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« Pourquoi les Nuits Debouts m’emmerdent »

Trouvé sur le site marseillais http://mars-infos.org/pourquoi-les-nuits-debouts-m-954

« Pourquoi les Nuits Debouts m’emmerdent »

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photo de la nuit debout à Paris

Publié le 15 avril 2016 | Maj le 14 avril

Ce texte se base principalement sur une partie de l’expérience des Nuits Debouts sur Marseille. A mon avis, il est fort probable qu’il existe des différences en fonction des villes ; mais, au vu de quelques retours d’ailleurs, il est encore plus probable qu’elles soient à peu près toutes traversées par certaines mêmes idéologies pourries évoquées ci-dessous. Il aurait été certes plus intéressant de prendre le temps d’écrire un texte plus conséquent et développé mais face à l’ampleur des désagréments actuels causés par les Nuits Debouts, il me semblait important de sortir un texte dans l’urgence, quitte à ce qu’il serve de base à d’autres personnes à Marseille ou ailleurs.}

Il est certain qu’il y existe des gens sincères et qui ne rentrent pas dans la description ci-dessous, mais j’ai plutôt tenter de mettre en avant la trame générale de ce que peuvent être, selon moi, les Nuits Debouts.

En préalable, je définirais le mouvement des Nuits Debouts comme un bis repetita du mouvement des Indigestes [1], avec peut-être un peu plus de participation. Pour moi, il ne serait même que l’indigestion de ce dernier. Ses références idéologiques et pratiques seraient Podemos en Espagne, Syriza en Grèce. Deux pays où les indigestes pullulèrent d’ailleurs il y a quelques années.

Le citoyennisme plutôt que la lutte
Répandre l’idée qu’un rapport de force n’est pas pertinent, que les actes de conflictualité dans la rue sont néfastes amènent forcément à la logique que ce n’est pas en luttant qu’on arrive à quoi que ce soit mais que le salut se trouve bien dans des démarches citoyennistes. C’est alors qu’apparaît l’énième appel au vote pour changer la société – en ne soulevant surtout pas le fait qu’il y a plus de gens qui ne veulent et/ou qui ne peuvent pas voter que les autres – ou encore la fumeuse idée d’une nouvelle constitution pour mettre en place plus démocratiquement nos nouveaux bourreaux. Ce sont aussi des logiques massivement en cours en Espagne et en Grèce et on voit bien pour quelle efficacité.

Préparer le terrain à Mélenchon
Nouvelle constitution ? Nouvelle république ? Sixième république ! Et hop ! C’est alors qu’en toile de fond on aperçoit un Mélenchon se positionnant sur la ligne de départ pour la Grande Mascarade Citoyenniste de 2017. Et vive l’Insurrection Citoyenne, celle qui prend la Bastille juste dans des songes puisqu’il ne faudrait quand même pas l’abîmer ; ce ne serait pas éco-citoyenno-équito-responsable.

Parasitage et récupération
Il s’agit donc d’un mouvement qui se fait récupérer par l’idéologie du Parti de Gauche ; et, dans la même temporalité, il se fait lui-même récupérateur, mais, cette fois, de l’effervescence sociale actuelle. Il sait ne faire parler que de lui, faisant passer à la trappe toutes ces manifs de ces dernières semaines, ces quelques grèves, toute cette conflictualité qui s’exprime ici et là dans les rues. Son acoquinage avec les médias de l’état et du capital et sa bienséance font qu’à côté d’une Nuit Debout, une manifestation à plus de cent mille personnes reste quasi invisible.
Mais cela ne s’arrête pas là. Il s’agit aussi, dans la stupide perspective de pseudo unité, de venir parasiter les espaces de lutte actuels dont elles peuvent parfois être issues d’ailleurs ; que ce soit ces assemblées montées ces temps-ci, les fins de manifs ; et bientôt ces collectifs existants déjà avant cette ébullition des dernières semaines et qui galéraient déjà en interne avec des positions citoyennistes et le rapport de soumission à l’état, et donc au capitalisme, qu’il implique. L’idéologie Nuit-au-boutiste se répand partout où elle peut, jusqu’à la lie. Elle nous emmerde des fins de manifs aux assemblées et, ce, jusqu’au bout de la nuit.

Pas de quartiers pour les balances
A Paris, ce sont certaines personnes organisatrices qui, après une manif déjà bien réprimée par la police, croient bon, le soir du 09/04, d’appeler les condés car des caméras sont sabotées sur la place occupée. C’est bien-là que montre le vrai visage de ce qu’est en réalité le citoyennisme : une collaboration avec l’ordre des choses, notamment les keufs. Se revendiquer des Nuits Debouts, c’est assumer de fonctionner avec des balances. Et il est fort clair que, chaque personne qui sera surprise à donner des gens à la police, se retrouvera avec les genoux pétés.
A Marseille, c’est le fameux discours des bureaucrates de la CGT sur les casseurs qui est repris par des Nuits-aux-boutistes ; c’est-à-dire que les débordements non citoyennistes dans les manifs (occupations, blocages, attaques ciblées, défense face à la police…) seraient le fait de flics en civil masqués. Je ne dis pas que cela n’existe pas du tout, je dis juste qu’il n’y a pas besoin d’eux pour utiliser les pratiques évoquées ci-dessus. Au passage, petit message adressé aux personnes qui colportent de telles fausses rumeurs : « Nous ne sommes définitivement pas du même côté de la barricade, ni de l’écran. Gaffe aux projectiles ». [2]

