Au salon Milipol, Taser sans fil et flashball (un peu) létaux
Armes non-létales, moins létales, sublétales… au salon de la sécurité, les fabricants se prennent les pieds dans le tapis.
Milipol, le salon de la sécurité intérieure, s’achève ce vendredi, Porte de Versailles, à Paris. Quatre jours de travées musclées, près d’un millier d’exposants, des attributs virils à foison, et des gâchettes du monde entier. Le raout (d’envergure mondiale, attention) a eu lieu alors que les polémiques se multiplient en France sur l’utilisation d’armes réputées non mortelles, flashball ou taser en particulier. Par exemple après que Joachim Gatti a perdu un oeil dans une manifestation, à Montreuil, à l’été 2009.[print_link]
Une publicité pour Flashball (DR)Petit tour d’horizon des stands qui vantent ces armes à « létalité réduite ». Premier constat : les difficultés lexicales. Ainsi, chez le fabricant stéphanois Verney-Carron, qui distribue l’essentiel des flashballs utilisés par la police en France, on se tire beaucoup les cheveux au rayon traduction.
Sans que personne à la direction ne se souvienne officiellement à quand remonte le changement, on est ainsi passé du terme « arme non létale » à « arme sublétale » ( »relatif à un état proche de la mort »). Sur le site, on parle toujours d’« arme à létalité atténuée ». Officiellement toujours, « ce changement n’a aucune signification », assure Guillaume Verney-Carron. Sauf que, sur les affiches du stand, rédigées en anglais, on lit « less lethal weapons » (« armes moins létales »).
Une traduction maladroite qui en dit long
Quelques allées plus loin, les Brésiliens Taurus (les pistolets) et Condor (les munitions) n’ont pas vu le magazine distribué à l’entrée du salon à plus de 20 000 visiteurs. Une bourde attire pourtant l’attention : l’article qui est consacré à l’arsenal de caoutchouc qu’ils commercialisaient dès 1985 est titré « Létales, mais efficaces » :
« Les produits de Condor Tecnologias Nao-Letais (Brésil) sont non-létaux et avant tout destinés au maintien de l’ordre et au contrôle des émeutes. »
L’article consacré aux produits Condor (DR)
Alors, létal, un peu létal, moins létal, moyennement létal, pas vraiment létal ? Visiblement, les exposants brésiliens, non francophones, n’avaient pas remarqué l’erreur, modérément à leur goût. Quand on lit la suite de l’article, on comprend en fait que deux des révolvers sont utilisables aussi bien à balles réelles qu’avec des projectiles en caoutchouc.
Distribution de Que-sais-je à volonté
Pour sa part, la société SMP Technologies, le distributeur français de Taser, ne s’embarrasse pas de pirouettes lexicales, et affiche un moral d’acier pour vendre ses armes explicitement « non létales ». Sans ciller ? Voire. Le PDG, Antoine Di Zazzo, accusé d’avoir espionné son détracteur Olivier Besancenot, a tout de même investi dans des centaines d’exemplaires du « Que sais-je » publié aux PUF et intitulé « Les armes non létales ».
Le bouquin part comme des petits pains, sur le stand, tandis que les candidats défilent pour tester à quoi ça ressemble, de se faire taser en direct.
Avec Antoine Di Zazzo, pas de circonvolutions pour savoir s’il fait bon appeler « non létale » une arme qu’Amnesty International accuse d’avoir tué plusieurs centaines de personnes outre Atlantique. Même si le Conseil d’Etat a rendu cette année une décision sanctionnant la généralisation des pistolets X26 dans la police municipale faute d’instruction suffisante, le distributeur trace sa route.
Pour le salon Milipol, il venait de recevoir de la maison mère, basée en Arizona, deux nouveaux modèles qu’il espère bien vendre aux forces de l’ordre françaises.
Deux nouveaux modèles fraichement déballés
Deuxième constat : les armuriers eux-mêmes ne savent pas toujours très bien de quoi on parle, à force de louvoyer face aux critiques.
Le X3, dernier modèle de pistolet électronique Taser, a pour spécificité un double laser permettant de voir si l’interpellé a déjà été touché, et trois cartouches adaptées à la distance de tir. Di Zazzo, qui affirme « avoir écouté les critiques et fait modifier le produit aux Etats-Unis », et précise que la différence entre l’ancien et le nouveau modèles réside dans l’intensité de la douleur provoquée par le courrant électrique – désormais plafonnée. (Voir la vidéo) http://www.dailymotion.com/video/xb7jes_salon-milipol-les-nouveaux-taser-1_news
Après vérification sur le stand de Taser US, où le fondateur de la société américaine répond en anglais et en personne, il n’y a pas de caméra sur le pistolet X3. Contrairement à ce qu’affirmaient la chef de produit chez Taser France et Antoine Di Zazzo.
Simple boulette ? Pas sûr, car l’argument de l’enregistrement automatique de l’action est servi en permanence par les défenseurs des armes non létales en France. Antoine Di Zazzo, qui sait que l’Hexagone est frileux sur ce point, affirme que la quasi totalité des pisolets X26, seul modèle actuellement en service en France, ont été commandés équipés d’une caméra. On peut en douter vues les statistiques fournies par Tom Smith, patron de Taser US :
« Depuis le lancement, en 2003, nous avons produit 350 000 pistolets Taser, et 40 000 caméras à intégrer dedans. Les caméras n’ont été vendues qu’à partir de 2006. En fait, c’est pour éviter l’escalade de la violence que nous avons décidé de supprimer la caméra insérée dans la crosse.
Parce que, pour enregistrer une séquence et donc un suspect, il fallait obligatoirement lui braquer l’arme dessus. On a préféré commercialiser un casque équipé d’une caméra qui ressemble davantage à une oreillette bluetooth. »
Autre nouveauté de ce rayon qu’on est à deux doigts d’appeler « paralétal » : le fusil à pompe pour munitions de 12 mm -jaune, « pour ne pas confondre avec un fusil classique“- et sa nouvelle munition, la XREP -une balle d’aspect un peu bizarre qui semble inventée par Géo-trouvetout.
La munition (199 euros pièce pour info) a pour spécificité d’agir comme un projectile qui vient se planter dans les vêtements et se déplie en deux impacts. Si la personne interpellée arrache ce ‘Taser sans fil’, il reçoit une décharge électrique. Nouvelle démonstration par Antoine Di Zazzo, qui précise que la chose se tire aujourd’hui à 32 mètres et qu’elle n’équipe pas encore les forces de l’ordre françaises. (Voir la vidéo)
Par Chloé Leprince | Rue89 | 20/11/2009 | 11H05
« Armes non-létales, moins létales, sublétales… au salon de la sécurité »
La sécurité, c’est comme la confiture, moins on en a plus on létale.