Mouvement de révolte massif dans les prisons grecques
mardi 18 novembre 2008 (12h28)
Depuis le 3 novembre, les prisonniers en Grèce ont commencé une grève de la faim pour dénoncer les conditions de détention et les régimes d’exécution des peines et pour demander des réformes.
8 000 sur 12 000 personnes détenues ont commencé à s’abstenir des repas le 3 novembre ; et la moitié, 5 799, ont commencé une grève de la faim depuis le 8 novembre. Certains (19 personnes) ont cousu leur bouche et une première victime a déjà été signalée le 13 novembre. Devant l’ampleur du mouvement, les hôpitaux n’arrivent pas à faire face de manière efficace.
Ce mouvement, coordonné par un Comité d’initiative pour les droits des détenus (composé de professeurs, chercheurs, avocats, militants et représentants des détenus), reçoit un très large soutien des différentes organisations grecques : Syndicats des avocats ; Réseau des associations des médecins hospitaliers grecs, Médiateur de la République, Comité national pour les droits de l’Homme ; Union nationale pour les droits de l’homme ; Réseau pour les droits politiques et sociaux, Amnesty international, Fondation Marangopoulos pour les Droits de l’Homme, Union des citoyens pour les droits de l’homme, des personnalités du monde politique et de l’art.
Un kiosque est installé devant les « propylaia », situé rue de l’Université, à Athènes, pour informer le public et recueillir les signatures de soutien. Un important concert y a été organisé le samedi 10 novembre. Depuis le 12 novembre ce lieu est occupé (des tentes s’y sont installées) en soutien aux détenus grévistes.
A. CE QUE CE « MOUVEMENT DE NOVEMBRE » DENONCE
1/ La surpopulation écrasante des prisons grecques. Elles sont les plus surpeuplées en Europe : 12 000 détenus pour 7 500 places ; 30% sont des prévenus, 50% sont des étrangers ; 40% (précisément 4.890) sont détenus pour trafic de drogue.
2/ Les conditions matérielles
3/ Le système de soins
4/ La détention des mineurs
5/ La détention pour dettes
6/ La durée de la détention préventive
7/ Les modalités d’exécution des peines, Notamment : les permissions de sortir, les libérations conditionnelles, les courtes peines, les peines alternatives à la détention, la discrimination entre les détenus pour trafic de drogues et les autres, le traitement des toxicomanes, le traitement des détenus souffrant du SIDA le régime disciplinaire, le règne du système d’exploitation entre détenus et la corruption des surveillants (3 000 euros pour accéder à une place de travail –qui en Grèce compte pour écourter le temps de détention_ et le même tarif pour accéder à des permissions de sortir, source : http://news.kathimerini.gr/4dcgi/_w_articles_ell_2_15/11/2008_292299).
8/ La politique de construction de nouvelles prisons Elle se fait au détriment de l’amélioration du fonctionnement des prisons existantes, notamment, en termes de nombre du personnel médical, enseignant, des travailleurs sociaux.
9/ L’inaccessibilité des prisons
10/ Le régime dérogatoire appliqué aux condamnés pour trafic de drogue.
B. LES REFORMES REVENDIQUEES
Suppression de la peine de prison pour mineurs. Estimant que cette peine est contraire à l’obligation prioritaire des Etats à l’égard des mineurs qui est celle de l’éducation. A sa place, ils suggèrent des mesures et sanctions inspirées par la justice restauratrice, des TIG (travail d’intérêt général), des foyers pour enfants délinquants centrés sur l’éducation et un soutien pluridisciplinaire, des mesures socio-éducatives. Cette demande est également soutenue par le Médiateur de l’enfant.
Réduction de la durée maximale de la détention préventive : à 12 mois Elle est actuellement de 18 mois. Certaines organisations demandent sa suppression totale au nom du principe de présomption d’innocence.
Suppression de la détention pour dettes.
Mise en place des sanctions alternatives à la prison (semil-liberté, TIG, et autres).
Réduction des délais d’accès à la libération conditionnelle. Réduction au 3/5 pour tous les détenus indépendamment de la nature de leur infraction ; au 1/3 pour ceux condamnés à une peine inférieure à 10 ans, et à 16 pour les condamnés à perpétuité.