Parole “libre” en milieu éthylique, entre folklore et fourre tout
Les ambiances décontractées de ces rassemblements, qui finissent évidemment en orgie éthylique [3], ainsi que l’absence de cadre de discussion et la croyance béate en la création d’un espace démocratique authentique et libéré, donnent le ton sur les prises de parole au micro. L’idée d’une discussion qui emploierait la parole “libre” ne me dérange pas forcément, mais là, le résultat final produit est un espèce de spectacle folklorique dans lequel tout et n’importe quoi sont dit. On peut nous parler de nouvelle constitution, puis enchaîner sur un mauvais artiste qui aime bien s’entendre parler, et continuer sur la caution “Quartier Nord de Marseille” qui nous dit qu’il est musulman et que le problème ce sont les juifs. Le tout dans une entente cordiale. A s’extraire des pratiques de luttes et allant vers toujours plus de citoyennisme, on s’extrait aussi de certaines réflexions qui nourrissent la critique de ce monde de merde. Non, toutes les idées ne se valent pas, tout le monde n’est pas au même niveau (positions sociales différentes, difficultés dans les prises de paroles…), tout le monde il est pas gentil.

Alterno, bobo et artistouilles dans un même front, dans un même quartier
Globalement la composition sociale et idéologique des ces Nuits Debouts, tout du moins à Marseille, n’est pas si variée que ça. Il n’est d’ailleurs pas anodin que celles de Marseille se déroulent au Cours Ju, ancien quartier populaire perdu et gentrifié qui a vu sa population changer au fil des années pour devenir un quartier d’étudiants et de bobo avec ses commerces et ses bars bio et équitable pour alterno et autres artistouilles. Si tous ces gens pouvaient rester dans leur quartier, ça serait déjà moins problématique et ça serait vraiment sympa pour tout le monde et vis-à-vis de la lutte en cours.

Occuper, bloquer, saboter… ; s’organiser contre ce monde de merde
Augmenter la conflictualité dans la rue et ailleurs, pour tenter d’arracher quelque chose à l’état, au capitalisme ou à toutes autres entités oppressives, est quasi-exclusivement la seule manière de faire qui a permis, dans l’Histoire, un recul des personnes détentrices de pouvoir sur les autres. Même si cela peut être un peu plus spontané que cela, je pense que cette conflictualité trouve sa puissance dans le fait de se rencontrer, de trouver du commun entre gens énervés et, quand c’est le cas, de s’organiser.

Contre la loi ; contre le travail !

CSH, un de l’assemblée “13 en lutte”

Documents joints

Documents joints

Notes

[1] Mouvement des Indignés

[2] Phrase prise dans le texte Il était une fois la cogestion, de Laura Blanchard et Emilie Sievert (Caen, juin 2015) et adressée à un autre collabo, Yannick Rousselet, responsable des campagnes nucléaires à Greenpeace France.

[3] D’ailleurs si cela pouvait s’arrêter à ça et que cela n’essayait pas de se prendre au sérieux et d’y donner une dimension politique, je crois que ça me plairait d’aller y prendre l’apéro.

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  1. adé
    23/04/2016 à 15:01 | #1

    Occuper, bloquer, saboter… ; s’organiser contre ce monde de merde
    Augmenter la conflictualité dans la rue et ailleurs, pour tenter d’arracher quelque chose à l’état, au capitalisme ou à toutes autres entités oppressives, est quasi-exclusivement la seule manière de faire qui a permis, dans l’Histoire, un recul des personnes détentrices de pouvoir sur les autres.

    C’est vrai que cela a marché à merveille, d’ailleurs il n’y a qu’à compter le nombre des milliardaires…
    Toutes ces considérations cachent mal un dépit certain, un mépris envers les “bobos”, les “artistouilles”, cette “classe moyenne” à laquelle appartienne pratiquement tous les “théoriciens”, et les prolos, les vrais, dans tout ça?
    ah! mais, quel étourneau! La question pour le Prolétariat est celle du communisme, bien sûr, aux orties le réformisme citoyenniste, non c’est le communisme ou rien, pour le moment attendre que l’heure sonne, plus ça va mal plus proche la résolution finale…
    Du programmatisme sans programme, des théoriciens sans influence, des ouvriers sans essence communiste, des théorisations sans fin.

  2. salle des machines
    24/04/2016 à 08:34 | #2

    A Marseille, la Nuit debout se heurte durement à la réalité des quartiers nord

    http://www.lemonde.fr/societe/article/2016/04/24/a-marseille-la-nuit-debout-se-heurte-a-la-realite-des-quartiers-nord_4907725_3224.html
    extrait

    « Les gens se foutent de la réforme du code du travail »

    Ce soir, la distance entre centre-ville et quartiers défavorisés de Marseille ne se mesure pas qu’en durée de trajet. « Où sont les habitants des Flamants ? Ceux des quartiers nord ? », prend à témoin Kader Atia, en pointant le public. « Il y a une telle relégation sociale dans nos cités que les gens se foutent de la réforme du code du travail, de la loi El-Khomri, poursuit cet ancien du centre social de la cité de la Castellane (15e), acteur reconnu de la lutte contre le mal-logement. Ils ont d’autres priorités. »

    Certains participants ont beau rappeler, au cours des débats, qu’à Marseille, « la précarité ne touche pas que les cités », Zoubida Meguenni voit une déchirure plus grande : « Quand on est dans la merde dans nos quartiers, personne ne vient, souligne la fondatrice de l’association Sheba, trente ans de combats pour les femmes issues de l’immigration. Alors aujourd’hui, face à cette bienveillance, il y a une haine, c’est sûr. »

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