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Émeutes au Burkina-Faso

Koudougou, la troisième ville du Burkina Faso, à 100 km à l’ouest de Ouagadougou, brûle depuis mardi. Des milliers de jeunes ont affronté jeudi la police. Bilan: cinq manifestants tués, de nombreux blessés graves, les locaux du gouvernorat et une douzaine de véhicules incendiés. À l’origine de cet accès de fièvre subit, la mort dans des conditions troubles, de l’élève Justin Zongo.

Situation quasi-insurrectionnelle à Koudougou et ses environs. Jeudi, deux élèves et un policier ont été tués à Poa et à Kindi, alors qu’au même moment les manifestants séquestraient les policiers de Réo, à une dizaine de kilomètres de Koudougou, d’où est parti, mardi, un vaste mouvement de contestation populaire suite à la mort «suspecte», dimanche, de l’élève Justin Zongo. Mercredi déjà, de violentes manifestations avaient opposé les forces de l’ordre à des milliers d’élèves et d’étudiants à Koudougou. Deux manifestants avaient été tués au cours des échauffourées qui ont fait de nombreux blessés de part et d’autre. Selon certains manifestants et des agents de santé, cités par le quotidien L’Observateur Paalga, la police aurait fait usage de balles réelles. Dans leur colère, les manifestants ont incendié une douzaine de véhicules appartenant à la police, à la gendarmerie et au gouvernorat de la région du Centre-Ouest dont ils ont réduit les bureaux en cendres.

Des versions contradictoires
À l’origine de cet accès de fièvre subit, la mort de Justin Zongo, décédé dans des conditions troubles. La famille du défunt, soutenue fortement par la rue, affirme que Justin Zongo a rendu l’âme suite aux sévices corporels que lui aurait fait subir la police. L’infortuné y avait été convoqué fin décembre début janvier, après la plainte déposée contre lui par Aminata Zongo, une de ses camarades de classe, avec qui il avait eu une altercation. La thèse de la bavure policière est formellement rejetée par les autorités locales qui évoquent plutôt la méningite, comme cause de la mort de Justin Zongo.

Dans un communiqué radiodiffusé mercredi, à l’issue de l’hebdomadaire Conseil de ministres, le gouvernement burkinabè a réaffirmé la thèse de la méningite et «condamné fermement ces actes de vandalisme». Il a invité les étudiants au calme et à la retenue tout en promettant que «des enquêtes seront diligentées avec la contribution de toutes les parties afin de situer les responsabilités pour une suite judiciaire». Ces appels au calme n’ont pas été entendus à Koudougou plus qu’ailleurs. L’embrasement a gagné d’autres villes dont notamment Ouagadougou et Ouahigouya, où des élèves ont investi les rues, obligeant le gouvernement à fermer les écoles jusqu’à lundi.

P. Boureima Salouka,
Afrik.com,  25 février 2011.

Manifestations à Koudougou

La contagion gagne Ouagadougou, Ouahigouya, Poa…
À la suite du décès d’un élève, imputé par ses camarades et sa famille à la police, Koudougou a connu mardi et mercredi 48 heures de manifestations qui se sont soldées par des morts et plusieurs blessés. Hier la tension était retombée dans le chef-lieu de la région du Centre-Ouest (dont le gouvernorat a été incendié) tandis que la contagion semblait gagner d’autres localités du Burkina, dont Ouagadougou, Ouahigouya ou encore Poa, où un élève a été tué.

Deux élèves et un policier morts à Poa et à Kindi
Koudougou s’est réveillée hier jeudi dans une sorte de torpeur, provoquée, entre autres, par le décès de deux manifestants. Comme nous le disions dans notre édition d’hier, le bilan est très lourd. Si un calme précaire règne à Koudougou, la contestation a gagné les autres localités de la province, où des manifestations sont organisées par les scolaires. Des scolaires, touchés par balles réelles tirées par des policiers, sont morts à Poa et à Kindi.

