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Endnotes #3 —Éditorial

Nous attirons l’attention des lecteurs sur cet extrait du chapitre sur “la distinction de genre” dans l’édito d’EndNotes N°3 et sur la note 4 qui le ponctue  pour manifester notre désaccord total avec ces positions… A suivre après lecture appronfondie…. dndf

“Pour nous, il n’y a pas plus lieu de parler de contradiction entre ouvriers et capital qu’entre femmes et hommes. En fait, la seule « contradiction entre » est celle avec laquelle Marx ouvre le livre 1 du Capital, la contradiction entre valeur d’usage et valeur d’échange (4)”

Ce numéro d’Endnotes a mis bien du temps à paraître. Sa parution a pris du retard du fait d’expériences et de conversations qui nous ont conduits à clarifier nos analyses et parfois à les reformuler entièrement. Nombre des articles de ce numéro sont le produit d’années de discussion. Certains articles étaient si longs que nous avons du le scinder en deux. Endnotes 4 ne paraitra donc non pas dans trois ans, mais plutôt d’ici les six prochains mois. En guise d’explication pour cette attente, nous décrivons ici certains des questions et des dilemmes qui ont donné naissance à ce numéro et à celui qui suit.

De nouvelles luttes

Les deux premiers numéros d’Endnotes incitaient à porter une attention nouvelle sur les luttes de notre époque, un regard débarrassé du poids mort de théories dépassées. Nous ne fournissions pourtant nous-mêmes que peu d’analyses des luttes. Cela, en partie parce que le conflit de classe était au plus bas au moment où nous écrivions, et rendait les envolées vers l’abstraction plus attirantes, mais aussi parce que nous ne savions pas ce que nous voulions dire des luttes en cours, et que nous pensions qu’il était plus avisé de ne pas prétendre le contraire. Nous avons lancé cette revue comme un lieu pour l’élaboration scrupuleuse des idées. Nous ne voulions pas tirer des conclusions hâtives simplement pour être dans l’air du temps.

Ceci dit, le milieu auquel nous appartenons — que certains ont voulu qualifier de courant communisateur — proposait une analyse des luttes que nous trouvions attirante.

Des participants à ce milieu faisaient remarquer que, même dans les luttes d’usines, la réémergence d’une identité de classe revendiquée semblait hors de question : les ouvriers s’auto-organisaient, mais sans illusions quant au potentiel révolutionnaire de telles auto-organisations. Par exemple, dans certaines usines — en Corée du sud, en France, aux États-Unis et ailleurs — des ouvriers occupaient leur lieu de travail, non pas pour le faire tourner à leur profit, mais pour exiger des indemnités de départ plus importantes. Dans le même temps, nombre de luttes émergeaient en dehors du lieu de travail — des luttes impliquant des étudiants, des chômeurs, des minorités raciales —qui ne cherchaient pas à y revenir. Les ouvriers dans ce qui avait été autrefois les bastions de la classe ouvrière (l’industrie, la construction, les mines et les services publics) ne pouvaient plus faire de leurs luttes le creuset de tous les besoins de la classe, prise dans son ensemble. Les luttes sur la « reproduction » supplantaient celles sur la « production », même si les premières semblaient manquer du pouvoir sur le capital qui caractérisait historiquement les secondes.

Le courant communisateur proposait aussi l’analyse suivante de ces luttes : elles semblent claudiquer sur deux jambes. La première est la limite de la lutte : agir en tant que classe implique de n’avoir aucun horizon en dehors du rapport capital-travail. La seconde est la dynamique : l’appartenance de classe est alors vécue comme « contrainte extérieure », comme quelque chose à dépasser. Dans le mouvement antimondialisation, la dynamique de la lutte de classe s’autonomisait de la lutte elle-même : l’abandon d’une position de classe servait de fondement à l’attaque du capital. La crise actuelle était censée contraindre les deux jambes de la lutte de classe à marcher ensemble. Les luttes étaient censées ré-émerger dans les lieux de travail, autour d’une revendication salariale « illégitime »[1]. Les formes qui étaient caractéristiques de la lutte de classe depuis la restructuration (démocratisme radical, activisme) devaient être dépassées par un retour aux fondamentaux : l’abandon d’une position de classe, depuis le lieu de travail, ne serait possible que par le dépassement généralisé de la société de classe.

Ce n’est pas ce qui s’est passé. Au lieu de cela, nous avons eu le Printemps arabe, les Indignés, le mouvement Occupy, la place Taksim et bon nombre d’émeutes. Comme nous le disons dans « The Holding Pattern » [Le Circuit d’attente] dans ce même numéro, ces luttes semblaient plus une transformation des mouvements antimondialistes et une extension à une fraction plus étendue de la population. Cela ne signifie pas que les luttes récentes auraient remis en cause la théorie de la communisation (ou que des luttes dynamiques ne vont pas ré-émerger dans les lieux de travail). Bien des éléments de ces mouvements sont venus confirmer la perspective communisatrice : une intensification de la lutte n’allait pas de pair avec le retour de l’identité ouvrière. Comme nous l’écrivons, c’était précisément l’indisponibilité d’une identité constitutive — autour du lieu de travail ou ailleurs — qui était à l’œuvre dans la dynamique du mouvement des places.

