas à correspondre aux rôles sociaux assujettis qui lui étaient imposés socialement. C’était ça, le genre : ces rôles. Et cela correspondait tout à fait aux expériences ordinaires de chacun.
Et puisque Butler est évoquée. Rappelons qu’Herculine Barbin n’était pas dysphorique et que, naguère Alexina, Abel avait trouvé son équilibre avec Sara avant qu’un évêque ne rompe le secret de la confession, ce qui libéra non seulement un docteur du secret médical, mais aussi une publicisation journalistique puis une assignation au genre masculin par l’état civil de son état anatomique singulier. Le tout précipitant sa rupture avec sa compagne et son isolement morbide. Butler a-t-elle compris que c’était le passage social forcé d’un genre à l’autre – autrement dit l’imposition d’un genre à son sexe, dont la rare singularité, qu’elle assumait pourtant, avait dérangé l’église, la médecine et l’État – qui avait occasionné sa tragédie ? Certainement. Néanmoins, elle en retire, à vous lire en anglais, que, de même que le genre, le sexe est une construction sociale, alors qu’Adélaïde-Alexina-Herculine-Abel avait le sien, anatomiquement et biologiquement, aussi inclassable fut-il.
@Anonyme 3
Être adversaire de l’antifascisme ? Encore heureux ! Être adversaire des personnes trans ? C’est faux, je critique le concept de transidentité. Tu ne chercherais pas à démontrer qu’antifascisme et calomnie font bon ménage ?
“L’infertilité, qui touche jusqu’à une personne sur six, et la ménopause, qui touche toutes les femmes cisgenres”. Et donc ?
Je ne parle pas au nom du bon sens, je dis qu’il est illusoire de croire que l’on peut réformer le genre. Voir Escalante.
“Je ne pense pas que la plupart des personnes trans estiment être traitées comme des personnes de leur genre “tout court”” : je n’ai jamais prétendu cela, en revanche beaucoup y aspirent, ce qui est un non sens du point de vue de la logique du genre. C’est donc un combat perdu d’avance ; encore une fois, voir Escalante qui le dit très bien.
“les femmes trans se font harceler dans la rue, subissent des discriminations et des remarques sexistes diverses et variées sur la base de leur morphologie à tout bout de champ” : oui, mais ça ne suffira jamais à en faire des femmes.
“une femme qui choisit de ne pas avoir d’enfants (ou qui ne le peut, voir ci-dessus) aura une expérience “incomplète” en ce qui concerne la reproduction et n’en sera pas moins femme pour autant.” Une femme qui refuse de faire des enfants ou qui ne peut pas en faire se rapproche des marges, voire y entre. Mais elle continue d’être considérée comme une femme du point de vue des normes de genres parce que la société estime que, compte tenu de son anatomie, elle “aurait pu” ou “aurait du” en avoir. Pour une personne mâle, cette potentialité réelle ou supposée (jusqu’à la découverte de la stérilité) n’existe pas. Elle ne sera donc jamais confrontée à ces questions qui sont pourtant au cœur de la construction de la condition féminine.
“Le fait que la plupart des sociétés de classe a estimé nécessaire d’assigner une partie de la population à la reproduction physique (et sociale), sur la base de la reproduction sexuée, ne signifie pas que les catégories qui découlent de cette organisation recouvrent exactement la capacité à se reproduire ainsi.”
Pour commencer, le genre n’a pas besoin d’une société de classes pour exister (à moins qu’on étire la définition de classe aux “classes” de sexe, mais ça deviendrait tautologique). Même les sociétés de chasseurs-cueilleurs les plus horizontales définissent des rôles genrés en fonction du sexe.
Ensuite, je ne sais pas ce que ça veut dire “ne pas recouvrir exactement”. Tu veux me parler berdaches et cie ? Fais-le si ça te chante, mais comme dit dans des commentaires plus haut, ça ne fait pas disparaître les catégories homme et femme.
Enfin, il ne s’agit pas ici de “nier l’existence des trans”, c’est absurde. On ne peut que constater que des individus ne sentent pas à l’aise dans le genre auquel ils sont assignés. Encore une fois, la critique porte sur la prétention, théorisée, à pouvoir incarner un autre genre (Cf Escalante, tris). C’est impossible pour la bonne raison que cela consiste à vouloir être reconnu selon une norme dont on tente par ailleurs de saper la cohérence interne.
“Tout cela repose sur une incompréhension du ressort des discriminations sexistes, qui ne trient pas “en fonction de des organes sexuels des individus”, mais justement en fonction des “rôles, [qui] on le sait tous il me semble, sont présentés comme la conséquence naturelle du sexe”.”
