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« Bordel in progress » – Work in regress

« Bordel in progress »

   Work in regress

Il ne s’agit pas par ces quelques pages de « clore le débat ». Reconnaissons une seule qualité au texte de FD, celle d’avoir déclenché une polémique à bien des égards productive. 

        Toutes les assertions de FD sur la vaccination et le « biopouvoir sécuritaire » à partir de la science et de la médecine dites « critiques » ont déjà été largement démontées sur dndf par le texte signé Roputi, par les nombreuses interventions de Pepe, ainsi que par le « dossier » des camarades de Sualisega.

        L’objet de ce qui suit n’est pas de considérer le texte Bordel in Progress comme plus ou moins scandaleux, de décortiquer ou de démolir son propos et ses références, mais de s’attacher à montrer que pour les raisons exposées dans les interventions citées au-dessus il ne remplit pas ses propres objectifs « avoués » au profit de son objectif réel : l’évangélisation anti-vaccinale du « milieu de la communisation ».

            L’affirmation liminaire du texte de FD, censée fondée  sa problématique, est pour le moins surprenante : « En effet, au bordel inhérent à la communisation s’est ajouté depuis mars 2020 le bordel inhérent à la conjoncture pandémique » (p.1 – les indications de page ne sont qu’indicatives et peuvent varier selon les types d’impression). Laissons pour l’instant la caractérisation de la période comme « conjoncture pandémique », ce qui choque ici c’est l’utilisation du passé composé comme si nous vivions présentement le « bordel de la communisation ». De même, p.3 : « C’est toute la question du très spécial moment actuel, où le bordel inhérent à la communisation se complique du bordel inhérent à la conjoncture ». Nous avons du mal, malheureusement, à apercevoir actuellement le « bordel inhérent à la communisation ». Si l’on veut de façon moins « populaire » entendre par « bordel » son synonyme ordinaire de désordre, une conjoncture ou une unité de rupture n’est pas n’importe quel désordre ou même « bordel ». Il s’agit du bouleversement de la hiérarchie déterminative des instances (syntagme moins fun il est vrai que le « bordel »).

Si ce texte est souvent rebutant c’est de vite voir que son but est de nous embarquer dans son objectif antivax, au moyen de tout un enrobage et de contorsions adaptés à ce qui est appelé « milieu de la communisation » qu’il s’agirait d’ « évangéliser ». Là où on pensait lire un texte sur ce que le covid a mis au jour concernant la lutte de classes, l’exploitation, et ainsi la manière dont, durant cette phase de pandémie, la gestion sanitaire a été le contenu des luttes dénonçant l’exploitation et le mode de vie qui va avec, on est englué dans des polémiques sur la vaccination et l’origine du virus. Pour le dire simplement, la gestion pandémique nous a tous et toutes bien fait sentir qu’à un moment donné on était vraiment comme des poulets dans une usine d’élevage de poulets. Et qu’il fallait à la fois sauver l’usine dans sa réalité mais aussi dans son principe, sa légitimité, pas trop perdre d’argent donc aussi pas trop perdre de poulets, et même, parce que c’est au coeur de la dynamique de toute action dans le cadre du mode de production capitaliste, faire du fric avec la gestion de cette épidémie. Bien sûr, ce mode de production n’est pas un élevage de poulets et les prolétaires femmes et hommes ne sont pas des poulets et donc cette gestion sanitaire a été dénoncée aussi pour ce qu’elle faisait apparaître et qui avait déjà cours avant du côté de la contrainte au travail et aux diverses activités nécessaires à la reproduction en chair et en os de chacun et de chacune. Cette question du corps, dans l’épidémie, a été éclairée d’une lumière particulière quand tout devenait soumis à autorisation, interdiction, obligation…

Quoi qu’il dise, c’est toujours là que le texte en revient, il n’analyse le « biopouvoir » (terme sur lequel nous reviendrons) dans la « gestion pandémique » que par la question vaccinale ce qui est non seulement trop restrictif mais aussi une vraie diabolisation de la vaccination, qui a semblé a beaucoup d’entre nous quand même une protection à court terme, au moins parce que ça voulait dire tout simplement l’allègement des restrictions et la possibilité, même illusoire, de se sentir moins soumis vis-à-vis de cette contamination et des confinements (et oui nous sommes des opportunistes). Cette focalisation sur la vaccination (et pas simplement sur la gestion vaccinale comme FD le dit dans une de ses réponses) affaiblit sa critique globale des politiques sanitaires qui sont bien sûr une gestion de la population, prise dans les contradictions et nécessités du moment, et qui se traduisent par des choix particuliers opérés dans et par ces politiques. En réduisant la critique de la « gestion pandémique » à celle de la vaccination le texte rate ce qu’il prétend faire et s’enferme dans un débat « scientifique » qui ne peut être en lui-même un débat de théorie politique. Dans notre compréhension et notre critique de la « gestion pandémique », on se fout de savoir si le covid s’est échappé d’un labo ou d’un marché d’animaux (même si cela n’est pas sans intérêt). Pourquoi « s’interroger sur la rationalité du traitement politico–sanitaire de la Covid » (FD, p.4) si l’on sait par ailleurs qu’elle est « rationnelle » pour le mode de production capitaliste, sauf si on veut entendre que dans ce même cadre une autre politique serait, elle, vraiment rationnelle. FD s’enferme par un discours douteux dans des alternatives douteuses.

La fin du texte ouvre quelques perspectives sur la crise actuelle, la question de la restructuration, l’inflation et le recentrage sur le capital productif vis-à-vis du capital fictif. Mais à ce moment le « biopouvoir », les vaccins et le mode de « gestion de la pandémie » disparaissent. De façon évidente le texte n’arrive pas à tenir les deux bouts de ce qui est pourtant annoncé comme son enjeu. Cette impasse est liée à la façon de s’attaquer à ce « biopouvoir », c’est-à-dire d’en rester à une attaque elle-même « scientifique » ou « sanitaire » et non de classe.

            En effet quand FD pose la question :

 « …comment cette pandémie très spéciale qui a mis au ralenti l’économie globale s’articule à sa crise en cours » (p.1), immédiatement, il poursuit : « Dans une telle problématique, on peut et doit (nous soulignons) utiliser le travail des biologistes et médecins critiques de la politique sanitaire anti-covid sans se limiter comme eux, à la démonstration de son irrationalité scientifique – càd développer une critique révolutionnaire du capitalisme en sa conjoncture pandémique. ». C’est malheureusement ce qui ne sera pas fait et qui ne pouvait l’être de par la « dénonciation » (justifiée ou non, ce n’est pas ici la question) de la « science mainstream ». Quoi que dise FD, et même si (p.2) il nous avertit que « cette analyse de la crise n’a rien à dénoncer », à partir du moment où il nous enjoint de nous référer aux « scientifiques critiques » il saborde les questions qu’il pose et sa propre problématique dans une dénonciation omniprésente d’une « politique sanitaire mensongère et dangereuse ». Toute l’habileté théorique de FD consiste à dire qu’on nous ment, qu’on nous cache la vérité (jusqu’à avoir peut-être brûlé les protocoles expérimentaux de Wuhan – pourquoi pas ?) mais qu’il n’est pas « complotiste » parce que c’est normal qu’on nous mente dans le cadre du nouveau « pouvoir biopolitique ultra-sécuritaire » du mode de production capitaliste.