À la lumière de ces luttes, il est clair que l’heure n’est pas aux déclarations d’autorité, mais plutôt à l’analyse minutieuse. Dans Endnotes 1 et 2 nous avions tenté de désamorcer les pièges jumeaux hérités de la fin du siècle précédent : la tendance à (1) s’écarter d’une analyse de la dynamique du capital à s’affaiblir lui-même, afin d’insister plutôt sur les luttes de classe survenant hors du lieu de travail, ou alors à (2) préserver une analyse des tendances à la crise, mais uniquement pour se raccrocher à l’idée que le mouvement ouvrier est la seule forme révolutionnaire de la lutte de classe. Nous sommes parvenus à sortir de ces deux chausse-trapes, ne conservant avec nous que de maigres outils d’analyse. Il est temps à présent de mettre ces outils à l’œuvre, pour comprendre la nouvelle séquence de lutte et son déroulement. Nous devons être à l’écoute du présent — sa tendance à nous surprendre, à nous forcer à reconsidérer chacune des vérités censément immuable — tout en restant intransigeants quant à la révolution comme communisation : il n’y aura aucun compromis théorique.

Surpopulations

Endnotes 2 soulignait le rôle des surpopulations : des populations ayant un lien ténu au travail salarié. Les surpopulations ont augmenté du fait de la baisse à long terme de la demande en travail, liée à la réactivation de la contradiction de la société capitaliste. Cette forme sociale, reposant sur la centralité du travail, détruit avec le temps cette centralité. La croissance capitaliste détruit ainsi les termes du rapport sur lequel elle repose : la production de surpopulations parallèlement à du capital excédentaire est le résultat ultime du procès de production immédiat.

Cela ne signifie pas pour autant que la surpopulation va devenir un nouveau sujet révolutionnaire. Au contraire, la croissance des surpopulations sape la cohérence du sujet révolutionnaire en tant que tel. Il n’est plus possible de considérer le capital comme un mode de production qui aurait un avenir, intégrant de plus en plus de gens par son « développement », c’est-à-dire l’industrialisation. La classe ouvrière industrielle va plutôt s’amenuisant, presque partout. Le mouvement ouvrier, qui s’organisait auparavant autour de la figure hégémonique de l’ouvrier semi-qualifié, ne peut plus offrir de cohérence à la classe. Aucun autre sujet ne peut non plus se prétendre le porteur d’un futur qui puisse s’affirmer.

La croissance de la surpopulation est précisément la désintégration, la décomposition de la classe. La surpopulation ne peut ainsi pas s’affirmer — non seulement parce qu’elle est une position de destitution subjective, ou d’abjection — mais aussi parce qu’elle est massivement différentiée en elle-même. Plus que cela : sa croissance est la différentiation croissante de la classe comme un tout. Quel rôle jouent les surpopulations dans les luttes aujourd’hui ? « A Rising Tide Lifts All Boats »[2], dans ce même numéro, est une réflexion sur le mouvement britannique et des émeutes contre l’austérité de 2010-11 et s’interroge sur la possible application empirique de la catégorie de « surpopulation ».

La distinction de genre

Depuis la publication de notre dernier numéro, le texte « Communisation et abolition des genres » est paru dans l’anthologie Communization and its Discontents[3]. Ce texte était le produit d’un fructueux débat avec Théorie Communiste, qui s’est depuis un peu gâté.

Dans leur tentative de réconcilier une approche féministe à deux systèmes avec leur théorie précédemment élaborée, TC s’est perdu dans un débat interne quant à savoir combien il y avait de contradictions dans la société moderne. Pour nous, il n’y a pas plus lieu de parler de contradiction entre ouvriers et capital qu’entre femmes et hommes. En fait, la seule « contradiction entre » est celle avec laquelle Marx ouvre le livre 1 du Capital, la contradiction entre valeur d’usage et valeur d’échange[4]. En définitive, les rapports sociaux capitalistes sont contradictoires parce qu’ils sont fondés sur l’échange de valeurs équivalentes — mesurées par le temps de travail socialement nécessaire à leur production — et, en même temps, ils attaquent ces fondements, puisqu’ils tendent à éjecter le travail humain du procès de production (ce qui s’exprime, paradoxalement, comme surtravail pour beaucoup et sous-emploi ou chômage pour d’autres).

L’économie est ainsi une activité sociale fondée sur une contradiction logique, qui se déploie, avec le temps, comme servitude, comme impossibilité pratique pour les êtres humains à être ce qu’ils devraient être : « En produisant l’accumulation du capital, et à mesure qu’elle y réussit, la classe salariée produit donc elle-même les instruments de sa mise en retraite ou de sa métamorphose en surpopulation relative. »[5] Cette contradiction donne naissance à de nombreux antagonismes, dans les sociétés capitalistes, au rang desquels l’antagonisme de classes. D’autres existent : la race, le genre, la sexualité, la nation, le métier ou la qualification, la foi religieuse, le statut migratoire, etc. il serait impossible de penser tous les antagonismes de la société capitaliste si on ne distinguait pas clairement antagonisme et contradiction (autrement il serait nécessaire de produire une contradiction différente pour chaque antagonisme).