Non, la discrimination sexiste est une question d’aller-retour empirique permanent. Toute société est amenée à se préoccuper de sa reproduction et cette reproduction, elle dépend en partie de facteurs biologiques incontournables et indépendants du social, n’en déplaise aux constructivistes. Le social se construit donc autour de ces contraintes matérielles jusqu’à maintenant indépassables. Des sociétés peuvent donc bien essayer ensuite de “mieux” faire correspondre la réalité biologique aux stéréotypes dans laquelle elles veulent l’enfermer. Par exemple en opérant les personnes intersexes. Mais là n’est plus le sujet car l’addition de tous les cas qui sortent de la norme ne change rien au fonctionnement biologique de la reproduction humaine.
Je passe sur le pathos accusateur du dernier paragraphe.
@schizosophie
Voir en bas le lien vers le texte “Logique du genre” publié par Endnotes dont est extrait le passage en anglais choisi par Anonyme. Je n’aurais jamais cité cet extrait que je trouve moi aussi toutafait surlecutant, comme souvent les analogies et autres métaphores dans un raisonnement théorique, qui en cachent la faiblesse et le manque de rigueur. Marx y recourt lui-même quand il est à court des arguments qui font son génie autre que littéraire.
J’ignore si cette “démonstration” fait partie des choses qui ont provoqué des désaccords “sans courtoisie” au sein de Endnotes entre les deux autrices et “quatre hommes” selon elles.
Toujours est-il que le choix de la citation est d’autant regrettable qu’elle ne démontre rien dans le sens où j’ai choisi la référence à ces théoriciennes pour illustrer l’articulation historique spécifique entre mode de production capitalisme et domination de genre, que les autrices montrent concrètement dans les rapports de production/reproduction jusqu’aux récentes considérations sur leur évolution pendant le confinement de la pandémie Covid, le trouble causé par le chevauchement des sphères publiques (travail) et privée (ménage, famille, soins) par le télétravail obligatoire notamment, et par ailleurs en Chine et Thaïlande avec des théoriciennes japonaises.
Faut-il rappeler que la critique du capital, économie politique, comme celle du genre, domination masculine, que nous partageons, relèvent du matérialisme, analyse concrète de situations concrètes, et non de la philosophie “analogique” aussi pénétrante se présenterait-elle par derrière ?
Concernant le passage jugé sidérant par Schizosophie, faudrait-il ranger toutes les considérations de médecins, psychiatres, psychologues et psychanalystes – par ex. sur ce que fait l’ADN à la différence biologique entre hommes et femmes – au rang des inepties scientifiques conspuées par les transidentitaristes radicaux ?
Ce ne serait pas la première fois qu’on verrait les meilleurs.e.s théoricien.ne.s emportés par le cœur à en perdre la tête, comme disait l’autre dans une célèbre controverse avec… Endnotes et ses PowerPoint (c’est pour les vieux et vieilles camarades fidèles)
Je crois qu’il vaudrait mieux éviter de s’emballer dans le confusianisme des bla bla bla actuels chez les ados et les enfants perdus sur les réseaux soucieux.. de leur perte de repères, et mères.
* https://endnotes.org.uk/articles/the-logic-of-gender
@u passant
1) J’ai lu lien que vous avez envoyé. Je l’ai trouvé assez intéressant, notamment à propos des distinctions entre les habitus respectivement genrés en Chine et en Asie du Sud-Est relativement aux tâches domestiques ou immédiatement pris dans la production, leurs oscillations historiques récentes, l’esquisse d’une comparaison avec les situations en Occident, elles-mêmes potentiellement différenciées, et leurs adaptations dans la situation pandémique.
Une remarque, bien que ce hors-sujet ne me dérange pas. Relativement à la discussion ici en cours, j’ai remarqué qu’il n’y est pas du tout question de dysphorie de genre ni de sa prétendue solution trans. Pour revenir au sujet de la discussion, à l’aborder, on aurait pu évoquer l’histoire, certes presque inconnue en français, de madame Molkara, naguère Fereydoun, qui avait convaincu Khomeini de valider son “passing”. Lequel en avait accepté le principe par une fatwa pourvu qu’il devienne définitivement femme (l’homosexualité étant taboue dans l’esprit du dictateur théocrate), et ce au point qu’une Fondation caritative Imam Khomeini a vu le jour. L’Iran étant devenu, depuis, le pays de la région qui concentre le “passing” chirurgical. On aurait aussi pu évoquer la Thaïlande et son tourisme de gogos danseurs non sans rappeler que ce pays était la base arrière des troupes américaines pendant la guerre du Vietnam où la prostitution sous toutes ses formes devint un pôle économique.
