L’histoire véridique d’un symbole anarchiste, le A cerclé
Grâce à un petit livre très illustré paru il y a quelques semaines, on connaît enfin l’origine de ce symbole, sceau de l’insoumission, de la rébellion, de l’anarchisme : le A cerclé, ou A dans l’O.
A force de le voir graffité sur des murs à la craie, à la bombe (de peinture), sur des T-shirts et des drapeaux, on pensait qu’il était là depuis toujours.
Certains pensaient que ce A dans l’O était des lettres d’évangile ou encore le A et l’O extraits du nom de Ravachol, le militant anarchiste. D’autres ont cru qu’il synthétisait, au XIXe siècle, l’idée de l’anarchie dans l’ordre prônée par Pierre-Joseph Proudhon. La plupart (espagnols…) ont semblé le voir, pendant la guerre d’Espagne, arboré quelque part dans la colonne Durruti.
Mais selon les auteurs de l’ouvrage « A cerclé, histoire véridique d’un symbole », tout cela n’est que légendes colportées par Wikipédia.
En fait, ce signe est une création iconographique plus récente. Etudes et preuves à l’appui -certifiées par le Centre d’études libertaires Pinelli de Milan et le Centre international de recherches sur l’anarchisme de Lausanne-, on sait désormais que le premier A cerclé remonterait à 1964.
En avril précisément, il apparaît dans le Bulletin des Jeunes Libertaires comme projet de signe de ralliement proposé « à l’ensemble du mouvement anarchiste ». D’après le texte accompagnant cette idée, il s’agissait :
« De trouver un moyen plus pratique et rapide de réduire au minimum le temps et la longueur de signature sous les textes et slogans. »
Un symbole manipulable
On se perd en conjectures sur les sources d’inspirations (le symbole antinucléaire déjà connu ? ) mais on connaît les noms des concepteurs : Tomas Ibanez et René Darras. On ne peut pas dire que ce premier A dans l’O soit porté par les foules. Assez confidentiel par son annonce, on imagine sans peine qu’il est aussi plombé par les débats à pas d’heure des groupes anars sur son fond et sa forme.
Mais voilà qu’en 1966, en Italie, un économiste de formation, spécialiste des questions agricoles, Amedeo Bertolo, reprend ce sigle pour la signalétique de la Gioventù libertaria de Milan, proche des libertaires parisiens. Et ce même si des esprits contrariants (mais néanmoins lucides) sont contre ce dessin trop simple, falsifiable, au service de n’importe qui pour n’importe quoi. Pourtant -et peut-être même pour toutes ces raisons-, le A dans l’O commence à fleurir un peu partout.
En 1968, il reste encore discret. En 1969, il est manipulé par l’extrême droite italienne qui signe ses attentats meurtriers du A dans l’O. Redessiné élégamment (A avec empattement, en négatif sur fond circulaire noir) en 1971 par le frère d’Amedeo Bertolo, Gianni, pour être le titre d’un officiel mensuel anarchiste, il retrouve sa place dans son camp.
Il est repris par les Autonomes allemands, les Provos hollandais, les pacifistes, tous les insoumis, la « punkitude »… et par la mode.
Pour Amedeo Bertolo, le « père adoptif » du A cerclé, à qui on demande si après 40 ans, le A dans l’O a bien vieilli, sa réponse est claire :
« Il me semble encore très efficace, tant comme symbole de révolte anti-autoritaire que comme “ signature ” des multiples anarchismes contemporains. »
Ni Dieu ! Ni Maître ! Mais pas no logo.
Photos : pages du livre (DR)
source rue89
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