On ne sait vraiment pas ce que les jours à venir nous réserveront, tant la tension est palpable. Les rencontres succèdent aux rencontres à la recherche de la formule magique pour éteindre l’incendie de la contestation scolaire. Les étudiants sont également dans une dynamique de concertation pour faire le point des dégâts dans leurs rangs. Ces dégâts, on s’en doute, sont essentiellement humains. Au niveau du CHR de Koudougou, on a enregistré 30 blessés pour la journée du mardi 22 février et 64 autres pour la journée du mercredi ; soit 94 en deux jours de fronde. Ces blessés sont majoritairement des élèves et des étudiants. Trois étaient dans un état critique et ont été évacués à Ouagadougou.

Comme on le sait déjà, deux manifestants ont trouvé la mort : il s’agit d’Assad Ouédraogo, né le 5 août 1993, élève en classe de 3e au lycée municipal, et d’un autre toujours gardé à la morgue et dont on ignore l’identité. Par ailleurs, parmi les évacués à Ouaga, un étudiant de 1re année d’économie à l’Université de Koudougou aurait succombé. On a appris que deux agents, blessés grièvement, ont été évacués à Ouagadougou. Calme à Koudougou certes, mais les autres localités de la province du Boulkiemdé ont pris le relais. Dans presque toutes les localités, les scolaires sont descendus dans les rues et se sont heurtés aux agents de sécurité.

Là aussi, le bilan est macabre : à Kindi (50 km de Koudougou), un élève du nom de Michel Bouda, 16 ans, de la classe de 4e, a succombé, touché par des balles en plein cœur. Un autre, Bougouma Kuilga, de la classe de 5e, a été blessé à la main et soigné sur place au CSPS de Kindi. En réplique, les élèves ont fait le tour de la ville, saccageant des maisons et brûlant les biens mobiliers et immobiliers des policiers.

Autre point chaud, Poa (25 km de Koudougou)
: Là-bas, un écolier du CE2 qui traversait la route pour faire une commission a été touché par des balles et en est mort. Un commerçant de Poa a reçu trois balles au niveau des membres supérieurs et à la poitrine. Le policier qui a tiré a été pourchassé et lynché alors qu’il avait trouvé refuge dans la maison d’un agent de santé. À Réo (15 km de Koudougou), des manifestants ont incendié le commissariat de police et le haut- commissariat.

À Nandiala (25 km de Koudougou) et à Kokologho (55 km de Koudougou), des manifestations ont été organisées avec fort heureusement des bilans moins dramatiques. Espérons que les différentes médiations entreprises par les autorités de la place, les sages de Koudougou et les leaders d’opinion permettront d’éteindre cette crise qui commence à se généraliser et à prendre des proportions inquiétantes. Quand nous tracions ces lignes, la tension n’était pas totalement retombée dans ces localités, surtout à Kindi, où les manifestants étaient toujours dans la rue et se livraient à la destruction de certains biens publics et privés

Cyrille Zoma

… à Ouagadougou
L’onde de choc
Les élèves de la capitale se sont joints au mouvement de protestation de Koudougou consécutif au décès de Justin Zongo. Hier, jeudi 24 février 2011, plusieurs dizaines de lycéens sont allés réclamer «Justice, vérité et égalité» à leur ministère de tutelle puis au palais de justice.

«Justice», «lumière», «vérité». Ce sont les mots qu’ont écrits à la craie sur le pavé de la cour et une partie de la terrasse du bâtiment abritant le ministère des Enseignements secondaire et supérieur et celui de l’Éducation nationale et de l’Alphabétisation les élèves qui ont envahi l’enceinte de leur ministère de tutelle hier, jeudi 24 février 2011, aux environs de 10 heures.

Auparavant, ils sont passés à la télévision nationale pour tenter de faire passer leur message. Ils sont même parvenus aux portes de l’immeuble abritant le ministère mais n’ont pas pu y pénétrer. Selon le directeur de la Communication et de la Presse ministérielle (DCPM) du ministère des Enseignements secondaire et supérieur, Aboubacar Sy, que nous avons joint au téléphone, les lycéens ont exigé de voir les ministres.