            Après cette injonction (qui heureusement n’est pas une injection) de la p.1 à « utiliser le travail des biologistes et médecins critiques », et après avoir rendu hommage au « travail scientifique critique » de sa compagne, FD écrit p.4 : « Ainsi la critique de la biopolitique du capital ici développée n’est pas fondée sur la critique scientifique spécialisée de la stratégie vaccinale anti-covid (nous soulignons) ». Il faudrait savoir, on a du mal à suivre, et à la lecture du texte on ne peut que considérer cette « profession de foi » comme une « profession de foi ». Une sorte de précaution face aux critiques anticipées.

            De même, quand FD annonce : « …penser le développement conjoint de la crise économique et de la crise sanitaire dans la conjoncture pandémique », la notion de « conjoncture pandémique » n’est pas fondée ou de façon performative avec la venue du « biopouvoir » aux commandes (voir plus loin). Est-ce qu’actuellement toutes les contradictions se focalisent sur la question sanitaire ou « pandémique » comme nous pouvions écrire qu’en Iran en 2009 la conjoncture était politique ou comme dans « Une séquence particulière » nous pouvions décrire une conjoncture interclassiste et étatique ? Malgré les apparences d’un « Conseil de crise ou même de guerre sanitaire », il est loin d’être évident que « l’instance politico sanitaire a été mise par l’instance économique au poste de commandement » (p.2). Il s’agissait toujours de faire tourner la machine en minimisant les dégâts et encore pas pour tout le monde. Pour penser ce qu’il s’agirait de penser, il aurait fallu caractériser spécifiquement la crise actuelle et la nature des luttes de classes qui s’y déroulent et la constituent.

            De même FD propose : « Il faut donc en retravaillant le concept de Foucault, critiquer de plus la biopolitique du capital, càd sa politique de la population et du travail, comme “facteur de production” vivant, et se demander si s’est produit dans le cycle de la globalisation qui s’achève, un changement de régime biopolitique. » (p.2)

            Il ne s’agit pas de « retravailler le concept de Foucault » mais de le critiquer et de l’abandonner. On peut reprendre des éléments, des analyses particulières dans ce que ce concept est censé présenter, mais pas le concept lui-même. Reprendre le concept c’est avaliser la « microphysique du pouvoir » que développe Foucault en définissant un pouvoir sans possesseur, sans « supérieurs » et « inférieurs », à la limite sans activité répressive, le pouvoir serait efficace d’une façon quasi autonome par sa simple capacité de classer, analyser, individualiser. En outre, dans un processus tautologique, l’idéologie et les discours deviennent leur propre raison d’être en ce qu’ils assurent le fondement de la société qui les fonde. On peut ranger également sous cette critique la théorie des « champs » et celle de l’ « habitus » chez Bourdieu, qui ont explicitement pour fonction de supprimer la « détermination en dernière instance ». L’un et l’autre ne cachent pas que Marx est leur cible. Tout irait si bien dans la « microphysique du pouvoir » et sa « biopolitique » que : « Un tel pouvoir a à qualifier, à mesurer, à apprécier, à hiérarchiser, plutôt qu’à se manifester dans son éclat meurtrier, il n’a pas à tracer la ligne qui sépare, des sujets obéissants les ennemis du souverain [nous soulignons] ; il opère des distributions autour de la norme. » (La Volonté de savoir, éd. Gallimard, 1976, pp. 189-190).

            Pour nous, restons-en à la « politique de la population et du travail, comme “facteur de production” vivant », politique qui varie selon les périodes et les restructurations du mode de production mais qui, comme loi de population, se conjugue toujours dans la relation entre surtravail et travail nécessaire sans avoir besoin de s’appeler « biopolitique ». Oui, avec la restructuration des années 1970-1980, dans les politiques sanitaires des Etats centraux du capitalisme, il y a eu un changement lié à la disparition de l’identité ouvrière, c’est-à-dire de tous ses organes et surtout de sa reconnaissance et confirmation dans la reproduction du capital. La déconnexion entre reproduction de la force de travail et valorisation du capital dont parle FD, l’achat global de cette force de travail et sa mise en concurrence au niveau mondial ont fait de son entretien immédiat dans chaque aire nationale une contrainte moins contraignante en même temps qu’il s’agissait d’« alléger » certains budgets quand le financement des déficits passait par les marchés financiers.

La dite « biopolitique sécuritaire » n’est pas plus « nocive à la santé des populations humaines » (p.5) ni « sécuritaire » que les précédentes (les tuberculeux du XXème siècle en savent quelque chose, sans remonter aux lépreux d’avant la funeste « médicalisation de la maladie » – p.11), elle suit comme ses devancières un équilibre comptable, dont les paramètres qualitatifs changent, entre coût et bénéfices dans la gestion et reproduction de la force de travail. Il est vrai, comme on dit, qu’ « ils nous préfèrent en bonne santé que malades », mais ce n’est là qu’une détermination secondaire car le prix d’une maladie pour la société ça se détermine. Ce qu’ « ils » préfèrent c’est qu’on soit productif, au risque de la santé (les accidents du travail n’ont jamais suscité une grande émotion). L’arbitrage principal est entre être productif et la perte que représente la maladie, un arbitrage entre profits et risques, tout dépend des besoins qu’ « ils » ont de nous selon le marché du travail et, à l’intérieur de celui-ci, notre état ou notre âge, ainsi que du prix de cette « santé » par rapport à ce que son sacrifice peut rapporter ou économiser par ailleurs. Et tout cela se chiffre, parfois, il est vrai, jusqu’à l’absurde. Que « les communistes » comme les appelle FD « ne mettent pas en cause la santé administrée par le capital » n’est qu’une assertion pour faire passer ce qui, selon FD, serait la vraie remise en cause : « scientifique » et « rationnelle ». Mais les luttes de classes se foutent de la science et de la rationalité dites « critiques » surtout quand, comme alternatives dans la même société, elles avouent que leur discours n’est que l’envers de ce qu’elles « critiquent ».

