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La grève des travailleurs de la SNVI de Rouiba fait tache d’huile

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La contestation gagne la zone industrielle

La tension monte et la protestation fait tache d’huile dans la zone industrielle de Rouiba : quelque 2000 travailleurs de la SNVI et de plusieurs autres unités de ladite zone ont marché hier matin sur la ville. Ils ont été bloqués à l’entrée de Rouiba, juste devant l’usine de Coca-Cola, où a été dressé un insurmontable mur des forces antiémeute. Bouclier et matraque à la main, les policiers restaient impassibles sur la limite faite à la foule des manifestants. Le premier choc entre la foule et les forces de l’ordre a fait 3 blessés légers parmi les travailleurs. L’un d’eux a été évacué à l’hôpital de la ville suite à des blessures à la jambe.[print_link]
Excepté cet incident, la manifestation s’est déroulée dans le calme et les travailleurs dénoncent « une tentative de manipulation de quelques voyous qui ont essayé de s’infiltrer parmi nous pour dévier notre action ». Dissuadés de marcher plus loin dans la ville, les manifestants se sont arrêtés à ce niveau, préférant ne pas laisser faire déborder leur action. « Nous ferons tout pour continuer à manifester dans le calme, même si nous sommes malmenés. Notre mouvement est juste, il se doit d’être pacifique », nous lance-t-on dès notre premier contact avec les manifestants. Ceci en guise de réponse à l’impressionnant dispositif de sécurité déployé sur la route empruntée par les marcheurs. Car pas moins d’une quarantaine de véhicules de police, dont des fourgons de transport des forces antiémeute, étaient stationnés le long de cet axe. Un syndicaliste rencontré sur place nous a déclaré que l’effet boule de neige ne s’est pas limité à la zone industrielle de Rouiba, mais s’est « étendu à d’autres régions du pays avec l’adhésion des travailleurs des autres unités de la SNVI dans diverses localités comme Hussein Dey, Sidi Moussa, Annaba et Tiaret ». Pour empêcher le mouvement de prendre plus d’ampleur, les forces de sécurité ont dressé un barrage à Reghaïa et dissuadé les travailleurs de Anabib qui voulaient rejoindre la manifestation. « Les forces de l’ordre les ont bloqués juste devant leur usine. Ils adhèrent eux aussi au mouvement, ils n’ont malheureusement pas pu être parmi nous aujourd’hui. Mais ça viendra », ajoute notre interlocuteur. Dans les alentours de l’endroit où était cernée la foule, un impressionnant dispositif de sécurité a été déployé. Sur les banderoles, on pouvait lire, entre autres slogans : « Halte au sabotage de la SNVI », « Où va la SNVI ? » et « La vie est chère, non aux salaires de misère ». Les manifestants scandaient des slogans hostiles aux pouvoirs publics et à la centrale syndicale qu’ils accusent de les avoirs livrés au diktat du gouvernement. Ils ont agrémenté leur action de chants patriotiques et de l’hymne national pour dire tout leur « souci de préserver le pays de toute décision ou action nuisible ». Mais c’est surtout « El Djeich, Echaâb maâk ya SNVI » (le peuple et l’armée sont aux côtés de la SNVI) et « Oulach smah oulach » (pas de pardon – qui est un slogan hérité de la révolte de Kabylie de 2001) qui revenaient plus souvent.