L’idée ici est que les antagonismes sociaux, dans la société capitaliste, s’articulent et sont réarticulés en rapport avec la logique contradictoire du capital. Comme le montre « The Logic of Gender » [La Logique du genre] dans ce même numéro, le genre dans les sociétés capitalistes est construit autour de la distinction de deux sphères, l’une que nous nommons « directement médiée par le marché » et l’autre « indirectement médiée par le marché ». Cette distinction n’est pas séparée de la société de classes. Elle est au contraire fondamentale à la production de valeur. Le mode de production capitaliste ne pourrait pas exister sans une distinction de ces sphères, qui jusqu’à présent n’avaient pas été rigoureusement définies. Dans ce numéro, nous nous attachons à clarifier les concepts, pour comprendre les bases et la transformation du rapport de genre dans la société capitaliste. Cette clarification nous permet de mieux saisir les processus de dénaturalisation du genre — ce que Butler appelle son trouble — tout comme les dynamiques complexes, premièrement de la déconstruction en cours du genre (un relâchement de l’hétérosexualité obligatoire, la possibilité d’affirmer des identités trans et queer) et deuxièmement de la réassignation constante du genre, en particulier à la lumière des crises et mesures d’austérité récentes.

Des identités hors la classe

Cet intérêt pour le genre fait partie d’une orientation théorique plus générale. Le mouvement ouvrier privilégiait l’antagonisme de classes sur tous les autres parce qu’il voyait la classe ouvrière comme le futur de l’humanité — si seulement elle pouvait se défaire de sa liaison avec le capital.  L’affirmation de l’identité de classe était censée être la seule base possible pour le dépassement du capitalisme. Lorsque les travailleurs s’identifiaient par d’autres moyens, cela était qualifié de fausse conscience, en opposition à une véritable conscience, une conscience de classe. Une telle disposition avait pour effet de mettre plus l’accent sur les luttes de certains ouvriers (blancs, mâles, citoyens) que d’autres. De même, cela canalisait les luttes de ces « autres » selon des axes où ils finissaient par imiter la perspective productiviste du mouvement ouvrier : les femmes revendiquant que leur travaux domestiques soient reconnus comme productifs, par le salaire ; des populations anciennement colonisées mettant en branle leurs propres programmes d’industrie lourde, avec tout ce que cela implique, c’est-à-dire un immense gâchis de souffrance humaine.

Malgré tout cela, les participants au mouvement ouvrier pensaient que les autres formes d’identité — les identités qui ne reposaient pas sur la classe, hors la classe ­— disparaitraient avec le développement des forces productives. Le mouvement décrivait ces identités hors la classe comme des survivances ataviques de modes de production antérieurs. Il n’était pas nécessaire de les considérer comme autrement que moribondes. Mais les rapports sociaux capitalistes ne détruisent pas nécessairement les formes d’identités hors la classe. Au contraire, les rapports sociaux capitalistes transforment, ou même modernisent, au moins une partie de ces identités. En finir avec le mouvement ouvrier — admettre qu’il n’y plus de fraction de la classe qui puisse prévaloir sur la classe — implique qu’il soit nécessaire de réarticuler le rapport entre les identités de classe et hors la classe. « La Logique du genre » s’inscrit dans cette tentative théorique. L’article de Chris Chen, « The Limite Point of Capitalist Equality » [Le point limite de l’égalité capitaliste], qui fait partie de ce numéro, en est un autre.

Il est impératif d’abandonner trois thèses marxistes, formulées pendant le mouvement ouvrier : (1) Le travail salarié est le mode de survie primaire dans les sociétés capitalistes, dans lequel tous les prolétaires sont, avec le temps, intégrés ; (2) les travailleurs salariés sont eux-mêmes tendanciellement intégrés dans des processus de travail industriels (ou réellement subsumés), qui les homogénéisent, et les amalgament comme travailleur collectif ; et (3) la conscience de classe est ainsi la seule véritable conscience ou seule conscience réelle de la situation des prolétaires, dans les sociétés capitalistes. Aucune de ces thèses ne s’est historiquement avérée.

D’un côté, nombre de prolétaires ont vécu de larges pans de leur existence en dehors du rapport capital-travail, femmes au foyer végétant chez elles. Par ailleurs, dans les lieux de travail, le capital a tiré profit de l’emploi de travailleurs qui n’étaient pas formellement libres (ou pas complètement) : esclaves, « autochtones », sans-papiers, femmes. Au cours du xxe siècle, la « race » a continué à jouer un rôle pour déterminer qui serait formellement libre, qui aurait du travail, et en particulier, qui obtiendrait le « bon » travail quand il y en aurait. Les processus de racialisation et d’abjection se sont intensifiés — mais aussi transformés — pendant cette période de désintégration du rapport capital-travail, lorsque de nombreux prolétaires se sont trouvés exclus, en partie ou complètement, de ce rapport.

Visions stratégiques

Dans « Logistics, Counterlogistics and the Communist Prospect » [Logistique, contrelogistique et perspective communiste], aussi publié dans ce numéro, Jasper Bernes montre que la restructuration mondiale du mode de production capitaliste, à notre époque, est la réponse du capital à une situation dans laquelle le travail est devenu surabondant : le capital nivelle d’immenses différences de salaire à travers le monde, afin de réduire les coûts et de juguler des éruptions de violence ouvrière. Les chaines d’approvisionnement existent en grande partie parce que le capital les utilise afin de départager les marchés du travail. Pour cette raison, l’infrastructure logistique ne permet d’entrevoir aucun nouveau travailleur collectif à l’échelle mondiale. Elle a au contraire détruit une telle possibilité, en fragmentant encore davantage la classe ouvrière. La conclusion de Bernes est que les chaines d’approvisionnement sont des enjeux stratégiques pour les luttes actuelles mais seulement dans la mesure où elles peuvent être interrompues.