« Enfin dès le premier confinement, en mars-avril 2020, les gens ayant développé les symptômes de la Covid ont partout été confrontés à un défaut structurel de soins, les autorités sanitaires ayant partout décrété qu’il n’y a point de salut hors des confinements et des vaccins … ». Si une telle chose a été décrétée ce n’est pas, comme l’écrit à la suite FD, pour occulter les « résultats de l’IHU de Marseille » (en décembre 2020, la figurine du professeur Raoult a été le plus grand succès de la foire aux santons de Marseille) mais parce que le système hospitalier usé et rétréci jusqu’à la corde risquait l’embolie. Où auraient pu être « soignés au plus vite les  seuls individus  ayant développé les symptômes de la maladie » (p.12) ? Quels que soient les rapports ayant pu être produits dix ans avant sur l’éventuelle inéluctabilité d’une pandémie, tous les Etats ont navigué à vue, selon leurs normes sanitaires, comptables et idéologiques (Trump et Bolsonaro ont fait les machos, Macron le chef de guerre, Merkel la mère protectrice…) dans une situation inédite. Ils ont navigué à vue mais l’expérience acquise dans « l’élevage des poulets » ne sera pas perdue : « Après un vaste chantier mené par l’ancien premier ministre Jean Castex lors de la pandémie de Covid-19, en 2019, pour raccorder tous ces plans (risques sanitaires, nucléaires, terroristes, etc. nda), le SGDSN (Secrétariat général de la défense et de la sécurité nationale) a accouché d’une “stratégie nationale de résilience”, en avril 2022. » (Le Monde, L’armée française veut muscler les capacités de résilience de la société, 15 février 2023).

Les notions de « biopouvoir » ou « biopolitique » « sécuritaire » ou même parfois « ultra-sécuritaire » qui seraient le nouveau paradigme ne sont jamais définies si ce n’est par l’obligation vaccinale. Mais quiconque a été lui-même ou ses enfants à l’école primaire a du produire un carnet de vaccination pour y être admis (le centre de vaccination municipal de Marseille dans les années 50 c’était pas de la rigolade : appel par haut-parleur puis immobilisation avec clé au bras avant de vous planter l’aiguille) ; quiconque (parmi les 1 de la sécu) a fait plus ou moins son service militaire sait que dès le premier jour des « classes » il y avait les vaccinations obligatoires, ce qui en gros revenait à une obligation vaccinale pour la moitié de la population. En outre, contrairement à ce qui est affirmé p.14, le moins que l’on puisse dire est que l’hygiénisme n’appartient pas à « un nouveau régime biopolitique », ni même l’attention portée par la classe dominante à la santé de la classe ouvrière et à son contrôle (voir dans Le Capital, les rapports du Dr Devilliers à l’Académie de médecine).

FD a beau espérer l’apparition de contestataires de la « biopolitique du capital » et regretter leur retard à l’allumage, ceux-ci ne se sont pas manifestés et ne se manifesteront jamais dans les termes qu’il attend.

            « En France  et dans plusieurs autres pays développés (Italie, Israël, Canada, au moins), des mouvements de résistance à la politique sanitaire vaccinale se sont développés, qui n’ont par eux-mêmes aucune dynamique révolutionnaire mais posent clairement l’enjeu immédiat : dans l’obligation vaccinale de droit ou de fait, ce ne sont pas seulement nos libertés formelles de “citoyens” mais, en tant que les vaccins ne sont ni  efficaces ni sans danger, nos vies qui sont menacées. » (p.4)

            Nous pourrions pendant des dizaines de pages énumérer les réactions et les luttes contre la montée mondiale de la pauvreté principalement dans l’immense secteur informel qui emploie plus de la moitié de la population active mondiale, avec les femmes, les enfants, les populations racisées comme premières victimes soumises à toutes les mesures de confinement, à tous les bouclages, à toutes les restrictions, à toutes les pénuries et à tous les contrôles. Sans oublier, là où ils existaient, la rupture des « compromis sociaux ». Dans de nombreux pays, pour les patrons, la pandémie est « une fenêtre sur l’avenir » pour la gestion de la force de travail et la modulation du salaire.

 Le coronavirus n’a pas provoqué la crise économique, n’a pas créé les contradictions du mode de production capitaliste, l’exploitation, la misère et la lutte des classes, il a catalysé une somme d’éléments disparates. Il est vrai que le catalyseur n’est jamais neutre ou innocent. C’est dans l’expérience d’un contrôle social global dans la quasi-totalité des Etats, non pas nouveau mais devenu évident, avéré, déclaré, que tout ce qui était « allant de soi », plus ou moins conflictuellement accepté, routinier, quotidien, est devenu promulgué, imposé si nécessaire par la force, et cela au niveau de toutes les instances de la reproduction sociale dont la continuité et l’unité étaient devenues patentes au niveau le plus intime, personnel pour chacun et chacune, de son intégrité physique individuelle en relation avec ses semblables dans la même situation de contrainte et d’évidence de l’exploitation et de la domination. Le catalyseur a fait que tout ce qui relevait d’une crise économique a investi les dimensions les plus personnelles et intimes de ceux et celles qui étaient l’objet de toutes les contraintes et contrôles. Il est vrai, comme pourrait l’écrire FD, que quand ce type de conflits, ces luttes surviennent, auxquelles nous ne sommes pas habitués, au lieu de les prendre pour ce qu’elles sont et disent, nous préférons souvent croire qu’il y a une « raison plus profonde » et ramener tout cela dans nos schémas convenus, comme si la forme que donne le catalyseur n’était pas celle de son contenu et par là l’existence même de ce contenu. Mais, ce prolétariat urbain appauvri, à Naples ou à Lagos, n’attaque pas la « dictature sanitaire » ni le « biopouvoir sécuritaire » mais les conditions imposées dans lesquelles il doit vivre l’urgence sans moyens pour faire face aux mesures gouvernementales en se foutant du professeur Raoult, de la « rationalité », de « l’efficacité » et des « dangers » des vaccins. Ce n’est pas la notion de « dictature sanitaire » au sens de FD, du « biopouvoir sécuritaire », du « vaccinalisme »  qui « exprime le vécu d’une masse de gens » (p.6) mais le simple fait de ne plus pouvoir vivre ou survivre comme avant et d’être traité comme une plèbe ignorante par « ceux qui savent » si on ne se précipite pas sur les vaccins administrés par un pouvoir qui simultanément contraint à la misère sociale et économique.

Si nous voulons articuler la « crise pandémique » et la crise dite « économique », il ne faut pas se leurrer. Si la crise Covid-19 n’a pas simplement accéléré les évolutions en cours, accentué les distinctions sociales existantes, mis à jour de « profonds problèmes structurels », c’est qu’elle les a redéfinis dans ses termes propres dans la mesure où elle a redéfini et mis à jour, en termes de classes, dans le travail : la santé, l’intime, l’individualité, le sujet, en un mot, la vie quotidienne. Dire que les « camarades non critiques du discours du biopouvoir n’ont rien à dire contre la politique sanitaire mise en œuvre dans tous les Etats, sauf que les vaccins ont tardé à venir. » (p.6) est faux. Seulement ces « camarades » supposés « non critiques » ne se sont pas comme les « camarades critiques » fixés sur la question des vaccins « arrivant ou pas à l’heure », imposés ou non et ils ne défendent pas « l’appareil sanitaire comme oeuvrant au bien public » (p.11).

