La sécurité revient en force au conseil des ministres (France)
ongtemps, Michèle Alliot-Marie, a patienté. Le projet de loi d’orientation et de programmation de la sécurité intérieure (Lopsi), présenté par la ministre de l’intérieur, mercredi 27 mai, est prêt depuis… octobre 2007. Mais le sujet étant redevenu une préoccupation affichée de Nicolas Sarkozy, le texte est désormais d’actualité. En lever de rideau d’une réunion sur la sécurité organisée jeudi, autour du président de la République et de plusieurs ministres.{print_link]
Après plusieurs faits divers, dont l’agression d’une enseignante en Haute-Garonne par un élève, ou la fusillade à l’arme de guerre contre la police à la Courneuve, en Seine-Saint-Denis, les propositions vont bon train et surgissent d’un peu partout. Le maire (UMP) de Nice, Christian Estrosi, s’est attaqué aux bandes en déposant un projet de loi anti-cagoules et réclame des portiques dans les écoles ; le ministre de l’éducation, Xavier Darcos, a émis l’hypothèse de brigades scolaires… Autant d’interventions mal vécues par la ministre de l’intérieur qui voit son domaine empiété. “On ne peut pas trop saucissonner la police, dit Mme Alliot-Marie. La compétence est ici.” “Personne, ajoute-t-elle, ne conteste que les chiffres de la délinquance, en dessous du niveau de 1997, sont bons. Mais ce que je disais, et qui n’était pas toujours entendu, c’est qu’au sein de cette délinquance sont apparues de nouvelles formes de violence.” Voilà pour la mise au point.
En attendant de nouvelles idées, réclamées “sans délai” par l’Elysée, comme la prochaine création de brigades de protection de la famille, sur le même modèle que la brigade des mineurs, la Lopsi donne des moyens supplémentaires à la police pour la période 2009-2013. Des moyens financiers tout d’abord avec une enveloppe de plus de 2,5 milliards d’euros, répartis crescendo sur les années : 187 millions d’euros en 2009, déjà prévus au budget, 375 en 2010, 483 en 2011, 657 en 2012 et 836 millions en 2013 prévus, notamment, pour compenser, avec l’achat d’hélicoptères, le retrait de l’armée en Outre-Mer.
Le texte, qui comprend plus de 40 articles et, pour la première fois, des mesures sur la sécurité civile, prévoit aussi un arsenal un peu fourre-tout de nouveaux outils. Il ne devrait pas être examiné en première lecture à l’Assemblée nationale avant mi-juillet.
Une nouvelle police d’agglomération. Elle verra le jour à Paris, et dans quatre grandes villes, Lille, Lyon, Marseille et Toulouse, et fera passer sous un commandement unifié des départements limitrophes. Ainsi, Michel Gaudin, préfet de police à Paris étend ses prérogatives et aura autorité pleine sur la Seine-Saint-Denis, le Val-de-Marne, et les Hauts-de-Seine.
Création d’une nouvelle incrimination pour usurpation d’identité électronique. Désormais étendu au préjudice moral et non plus seulement aux dommages financiers, ce délit sera désormais passible d’une peine jusqu’à un an de prison et 15 000 euros d’amende. Par ailleurs, la contrefaçon sur Internet (hors le champ de la création balayé par Hadopi) sera davantage réprimé.
Création d’une liste noire de sites pédopornographiques. Le ministère de l’intérieur va établir cette liste et la communiquer aux fournisseurs d’accès Internet qui devront, dès lors, bloquer les sites désignés.
Intrusion informatique. Sur commission rogatoire d’un juge, la police pourra désormais “capter” en temps réel, et à distance, grâce à des logiciels espion, toute information contenue dans un ordinateur ou apparaissant à l’écran. Les saisies de disque dur ne suffisent pas, justifie le ministère, qui voyait une partie des données, enregistrées sur clés USB ou sur des CD-Rom, lui échapper lors des perquisitions. Ces “cyberperquisitions”, basées sur le même modèle que les écoutes téléphoniques, seront réservées au terrorisme et à la grande criminalité.
Recueil d’empreintes génétiques facilité. Jusqu’ici, le prélèvement d’ADN nécessitait la présence d’un officier de police judiciaire (OPJ) ou adjoint (APJ), et d’un fonctionnaire de la police technique et scientifique (PTS). Seul le représentant de la PTS sera désormais nécessaire. Par ailleurs, un fichier sous X… d’empreintes génétiques va être créé, même quand il n’y a pas mort violente, en réponse à une demande des familles de disparus.
Le renseignement protégé. Agents du renseignement, policiers infiltrés, et certains de leurs informateurs, pourront utiliser une fausse identité et même s’en prévaloir pour témoigner devant les tribunaux. Révéler leur véritable identité sera un délit passible de 5 à 7 ans d’emprisonnement et de 75 000 à 100 000 euros d’amende (Le Monde du 23 janvier).
La vidéo surveillance déléguée au privé. La conservation des images reste plafonnée à un mois mais une durée minimale sera fixée. Le ministère compte déléguer à des sociétés privées le visionnage des images sur la voie publique sans, toutefois, donner à ces sous-traitants accès aux cassettes qui entrent dans le cadre de procédures judiciaires.
L’intelligence économique davantage contrôlée. Une procédure d’agrément, différente de la simple déclaration qui existait jusqu’ici, va être instaurée pour l’organisme, les gérants et les associés. Les policiers, gendarmes et militaires issus des services de renseignement devront respecter un délai de trois ans avant de pouvoir travailler dans une société d’intelligence économique.
L’interdiction de stade étendue. Pour lutter contre les violences lors des matchs, l’interdiction administrative de stade passe, dès le premier fait grave, de trois mois à six mois (soit la durée d’une saison) et de six mois à un an en cas de réitération.
Les biens saisis au profit de la police. Les policiers n’auront plus à attendre les jugements pour récupérer, comme c’est le cas depuis 2002, les véhicules et les bateaux saisis lors des arrestations de trafiquants de drogue. La mise en examen de ces derniers suffira. Pour Mme Alliot-Marie, “le jour où ce sont les policiers qui rouleront en Ferrari, ce sera plus dur pour les petits caïds”.
Isabelle Mandraud
Lemonde.fr
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