Vous m’apprenez, et je vous en remercie, que l’extrait en anglais était un matériau qui avait servi aux discussions préalables au texte que vous nous avez envoyé. Je comprends mieux pourquoi certains de ses passages, pourtant en français, m’avait donné parfois plus de mal à le lire que l’extrait en anglais. Ces passages sont liés au terme de “naturalisation”, “re-naturalisation”, “dénaturalisation” où cette notion de naturalité seconde jure, comme dans l’extrait, avec l’acceptation empirique ordinaire de la notion de nature attribuée au corps, anatomique ou biologique, tel qu’il est conformé, au moins à la naissance. J’ai cru comprendre que dans le cadre du texte français il semble désigner le rôle de mère. Si c’est le cas, il aurait été plus simple de désigner ainsi les soins aux enfants par les mères en contraste aux mêmes occupations dévolues soit à la famille au sens large, voire à l’entourage, soit à l’école. Mais peut-être Maya ou Jeanne ont-elles été séduites par la littérature de Butler et ses tics de langage. Est-ce que TC aussi déteste la nature ou peut-être se méfie-t-elle de cette notion cadrant mal avec l’idée de surdétermination ?
2) Je n’ai pas compris ce que vous évoquez à propos des médecins et psys en rapport avec l’ADN.
@schizosophie
J’ai donné le lien vers la traduction automatique en français. Voici l’original en anglais.
https://endnotes.org.uk/translations/endnotes-the-logic-of-gender
J’ignore si ce texte est celui qui est ressorti modifié de la discussion interne à Endnotes avec les autrices, et s’il correspond au livre édité.
Je pense néanmoins que la discussion évoque sans la nommer la dysphorie de genre qui conduit certaines personnes à choisir la transition du genre assigné au genre ressenti.
Les études pluridisciplinaires se multiplient ces dernières années qui indiquent une multifactorialité, génétique et anatomique d’une part, culturelle, environnementale et sociétale d’autre part, à la dysphorie de genre, et cela passe évidemment par les différenciations de l’ADN à la naissance entre chromosomes féminins et masculins. Mais le cerveau ne se genrifie que progressivement dans la prime enfance. Toutes ces questions sont à mon niveau assez compliquées.
Voir entre autres “L’identité de genre entre faits naturels et faits construits, une approche intégrative et environnementale”, octobre 2022
https://www.medecinesciences.org/en/articles/medsci/full_html/2022/08/msc220198/msc220198.html
Tant les positions essentialistes que constructivistes en sont donc pour leurs frais, la réalité expérimentale met en évidence une grande complexité. Le point positif est que la binarité tant sexuelle que de genre en a pris un sacré coup dans les milieux scientifiques.
Il y a bien évidemment des caractères sexuels mâle et femelles qui sont distincts au-delà des appareils génitaux, dont la voix, le bassin, la pilosité… qui justifient pour les transgenres et transsexuel.le.s le recours à l’hormonothérapie et à la chirurgie. J’ignore s’il y a des transitions réussies au point que les transhommes ou transfemmes se sentent bien dans leur nouvelle identité, la différence n’intéressant plus que la procréation, ce qui n’est sans doute qu’affaire de temps.
Il est clair que le problème n’est pas le même pris du point de vue individuel ou général. Comme pour définir l’appartenance de classe, qui ne se pose pas au niveau de chaque travailleur pris isolément dans ses activités de travail, savoir si un individu pris à part est prolétaire ou pas n’a d’intérêt ni théorique ni pour la lutte. Je veux dire que le problème du genre et de l’abolition du patriarcat est immédiatement collectif, et c’est en ce sens que TC a pu affirmer que “tous les hommes dominent toutes les femmes”; c’est une question de “classe de genre” pour ainsi dire.
C’est sans doute pourquoi la discussion peine à définir son sujet et ses objectifs entre point de vue des individus concernés, enjeux sociétaux actuels et perspectives de rupture révolutionnaire. Je suppose que certains anonymes sont venus sans être familiers des problématiques de la communisation comme abolition des classes et du genre en tant que domination, et que certains se prennent le chou sans que ça ne présente d’intérêt du point de vue de la théorie communiste.