L’article de Bernes est en partie une réponse à Alberto Toscano, qui a critiqué les « partisans de la communisation » dans plusieurs écrits récents. Il les accuse de manquer d’une orientation stratégique propre, c’est-à-dire une orientation vers ce qui « doit être fait pour préparer la sorte de sujets susceptibles d’entreprendre des actions communisatrices »[6]. Pour lui, il y a beaucoup de travail préparatoire à accomplir : par exemple, il nous faut comprendre l’infrastructure logistique, non comme quelque chose qui doit être détruit, mais comme le lieu de « solutions anticapitalistes »[7]. Puisqu’il manque au courant communisateur une conception positive quant à la sortie de la société capitaliste (à savoir, autre que la négation abstraite de cette société), Toscano l’a qualifiée de « politique intransitive » et il associe typiquement cette perspective à un manque de pensée stratégique[8]. Par cette qualification, Toscano élude deux questions, l’une étant la transition de la révolution au communisme (« l’état de transition ») et l’autre la transition entre les luttes actuelles et la révolution (« les revendications transitoires »). En ce qui concerne la seconde, il est vrai que la révolution ne tombera pas du ciel. Elle ne viendra pas de nulle part pour être subitement partout. Si la révolution doit jamais émerger, elle ne le fera qu’en réaction aux limites auxquelles les luttes actuelles sont confrontées dans leur déroulement. La rupture doit être une rupture produite. C’est là la position « transitive » qu’Endnotes a fait valoir depuis ses débuts.

Mais c’est précisément la position que Toscano rejette. Toscano ne voit pas comment il serait possible que la révolution émerge des limites des luttes actuelles. Il ne peut placer « toute sa confiance dans une sorte d’apprentissage par la pratique qui semble affecter une indifférence légère face aux obstacles titanesques qui se dressent face à la négation du capital. » Quant à cette négation : « on ne peut pas l’inventer au fil de l’eau. » Ou encore « le chemin ne se fait pas en marchant. »[9] Il semblerait que le chemin doive être effectué par des individus qui sont en mesure — d’une façon ou d’une autre — de tracer par avance la voie que doivent suivre les prolétaires. Nous entrons ici dans les roublardises des stratèges.

Avec « Spontaneity, Mediation, Rupture » [Spontanéité, Médiation, Rupture], dans ce même numéro, nous cherchons à reposer le rapport entre lutte et révolution par une ré-articulation des principaux concepts de l’histoire de la théorie révolutionnaire. Il est nécessaire d’avoir une approche ouverte des luttes, une approche qui ne relève ni de l’insouciance dédaigneuse, ni de l’affirmation naïve. La lutte de classe n’est pas simplement le lieu des réactions convulsives aux exigences capitalistes, mais là où les contradictions du capitalisme se jouent, et ce de façon immanente à l’expérience prolétarienne. C’est seulement lorsque que ces luttes s’intensifient que les questions stratégiques d’une époque peuvent être posées et trouver des réponses, de façon concrète : seulement alors que les tactiques, les stratégies et les formes d’organisation — et même le contenu du communisme lui-même — peut prendre une forme concrète. Les stratégies émergent comme réponses aux limites spécifiques d’une séquence de luttes. Elles ne peuvent être introduites de l’extérieur[10].

Perspectives communistes

Endnotes 3 s’emploie donc à échafauder des outils avec lesquels on peut parler des luttes actuelles — dans leurs propres termes, avec toutes leurs contradictions et paradoxes mis à jour et non dissimulés. La question demeure : comment ces luttes se relient-elles à la révolution ? Ici, il nous faut insister : la révolution est une issue possible des luttes actuelles, mais seulement comme communisation. Cela, parce que la révolution devra être l’abolition de la forme valeur, cette forme n’étant plus une façon viable d’organiser nos vies. La part du travail directement humain dans la production sociale diminue, alors que nous sommes confrontés à une masse écrasante de techniques et d’infrastructures, qui détruisent les conditions écologiques de la vie terrestre et qui sont la force principale de la vie sociale. Pour autant, l’achat et la vente de travail structurent toujours chacun des aspects de nos vies, et le capital reste notre principal mode d’interaction les uns avec les autres. Comment pourrait-on effectivement poursuivre sans lui ? Il n’est pas de réponse facile — en particulier quand on prend en compte que la reproduction de chacun, aujourd’hui, dépend d’un appareil productif dispersé aux quatre coins du globe. La question de la révolution est néanmoins toujours posée — abstraitement et spéculativement, mais c’est nécessairement ainsi qu’elle se pose  — par le caractère contradictoire du rapport essentiel sur lequel repose la société. Et cette question ne fait que commencer à prendre corps dans les luttes elles-mêmes.

Traduction : J. Serpaggi, remerciements J. Neton


[1] R.S., « Le Moment actuel », Sic 1 (Novembre 2011).