            Selon FD, ces mêmes « camarades non-critiques » occultent « le problème politique de la nécessité historique de la vaccination pour la classe capitaliste, càd le problème de la fragilité biologique du travail vivant. (…) Et pour la classe capitaliste, la fragilité biologique du travail est devenue intolérable depuis que le vivant est devenu génétiquement manipulable, il y a maintenant une quarantaine d’années. » (p.8). Donc, face à une fragilité qui lui est « intolérable », la classe capitaliste nous vaccine avec des vaccins « inefficaces » et « dangereux ». Comprenne qui pourra. Il est vrai, selon FD, que la « biopolitique ultra-sécuritaire », à la faveur d’un « certain dysfonctionnement entre les instances » (p.13), a pu « certes pas » (mais presque) devenir « indépendante du pouvoir politique » (p.13) mais a été mise aux commandes par l’instance économique (en cela semble-t-il un peu suicidaire). Il en résulterait, comme l’écrit plus loin FD, que « le capital peut en venir à menacer par sa propre prévention sécuritaire des maladies infectieuses, l’entretien et la reproduction de la force de travail. » (p.14). CQFD.

            Si une telle aberration est possible, selon FD, ce n’est pas le fait du « Big pharma » mais de quelque chose de plus « théorique » mais qui lui ressemble comme une sœur : la « Big science ». FD écrit : « Synthétiquement, il y a eu, dans le cycle historique du capital qui maintenant s’achève, globalisation conjointe de la Santé publique, de la recherche en biologie, et de l’industrie de la santé. Il ne s’agit donc pas de dénoncer la rapacité de “Big Pharma” comme le font les démocrates radicaux. ». FD poursuit : « ce n’est pas seulement une fraction (…) de la classe capitaliste qui s’est engagée dans la mise en œuvre d’une biopolitique sécuritaire vaccinale ; c’est toute la classe … » (p.11). Mais p.12, c’est la « Big science » qui a pris la place de « Big Pharma » dont les caractéristiques ne différent guère, la première étant « de plus en plus financée et dominée par le capital privé… ». Domination du capital privé qui en outre serait un des facteurs explicatifs de l’autonomisation de la « Big science », autonomisation qui fait que, paradoxalement à l’intérêt général « habituel » du capital, maintenant, vue son autonomisation « Big science » pourrait chercher à systématiquement nous tuer dans le plus mauvais des mondes impossibles (même pour le capital).

Admettons que la pandémie n’a fait « beaucoup trop de mort que parce qu’on a  interdit aux malades de consulter les médecins libéraux ou les services d’urgence des hôpitaux, sauf à la dernière extrémité. » (p.7). Le capital voudrait-il notre mort ? Il est vrai que pour FD il est foncièrement intéressé à notre travail vivant producteur de plus-value, mais il peut arriver qu’il se contredise lui-même et presque sans le faire exprès, du fait de son biopouvoir « relativement autonome », il peut paradoxalement mais de façon « communistement soutenable » (p.14) nous supprimer « tendanciellement ». Ce n’est pas sérieux.

Dans la problématique foucaldienne du « faire vivre et laisser mourir » telle qu’exposée par FD, actuellement prédominerait le « laisser mourir » et FD précise le sens du « laisser mourir » : « vaccine-toi ou crève, car tu n’auras rien d’autre… ». Mais à suivre FD « se vacciner » ou « crever » c’est à peu de choses près équivalent. Si les vaccins sont absolument inefficaces et ne sont qu’une façon de « laisser mourir », c’est dépenser beaucoup d’argent (comme  le souligne par ailleurs FD) pour « laisser mourir ». Ce n’est pas sérieux.

Nous avons peut-être une « explication » à la p.13 de ces vaccins inefficaces, dangereux et couteux mais  « biopolitiquement nécessaires », quand FD écrit qu’avec la « redéfinition biopolitique du travail vivant comme travail biologiquement fragile à “sécuriser”, c’est une évolution nécessaire du système, quand il acquiert les moyens de reconstruire le vivant à même sa structure intime … ». Résumons : des vaccins inefficaces et même dangereux, mais qui peuvent cependant « sécuriser » (on ne saura jamais ce que ce terme signifie), le « travail biologiquement fragile » car le « système » peut « reconstruire le vivant à même sa structure intime ». Disons la chose clairement : le « système voudrait s’introduire dans notre ADN et faire de nous des cyborgs », mais le seul ADN que nous connaissons ce sont les rapports sociaux existants et les appareils idéologiques par lesquels nous sommes déjà des cyborgs sociaux et c’est cette critique-là qui nous importe.

En guise de conclusion : sur les sources et références de FD

            Il est convenu avec raison, il suffit de le constater, qu’il y a une relation étroite et récurrente entre les discours « complotistes », « antivax », etc. et l’extrême-droite, l’antisémitisme et la « faschosphère ». Mais pourquoi ? Cela semble aller de soi, mais si on y réfléchit, le lien n’est jamais pensé.

            Nous pourrions invoquer la volonté stratégique de déstabilisation des Etats existants en vue d’un putsch, mais cela, malgré le Capitole de Trump et le Plano Alto de Bolsonaro, semble un peu irréaliste. On pourrait invoquer dans une perspective libertarienne la lutte contre toute incursion de l’Etat et l’apothéose de l’individu absolu. Mais alors cela n’a aucun rapport, bien au contraire, avec le fascisme.

            Pourquoi ce type de discours est, comme nous le constatons, profondément lié à l’extrême droite. Il est vrai que l’on retrouve aussi du « Big Pharma » à gauche et qu’à une époque la gauche et l’extrême gauche ont aussi vu partout la main du « Comité des Forges » ou des « Deux-cent familles ». Mais pourquoi, maintenant cette évidence bien réelle entre ces discours et l’extrême-droite ?

            Avançons une hypothèse. L’extrême-droite ne considère pas les Etats existants comme de « vrais Etats », expression d’une vraie et authentique communauté nationale en ce qu’ils sont soumis et se plient à toutes sortes de pressions souterraines et de lobby occultes dont les Juifs seraient le paradigme historique. Dénoncer et combattre ces « pressions », ces « lobbys », ces « complots », c’est militer pour l’instauration d’un « vrai Etat », expression d’une communauté nationale authentique et unifiée, c’est-à-dire non-manipulée par des intérêts particuliers inavouables, dont le Big Pharma et son « vaccinalisme ». Etat qui serait par là-même identique à la liberté et à l’expression personnelle de chacun de ses membres (individus) pourvu qu’il soit personnellement conforme à l’authenticité de cet Etat-communauté. L’Etat serait alors l’expression idéale, spontanée et naturelle de chaque individu, à la condition de la communauté une du peuple identique à l’Etat : le rêve libertarien dans l’Etat-communauté fasciste.

