« Intermittents, vous n’avez rien compris »
Texte trouvé sur le site http://paris-luttes.info/
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« Intermittents, vous n’avez rien compris »
Publié le 4 juillet 2014 |
Un texte d’analyse et de critique du mouvement d’opposition à la réforme de l’assurance chômage, et sur la capacité des coordinations des intermittents et précaires à intégrer de nouvelles personnes dans un mouvement qui dure depuis de longues années
NOUS CRITIQUONS
comme nos prédécesseurs les lascars du LEP électronique en 1986 dans la lutte étudiante menée alors, nous disons :
TOUT CE QUI EST CRITIQUABLE DOIT ÊTRE CRITIQUÉ, NOUS CRITIQUONS
NOUS, intérims, précaires, chômeurs et chômeuses, seniors et laisséEs pour compte en tous genres, nous avons du mal à trouver notre place dans la lutte des CIP.
ET ÇA URGE
INTERMITTENTS VOUS N’AVEZ RIEN COMPRIS
Nous sommes le bas de l’échelle, les employés et travailleuses corvéables, les inactives et les chômeurs inutiles, sans accès à rien.
Isolés, esseulées, dans l’urgence permanente, dans le stress constant de tout, sur tout, nous n’avons pas la possibilité de nous mettre en grève, nous n’avons pas la possibilité de faire blocage.
Nous sommes tenus par une multitude de pressions : les crédits, le loyer, la charge de nos proches, l’impossibilité de lutter vient de l’impossibilité de se faire entendre, l’impossibilité de faire grève, le chantage à l’emploi, et la paralysie de l’angoisse de chaque lendemain, c’est ÇA la précarité. C’est ÇA que l’agrément renforce encore pour nous autres, juste après le passage en force de l’ANI.
NOUS SOMMES EN COLÈRE
NOUS VOULONS VIVRE, PAS EXISTER.
Rejoindre un mouvement qui existe depuis des années, tenu par des personnes qui se connaissent, travaillent ensemble et ont une certaine culture n’est pas facile. C’est un effort énorme.
Nous voyons des intermittents qui se connaissent entre eux, et qui ont l’habitude de prendre la parole en public, ont de l’aisance avec ça. Élargir le mouvement est la seule façon d’intégrer les plus faibles, mais élargir le mouvement ne se fera pas magiquement.
ÇA RESTERA LA DÉFENSE DE L’INTERMITTENCE SANS NOUS, OU ÇA SERA LA DÉFENSE DE TOUS AVEC NOUS !
Nous ne nous retrouvons pas dans ce mouvement parce qu’il ne s’adresse pas à nous pour le moment.
Nous ne voulons pas défendre une culture à laquelle nous n’avons pas accès.
Nous refusons le travail dans les conditions actuelles. Dans une société capitaliste, notre travail n’est pas “un beau métier”, nous ne l’avons que rarement choisi, nous n’avons pas d’amour pour lui, nous voulons qu’une vie pleine et entière en dehors du travail soit possible et c’est pour cela que nous luttons !
Rejoindre une lutte et y rester, participer à une action, prendre la parole en AG, ce ne sont pas des compétences innées.
Notre motivation à venir, à participer, à nous exprimer s’évanouit à chaque fois que l’on entend :
– “Les intermittents se battent pour tous”
-“Ce que nous voulons, nous le voulons pour tous”
– “Notre métier d’artiste” – “Tout le monde sait comment fonctionne une scène”
est ce NOUS dont on voudrait bien peut-être faire partie ? Y’a-t-il un parcours d’intégration particulier, quelque chose à faire pour que cette lutte soit commune ? Pour ne pas être un morceau fièrement gagné par une “commission élargissement” ? Pour gagner le droit de participer à la “commission actions” sans avoir été préalablement “coopté” par les bureaucrates de la militance, qui appellent de leurs grands vœux la convergence des luttes mais considèrent avec suspicion le simple chômedu coupable de ne pas appartenir à leurs réseaux ?
Ces phrases lâchées anodinement sur les forums, dans les AG nous excluent et nous voulons récupérer et porter nous-mêmes notre parole.
Faut-il préciser ce que signifie être seul dans un mouvement ? C’est prendre le métro seul, poireauter seul, se sentir con, ne connaître personne, ne pas oser parler, ne pas comprendre comment cela fonctionne, n’avoir rien d’autre à présenter que soi même.
C’est se faire regarder de travers parce qu’on est pas identifié encore dans la lutte.
Notre participation déjà fragile du fait de ces difficultés se retrouve vite balayée par quelques phrases et attitudes excluantes.
Ces difficultés s’ajoutent aux oppressions déjà en jeu dans les différentes luttes : racisme, sexisme, mépris de classe.
Nous ne voulons pas être des outils pour sauver l’intermittence, nous voulons la fin d’une société de classes, la fin du travail que nous subissons, la fin de la misère à laquelle on nous condamne.
ON EST PAS PLUS BÊTES QUE VOUS, ON IRA PAS À L’USINE
Si vous voulez lutter, avec nous, contre la ségrégation sociale, contre la misère, la vôtre et la nôtre, alors
FRÈRES, SŒURS, AVEC NOUS !
Tous et toutes les précaires, nous voulons lutter ensemble concernés ou non par les machines administratives que sont les POLE EMPLOI et les CAF et les CCAS et les BOITES D’INTERIM
En fait nous ne voulons pas que vous “nous intégriez”
NOUS SOMMES DÉJÀ LÀ
Infos, tracts, rdv sur la lutte à Avignon sur le blog : http://lesecoutilles.wordpress.com
Il s’agit pas de défendre la culture, sauf à être d’accord avec Valls et la presse qui choisissent de taire que c’est un mouvement contre une convention d’assurance chômage
http://www.cip-idf.org/article.php3?id_article=7182
Il est dans la logique du pouvoir d’assigner chacun à ce qui lui est attribué comme place. Cette logique détermine ainsi un certain partage du sensible, c’est-à-dire une répartition de ce qui revient à chacun en fonction de sa place. Le partage du sensible, c’est donc tout d’abord un repérage des identités (lesquelles passent avant tout par les catégories socio-professionnelles, telles que « intermittents » ou même « artistes »), une distribution des visibilités et des modes de parole en fonction des lieux dans lesquels tel ou tel comportement, telle ou telle prise de parole est autorisée (théâtre, café, lieu de débat, etc.).
La politique commence lorsque le partage du sensible est mis en question, c’est-à-dire lorsqu’il devient comme tel à la fois le terrain et l’enjeu de la lutte. Autrement dit, une lutte devient politique lorsque des individus et des groupes ne revendiquent plus leur place et leur identité. Lorsqu’ils assument de devenir indiscernables, et par là même, tendanciellement ingérables, là où le pouvoir se caractérise toujours plus par un souci de gestion, de faire de toute activité, invention ou forme de vie un objet de gestion.
Dans la lutte des intermittents, quelques personnes ont commencé à dire : “il ne s’agit pas des intermittents comme profession, il ne s’agit pas des privilèges dus à l’artiste, qui n’est pas le seul à avoir besoin de temps pour penser et inventer ; il s’agit de ce qu’il y a de commun au-delà des métiers et des places ; il s’agit de la situation commune qui nous est faite, et qui détermine l’existence d’une communauté de fait”. Alors, nous sommes dans un régime de parole et d’action qui tend à brouiller les principaux éléments de gestion du pouvoir, c’est-à-dire qu’un régime d’énonciation politique est apparu.