Hier, les syndicalistes locaux de l’UGTA étaient aux côtés des travailleurs dans la rue. Ce sont eux qu’on a vus aux premiers rangs et dans la foule parlant aux manifestants. Les freins que leur avaient mis leurs chefs dans l’organisation de Sidi Saïd les empêchaient d’accompagner le mouvement dès le début ou de l’initier. Ils ont même été instruits d’œuvrer de sorte à contenir la foule. Ce qu’ils ont fait durant les trois premiers jours en invitant les travailleurs à reprendre l’activité et en leur promettant de régler leurs problèmes. Mais avec l’ampleur qu’a prise la protestation, ils n’avaient plus qu’à suivre s’ils ne voulaient pas perdre totalement ce qui leur restait de crédibilité. « Nous ne voulons pas de Sidi Saïd ici, il lui suffit de nous avoir vendus », nous disaient des travailleurs très en colère contre le patron de l’UGTA. Un manifestant ajoute ironiquement : « Voilà la ‘victoire des travailleurs’ pour reprendre les propos qu’il ont tenus à l’issue de la dernière tripartite » pour qualifier les accords passés avec le gouvernement en désignant la foule qui criait sa colère. « Nous ne sommes pas dupes. Nous savons que sa citation dans l’affaire Khalifa suite au dépôt de l’argent du syndicat dans ses banques pèse beaucoup dans ses prises de décision. Les décideurs le tiennent et le font chanter ; le monde du travail et l’opinion publique en général l’ont définitivement classé », déclare un autre. Son camarade atténue un peu ses déclarations en concédant : « S’il vient ici, ce doit être pour nous présenter des excuses. » Un autre rappelle : « Nous avons commencé par un rassemblement des cadres syndicaux devant le siège de l’union locale de Rouiba. Nous devions ensuite aller nous rassembler devant le siège de la centrale syndicale à Alger, mais Sidi Saïd nous a carrément interdit d’organiser cette manifestation prévue pour le 20 décembre dernier. En réaction à cela, nous avons décidé d’agir à notre niveau de manière graduelle : grève, rassemblement devant la SNVI, blocage de la RN5 et marche sur Rouiba successivement en quatre jours. La prochaine action sera plus radicale. »

Dans la foule, nous avons vu des travailleurs de Mobsco aux côtés de ceux de la SNVI, et des syndicalistes nous ont cité Cammo, Tameg, Baticim, Hydroaménagement, ENAD et MAGI entres autres entreprises dont les travailleurs ont rejoint les rangs de la contestation. « Toutes les entreprises publiques de cette zone adhèrent à la grève. Il y a des travailleurs qui ont pu sortir manifester et il y en a qui n’ont pas pu le faire. Soit par peur, soit ils sont intimidés. Nous-mêmes avons été destinataires de questionnaires de la part de la direction sur ces journées de grève. Notre action est assimilée à un abandon de poste, mais cela ne nous impressionne pas », nous disent les travailleurs de la SNVI. Tous les manifestants avec qui nous avons discuté sont unanimes à dénoncer l’insuffisance de leurs salaires et la nouvelle loi de départ à la retraite. « Nous considérons les décisions prises lors de la dernière tripartite comme étant nulles et non avenues. Nous réclamons une augmentation conséquente des salaires et le droit de partir à la retraite quand nous sentons que nos forces sont sérieusement réduites. Nous travaillons dans des conditions qui ne nous permettent pas de tenir jusqu’à 60 ans. A moins que le gouvernement aimerait nous emmener d’ici tout droit au cimetière », exprime un animateur du mouvement. Un avis que partagent les responsables du syndicat d’entreprise, comme Zetoutou et Messaoudi, pour qui toute revalorisation des salaires passe inévitablement par l’abrogation de l’article 87 bis du code du travail qui rend ineffectives les augmentations. Vers 14h, les manifestants se sont dispersés dans le calme en se donnant rendez-vous pour aujourd’hui. « Nous allons poursuivre la grève et tout faire pour amplifier le mouvement jusqu’à ce que le gouvernement réponde positivement à nos revendications », nous dit-on.

Par Kamel Omar

Rouiba : plus de 5000 travailleurs violemment réprimés

Il régnait un climat d’émeute hier à la zone industrielle de Rouiba. Le nombre de grévistes a augmenté avec l’adhésion de la quasi-totalité des travailleurs des entreprises publiques au mouvement de protestation initié par ceux de la SNVI. En effet, ceux d’Hydroaménagement, Mobsco, Cammo, Magi, Anabib et autres ont grossi les rangs des protestataires. Et même les hésitants ont fini par rallier les rangs des mécontents. Le nombre des manifestants a dépassé hier, les 5000. Mais aux revendications des travailleurs qui dénoncent les décisions de la dernière réunion tripartite, les autorités ont opposé la répression.

