Chine : affrontements entre paysans et policiers sur fond de crise sociale
PÉKIN CORRESPONDANT
Le scénario est désormais classique en Chine mais il prend davantage de relief en ces temps d’incertitudes socio-économiques. Des milliers d’habitants de la petite ville de Longnan, dans la province du Gansu, au nord-est de la Chine, se sont violemment affrontés avec la police antiémeute en début de semaine.
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Des manifestants se sont battus contre les forces de l’ordre à coups de haches et de barres de fer. La presse a publié des photos d’une rangée de policiers casqués, se protégeant de la foule derrière des boucliers. Une soixantaine de fonctionnaires ont été blessés. Le gouvernement local a annoncé, jeudi 20 novembre, l’arrestation d’une trentaine de personnes.
Depuis 2007, le maire de la ville de Longnan avait le projet de déplacer le centre administratif et de construire les nouveaux bâtiments du siège de la municipalité à Dongjiang, un chef-lieu de canton situé dans la campagne, non loin de là. Une décision qui supposait d’exproprier les paysans de leurs champs. Ceux-ci ne les possèdent pas mais ils en ont le droit d’usage.
Sur ces terres pauvres du Nord-Est chinois, dans une région où plus de 200 personnes ont péri lors du tremblement de terre qui a dévasté le Sichuan voisin en mai, les esprits se sont rapidement échauffés. Depuis le début des travaux, les paysans expropriés vivaient dans des abris de fortune. Quand des rumeurs ont circulé, laissant entendre que le maire avait changé d’avis et allait relocaliser son centre administratif ailleurs, les habitants ont laissé libre cours à leur fureur : on les avait expropriés pour rien !
“AU MOINS 10 000 PERSONNES”
Le 17 novembre, une trentaine d’entre eux ont protesté devant les grilles du siège du gouvernement local. Econduits, ils ont essayé de forcer les portes. “Les gardes de sécurité ont tabassé plusieurs protestataires et vers 20 heures il y avait au moins 10 000 personnes rassemblées”, indique un blog sur le Net, écrit par un résident local anonyme. Les paramilitaires de la police armée populaire (PAP) ont ensuite été appelés en renfort et ont maîtrisé l’émeute à coups de grenades lacrymogènes.
Le lendemain, une foule de paysans exaspérés est passée à l’assaut de manière plus violente, raconte encore le blogueur, qui décrit des manifestants “en train de mettre à sac les bâtiments officiels et d’allumer des incendies”.
L’émeute de Longnan est l’un des derniers exemples de ce genre d’incidents croissants à l’heure où le gouvernement chinois entend démontrer sa capacité de garantir “l’harmonie sociale”, le mot d’ordre du pouvoir pékinois. Les derniers chiffres de la violence provinciale donnés officiellement parlaient de 87 000 incidents en 2005. Depuis, c’est le silence sur la question même si le pouvoir central laisse aujourd’hui la presse rendre compte de ce genre d’événements, attestant ainsi son agacement à l’égard des cadres locaux.
Depuis le mois de juin, des événements de même nature et qui ont toujours pour cause la confrontation entre paysans et autorités locales ont eu lieu au sud, dans la province du Guizhou, près de Shanghaï au Zhejiang, au Yunnan, dans le grand Sud-Ouest, et dans le Hunan, au centre.
Le 7 novembre, dans la zone économique spéciale de Shenzhen, frappée par la crise financière, des milliers de personnes ont attaqué la police pour protester après la mort d’une motocycliste qui tentait d’échapper à un contrôle. Pékin peut s’alarmer. La crise mondiale, dont l’impact est désormais jugé plus fort que prévu en Chine, risque d’exacerber les tensions sociales.
Bruno Philip Le Monde
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