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Auto-critique chez les anarcho-syndicalistes…

DE LA NECESSITE DE DESERTER LES CONTRE SOMMETS ILLUSTREE PAR LE SIEGE DE STRASBOURG
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Hé oui ! Quitte à jouer le rabat-joie, le donneur de leçons ou le vieux c.
(à mon âge, c’est précoce, diront mes contradicteurs… ) me voilà à
affirmer bien fort : aller à Strasbourg, comme à tout autre contre-sommet,
est une erreur ! Pourtant loin de vouloir jouer les moralistes ou les
donneurs de leçons c’est une critique constructive que je voudrais
apporter à tous ceux qui prendront la peine de se confronter à cet article
et avec qui je partage la révolte légitime contre l’OTAN comme contre
toutes les guerres. Je m’exprime ici en tant que révolutionnaire soucieux
de l’avancée du mouvement et souhaitant apporter sa pierre à l’édifice[print_link]

Inutilité du rassemblement en soi

Dans la mesure où nous ne disposons pas d’un rapport de force suffisant
pour empêcher la tenue de ce type de congrès, toute agitation autour ne
sera que la manifestation de notre impuissance. Le constat doit être le
suivant : le mouvement est trop faible pour affronter l’État sur son
terrain (celui de la force), notre tache première est donc de renforcer le
mouvement.

A quoi bon se lancer dans un combat perdu d’avance ? Montrer que nous
existons, “vivre des choses intenses” ne font en rien avancer la cause
révolutionnaire. Nous nous faisons plaisir tout au plus, et encore pour
ceux qui ne se font pas choper. Si nous organisons un contre-sommet que ce
soit pour contrer le dit sommet, sinon autant rester chez soi. Empêcher
les quelques tyrans de boire du champagne (pour une fois dans l’année le
remarqueront-ils seulement ?) en bloquant les accès aux fournisseurs ne
les empêchera pas d’organiser la militarisation voire la prochaine guerre
venant au secours de leur capitalisme en banqueroute. Par contre s’ils se
trouvent face à un mouvement de résistance populaire autonome, massif et
a-nationaliste ces derniers pourront toujours organiser tous les sommets
qu’ils voudront, ce sera à eux de constater leur impuissance et plus rien
ne pourra freiner leur chute. C’est à cette tâche que les anarchistes
révolutionnaires doivent s’affairer et non pas servir d’entraînement à la
police et d’alibi au pouvoir.

Ces contre-sommets ne servent donc à rien et cela de l’aveu même de
certains participants aux Black Blocs

Des erreurs stratégiques

Rappelons un principe stratégique de base : frapper là où l’ennemi ne nous
attend pas. Ne pas l’attaque de front là où il est en position de force
mais là où il est faible. Les contre-sommets sont des pièges à loup dans
lequel le pouvoir est trop content de nous voir tomber. A quoi bon
s’amuser à la guérilla urbaine quand plus de 200 compagnies de CRS sont
dépêchées et que l’armée occupe les rues ? Pourquoi aller à l’affrontement
quand l’ennemi est plus fort que nous ?

Pourquoi aller se casser les dents à Strasbourg pour un résultat quasi nul
alors que le climat social actuel réclame la présence des révolutionnaires
dans les rangs des travailleurs en lutte (et sûrement pas en prison ou à
l’hôpital) ?

Tant qu’à mener des actions ou à faire de la propagande
anti-militariste/anti-guerre autant les mener ailleurs qu’à Strasbourg. La
contestation aurait très bien pu être décentralisée. En agissant ainsi la
liberté d’action aurait été bien plus grande, les forces de répression
s’étant rendues massivement au sommet.

Aller à Strasbourg, c’est faire le jeu du pouvoir. C’est lui permettre de
s’exercer, de tester dans la pratique sa méthode de contre-insurrection
ainsi que de ficher les militants et de galvaniser les troupes en les
mettant face à un ennemi réel (imaginez le moral des CRS dépêchés à
Strasbourg s’ils s’étaient retrouvés seuls avec personne à affronter, à
cogner… un KO psychologique en perspective).

Une autre erreur de stratégie est celle de ne pas discerner celle
qu’applique la police, à savoir de déserter un quartier populaire afin que
le Black Bloc s’y déchaîne. Alors qu’il aurait fallut s’y faire des
alliés, la tactique de destruction est restée la même. Résultat : une
incompréhension totale de la part des habitants, ces dernier allant
jusqu’à poser le classique “mais que fait la police ?”. Voilà comment
légitimer auprès de la population la plus exploitée l’occupation policière
et la répression.

Le rituel

Ces moments sont des instants de contestation spectaculaire. Tout y est
orchestré, préparé, ritualisé aussi bien du côté des manifestants et
activistes que du côté du pouvoir. Comme s’il s’agissait d’un rendez-vous
: “venez tel jour, tel lieu, vous connaissez le programme”, flics et Black
Blocs se retrouvent comme de vieilles relations. Chacun joue son rôle et
tout le monde rentre à la maison (sauf pour les malchanceux, mais la règle
du jeu veut qu’il y en ait).

