Les Etats de l’Union contre le Pentagone
C’est une affaire intéressante qui s’est ouverte avec une lettre envoyée le 7 août par deux gouverneurs, le républicain Jim Douglas, gouverneur du Vermont, et le démocrate Joe Manchin, gouverneur de la Virginie Occidentale, à Paul Stockon, un haut fonctionnaire du Pentagone. Plus encore, Douglas est le président de la National Governors Association, qui réunit les gouverneurs des Etats de l’Union, ce qui charge sa démarche conjointe d’un poids particulier. Par exemple, pour RAW Story, qui est un des sites (des médias) qui répercutent cette affaire, c’est ès qualité dans sa fonction de président de l’association que Douglas co-signe cette lettre, ce qui conduit le site à commencer son article, le 10 août 2009, d’une façon très significative (souligné par nous):[print_link]
«The National Governors Association sent a letter Friday to the U.S. Department of Defense condemning an effort to usurp domestic control of National Guard and federal forces deployed in the event of a natural disaster or terrorist attack….»
Il s’agit en effet d’une querelle entre les gouverneurs et le Pentagone, sur le fait fondamental du contrôle des forces de chaque Etat, que ce soit la Garde Nationale de l’Etat ou le personnel du Pentagone résidant dans cet Etat. On trouve les détails initiaux de cette affaire, notamment sur le site de The Hill, le 10 août 2009, sur celui de CQ Politics (Congressional Quaterly Politics) le même 10 août 2009 (dans ce dernier cas, la formulation est la même que celle de RAW Story: c’est toute l’association des gouverneurs qui parle par la co-signature de Douglas).
Les deux gouverneurs s’opposent à l’intention du Pentagone d’inclure sous son contrôle, dans sa propre chaîne de commandement, toutes les forces engagées dans une opération intérieure de lutte contre une action terroriste ou dans le cadre de désastres naturels. Cela inclut évidemment les Gardes Nationales des Etats et pose in fine, au-delà du seul aspect pratique et d’efficacité qui est mis en avant, un principe fondamental, et un conflit de compétence sur une matière essentielle entre une autorité fédérale et les autorités des Etats.
The Hill expose le problème de cette façon, en s’appuyant sur des citations de la lettre.
«Current law gives governors control over National Guard forces in their own states as well as any Guard units and Defense Department personnel imported from other states. The letter comes as the Pentagon proposes a legislative fix that would give the secretary of Defense the authority to assist in response to domestic disasters and, consequently, control over units stationed in an affected state.
»“We are concerned that the legislative proposal you discuss in your letter would invite confusion on critical command and control issues, complicate interagency planning, establish stove-piped response efforts, and interfere with governors’ constitutional responsibilities to ensure the safety and security of their citizens,” Douglas and Manchin wrote to Paul Stockton, assistant secretary of Defense for Homeland Defense and America’s Security Affairs.
»“One of the key lessons learned from the response to the terrorist attacks of Sept. 11, 2001, and to Hurricanes Katrina and Rita in 2005 was the need for clear chains of command to avoid duplication of effort and to ensure the most effective use of response resources,“ the governors wrote.
»Though the Pentagon has said the legislative fix would increase the number of Defense Department personnel available to respond to disasters, Douglas and Manchin expressed skepticism, arguing that current law already allows the Pentagon to order personnel to key areas inside the U.S.»
On comprend qu’on se trouve au cœur d’un sujet explosif, de la possibilité d’un affrontement entre une bureaucratie proliférante qui fait peser une main de fer sur le gouvernement fédéral et la politique des USA, et les Etats de l’autre côté, qui entendent protéger leurs droits fondamentaux. Le domaine de la sécurité nationale, et de la sécurité intérieure des Etats, constitue le sujet le plus sensible qu’on puisse trouver dans cette sorte d’affrontement. Normalement, tout devrait être fait pour qu’un affrontement ouvert soit évité, mais la question est évidemment posée de savoir si l’on se trouve dans des “conditions normales” aux USA aujourd’hui.
Les soupçons qui existent concernant les opérations anti-terroristes d’une part, avec leur lot d’incertitudes et la perception qu’elles servent souvent à permettre à certains pouvoirs fédéraux d’étendre leurs prérogatives; la sensibilité qui accompagne la prétention du Pentagone d’étendre son rôle dans le contrôle de la situation intérieure, aux USA même; l’urgence du besoin d’une meilleure capacité d’intervention dans le cas de catastrophes naturelles mise en évidence à l’occasion de l’ouragan Katrina en septembre 2005; la réputation amplement justifiée d’inefficacité abyssale du Pentagone pour contrôler et diriger des opérations demandant doigté, finesse et capacités rapides d’adaptation, – tout concourt à rendre délicate l’affaire ainsi ouverte, et possible son évolution vers une polémique majeure. En arrière-plan, c’est la question fondamentale aux USA de la structure politique qui est à nouveau abordée, avec la poussée de dévolution qu’on enregistre dans nombre d’Etat face à l’inefficacité et à l’“impérialisme” intérieur du pouvoir fédéral. La chose se manifeste déjà puissamment à l’occasion de la crise économique, et cette affaire en rajoute, sur un sujet de cette importance, dans un cadre de relations déjà très tendues. (L’on ne sera pas sans noter que l’Etat, le Vermont, que représente Douglas, lui-même président de l’association des gouverneurs, est certainement l’Etat le plus engagé dans cette logique de dévolution, avec une histoire dans ce sens puisqu’il fut le seul Etat parmi les Etats originels de l’Union à instituer brièvement une république libre avant d’accepter d’entrer dans l’Union.)
Mis en ligne le 11 août 2009 à 09H28
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