Théorie Communiste

  1. Ĉesu Sonĝi
    20/02/2023 à 11:51 | #1

    Au-delà de la critique de FD que je partage complètement, et qui me semble clore le débat aussi vite qu’il a été ouvert, le dernier paragraphe donne à voir une compréhension de l’extrême-droite contemporaine qui mériterait sans doute discussions et développements.

  2. R.S
    20/02/2023 à 19:55 | #2

    C’est exact, l’hypothèse relative à l’extrême droite contemporaine dans le dernier paragraphe du texte doit être discutée et développée. Déjà, à mon avis, il faut ajouter que telle que cette hypothèse est exposée dans ce paragraphe, elle demeure purement un décorticage idéologique d’une idéologie. Ce décorticage n’est pas inscrit dans ce que cette idéologie peut signifier actuellement dans la crise et les « perspectives de restructuration », c’est-à-dire dans ce par quoi cette idéologie elle-même existe. Ce n’est pas le pur délire de quelques « faschos » (Trump, Bolsonaro, Erdogan, etc. –laissons Poutine qui a d’autres problèmes – ne sont pas que de vulgaires influenceurs sur Twitter). Il faudrait comprendre ce que, plus prosaïquement, le discours d’extrême droite actuel (dans ses termes) produit comme discours accompagnant une « renationalisation » des Etats. C’est-à-dire une réponse, pour le mode de production et ses classes dirigeantes, aux crises actuelles. Mais pas que pour les classes dirigeantes, cette idéologie peut renvoyer aux individus de toutes les classes (là-dessus il n’y a pas de vaccin) une image vraisemblable et une explication crédible de ce qu’ils sont et de ce qu’ils vivent.
    Je me permets à ce propos (bien qu’il ne soit jamais élégant de se citer soi-même) d’ajouter quelques extraits de mon texte de mars dernier « Ukraine 2022 » qui peuvent étayer les raisons de l’impact de ce discours de l’extrême droite dont le fond peut être repris par n’importe quelle tendance politique plus ou moins officielle.

    Ukraine 2022
    « Actuellement, depuis la crise de 2008, celle du mode de production tel que restructuré dans les années 1970-1980, la contradiction à résoudre mondialement est celle de la déconnexion entre la valorisation du capital et la reproduction de la force de travail qui était le principe même de la mondialisation de l’accumulation. Il s’agit de réarticuler mondialement l’accumulation du capital et la reproduction de la force de travail globale. »

    « En séparant la valorisation et la circulation du capital de la reproduction de la force de travail, la mondialisation a brisé les aires de reproduction cohérente dans des délimitations nationales et régionales. Cette rupture a créé un désordre mondial qu’il a fallu réguler en continu par la violence qui assimilait les opérations militaires à des opérations de police. »

    « Toute la géographie de la reproduction mondiale du capital et son zonage en abyme se délite. Ce qui faisait système ne le fait plus : austérité, baisse du salaire au-dessous de la valeur de la force de travail n’alimentent plus les assignations sur une valorisation future du capital financiarisé qui s’alimente lui-même à la « planche à billets ». On ne reviendra pas en arrière, mais la mondialisation peut prendre un autre tour indéfinissable actuellement et qui ne pourrait être qu’une fonction de nouvelles modalités de la valorisation c’est-à-dire du rapport d’exploitation. »

    « Cette déconnexion était un système mondial. Dans l’effondrement de ce système (une situation chaotique où le chaos n’est plus régulé) la nécessité d’une reconfiguration du cycle mondial du capital supplantant la globalisation actuelle se fait jour. Une renationalisation des économies dépassant / conservant la globalisation, une définanciarisation du capital productif, de nouvelles modalités d’intégration de la reproduction de la force de travail dans le cycle propre du capital ne sont pour l’heure que des interrogations et des hypothèses. »

    R.S

  3. Dede310
    23/02/2023 à 00:22 | #3

    Les luttes de classes se foutent-elles véritablement de la science quand celle-ci est associée à l’Etat comme en Guadeloupe où le refus massif de la vaccination contre le covid ne peut se réduire à une humeur d’extrême-droite ? La vaccination aurait peut-être permis d’éviter des morts (dans une population à risque) mais la question n’est pas là.
    En métropole aussi, l’opposition à la vaccination obligatoire n’est pas seulement le fait de milieux d’extrême-droite, loin de là.

    La question pourrait être plutôt de comprendre comment l’extrême-droite a réussi à monopoliser politiquement cette opposition dans la rue et dans de nouveaux réseaux constitués à cette occasion. Elle l’a fait en réduisant la question à la défense des seules libertés individuelles – qui cache en effet un attachement à un Etat national purifié de ses attachements “mondialistes” comme on dit.

    Le problème du texte de DF à mon sens, c’est qu’il n’y a pas besoin de faire des hypothèses sur la dangerosité de la vaccination pour la critiquer politiquement du point de vue d’une lutte de classe. On peut à la fois considérer que le vaccin a pu sauver des vies tout en critiquant le fait qu’il a été choisi comme moyen unique de traiter l’épidémie (ou à l’inverse qu’il n’y a pas de politique sanitaire parfaite), et que ce moyen a été adéquat avec l’affirmation de l’Etat et des multinationales produisant les vaccins, au détriment d’autres acteurs plus à même de porter une politique du soin “par le bas” et pas forcément moins efficace, quand l’utilité de vacciner 100% de la population est douteuse. Le soin, qui suppose son acceptation, n’est pas pure rationalité, il dépend de la relation aux institutions qui le délivre, et même si on peut forcer les choses (la vaccination a été imposée par le pass sanitaire à beaucoup des personnes peu convaincue de son utilité), on peut se demander si n’est pas sorti du strict domaine du soin dans cette histoire.

  4. tarona
    23/02/2023 à 22:57 | #4

    Quelques remarques, suite à Dede310 qui pose des points très importants qui prolongent je trouve pour la plupart la réflexion envoyée par TC.
    Effectivement les quartiers pauvres ont été les mauvais élèves de la vaccination (mauvais élèves de toute la politique sanitaire d ailleurs), en tous cas à Marseille. Alors que, pour une fois, l’offre de soins dans ces zones était au rendez-vous. Pour l’anecdote, au tout début à Marseille l’Astrazenecca et toutes les craintes qu il suscitait alors (justes ou pas n’est pas le problème) était délivré en nord centre ville et quartiers Nord et le Pfizer dans le centre ville et au stade vélodrome, plus gros centre situé dans les beaux quartiers !
    Par contre, je ne crois pas que ce fût “au détriment” de quelconques mesures alternatives, cela n’a aucun sens à partir du moment où, dans la reproduction capitaliste, l’alternative est toujours le fait de rapports de classes fournissant le cadre contraignant dans lequel dans lequel existent ces alternatives, qui n’en sont jamais au final. Et quand bien même cette question des soins alternatifs avait me semble t-il un contenu spécifique en Guadeloupe et dans les DOM TOM, ce n’est pas la question qui est en jeu dans le débat actuel puisque ce contenu spécifique concernait aussi le soin et la manière de s’y rapporter, comme rapport à l’Etat français, à la colonisation, c est à dire l’expression d’un rapport de classes et de genres.

