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Colère sociale au Monténégro : les ouvriers sont dans la rue

La grogne sociale s’amplifie au Monténégro : les travailleurs des principales entreprises du pays – Combinat d’aluminium de Podgorica, Aciéries de Nikši?, Obod de Cetinje – manifestent depuis plusieurs jours devant le siège du gouvernement, malgré l’interdiction de la police. Chômage technique, salaires en retard, indemnités de licenciement non versées, la liste des revendication est longue, et les manifestants dénoncent l’arrogance des autorités.[print_link]

« Du pain, du pain, maître »

« Du pain, du pain, maître », « Nous demandons ce qui nous appartient », lisait-on sur les banderoles des manifestants qui se sont rassemblés vers 16 heures lundi 9 février devant l’entrée du siège du gouvernement du Monténégro. 400 ouvriers du Combinat d’aluminium de Podgorica (KAP) et d’autres entreprises du pays étaient présents. La plupart d’entre eux étaient venus avec leur famille. Une quarantaine d’ouvriers des usines de transformation et des forges de Kolašin se sont joints à eux, ainsi qu’environ 80 ouvriers de l’usine Obod de Cetinje. Ces derniers, révoltés par l’attitude des autorités, se sont organisés spontanément, sans annonce préalable ni autorisation des forces de l’ordre.

Pour parer à toute éventualité, la police avait garé trois véhicules sur le parking devant le bâtiment. Les policiers et des employés en civil assuraient la sécurité et tenaient à l’œil les ouvriers d’Obod qui, à plusieurs reprises, ont interpellé le Premier ministre Milo ?ukanovi?.

Le représentant des ouvriers d’Obod, Aleksandar Kalu?erovi?, a indiqué que les anciens employés de l’usine exigeaient la moitié des deux millions d’euros qui se trouvent actuellement bloqués sur les comptes de la société. Ces derniers avaient dû quitter leur emploi contre de maigres primes de licenciement. « Nous avons dû quitter Obod car nous étions trop nombreux pour que l’usine se développe. Nous avons reçu 500 euros par année de travail », a déclaré Aleksandar Kalu?erovi?. Or, à cette époque, sur la suggestion du secrétaire général de la Fédération des syndicats du Monténégro, Veselin Vujanovi?, les anciens employés avaient renoncé à ces primes, considérées comme peu réalistes.

Aleksandar Kalu?erovi? a rappelé que les employés d’Obod, qui n’ont ni travaillé ni participé à la production ces dix dernières années, ont reçu des primes de licenciement d’un montant de 15 à 20.000 euros. « Les directeurs administratifs ont décidé d’allouer deux millions d’euros au fonds de logement pour les employés qui ont quitté l’usine avec de grosses primes de licenciement », affirme-t-il. Il ajoute que 150 anciens employés de l’usine protestent chaque jour devant la résidence du Président du Monténégro à Cetinje. Son collègue, Rajko Džakovi?, a souligné que « les ouvriers ont lutté pour ce pays et [qu’]aujourd’hui ils sont devenus des citoyens de cinquième catégorie ».

« Je vais protester jusqu’à ce que j’obtienne la satisfaction de mes droits, quitte à le payer de ma vie. Jusqu’à ma mort, je lutterai contre ces autorités qui se sont comportées de façon inhumaine envers nous et nos familles. Voilà ce que je dirai au gouvernement et à l’État du Monténégro pour lesquels nous avons tant souffert. C’est honteux, ils devraient avoir honte », s’est indigné Rajko Džakovi?.

Le président du syndicat de l’usine de transformation du KAP, Miodrag Pavi?evi?, a déclaré que la situation n’avait pas évolué depuis 3-4 ans et qu’aujourd’hui, elle restait plus incertaine que jamais. « Nous sommes dans de mauvais draps. Le gouvernement n’a rien fait pour respecter le contrat de privatisation du KAP ». Le 15 février, les ouvriers de l’usine devraient recevoir deux mois de salaire.

Les ouvriers de l’usine de transformation ont envoyé de nouvelles lettres au Premier ministre Milo ?ukanovi?, au directeur de l’Agence de restructuration et d’investissements étrangers, Branko Vujovi?, et au ministre du Développement économique, Branimir Gvozdenovi?.

Le directeur du KAP, Vja?eslav Krilov, le secrétaire général du Syndicat du Monténégro, Veselin Vujanovi?, et le président du Syndicat des métallurgistes du Monténégro, Dragan Mijanovi?, n’ont pas répondu à l’appel des ouvriers qui souhaitaient les voir se joindre aux manifestations.

« Si les dirigeants des syndicats n’ont pas voulu apparaître à nos côtés, ils auraient pu au moins entrer dans le bâtiment du gouvernement et essayer de faire quelque chose pour nous », dénonce Miodrag Pavi?evi?.

Le discours le plus énergique a été tenu par le président du syndicat des Forges, Radosav Petrovi?, qui a déclaré que des jours sombres arrivaient pour les ouvriers du KAP : « Est-ce cela la démocratie, messieurs ? Moi je ne la vois pas, pas plus que je ne vois nos droits, foulés aux pieds. Nous ne représentons pas seulement l’usine de transformation, mais tous les employés du KAP, nous sommes tous dans le même bain. Il s’agit de 2.700 ouvriers, ce qui représente 12.000 personnes avec les familles… Nous ne sommes pas ici pour demander des gâteaux, mais pour obtenir le travail, le salaire et le pain que nous avons gagnés ».