[2] L’aphorisme est attribué à JFK, en référence aux politiques de libre-échange : l’avantage comparatif de la production bénéficierait à tous les participants. On peut le traduire : la marée montante soulève tous les navires — ndt.

[3] Malaise dans la communisation : le titre est un détournement de Civilization and its Discontents, traduction du texte de Freud Das Unbehagen in der Kultur, paru en français sous le titre Malaise dans la civilisation — ndt. Benjamin Noys, ed., Communization and its Discontents (Minor Compositions 2011), 219-236

[4] L’idée de « contradiction entre les classes » semble appartenir à un héritage strictement maoïste. Certains ont affirmé sa validité marxienne en citant un passage de la traduction Penguin [en anglais — ndt] des Grundrisse, dans lequel Marx fait référence à une « contradiction du capital et du travail salarié ». Mais le terme ici traduit est Gegensatz (opposition), et non Widerspruch (contradiction). Nous ne trouvons aucune référence dans l’œuvre de Marx à une contradiction entre « capital et travail », ou entre « capitalistes et ouvriers ».

[5] Le Capital, K. Marx, xxv-3, p. 694, Ed. Pléiade. Le texte anglais ajoute : « et elle le fait d’une façon qui va toujours grandissante », voir la note 21 de « Misère et Dette » in Endnotes 2 — ndt. Sur le caractère logique de la contradiction chez Marx et Hegel, voir Richard Gunn, ‘Marxism and Contradiction’ Common Sense 15 (1994).

[6] Alberto Toscano, « Now and Never », in Noys, ed., Communization and its Discontents, 98.

[7] Alberto Toscano, « Logistics and Opposition », Mute 3:2 (janvier 2012).

[8] Toscano, « Now and Never », 87.

[9] Ibid., 99.

[10] Toscano perçoit notre perspective comme abstraite (par son « intransigeance » et sa préoccupation de « pureté théorique »), mais c’est Toscano lui-même qui pose le problème de la révolution de façon abstraite, en disant pouvoir trouver une solution aux problèmes stratégiques en faisant abstraction de la façon concrète par laquelle ces mêmes problèmes émergent au cours des luttes actuelles.

 

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  1. Modica
    07/11/2013 à 12:53 | #1

    Oui, effectivement cela ne s’est pas passé : Les luttes étaient censées ré-émerger dans les lieux de travail, autour d’une revendication salariale « illégitime »[1]. Les formes qui étaient caractéristiques de la lutte de classe depuis la restructuration (démocratisme radical, activisme) devaient être dépassées par un retour aux fondamentaux : l’abandon d’une position de classe, depuis le lieu de travail, ne serait possible que par le dépassement généralisé de la société de classe.

    Ce constat, TC l’a fait dans sa lettre de rupture avec SIC. Probablement que le pronostic de TC était un peu prématuré ou rigidement déterministe. Mais je reste fermement convaincu de la justesse de son analyse et du déploiement dans la réalité des instances de cette analyse. Encore que, on peut toujours tomber dans des schémas normatifs auquel un mouvement social doit (devrait) se conformer. Je pense que les camarades sont en train de réfléchir à la question.

    Sous prétexte de bazarder, la contradiction “féministe” de TC, Endnotes jette le bébé avec l’eau du bain. Il n’y a plus de contradiction entre capital et travail, seule reste la contradiction entre valeur d’usage et valeur d’échange !

    Pour Endnotes «… il n’y a pas plus lieu de parler de contradiction entre ouvriers et capital qu’entre femmes et hommes. En fait, la seule « contradiction entre » est celle avec laquelle Marx ouvre le livre 1 du Capital, la contradiction entre valeur d’usage et valeur d’échange (4) »

    Ainsi, en voulant revenir à Marx on revient surtout à Ricardo que Marx utilise dans le chapitre 1 du Capital : la marchandise. Mais, au fil des chapitres Marx se dégage de la contradiction apparente (et pédagogique qui permet d’entrer dans l’analyse critique du Capital) de ce bipôle pour extraire la VALEUR, et non plus la valeur d’échange, celle-ci ne lui servant plus que terme technique pour expliquer l’échange simple comme dans le premier chapitre : valeur d’usage et valeur d’échange.

    Endnotes quitte le terrain d’analyse de la lutte des classes pour rejoindre celui des “critiques de la valeur”, Postone, Anselme Japp et tutti-quanti.

    On en reste au niveau des abstractions en dépit du fait que les deux termes de la contradiction de Endnotes se substantifient dans dans les contradictions entre le capital et le travail et donc de la valeur. La démarche de Endnotes consiste à vider la valeur de sa matérialisation : la lutte des classes.

    Le communisme académique reprend du poil de la bête à travers l’analyse de Endnotes. C’est plus gratifiant, du point de vue des chaîres académiques, de gloser sur des abstractions que de luttes de classe.

    Stive

  2. Patlotch
    07/11/2013 à 17:58 | #2

    Le double constat, par TC, du théoricisme de camarades anglais et de l’activisme de camarades français était fait avant même le lancement de la revue Meeting, au début des années 2000 si je ne m’abuse.