  5. FD
    28/02/2023 à 11:06 | #5

    RÉPONSE À TC

    La critique faite par TC de « Bordel in progress », « Work in regress », est une critique de fond bien construite, mais parvient-elle à son but, qui est de rejeter le problème que j’ai posé comme faux problème ? La seule qualité que TC reconnaisse à mon texte, c’est « d’avoir déclenché une polémique à bien des égards productive ». Productive de quoi ? Sans doute pour TC d’une clarification nécessaire face au complotisme, puisque leur critique reprend tout de suite l’amalgame consensuel entre critique scientifique de la politique sanitaire anti-Covid, complotisme, et fascisme. Et sur la reprise de cet amalgame, confirmée dans la conclusion sur mes sources, TC enchaîne sa thèse : « FD ne remplit pas ses propres objectifs “avoués” au profit de son objectif réel : l’évangélisation anti-vaccinale du “milieu de la communisation” ».
    Laissons pour le moment de côté « l’évangélisation anti-vaccinale ». L’essentiel est la distinction, censée invalider mon argumentation, entre des « objectifs avoués », que je ne réaliserais pas, et ce qui serait mon « objectif réel », caché derrière ceux que j’aurais « avoués ». En fait, mon seul but, déclaré dès l’avertissement liminaire, est d’ouvrir un débat sur la conjoncture très spéciale créée par l’irruption de la pandémie Covid dans la reproduction déjà difficile du rapport d’exploitation ; et de l’ouvrir là où il a sa place, à savoir sur un site comme Dndf qui rassemble toutes les analyses critiques du cours actuel des luttes dans la perspective de la communisation. Dans cette perspective – qui est aussi la mienne, puisqu’il faut apparemment le rappeler – la mise en cause du Grand récit du biopouvoir capitaliste sur la Covid n’est pour moi que le moyen nécessaire de la critique de la biopolitique et du biopouvoir du capital.
    Passons maintenant à l’analyse de la critique de TC, dans l’ordre argumentatif de cette critique, afin de mieux dégager la méthode utilisée par TC pour invalider ma propre argumentation.

    Bordel de la communisation : Mes critiques de TC m’attaquent d’abord sur le bordel de la communisation, car l’idée que la révolution destructrice du capitalisme est devenue dans le cycle de la globalisation du capital un processus bordélique, càd un processus absolument improgrammable mais non pas impensable, a d’abord été développée par TC et le mot même de bordel, qu’ils trouvent maintenant raccoleur, a d’abord été employé par eux ! (Leur idée était alors exprimée sous cette forme que la lutte des classes effective, non analysée dans « Le Capital », est un gros bordel, tout spécialement dans son aboutissement communisateur.) N’appréciant donc pas que j’utilise un de leurs propres thèmes critiques en un sens un peu déviant du leur, ils citent donc tout de suite la thèse posée dans mon avertissement liminaire : « au bordel inhérent à la communisation s’est ajouté depuis mars 2020 le bordel inhérent à la conjoncture pandémique ». Mais contrairement à ce qu’ils affirment, ce n’est pas cette proposition liminaire qui fonde ma problématique et ma critique de la biopolitique du capital ; c’est, comme je l’ai expliqué dans ma première partie (Fondements de la critique, § 3) d’une part, le présupposé que rien de ce qui vient perturber la reproduction du mode de production capitaliste n’est en réalité étranger à son développement historique, d’autre part, une analyse rétrospective du changement de régime biopolitique intervenu dans le cycle de la globalisation de l’exploitation. Mes critiques de TC disent « avoir du mal à percevoir actuellement le “bordel inhérent à la communisation” », car pour eux le bordel ou le désordre de la communisation est celui d’une « conjoncture ou unité de rupture bouleversant la hiérarchie déterminative des instances » du mode de production capitaliste. Or il y eu bouleversement de cette hiérarchie quand l’instance économique a mis au poste de commandement, pour environ deux ans, l’instance politico-sanitaire, avant de reprendre elle-même le commandement, au début de l’année 2022. La raison de l’opposition de TC à ma compréhension du bouleversement des instances est que TC le comprend, de son côté, comme unité de rupture communisatrice imminente. Et c’est pourquoi ils me reprochent d’avoir présenté le cours actuel des luttes comme immédiatement communisateur alors que je parle seulement du processus de la communisation et non d’une communisation actuelle. Sur ce processus, il faut être très clair : la révolution communiste est pensée comme abolition révolutionnaire immédiate du capital, càd comme abolition sans transition socialiste, depuis la fin des années 1970, par un petit milieu issu de l’ultragauche historique dont faisaient entre autres partie les gens qui ont alors fondé TC ; elle a été théorisée par TC comme conjoncture bouleversant la hiérarchie déterminative des instances du mpc au début des années 2010 ; et nous en sommes aujourd’hui, en 2023, au moment très déroutant où un bouleversement des instances ayant eu lieu, il n’a pas débouché immédiatement sur la rupture communisatrice.