On ne peut guère douter de la sincérité de chacun dans son engagement.
Mais il reste que cette sincérité n’amène qu’à une confrontation rituelle
avec la symbolique de l’OTAN. Rituelle parce qu’elle obéit à des codes
très établis, différents pour chaque groupe. Rituelle y compris dans les
risques pris par les manifestants au cours des rencontres avec les forces
de l’ordre. Rituelle parce qu’elle revient à intervalle régulier – quelle
déception ce serait à la fin d’un sommet de ne pas se donner rendez-vous
au prochain. Mais à reproduire les rassemblements nous ne construisons
plus que ce rituel romantique et il n’y a rien à gagner ainsi contre des
icônes.

Un traitement suspect dans la presse

Il est assez curieux de voir la presse d’ordinaire si vive contre les
“casseurs” et autres “débordements” être aussi peu vindicative à l’égard
du Black Bloc. On pourrait croire que c’est l’air du temps, que l’époque
est à la contestation radicale et que cela se ressent jusque dans les
lignes des journalistes qui capteraient que “d’autres formes de luttes
sont possibles”, en particulier l’affrontement activiste. C’est peut être
en partie vraie, il faudrait vraiment être aveugle pour ne pas voir que
les mentalités ont changé et que des pratiques de plus en plus dures se
développe et se démocratisent comme l’attestent par exemple les
séquestrations de patrons. Ce serai toute fois être bien naïf sur le rôle
de nos chers médias et des intérêts qu’ils défendent. Et ces intérêts ne
sont sûrement pas ceux de la révolution.

La mise en avant de telles pratiques n’est pas neutre. L’intérêt que j’y
vois, le voici : flatter les activistes du Black Bloc, leur faire penser
que ça y est, les voilà enfin reconnus et compris, les encourager dans
cette voie. Pourquoi ? La réponse est simple, pour orienter les éléments
les plus radicaux de la société vers l’impasse de l’activisme, de
l’agitation. Tant que les révolutionnaires cassent des vitrines et
incendient des poubelles, ils ne s’organisent pas à la base pour une
nouvelle société, tant que tous leurs efforts sont tournés vers
l’insurrection, ils ne préparent pas la révolution. Voilà l’endroit où le
pouvoir veut nous acculer. Il cherche aujourd’hui à créer un ennemi
intérieur afin de légitimer la répression et la société de contrôle et de
contrainte qu’il développe. Cela peut aussi servir à les exciter un peu, à
les encourager à aller un cran au-dessus en leur faisant penser qu’un cap
est franchi.

La mise en avant d’un livre comme l’Insurrection qui vient participe à la
même démarche de création de points de fixation. En déclarant ce livre
comme représentatif du mouvement en cour, en lui donnant la médaille de
l’ouvre subversive du moment (ce qui reste dans la même logique consistant
à flatter ceux qui s’en réclame), le pouvoir oriente les esprits les plus
malléables vers ces types de courant et se protège ainsi d’un mouvement
révolutionnaire et de lutte de classe.

Des points positifs tout de même

Cependant, on peut quand même trouver des points positifs dans ce genre de
rassemblement et dans celui-ci en particulier. L’avantage indéniable de ce
type de manifestation est de rassembler des gens venus du monde entier.
Cela permet de créer des liens et des solidarités à une échelle
a-nationale. Rencontrer des militants d’autres pays, partager leurs
expériences, échanger des idées, prendre des informations sur les luttes
en cours dans chaque pays. Voilà le grand intérêt de ces moments. Mais ce
genre de rassemblement peut être organisé en dehors des lieux assignés par
l’Etat. C’est à nous de créer de nouveaux espaces où de telles rencontres
soient possibles, en toute autonomie d’organisation.

Un autre événement positif est la jonction faite avec certains habitants
des cités qui avaient rejoint le cortège, du moins au début. C’est
certainement ce qu’il y a eu de meilleur à retenir de ces trois jours.

Solidarité avec les victimes de la répression

Il est inutile je pense de préciser que malgré toutes les critiques que
j’ai pu faire, moi-aussi je me sens solidaire des victimes de la
répression. Chacun peut exprimer sa solidarité en exigeant la levée des
poursuites et la libération des détenus en écrivant ou appelant le
tribunal de Strasbourg : Quai Finkmatt – BP 1030 – 67 070 Strasbourg Cedex
(Fax : +33 ou 03.88.75.27.27 ; Tel : +33 ou 0 3.88.75.29.30). Chacun peut
également se rapprocher du du Comité anti répression de cette ville : www.
antirepression.org ou en appelant le 06.37.98.30.87

Pour conclure, je conseillerai simplement à chacun d’abandonner le
folklore pour participer à la constitution d’un mouvement révolutionnaire
à la base. Diffusons nos idées et nos pratiques dans la population, ne
soyons pas des professionnels de l’agitation, de la contestation radicale
mais soyons des porteurs d’un autre futur. Ne jouons pas à l’insurrection,
à la guérilla urbaine quelques jours à l’occasion de grands rassemblements
mais préparons la révolution en profondeur dans les luttes jour après
jour. Composons nos stratégies à partir de notre réalité et arrêtons de
répondre aux rendez-vous fixés par l’ennemi.

Fred

Un article d’Anarchosyndicalisme ! n°112 – Mai/juin 2009

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