    Cela étant, il y avait une double fenêtre, sur le plan de théorie et sur celui des luttes, schématiquement :

    Sur le plan théorique, la scission de la revue anglaise Aufheben et l’intérêt des « activistes » français pour les théories de TC.

    Sur le plan des luttes (« théoriciennes »), l’apogée du démocratisme radical annonçant son enlisement, et celui concomitant des luttes immédiatistes (Action directe, Black Blocks, etc.).

    Pour ma part, je découvrais tout ça (2005), et ne voyais pas d’inconvénients à prendre le risque de Meeting. J’ai été beaucoup plus circonspect à la « fin de Meeting » et dans les discussions pour le projet SIC, étant donné que les différents étaient transparents.

    Naturellement, TC n’avait aucun intérêt à les mettre alors en avant, puisque SIC aurait été mort-né. Cela étant, la question de la valeur, dans les exposés de Endnotes sur « la dialectique systématique » (et non systémique, ce qui me semblait symptomatique), étaient pour moi sans appel, comme l’ancrage de Leon de Mattis dans le politicisme (?) avec son livre « Mort à la démocratie ». Point anecdotique : ma sortie de ce milieu intervient dans ce contexte en 2010, sauf erreur.

    L’histoire (du milieu théorique) dira si un rapprochement est possible entre les thèses de TC (dont l’évolution semble en gestation interne) et le travail remarquable de Bruno Astarian sur la valeur – qui s’oppose tant à la « Critique de la valeur » qu’au livre « Crises » de Léon de Mattis. Leurs conclusions me paraissent, bien que vues de loin par le simple amateur que je suis, se rapprocher sur cette question tranchante de la lutte de classe comme contradiction essentielle. Astarian ne parle certes pas du genre, mais TC non plus il y a quelques années.

    Cela précisé pour dire que le ver était dans le fruit, et que si l’on ne peut refaire l’histoire, rien ne sert de la récrire.

  3. Patlotch
    21/11/2013 à 20:17 | #3

    À vrai dire, c’est de ce texte d’Endnotes3 qu’il convient de partir pour se faire une idée juste de son positionnement actuel, plutôt que de “Spontanéité, Médiation, Rupture” qui n’en aborde qu’un aspect. http://dndf.org/?p=12944#comments Du coup, la discussion est quelque peu biaisée, et particulièrement mes commentaires.

    On peut considérer ce texte comme étant à Endnotes ce que sont à TC “fin de parti(e)” et les ‘Travaux en cours du groupe TC’ http://blogtc.communisation.net/

    Cet éditorial est d’une bien meilleure qualité que “Spontanéité, Médiation, Rupture”, et répond en partie à ce qui pourrait être de ma part une interprétation hâtive.

    Endnotes fait ici un retour en arrière depuis la rupture avec AufHeben et le cheminement commun avec TC dans SIC, engagé au début des années 2000 avec des échanges dont les revues AufHeben et TC avaient rendu compte.

    Dans “de nouvelles luttes” le constat “Ce n’est pas ce qui s’est passé”, comme l’affirmation “Bien des éléments de ces mouvements sont venus confirmer la perspective communisatrice” font écho à l’analyse de TC dans “fin de partie”.

    La chute de ce passage paraît claire : « À la lumière de ces luttes [révoltes arabes…], il est clair que l’heure n’est pas aux déclarations d’autorité, mais plutôt à l’analyse minutieuse. [] Nous devons être à l’écoute du présent — sa tendance à nous surprendre, à nous forcer à reconsidérer chacune des vérités censément immuable — tout en restant intransigeants quant à la révolution comme communisation : il n’y aura aucun compromis théorique.»

    Concernant “la distinction de genre”, comment suivre Ennotes affirmant que “Cette contradiction [Patlotch : comprendre, bien qu’étrangement définie, la contradiction essentielle du Capital] donne naissance à de nombreux antagonismes, dans les sociétés capitalistes, au rang desquels l’antagonisme de classes. D’autres existent : la race, le genre, la sexualité, la nation, le métier ou la qualification, la foi religieuse, le statut migratoire, etc.» ? Placer tout cela sur le même plan, c’est un peu court pour le genre.

    Je ne peux que souscrire, sous réserve justement du sens d’antagonisme relativement à contradiction, à « L’idée ici est que les antagonismes sociaux, dans la société capitaliste, s’articulent et sont réarticulés en rapport avec la logique contradictoire du capital», mais je n’ai pas approfondi les textes de ce n° pour mesurer si l’objectif est atteint de « clarifier les concepts, pour comprendre les bases et la transformation du rapport de genre dans la société capitaliste.» Ce qui précède, le listing des antagonismes selon Endnotes, en augure mal.

    Sous le titre significatif “Des identités hors la classe” ce gros morceau :

    « Il est impératif d’abandonner trois thèses marxistes, formulées pendant le mouvement ouvrier : (1) Le travail salarié est le mode de survie primaire dans les sociétés capitalistes, dans lequel tous les prolétaires sont, avec le temps, intégrés ; (2) les travailleurs salariés sont eux-mêmes tendanciellement intégrés dans des processus de travail industriels (ou réellement subsumés), qui les homogénéisent, et les amalgament comme travailleur collectif ; et (3) la conscience de classe est ainsi la seule véritable conscience ou seule conscience réelle de la situation des prolétaires, dans les sociétés capitalistes. Aucune de ces thèses ne s’est historiquement avérée.»

