L’amer Nouvel an des migrants sans emploi en Chine
A Lankao, dans la province du Henan, les fêtes traditionnelles ont été marquées par le retour précoce de ceux qui ne savent pas qui daignera les employer en période de ralentissement économique.
Zhang Yongqing a reçu ses fiches de paye, mais pas toujours ses salaires
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Après avoir été battu, escroqué, sous-payé et, désormais, licencié, Cheng Wenlong, 19 ans, est rentré chez lui, comme tant d’autres travailleurs migrants en Chine, pour de tristes fêtes de Nouvel an lunaire. “Qu’est-ce qu’il y a à célébrer ? Je n’ai rien pu rapporter à la maison”, dit le jeune homme, principal soutien de famille depuis la mort de son père dans un accident il y a huit ans.
Grièvement blessée dans l’accident, sa mère ne peut plus accomplir de tâches pénibles. Sa soeur de 15 ans travaille dans un magasin de bonbons. Les autres années, Cheng travaillait jusqu’à la dernière minute avant de rentrer pour le Nouvel an chinois. Cette année, il est revenu dans son village du Henan (centre), dans le comté de Lankao, trois mois avant les traditionnelles vacances en famille. Il a perdu son travail à 1.500 yuans mensuels (170 euros) dans un chantier naval de Taizhou (est), où les commandes étrangères se sont raréfiées avec la crise financière économique. Comme un peu partout en Chine, où de nombreuses usines ont fermé ces derniers mois. “Il n’y a tout simplement plus de travail là-bas”, explique-t-il.
Cheng avait 14 ans lorsqu’il a quitté l’école pour rejoindre les rangs des quelque 130 millions de travailleurs migrants officiellement répertoriés en Chine, armée de ruraux cherchant à s’employer dans les régions industrialisées. Il a fait tous les métiers, un peu partout, affrontant des difficultés largement partagées par ces travailleurs précaires, comme les mauvais traitements. Il se souvient avoir été frappé il y a quatre ans parce qu’il refusait de produire un millier de crayons pour un salaire de 10 yuans (1,34 euro). Frappé puis obligé de fabriquer les crayons sans être payé. “Parfois, je me dis que dieu n’est pas juste avec moi. Je suis harcelé et épuisé”, dit Cheng, en regardant fixement le sol, sous l’oeil attristé de sa famille, grand-mère, mère et tantes.
Bi Binbin, 19 ans, originaire du même village, n’a pas été licencié, mais a été poussé au départ de l’usine d’un fabricant informatique taiwanais, à Kunshan (est). “Il y avait beaucoup moins de commandes. Il n’y avait plus d’heures supplémentaires. La crise financière a laminé nos salaires” raconte-t-il en expliquant avoir vu ses revenus passer de 2.100 yuans à 700. “C’est comme ça qu’ils se débarrassent des gens. Ils ne supprimeraient pas des emplois. Mais ils n’offrent plus d’heures supplémentaires, les salaires chutent ridiculement bas et c’est vous qui partez”.
Selon des données officielles, quelque six millions de ces migrants sont retournés chez eux après avoir perdu leur emploi, alors que la croissance chinoise a chuté à +6,8% au dernier trimestre 2008, portant la progression du produit intérieur brut du pays à +9,0% sur toute l’année (+13% en 2007).
Dans le Henan, plus gros vivier de main d’oeuvre migrante du pays, 3,8 millions de personnes sont rentrées pour ces “vacances de printemps“, parfois dès le 26 décembre. Cheng n’envisage pas de repartir, peu optimiste quant à la possibilité de retrouver du travail ailleurs alors qu’un peu partout des usines ferment.
Mais Lankao est une région aride et pauvre dont environ le quart des 790.000 habitants ont migré l’an dernier. Et bon nombre retenteront leur chance ailleurs. Zhang Yongqing, 55 ans, sera de ceux-là, un mode de vie qu’il compte mener “jusqu’à au moins 60 ans” et qui lui a permis avec des emplois dans le bâtiment de se bâtir sa propre maison il y a trois ans. Mais Zhang doit encore faire des économies, pour sa retraite: “nous ne sommes pas des citadins et n’avons pas de couverture sociale”. Un fils oui, de 26 ans, “mais vraiment pas riche”. Le jeune homme et son épouse sont des migrants, tous deux dans l’est du pays, mais dans des villes différentes.
le 29/1/2009 à 11h13 par Fran Wang (AFP)
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