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« Servez-vous, c’est gratuit » : un supermarché de quartier envahi

Après la manifestation à Rennes, près de 300 jeunes ont invité les clients du Carrefour Market du quartier de Villejean, à se servir gratuitement.

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16 h 45 à Rennes, la manifestation se disperse. Un groupe de jeunes se rue vers le métro de la gare. Dans la rame, les consignes sont données : l’opération « bon de réduction » consiste à bloquer les caisses du Carrefour Market de Villejean pour permettre aux clients de partir avec leurs courses sans payer. « Il ne s’agit pas de voler mais d’agir contre la précarité, on ne met rien dans les sacs à dos », prévient une des meneuses.

Une cinquantaine rentre dans le supermarché et lance aux clients des « servez-vous, c’est gratuit ». Ils empêchent les vigiles de bloquer l’entrée du magasin et près de 200 jeunes attendent dehors. Les clients, surpris, ne se prêtent pas au jeu et attendent aux caisses bloquées. Quelques gamins remplissent quand même leurs sacs de bonbons. Vers 17 h 15, une jeune s’empare du micro et annonce : « J’ai eu un des gérants du magasin au téléphone, il sait que nous sommes en position de force, alors il nous autorise à partir avec 20 sacs. »

Finalement, il y aura une cinquantaine de sacs à partir vers l’université Rennes 2. Quelques bouteilles de champagne sont sabrées. Hervé Perrin, directeur du magasin, a passé la soirée à faire l’inventaire des produits dérobés. Il a confié au service juridique de Carrefour la décision de porter plainte ou pas.
Consommation : ils volent aux riches pour donner aux pauvres


Une quarantaine de militants de l’« autoréduction » ont pris pour 4 000 € de nourriture dans un supermarché, mercredi. Une action revendiquée appelée à se renouveler.

« Ce que le capitalisme nous vole, nous nous le réapproprions pour le redistribuer ». Après la spectaculaire razzia de ces Robin des Bois contemporains, mercredi au Supercasino de l’avenue Honoré-Serres (six chariots pour un montant d’environ 4 000 €), les militants de l’« autoréduction » promettent de repasser à l’attaque en multipliant ce genre d’actions.

Hier à midi, alors que sept d’entre eux finissaient leur garde à vue, les membres de l’assemblée générale interluttes qui a revendiqué l’action campaient devant le commissariat boulevard de l’Embouchure. Dès la veille, ils exigeaient « leur libération immédiate et le retrait des charges retenues contre eux ». Ils n’ont que partiellement obtenu satisfaction : les sept ont été laissés libres vers 13 h 30, mais comparaîtront devant le tribunal correctionnel en septembre.

Le phénomène de réappropriation-redistribution s’étend. Après Paris, Grenoble ou Rennes, le voici donc en plein boom à Toulouse. « On ne peut pas parler de vol, explique un anonyme de l’assemblée générale. Ce genre d’action est tout à fait légitime : la grande distribution fait des profits énormes. »

écho plutôt favorable dans la population

Vol ou réappropriation, ces faits surgissent dans un contexte de désespérance sociale de plus en plus prégnant. Ils trouvent donc assez naturellement un écho plutôt favorable dans la population, lasse d’entendre que telle ou telle société licencie à tour de bras alors qu’elle dégage des bénéfices record. « Moi je n’oserais pas mais ils ont raison, juge Estelle, une mère de famille croisée hier à la sortie du Supercasino victime de la razzia de la veille. Les jeunes ne trouvent pas de boulot ou sont exploités, et les patrons s’en mettent plein les poches. C’est injuste ».

Contestation du système capitaliste fondé sur l’argent-roi, de l’aliénation par le travail et de l’individualisme, l’autoréduction ne date pas d’hier. Les autoréducteurs d’aujourd’hui sont les héritiers des autonomes italiens des années soixante, soixante-dix. Plus récemment et aujourd’hui encore, à Barcelone, le mouvement « Dinero Gratis » (argent gratuit) multiplie les « prélèvements » dans les supermarchés. Avant mercredi, Toulouse avait connu pareilles actions commando en 1997 et 2006. Elles sont appelées à se renouveler.

La police sur les dents

La réponse policière à l’action des Robin des bois toulousains témoigne de l’inquiétude de l’État face à un phénomène de société dont il craint la prolifération. L’affaire de Tarnac – les sabotages de caténaires SNCF – et, plus encore, les récents mouvements de révolte sociale en Guadeloupe, inquiètent le pouvoir.

À Toulouse, l’interpellation, violente selon des témoins, des sept autoréducteurs Saint-Sernin en pleine redistrbution de victuailles dont du champagne, constitue une première. A Paris le jour du réveillon de Noël, comme lors d’actions similaires à Grenoble ou Rennes, aucune poursuite n’a été engagée. Pas plus que les précédents toulousains, en 1997 aux Galeries Lafayette, ou en 2006, au Géant Discount de Basso Cambo, en marge des manifestations anti-CPE.

Toulouse marque donc un tournant. Ces signes de durcissement sont qualifiés par l’assemblée générale interluttes de « criminalisation des mouvements sociaux ». Preuve supplémentaire que l’État ne prend pas le phénomène à la légère, le parquet n’a finalement pas opté pour la comparution immédiate des sept interpellés, initialement envisagée aujourd’hui. Par crainte de donner une trop large tribune à l’affaire, et d’une éventuelle manifestation lors de l’audience. Laissés libres à l’issue de leur garde à vue, les sept interpellés seront convoqués le 8 septembre devant le tribunal correctionnel pour répondre de faits de vol en réunion.

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