    Quand on ‘résume’ les supposées “thèses marxistes” en les reformulant à sa convenance et de telle sorte qu’on n’y retrouve plus son Marx, sans parler de qualifier de “marxistes” et même de “thèses” celles qui ont été “formulées pendant le mouvement ouvrier” (par qui ?), il est aisé de parvenir à la conclusion souhaitée. Comme dit l’autre, le problème ne serait-il pas dans la question ? Je sens un glissement de “la perte d’identité de la classe ouvrière” à la constitution d’ “identités hors classe”. On peut en craindre un autre vers la dada du démocratisme radical et sa convergence des opprimés, aliénés, supprimés… avant que le cheval ne tombe sous le cavalier anti-capitaliste.

    Dans “visions stratégiques” on aurait plutôt un partage de vue avec TC sur cette profession de foi :
    « Si la révolution doit jamais émerger, elle ne le fera qu’en réaction aux limites auxquelles les luttes actuelles sont confrontées dans leur déroulement. La rupture doit être une rupture produite. » (TC parle de ‘dépassement produit’ dans un sens voisin).

    De même, quand Endnotes cherche

    « à reposer le rapport entre lutte et révolution par une ré-articulation des principaux concepts de l’histoire de la théorie révolutionnaire [dans] une approche ouverte des luttes […] là où les contradictions du capitalisme se jouent, et ce de façon immanente à l’expérience prolétarienne.»

    Poser la question même de la place de la stratégie dans le processus n’est pas sans intérêt, à condition de ne pas tomber dans un nouveau programmatisme. C’est ce que je faisais en 2004 à la fin de mon hyper démo-radical “carrefour des émancipations” en voulant ré-injecter une stratégie communiste, piège dans lequel ne tombe pas Endnotes :

    « C’est seulement lorsque que ces luttes s’intensifient que les questions stratégiques d’une époque peuvent être posées et trouver des réponses, de façon concrète : seulement alors que les tactiques, les stratégies et les formes d’organisation — et même le contenu du communisme lui-même — peut prendre une forme concrète. Les stratégies émergent comme réponses aux limites spécifiques d’une séquence de luttes. Elles ne peuvent être introduites de l’extérieur.»

    L’idée d’introduire la problématique d’une “stratégie” à un moment donné du processus entre aujourd’hui et la fin mérite certainement un débat, tant elle est liée à la question d’une cohérence d’ensemble du mouvement communisateur sans laquelle on voit mal son efficience au niveau mondial. Jusque-là, les réponses théoriques sont très abstraites et dépourvues de considérations de seuil, de quantité-qualité, comme je l’ai souligné. Remarquons que ce n’est pas sans relation avec le fantasme grec qui semble avoir emballé le projet SIC.

    « Perspectives communistes » pose des questions communes aux différentes composantes du ‘milieu communisateur’ : « échafauder des outils avec lesquels on peut parler des luttes actuelles — dans leurs propres termes, avec toutes leurs contradictions et paradoxes mis à jour et non dissimulés. La question demeure : comment ces luttes se relient-elles à la révolution ? […] la révolution devra être l’abolition de la forme valeur »

    et même cette affirmation avec laquelle il est somme toute difficile d’affirmer à la hâte que Endnotes aurait abandonné la “lutte de classes” en tant que moteur du communisme-mouvement :

    « Pour autant, l’achat et la vente de travail structurent toujours chacun des aspects de nos vies, et le capital reste notre principal mode d’interaction les uns avec les autres. La question de la révolution est néanmoins toujours posée […] par le caractère contradictoire du rapport essentiel sur lequel repose la société. Et cette question ne fait que commencer à prendre corps dans les luttes elles-mêmes.»

    Évitons par conséquent de jeter le bébé Endnotes avec l’eau du SIC.

  4. Patlotch
    21/11/2013 à 23:21 | #4

    Ainsi donc, si l’on en croyait le commentaire de Modica, « Endnotes quitte le terrain d’analyse de la lutte des classes pour rejoindre celui des « critiques de la valeur », Postone, Anselme Japp et tutti-quanti.»

    Je ne suis pas assez outillé pour trancher sur la manière dont Endnotes oppose « contradiction entre les classes” et « contradiction entre valeur d’usage et valeur d’échange » : est-il possible de réduire les thèses d’Endnotes à cette formulation, et celel-ci à un abandon de la lutte de classes ?

    Concernant la contradiction essentielle, l’important est de la considérer comme contradiction entre pôles d’une totalité qu’est le mode de production capitaliste. Les raccourcis de langage sous lesquels on la formule sont autant de pièges à la compréhension. Si valeur d’usage signifiait “les ouvriers mangent pour vivre et revenir au boulot le lendemain”, et valeur d’échange “les capitalistes produisent pour vendre et réaliser un profit sur la base de la plus-value tirée du travail vivant”, je ne manquerais pas d’y lire la même contradiction que celle “entre les classes” ou entre “travail et capital” ou entre “capitalistes et ouvriers”, toutes ces formulations étant approximatives, et leur interprétation susceptible de glisser hors de l’essentiel : deux pôles face à face en un tout et travaillant à son explosion, ou à son implosion.