Chômage technique
Les Forges sont en chômage technique depuis le 1er décembre 2008 et le resteront jusqu’au 1er décembre 2009. Les ouvriers recevront 80% de leur salaire.

Veselin Mijovi?, représentant des 11 ouvriers de l’annexe de Berane, a souligné que ces derniers « désiraient travailler et ne demandaient pas la charité. S’il n’est pas possible de faire tourner la production, nous demandons des primes de licenciement. Nous avons chacun 35 années de carrière et près de 60 ans, nous n’avons aucune chance de trouver du travail ailleurs »..
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Le président du syndicat de l’usine de Kolašin, Dragomir Medenica, a dit que malgré les promesses, ils n’avaient toujours pas reçu leurs arriérés de salaires. Cette usine compte 75 employés qui, depuis des années, reçoivent 80% de leur salaire.

Une nouvelle manifestation est prévue pour le jeudi 12 février. Le lundi 9 février, toujours à cet endroit, 300 anciens employés de la société d’engins de terrassement Radoje Daki? protestaient aussi. Ils sont au total 1.122 à demander qu’on leur verse en tout 27 millions d’euros, conformément à des arriérés de salaires entre 1997 et 2003.

« Conformément aux décisions judiciaires, nous attendons que le propriétaire de l’entreprise, Radoje Daki?, et l’État règlent notre problème. Notre cas est spécifique par rapport aux autres revendications ouvrières », a déclaré le président du Comité de coordination de la société, Miomir Bulatovi?. Il espère que le médiateur de la République du Monténégro, Šefko Crnovšanin, qui les a reçus récemment, les aidera à résoudre leur problème avec les représentants du gouvernement.

Les anciens employés de l’entreprise Radoje Daki? manifestent tous les jours de 10 à 11 heures devant le bâtiment du gouvernement, et leur mécontentement ne fait qu’augmenter : « Depuis que nous attendons de recevoir nos arriérés, une cinquantaine d’anciens ouvriers sont décédés », se désole l’un des manifestants.

En attendant de recevoir l’autorisation de pouvoir manifester jusqu’au siège du gouvernement, les employés du Combinat de cigarettes (DKP) se sont rassemblés ces deux derniers jours de 8 à 11 heures à l’intérieur de la fabrique.

Le président du syndicat du DKP, Nebojša Stanovi?, après avoir contacté la police, a précisé qu’ils n’avaient reçu l’autorisation de manifester que le lundi 16 février. Environ 400 employés travaillant dans le réseau de vente de cigarettes Duvankomerc se sont joints au rassemblement de l’usine de production. Pour cette raison, plus de 100 kiosques à travers le Monténégro étaient fermés mardi 10 février.

Manifestation interdite aux ouvriers des Aciéries de Nikši?

La police de Podgorica a fait savoir aux ouvriers des Aciéries de Nikši?, qui avaient prévu une manifestation devant le bâtiment du gouvernement et devant la direction des Aciéries de Nikši?, qu’elle interdisait ce rassemblement afin de ne pas troubler l’ordre public.

« Un rassemblement pacifique ne peut être organisé si le nombre de participants et la nature du rassemblement menacent sérieusement la circulation et le travail d’un grand nombre de citoyens. Conformément à l’article 10, alinéa 6 de la Loi sur les rassemblements publics, il est considéré que dans ce cas, le rassemblement n’est pas autorisé », précise le rapport signée par le chef de la police de Podgorica, Predrag Ašanin.

« Nous nous attendions à tout, mais vraiment pas à ça. Même si 52 ouvriers étaient partis avec leurs familles, cela représente beaucoup moins de personnes que les ouvriers des usines du Combinat d’aluminium, de l’entreprise Radoje Daki? et de la fabrique de cigarettes. Pourquoi interdit-on à une poignée d’ouvriers de se rassembler ? Cela doit gêner certaines personnes, puissantes bien sûr. Mais pour quelle raison ? N’est-il pas plus honnête de dire aux ouvriers quelle est la situation et ce qu’ils ont l’intention de faire, plutôt que de nous tenir dans l’incertitude, pour ensuite interdire le rassemblement ? », déplore amèrement la présidente du syndicat des fonderies de Nikši?, Angelina Mušiki?, qui espère que la police lui donnera l’autorisation de manifester devant l’usine.

Elle ajoute : « Nous espérons que nous recevrons l’autorisation, sinon nous nous rassemblerons mercredi devant la direction des Aciéries », en ajoutant que les manifestants n’hésiteront pas à protester devant le gouvernement.

« Le gouvernement n’appartient pas à ceux qui nous ont interdit le rassemblement. C’est aussi bien notre gouvernement que le leur. Même s’ils nous l’interdisent, nous descendrons quand même dans la rue, autant de fois qu’il le faudra, car c’est le gouvernement du peuple et non pas celui de certains privilégiés », a déclaré Angelina Mušiki?.

« Ce sera une surprise », ajoute en souriant avec amertume la représentante des ouvriers en grève depuis 11 mois. Ils demandent de revenir sous l’égide des Aciéries de Nikši?, qui ont rompu unilatéralement le contrat passé avec la compagnie italienne Gati, le propriétaire majoritaire de la fonderie.

Pour cette raison, l’entreprise Gati a annoncé qu’elle allait déposer une plainte devant la Cour internationale d’Arbitrage [de la Chambre de commerce internationale] à Paris, ajoutant que ceux qui n’avaient pas fait la grève avaient été « remerciés pour leur travail et renvoyés chez eux depuis le 1er janvier », date de la fermeture officielle de la fonderie.

(source : Vijesti 10/02/09)

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