Une chose est qu’une personne veuille se sentir en harmonie avec son corps, son ressenti et sa perception par les autres dans la société telle qu’elle est, au prix des seuls bricolages médicaux et à vrai dire idéologiques (prétendus théoriques) actuellement possibles, une autre de vouloir changer la société pour que le problème ne se pose plus, soit que la domination par le genre soit dépassée (abolie), soit que l’humanité accepte la démultiplication des genres sans hiérarchie entre eux : pourquoi pas ? car je peine à imaginer la disparition des différences de sexe et de genre, et même qu’elle soit vraiment souhaitable d’un point de vue communiste – voilà qui me vaudra d’être fusillé comme communisateur révisionniste, mais je suis en matière révolutionnaire moins collectiviste que pluri-individualiste, le communiste étant à mon goût la libération de toutes les potentialités de l’individualité sans individualisme.
Aucune pratique, aucune lutte actuelle ne peut “décomposer” ou défaire le genre tel qu’il construit, via l’idéologie dominante, la reproduction du capital par celle de “la population, première force productive” (TC), et il n’y a pas de transcroissance des luttes LGBTQIA+ à la révolution dans le genre.
C’est donc tout à fait en vain qu’on s’écharpe sur ce qu’il est bon de faire ou pas tant que n’apparaissent pas dans ce domaine du genre, comme pour la lutte des classes, des écarts à promouvoir. La lutte des trans est légitime de leur point de vue mais n’a aucun contenu révolutionnaire, les délires gauchistes et autonomistes des activistes n’y changeront rien. C’est la visibilité grandissante de cette lutte, fort peu anticapitaliste même, qui provoque la montée de la réaction conservatrice, sans que de ce conflit ne puisse émerger la moindre rupture sur l’essentiel, la nécessité économique et idéologique du patriarcat pour le capital.
Bref, je pense avoir échoué dans cette discussion à convaincre que le problème était ailleurs que dans le sujet défini par le texte publié par dndf pour ses références (douteuses) à TC. On a le débat qu’on mérite.
Désolé, dear Schizosophie, je n’ai pas répondu (qu’)à vos questions…
“je peine à imaginer la disparition des différences de sexe et de genre, et même qu’elle soit vraiment souhaitable d’un point de vue communiste”
Avant de te fusiller, on pourrait peut être juste dire que l’abolition des genres, c’est simplement vivre dans un monde ou le fait d’avoir ou pas un utérus ou des testicules n’aura pas plus de conséquence dans la vie qu’avoir les yeux noirs ou mesurer 1m60….Ca n’aura une importance, éventuellement, que durant le millième du temps de la vie ou l’on décidera (ou pas..) de fabriquer un être humain….
@pepe
Merci de cette analogie. Te répondre pourrait susciter des échanges intéressants, mais sortant complètement du sujet.
Je veux donc bien être fusillé du regard virtuel par les camarades communisatrices.
Je suis certainement un indécrottable individu du capital voire du patriarcat, parce que je n’éprouve ni de cœur ni de raison la moindre attirance pour le monde que tu décris. Je ne ne conçois tout simplement pas, de façon consciente ou inconsciente, de regarder, écouter une femme, un homme ou tout autre, de leur parler comme s’ils n’étaient pas différents de genre et de sexe, ceci qu’il y ait ou pas une attirance sexuelle. Je n’y vois aucun problème tant que cela ne génère pas de rapport hiérarchique ou leur attribuant a priori certaines fonctions publiques ou privées, hormis d’assumer une grossesse par exemple, ce qui représente déjà considérablement plus d’un millième du temps d’une vie et génère pas mal de conséquences physiques et psychiques ou psychologiques différenciant encore une femme d’un homme, et par conséquent leurs relations, bien au-delà d’un grand maigre et d’une petite grosse, d’un brun ténébreux et d’une blonde platine, d’un peau sombre et d’une blanche colombe.
Rien de cela ne me paraît rédhibitoire pour le communisme. Je trouve au contraire que ces différences peuvent être heureuses dans les rapports humains, les enrichir comme leur communauté.
Cela étant, et contrairement à ce que j’ai pu soutenir et développer quand j’étais Patlotch (c’est mon cominge outre), je ne conçois le communisme qu’en termes de négation de ce qui caractérise le capitalisme et naturellement les modes de production antérieurs. Je n’en rêve pas, n’en ai aucun fantasme utopique, aucune conception théorique positive qui me satisfasse l’esprit ou alimente mes désirs. Être communiste se réduit pour moi à détester le monde qui est là et qui vient selon toutes probabilités. C’est une identité totalement ancrée dans le présent et quasi dépourvue du principe espérance.