    La ‘Critique de la valeur’ n’a, de fait, qu’une contradiction au sein d’un pôle, un capital sans problème avec la classe ouvrière (‘un capital automate’ le résume à un pôle de la contradiction marxienne). D’une certaine façon, c’est une critique qui reflète une certaine réalité, l’effacement apparent des luttes en tant que luttes identitaires de classe. C’est une théorie adéquate à l’apparence du capital, nonobstant la profondeur de ses analyses.

    Pour affirmer EndNotes = Postone etc. encore faudrait-il démontrer que sa critique de l’économie politique se passe de l’appareillage “baisse tendancielle du taux de profit ” en tant que contradiction entre classes, ce qui me semble contradictoire à la place que Endnotes donne aux luttes dans cet éditorial.

    Qu’Endnotes soit constitué de théoriciens tendant à la théorisation universitaire est une chose qu’ils ont reconnu comme un handicap :

    « Les deux premiers numéros d’Endnotes incitaient à porter une attention nouvelle sur les luttes de notre époque, un regard débarrassé du poids mort de théories dépassées. Nous ne fournissions pourtant nous-mêmes que peu d’analyses des luttes. Cela, en partie parce que le conflit de classe était au plus bas au moment où nous écrivions, et rendait les envolées vers l’abstraction plus attirantes, mais aussi parce que nous ne savions pas ce que nous voulions dire des luttes en cours, et que nous pensions qu’il était plus avisé de ne pas prétendre le contraire. […] Ceci dit, le milieu auquel nous appartenons — que certains ont voulu qualifier de courant communisateur — proposait une analyse des luttes que nous trouvions attirante.»

    SIC, avec TC et les groupes en prise directe sur les luttes grecques, pouvait équilibrer ce déficit. C’était aux meilleures heures davantage qu’un collage hétéroclite. Il n’est pas surprenant, chacun reprenant ses billes, qu’Endnotes rencontre quelques difficultés pour parler des luttes en termes concrets au niveau qu’elles tiennent dans leurs textes. Un regret que ne formule jamais, en termes de classes, les tutti-quanti de la WertCritik. Pas étonnant, le genre ayant troublé la classe, qu’elle doive s’en remettre.

    On ne s’en sortira pas avec des noms d’oiseaux (“communisme académique”) lancée à preuve d’une “trahison”, agrémentés de coups sous la ceinture (“les chaires académiques”).

    Pas plus il n’était étonnant que “l’écart” et “la communisation au présent” aient été vus par certains apôtres comme l’apparition de la Vierge aux Enfants de Fatima, pas plus je ne suis surpris, la messe à SIC étant dite, par l’avant-garde de l’excommunisation.

  5. Patlotch
    22/11/2013 à 15:00 | #5

    (une réponse de Modica est postée là http://dndf.org/?p=12944#comment-13018 )

    Un autre critère pour reconnaître les siens parmi les théoriciens

    Sur cette question “lutte de classes” ou pas, comme contradiction essentielle, un train-train de langage peut en cacher un autre, emportant tous ceux qui parlent de LUTTE DE CLASSE mais considèrent qu’elle ne s’enracine pas dans l’EXPLOITATION au travail du prolétariat.

    ‘Gagner’ sa vie comme ouvrière d’usine ou conducteur de camion, ça fait partie de la lutte de classes. Ç’en est même au cœur. Mais dis comme ça, combien d’aspirants révolutionnaires en sont convaincus ? Pourtant, sans ça, pas de théorie communiste.

    Autre mise au point sur “communisme académique”. TC l’utilise aussi (“Les aca­dé­mi­ciens n’avaient besoin que de leurs propres réflexions et de la paru­tion de la revue si pos­sible épaisse et de bonne fac­ture et pou­vaient se dis­pen­ser des réunions”).

    Je pense qu’au-delà de la polémique, il faut distinguer deux choses. Le THÉORICISME dans le sens d’une théorisation coupée des luttes et l’ACADÉMISME dans le sens d’une sclérose de la théorie. L’intellectualisme, la spéculation abstraite, le didactisme universitaire ne sont pas en eux-même des académismes, parce qu’ils peuvent recouvrir des pensées vivantes. L’académisme est une pensée morte. Pour ce qui nous concerne, le communisme, est académique le fait d’appliquer au présent les “thèses marxistes” fossilisées depuis la fin du programmatisme ouvrier. Parler d’académisme en ce qui concerne Endnotes est dépourvu de pertinence.

  6. Patlotch
    22/11/2013 à 20:51 | #6

    Modica :

    On en reste au niveau des abstractions en dépit du fait que les deux termes de la contradiction de Endnotes se substantifient dans dans les contradictions entre le capital et le travail et donc de la valeur. La démarche de Endnotes consiste à vider la valeur de sa matérialisation : la lutte des classes.

    En fait, mon petit doigt théorique me souffle que ce serait plutôt pour Endnotes l’inverse : la contradiction entre valeur d’échange et d’usage, qui définit le capital, se concrétiserait dans les antagonismes de la société, dont la lutte de classes. N’en déplaise à ses victimes en chair et en os, le capital est une abstraction.

    On n’en reste pas au niveau des abstractions. Elle descendent du ciel théoricien pour prendre corps sur terre. La révolution selon Endnotes, ce serait ‘comment les faire remonter ?’

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