Ces derniers étant en réunion en ville, il aurait proposé aux manifestants de rencontrer leurs représentants en vue de recueillir leurs revendications afin de les transmettre à qui de droit. La désignation de ces représentants aurait été finalement réfutée par la foule réclamait haut et fort : «Vérité et justice». Les lycéens ont ensuite quitté le ministère pour prendre la direction du palais de justice.

Lorsque nous les avons rejoints sur l’avenue Kwame-N’Krumah à la devanture du palais, nous avons été littéralement assailli, chacun voulant placer un mot ou sa phrase choc. «Il faut l’écrire dans votre journal : si justice n’est pas rendue, nous allons nous rendre justice nous-mêmes», crie l’un d’entre eux. «Si la justice ne fait pas bien son travail, nous allons passer d’un État de droit à un État d’exception», renchérit un autre. Aux autorités administratives de la région du Centre-Ouest, les élèves entendent donner une leçon de biologie : «On n’a jamais vu la méningite en février. S’ils n’ont pas fait la 3e, qu’ils viennent nous voir nous leur expliquerons comment se manifeste la méningite.»

À vue d’œil, les manifestants venaient de différents établissements de la capitale, car rien qu’à regarder les uniformes, on pouvait distinguer, entre autres, des élèves du lycée technique de Ouagadougou (LTO), du lycée Philippe-Zinda-Kaboré (LPZK), et du lycée Bogodogo. «La lutte continue tant que justice n’est pas faite !», criaient-ils en quittant les lieux. Ambiance.
Hyacinthe Sanou

… à Ouahigouya

Des élèves dans la rue
Les élèves des différents établissements secondaires de la ville de Ouahigouya ont déserté les classes la matinée du jeudi 24 février 2011 pour demander des éclaircissements sur les circonstances du décès de leur camarade Justin Zongo à Koudougou et celui des deux étudiants de la même ville. Ils exigent également la libération des élèves incarcérés par suite des différentes manifestations à Koudougou.

Rassemblés à la place de la nation, les frondeurs ont multiplié les va-et-vient entre la résidence du gouverneur de la région du Nord, le siège du conseil régional, la direction régionale de la police nationale, le commissariat central et la mairie de Ouahigouya. Multipliant les slogans liberté et justice, les jets de pierres, brûlant par–ci par-là des pneus sur certaines chaussées, les élèves ont fait le «chaud» une heure durant sans être inquiétés par les forces de sécurité.

Après avoir cassé les vitres de la guérite du conseil régional, certains se sont introduits dans l’enceinte de la direction régionale de la police du Nord, où ils ont essayé de défoncer les fenêtres du bâtiment principal, pendant que d’autres cassaient les ampoules et brûlaient des pneus devant et à l’intérieur. Un chauffeur de l’Administration conduisant un véhicule fond rouge, qui a voulu se frayer un passage dans la foule, a vu briser les vitres de son véhicule. Acculée, la police a dispersé les manifestants à coups de gaz lacrymogène.

Après cette sortie, la police s’est repliée, les laissant faire le pied de grue à la résidence du gouverneur puis devant le commissariat central. Ils sont revenus aux environs de 11 heures contraindre les commerçants en face de la place de la Nation à fermer boutique avant de se disperser. Il faut signaler que cette manifestation des élèves a fortement perturbé la cérémonie d’ouverture de l’atelier de validation du rapport provisoire du plan stratégique décennal de modernisation de l’État et de son premier plan d’action.

La cérémonie d’ouverture, qui était prévue pour 8h30 à la salle de conférences du conseil régional du Nord, n’a pu se tenir. Les autorités ont préféré éviter la confrontation en ne se présentant pas à la cérémonie. C’est finalement aux environs de 13 heures que le ministre Soungalo Ouattara est arrivé sur les lieux de la rencontre. Aux dernières nouvelles, les autorités locales auraient rencontré les responsables des élèves afin de calmer les esprits.

Emery Albert Ouédraogo

L’Observateur Paalga, 24 février.

Trouvé sur juralibertaire

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