    Bordel de la pandémie : La critique suivante, qui porte non plus sur le bordel de la communisation mais sur celui de la pandémie, est encore plus biaisée. TC me reproche de n’avoir pas démontré que les luttes contre le capital ont eu depuis trois ans pour contenu la gestion sanitaire de la pandémie ; de n’avoir analysé la biopolitique du capital que sous l’aspect restrictif de la politique vaccinale et d’avoir diabolisé la vaccination ; d’avoir enjoint à mes camarades communisateurs d’utiliser le travail des médecins et chercheurs critiques de la stratégie vaccinale globale et de m’être moi-même enfermé dans un débat purement scientifique ; et pour achever mon portrait en complotiste, d’avoir présupposé qu’on nous cache tout et qu’on nous ment, tout en prétendant que je n’ai rien à révéler ni à dénoncer.
    Primo, je n’ai pas du tout supposé que, dans la conjoncture pandémique ouverte par l’irruption de la Covid, les luttes contre le capital devaient avoir pour contenu la stratégie vaccinale mise en œuvre, avec des différences notables mais non essentielles, par tous les États. D’abord parce que dès la première année de l’état d’urgence pandémique les luttes ne s’orientaient visiblement pas vers une telle mise en cause de la biopolitique du capital, mais aussi et surtout parce qu’elles n’avaient pas besoin de mettre explicitement en cause cette biopolitique pour l’affecter. Il suffit de mentionner deux cas où les luttes de masse contre le capital ont de fait affecté sa biopolitique sécuritaire. D’abord, en octobre 2021, le bref blocage par les dockers italiens des ports de Trieste et de Gênes en solidarité avec tous les travailleurs refusant de se plier à l’injonction vaccinale du gouvernement. Ensuite, à l’automne 2022, la révolte interclassiste chinoise contre les tests forcés et les confinements de masse, car en Chine on a relativement moins vacciné qu’en Occident. Le blocage effectué brièvement par les dockers italiens était une action ouvrière, mais la révolte interclassiste chinoise a démarré par une action ouvrière, la fuite massive des travailleurs hommes et femmes de l’entreprise Foxconn où ils étaient enfermés vers leurs régions rurales d’origine. Et ce n’est nullement par hasard que leur révolte s’est élargie à de larges couches de la population chinoise, car l’aberrante politique zéro Covid touchait et touche toujours a priori tout le monde et, sans parvenir à étouffer complètement les luttes, a catalysé de nombreux mécontements accumulés depuis la conversion de l’État chinois au capitalisme de marché.
    Secondo, non seulement je n’ai pas restreint la biopolitique du capital à la vaccination – ni en général ni dans la conjoncture Covid – puisque j’y ai inclus le démantèlement déjà ancien du système public de santé, mais je n’ai absolument pas diabolisé la vaccination. Dans les conditions de l’état d’urgence pandémique, la vaccination contre la Covid, légalement obligatoire ou contrainte par des moyens de pression du type tests à répétition obligatoires et passes sanitaires, a pourtant été, dès la fin 2020 et jusqu’au début 2022, le contenu de toutes les politiques anti-Covid – au moins en Occident, car en Chine on a moins vacciné et beaucoup plus enfermé. Mais cette stratégie vaccinale globale face à la Covid n’est pas une raison de diaboliser la vaccination – ni surtout les trois ou quatre milliards d’individus qui se sont fait vacciner – seulement une raison de mettre en cause l’efficacité et la non-dangerosité postulées des vaccins ARNm. Leur efficacité, parce que l’administration à intervalles rapprochés de doses de vaccin met en cause l’action supposée protectrice du produit injecté dans les organismes humains et parce que des hommes et des femmes vacciné-e-s ont pourtant développé les symptomes de la Covid. Leur non-dangerosité, parce que les nombreux cas d’accidents graves ou mortels sous-déclarés et sous-enregistrés à court terme et les inévitables perturbations du système immunitaire à moyen ou long terme, mettent en cause le consensus sanitaire liant les populations aux États. (Il s’agit bien d’un consensus sanitaire – et non pas simplement vaccinal – car il est fondé sur la croyance commune que ceux d’en haut, par intérêt de classe ou par souci du bien public, veillent effectivement à notre santé.) On pourrait préciser la typologie des perturbations constatées mais jamais imputées à l’effet des vaccins ARNm. Je ne le ferai pas, car mes critiques seraient affreusement rebutés par des explications scientifiques indigestes. Qu’ils retiennent donc seulement ce que de nombreuses études ont établi : que ces vaccins utilisant une nouvelle technique non maîtrisée et faisant synthétiser à l’organisme une protéine toxique sont très nocifs.
    Tertio, je n’ai pas enjoint aux communisateurs d’utiliser le travail des médecins et chercheurs critiques de la gestion globale de la pandémie et je ne me suis pas non plus enfermé dans un débat purement scientifique sur la pandémie. D’une part, j’ai dit que dans ma problématique, intégrant le constat du caractère très spécial du moment actuel, càd le développement de la crise et des luttes sous état d’urgence pandémique, il s’agit de démolir le Grand récit de la Covid qu’on nous a bombardé d’en haut. Donc aussi – mais pas seulement ! – d’utiliser le travail critique de la gestion globale de cette pandémie fait par des spécialistes, médecins et chercheurs. En fait, le principal matériau que j’ai utilisé, c’est d’abord la théorie communiste elle-même, sa définition générale de l’exploitation comme contradiction en procès, avec sa définition plus spécifique des crises de reproduction du rapport d’exploitation, la reconstruction par TC de la contradiction capital comme articulant deux contradictions, celle des classes et celle des genres, qui se construisent et se traversent l’une l’autre, et l’analyse également faite par TC de la révolution comme conjoncture. C’est ensuite seulement le travail critique de Foucault – travail lui-même très critiquable, puisque Foucault ne raisonnait pas dans les termes de la critique de l’économie politique mais dans ceux d’une micro-physique du pouvoir – que j’ai explicitement rejetée. D’autre part, je ne me suis pas enfermé dans un débat scientifique, car j’ai constamment articulé critique de la fuite en avant biopolitique sécuritaire du capital et critique de la science embarquée dans cette fuite en avant, en subordonnant la critique de la science embarquée à la critique de la biopolitique. Ce n’est tout de même pas la faute des scientifiques critiques, au mieux démocrates – ni la mienne, qui suis communiste — si la biopolitique du capital nous contraint maintenant, nous, communistes, à nous intéresser à ce que sont devenues sous sa domination la recherche en biologie, l’industrie de la santé, et la politique de santé publique.
    Quarto, me reprocher d’avoir tenu un discours complotiste postulant qu’on nous cache tout et nous ment sur tout est aberrant. D’abord parce que sous la domination réelle du capital rien n’est caché. Au contraire, tous les « secrets » sont publics ; et maintenant, à l’époque d’Internet, tous les documents utilisables dans une perspective critique sont trouvables. Ensuite parce que l’idéologie, ne fonctionne pas au mensonge, mais au consensus, toujours plus ou moins reconstruit dans les moments de crise et parce que le consensus sanitaire, un temps affaibli par des protestations dans les rues, a été reconstruit dans la crise Covid. Enfin, parce que n’étant moi-même pas dénonciateur de complots, j’ai dû expliquer à des camarades – qui me traitent maintenant comme un ennemi – qu’il ne faut surtout pas identifier le discours complotiste sur la pandémie avec les luttes contre la gestion biopolitique sécuritaire de la Covid, que ces luttes aient mis en cause les confinements ou la constante pression vaccinale de tous les États, libéralement ou plus brutalement autoritaires. Que ces luttes n’aient pas été théoriciennes, càd qu’elles n’aient produit aucun discours critique de leurs propres limites internes, j’en suis bien d’accord avec TC. Ça n’est pas une raison pour les jeter à la poubelle du complotisme ; et ça l’est d’autant moins, que des mouvements de révolte contre la vie quotidienne, comme celui des Gilets Jaunes, n’ont pas produit un discours beaucoup plus critique sur ce qu’ils ont fait, en restant au mieux à la dénonciation vague du capitalisme. Quant aux luttes contre toutes les contraintes liées à la stratégie vaccinale, notamment à celles contre le passe sanitaire qui se sont produites en France en 2021, elles n’ont au mieux mis en cause qu’une gestion autoritaire et dangereuse de la pandémie comme venant pourrir un peu plus une survie quotidienne déjà bien pourrie sans la Covid, les confinements, les passes, et les vaccins.
    TC conclut sa critique de ma prétendue diabolisation de la vaccination par une question portant sur la méthode : comment FD peut-il soutenir que sa propre critique n’est pas fondée sur la critique scientifique spécialisée de la stratégie vaccinale anti-Covid, alors qu’il a fait profession de foi en cette critique scientifique spécialisée ? D’une part, je n’ai nullement professé ma foi en cette critique spécialisée, j’ai seulement constaté qu’elle était à la fois scientifiquement sérieuse (non complotiste) et politiquement très limitée (alternative idéale au capitalisme). D’autre part, il n’est tout de même pas trop difficile de comprendre, d’abord au niveau purement logique, qu’une critique politique de la biopolitique du capital peut n’être pas fondée sur la critique scientifique spécialisée qu’elle utilise ; et que la critique scientifique de la gestion vaccinale de la Covid, s’abstenant de toute prise de position pour ou contre un parti, se situe pourtant sur le terrain politique, en tant qu’elle met en cause objectivement, sinon consciemment, la biopolitique du capital. Ensuite, au niveau proprement théorique, il n’est pas non plus trop difficile de comprendre que dans une crise de la société salariale qui ne s’est pas encore transformée en crise de la valeur, càd en crise de reproduction du rapport d’exploitation, des luttes d’ouvriers, de femmes, et de groupes racisés encore engluées dans la simple défense du salaire et de l’emploi, de l’être femme, et du groupe racisé ne peuvent pas non plus mettre en cause consciemment la biopolitique du capital, de toutes ses politiques la plus consensuelle, y compris dans le prolétariat.