C’est vrai que ce virage dans le thème abordé nous éloigne de la transidentités mais… c’est comme ça, les conversations.
“je ne conçois le communisme qu’en termes de négation de ce qui caractérise le capitalisme”
D’accord avec toi. Et donc, on peut considérer que les conséquences incalculables de la domination de genre, même si le rapport hommes/femmes chez les chasseurs cueilleurs ne devait pas être idylliques (cf les travaux de Demangeat par exemple), ces conséquences terribles pour les femmes du monde ont été organisées et systématisées par l’invention du surtravail et les deux contradictions qui en découlent, de par l’augmentation de la population comme principale force productive. On peut donc imaginer que la disparition (après le MPC) de la nécessité vitale pour le surtravail de “mettre la main” sur le corps des femmes, seules source de la race des travailleurs, fera disparaître logiquement la nécessité que des individus “ne naissent pas femmes ou hommes mais le deviennent”. Les différences entre individus, quelles qu’elles soient, pourraient donc devenir contingentes et ne plus être des obstacles à la rencontre, amicale, amoureuse et autres palabres et déambulation. L’élevage des enfants étant devenu (on peut l’espérer) collectif, le temps de la gestation ne devrait pas occuper beaucoup de temps dans la vie d’un individu porteur d’utérus… si tant est qu’il décide de fabriquer un nouvel individu…
A l’origine, années 60/70 je présume, les théories aboutissant à la nécessité d’abolir le genre le définissent comme binaire, point final. C’est le cas sauf erreur des féministes matérialistes et marxistes, avec je suppose des nuances et des exceptions (on a vu que Federici ne parle pas d’abolition). TC reprend cette binarité pour en faire une contradiction dialectique, avec résolution dans une dépassement, quasi aufhebung, où, pour reprendre la finesse d’Incendo ’genre et classes’, “hommes et femmes” seront “détruits” dans une “insurrection généralisée”.
Ce parallélisme avec la contradiction entre classes est pratique mais pas très convainquant, puisque même l’explication par le surtravail ne peut pointer hommes et femmes comme pôles de la contradiction, pour la raison que les hommes et femmes sont inséparablement sexes et genre(s)*
* je ne sais pas si l’on doit l’écrire au singulier comme concept ou au pluriel comme catégories.
Aujourd’hui, ou disons depuis quelques décennies, les catégories non binaires, transgenres (qui entérine la binarité), et intersexe (anciennement hermaphrodite, non classables biologiquement et/ou anatomiquement), viennent complexifier le problème puisque dans leur langage, selon la recherche Google à “nombre de genres”, on le voit porté à 32, 35, 72, 76, 120 en continuité entre les genres binaires… Qui peut le plus ne veut pas le moins, mais certain.e.s aujourd’hui la reconnaissance de leur condition hors du binarisme. Que va en faire la communisation, les faire rentrer dans un genre avant l’abolition, comme pour la prolétarisation des paysans (Bernard Lyon) ?
Par conséquent, ce n’est pas la transidentité qui pose problème au genre binaire, mais son refus, comme on l’a vu dans la discussion. La binarité est aujourd’hui remise en cause par les sciences médicales et sociales (cf lien en #37). Est-ce que cette remise en cause pose un problème au capitalisme, compte tenu de sa faible proportion dans la population et du contexte de population excédentaire ?
Je dois être bien conservateur et romantique car je ne sais pas s’il faut “espérer un élevage (sic) collectif des enfants”, du moins supprimant tout attachement entre l’enfant et la mère, voire le père. Je pense aussi que la définition du sexe féminin par le seul port d’utérus est excessivement réductrice sur le plan biologique et anatomique. Paradoxalement, ne réduit-elle pas les femmes à la fonction reproductrice ? Et puisque la communisation envisagerait “l’élevage collectif des enfants” pourquoi pas leur production aussi, puisque tous les moyens médicaux en existent déjà, et que seule une éthique dans le cadre du capitalisme l’interdit encore.
Bref, à vrai dire je n’ai rien à proposer comme vision alternative de la question, mais je suis circonspect sur cette construction théorico-futuriste qui fait bouillir les hommes et les femmes dans la marmite de l’avenir.
Pour le fun et la culture générale des lecteur.euse.s de dndf, il est vrai que Marx fut comme un précurseur puisque son fils fait à la bonne fut enlevé/élevé par d’autres, et que ce brave syndicaliste social-démocrate ne connut jamais son père.
https://hackneyhistory.wordpress.com/2018/11/18/the-sad-story-of-fred-demuth-marxs-son-in-hackney/