Un nombre impressionnant d’éléments de forces antiémeute a été déployé sur les grandes artères de ladite zone. Des policiers à l’entrée de la ville de Rouiba et des gendarmes devant les unités dont les travailleurs ont adhéré à la contestation. La foule, composée essentiellement des travailleurs de la SNVI a été bloquée au niveau du carrefour situé à hauteur de Mobsco. Un infranchissable mur humain de gendarmes armés de bouclier et de matraque a été dressé à ce niveau pour empêcher les travailleurs de poursuivre leur marche vers la ville de Rouiba. Des travailleurs d’autres unités de la zone ont été bloqués dans d’autres endroits. Les travailleurs d’Anabib ont été isolés dans le périmètre de leur usine à Reghaïa. Sur la route donnant sur l’autoroute, juste devant Cammo, les gendarmes ont dressé un autre barrage empêchant des centaines d’autres manifestants de rejoindre leurs camarades sur l’ex-RN5. La stratégie des forces de l’ordre consistait à diviser les travailleurs en autant de petits groupes pour pouvoir les maîtriser. Cependant, on ne s’est pas limité à exhiber ses muscles en cette cinquième journée de protestation. Les forces antiémeute n’ont pas hésité à utiliser leurs matraques lorsqu’ils sentaient que leurs barrages risquaient de céder sous la pression des manifestants. « Malgré la répression, nous n’allons pas arrêter de manifester si les pouvoirs publics n’annoncent pas des mesures concrètes dans le sens d’améliorer notre pouvoir d’achat », nous dit-on. Comme la veille, le premier contact avec les forces antiémeute a été violent. Deux manifestants dont une femme syndicaliste ont été légèrement blessés. La dame est revenue quelques instants plus tard de l’hôpital de Rouiba avec un bandage à la main : « On m’a matraquée, mais heureusement que ce n’est qu’une entorse au niveau du doigt. » Régulièrement, les travailleurs essayaient de percer le mur humain. La barrière a failli réellement céder à plusieurs reprises, mais c’était sans compter sur les renforts stationnés quelques dizaines de mètres plus loin. A chaque signe des officiers, des dizaines de gendarmes, prêts à charger, arrivaient de la route menant à la brigade de la gendarmerie de la zone. Devant l’impossibilité de franchir le barrage, les manifestants le contournaient par les champs situés à droite de la route en allant vers Rouiba, mais ils ne sont pas parvenus à passer facilement. Cependant, quelques-uns parviendront à l’endroit où les travailleurs étaient bloqués la veille, juste à l’entrée de la ville pour tomber, encore une fois, nez à nez avec les policiers.

« L’enfer sur terre »
Entre-temps, les syndicalistes négociaient avec les officiers de la gendarmerie pour leur permettre de passer jusqu’à l’entrée de la ville. « Nous voulons revenir à l’endroit où nous nous sommes rassemblés hier, à l’entrée de la ville. Mais ils ne cèdent pas, ils veulent nous isoler ici », nous dit l’un d’eux. La colère des travailleurs n’a pas diminué d’un degré par rapport aux quatre premiers jours de la manifestation : « Nous dénonçons Sidi Saïd et son staff. Ils nous ont trahis. Nous exigeons une augmentation de salaire conséquente et le droit de partir à la retraite sans condition d’âge, conformément à la loi de 1997 », nous a-t-on répété. Les travailleurs déclarent qu’ils ne sont nullement impressionnés par le dispositif de sécurité déployé dans tout Rouiba. « Vous voyez, ils mobilisent des centaines de véhicules et des milliers de gendarmes et de policiers pour mater notre mouvement. Mais qu’ils soient sûrs que samedi encore nous serons ici, si aucune décision n’est prise par les responsables », nous a déclaré un manifestant. Tous les travailleurs sont unanimes à dénoncer la « démesure de la mobilisation des forces de sécurité ». A certains moments, on a assisté à des jets de pierre et autres objets en direction des gendarmes. « Ce sont des parties manipulées qui tentent de faire déborder notre action afin de justifier la répression », disait un animateur du mouvement. Les manifestants continuaient à scander des slogans hostiles aux pouvoirs publics et à la centrale syndicale, Sidi Saïd en particulier. « Nous travaillons dans des conditions difficiles et nous n’arrivons même pas à nourrir nos enfants. L’argent du pétrole est partagé entre les décideurs et leurs serviteurs zélés, le travailleur est voué à vivre un enfer sur terre », a-t-on ajouté. En début d’après-midi, les travailleurs se sont dispersés dans le calme, se donnant rendez-vous pour dimanche prochain.

Par K. Omar

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