Reconversion des peines inférieures à 5 ans en peines pécuniaires.
Suppression des sanctions disciplinaires. Elles sont considérées comme des doubles peines. En tout état de cause, ils revendiquent la réforme profonde de la procédure disciplinaire pour assurer les garanties d’un procès équitable ainsi que la possibilité de leur confusion et l’absence d’influence dans les décisions de libération conditionnelle.
Augmentation du nombre de jours de chaque permission de sortir à 10 jours accompagné d’un accès élargi et facilité au bénéfice de cette mesure.
Contrôle social et accessibilité des prisons. A la construction de nouvelles prisons à des endroits inaccessibles par des transports en commun, s’ajoute l’impossibilité de différentes autorités de visiter les prisons sans autorisation préalable (y compris pour le Médiateur de la République).
Rattachement du système de santé à celui de santé public. Cela est accompagné des demandes suivantes : présence permanente d’un médecin dans toutes les prisons ; présence permanente d’une ambulance aux prisons éloignées ; conduite sans délai à l’hôpital des détenus malades ; conduite dans des conditions dignes.
Amélioration des conditions d’extraction pour des visites médicales (suppression du menottage, non présence des surveillants lors des examens, pas de contrôles corporels humiliants).
Visites familiales dans des conditions décentes et visites intimes avec les partenaires.
Transfert au pays d’origine pour les détenus qui le souhaitent.
Suppression du menottage au dos des personnes lors des transferts.
Libre circulation des idées et libre accès aux moyens écrits d’information.
Fin du régime dérogatoire appliqué aux condamnés pour trafic de drogue. Ils encourent des peines plus graves (la peine de perpétuité à temps est de 25 ans alors qu’elle est de 20 ans pour tous les autres crimes) et ont accès à la libération conditionnelle dans des délais plus longs (après l’exécution de 4/5 de leur peine et non de 3/5 applicable aux autres détenus).
C. LES REFORMES PROPOSEES PAR LE MINISTRE DE LA JUSTICE
Suite à des discussions avec le Comité d’initiative pour les droits des détenus, les propositions du Ministre de la Justice, telles qu’elles ont été recensées le 15 novembre 2008, sont les suivantes.
Réduction de la durée maximale de la détention provisoire à 12 mois. Avec une exception pour les accusés pour des infractions graves qui encourent une peine privative de liberté de 20 ans ou à vie : dans ces cas, la détention provisoire peut aller jusqu’à 18 mois.
Reconversion des peines de privation de liberté inférieures à 5 ans en peines pécuniaires. Des exceptions doivent être justifiées de manière circonstanciée.
Accès à la méthadone pour les détenus toxicomanes.
Réduction du délai d’accès à la libération conditionnelle des condamnés pour des délits Précisément : après 1/5 de détention (avec un minimum effectif de détention de 3 mois) si la peine est inférieure à 2 ans ; et après 1/3 de détention si la peine est supérieure à 2 ans.
Accès aux permissions de sortir après l’exécution de 1/5 de la peine.
Augmentation des durées pour les permissions de sortir : de 5 à 6 jours pour chaque sortie.
Harmonisation de l’accès à cette dernière mesure pour des condamnés pour trafic de drogue.
Travaux en cours pour le rattachement du système de santé des détenus au système de santé public et mise en place d’un Inspecteur de santé dans les prisons.
Acceptation d’étudier la question de suppression de la peine de prison pour les mineurs.
Les discussions et le mouvement continuent…
Georgia Bechlivanou-Moreau* Docteur en droit, georgiabm@free.fr
Pour apporter votre soutien, vous pouvez écrire directement au Comité d’initiative pour les droits des détenus : kratoumenoi@yahoo.fr (en précisant votre nom, profession, Ville, Pays). Voir aussi le site (en grec) : http://www.keli.gr.
* Auteur d’une thèse de droit, comportant une partie comparative du droit pénitentiaire grec et français, intitulée « Le sens juridique de la peine privative de liberté au regard de l’application des droits de l’Homme dans la prison », Université Paris 1, 2008.
De : Georgia Bechlivanou-Moreau
mardi 18 novembre 2008
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