    Conjoncture pandémique :
    Revenons maintenant à la critique de TC, qui me reproche ensuite de n’avoir pas fondé la notion de conjoncture pandémique, sinon de façon performative, càd purement déclarative, par la venue du biopouvoir au poste de commandement, et nie que l’instance politico-sanitaire, càd la partie la plus visible du biopouvoir, ait été mise par l’instance économique à ce poste de commandement. N’ai-je donc vraiment fondé que de façon performative cette notion de conjoncture pandémique ? Ne l’ai-je pas fondée de manière effective – après avoir d’abord fondé ma critique de la biopolitique et défini la nature spécifique de la pandémie Covid – en analysant rétrospectivement la production sociale de la pandémie dans le cycle historique de la globalisation de l’exploitation qui s’achève ? Autrement dit, n’ai-je pas, remontant du fait brut de la pandémie au fait construit d’une pandémie gérée sur le mode sécuritaire, et de ce fait construit au processus spécifique l’ayant produit ? Ce que j’ai dit dans Bordel in progress et redis maintenant, en défense de mon texte, c’est qu’il n’y a pas eu conjoncture pandémique parce qu’un état d’urgence pandémique a été déclaré au niveau global ; à l’inverse, un état d’urgence pandémique a été déclaré au niveau global parce que la pandémie – dans les conditions inhérentes au capitalisme globalisé, où le biopouvoir est également globalisé – ne pouvait être traitée que sur le mode sécuritaire. Et ce n’est donc nullement par hasard que la classe exploiteuse dominante, en Europe comme aux États-Unis ou en Chine, a fini par produire, comme ultime justification de sa domination, la notion libérale-totalitaire de sécurité globale, intégrant tous les « risques » tels que définis par la classe capitaliste et ses experts, de l’exacerbation de la lutte des classes aux crises économiques, des catastrophes écologiques aux catastrophes dites sanitaires, et j’en passe. De plus, pour nier que l’instance politico-sanitaire a été mise au poste de commandement, TC réduit la gestion biopolitique sécuritaire de la pandémie à un simple exercice comptable : « il s’agissait toujours de faire tourner la machine [oui, bien sûr !] en minimisant les dégats et encore pas pour tout le monde [non, il ne s’agissait pas seulement de minimiser les dégats, mais nous en discuterons plus loin]. »

    Biopolitique :
    C’est ici, après avoir nié la mise au pouvoir de l’instance politico-sanitaire par l’instance économique, représentée au plus haut niveau dans les organisations globales du capital, que TC met en cause mon utilisation du concept de biopolitique. Ici TC commence par citer une phrase de mon introduction, qui résume toute ma problématique : « Il faut donc, en retravaillant le concept de Foucault, critiquer de plus la biopolitique du capital, càd sa politique de la population, comme “facteur de production” vivant, et se demander si c’est produit dans le cycle de la globalisation qui s’achève, un changement de régime biopolitique. » – Puis vient la critique : il ne s’agit pas de retravailler le concept mais de le critiquer et de l’abandonner, car « on peut reprendre des éléments, des analyses particulières dans ce que ce concept est censé présenter, mais pas le concept lui-même ». Reprendre le concept, poursuit TC, c’est « avaliser la “microphysique du pouvoir” que développe Foucault en définissant un pouvoir sans possesseurs, sans “supérieurs” ni “inférieurs, à la limite sans activité répressive, le pouvoir serait efficace d’une façon quasi autonome par sa simple capacité de classer, analyser, individualiser. » Je suis tout à fait d’accord avec cette critique de la micro-physique de Foucault, et j’ai moi-même, à la fin de ma 3° partie sur la production sociale de la pandémie, rejeté cette micro-physique du pouvoir comme incompatible avec la Critique de l’économie politique au cœur de la théorie communiste, tout en précisant que « Foucault avait à sa manière compris que la révolution destructrice du capital n’est pas une prise de pouvoir ». J’aurais dû dire – dans le langage même de Foucault, pour mieux marquer les limites de son discours critique – que les luttes ne peuvent pas tendre à une prise de pouvoir sans aboutir au renforcement du pouvoir. Mais j’ai dit l’essentiel en marquant l’incompatibilité entre sa micro-physique du pouvoir et notre critique de l’économie politique. Je peux donc concéder à TC qu’il ne s’agit pas de retravailler les concepts de biopolitique et de biopouvoir tels qu’ils ont été élaborés par Foucault, mais de penser ce que ces concepts sont censés présenter ou décrire : le développement historique, dans le travail d’exploitation et de domination de la classe capitaliste, d’une politique spécifique ayant pour objet spécifique l’entretien et la réparation de la force de travail sociale, notamment de cette fraction de la force de travail qui produit la survaleur ; et corollairement le développement historique d’un biopouvoir global, articulant, sous la domination des États nationaux et des organisations supranationales du capital, les autorités sanitaires, la recherche scientifique industrielle en biologie, et l’industrie de la santé.
    Pour TC, il faut donc en rester à la politique de la population et du travail, comme facteur de production vivant, « politique qui varie avec les périodes et les restructurations du mode de production mais qui, comme loi de population, se conjugue toujours dans la relation entre surtravail et travail nécessaire sans avoir besoin de s’appeler “biopolitique”. » Et là, je ne suis plus d’accord : la désignation de la politique de la population et du travail comme biopolitique n’a rien d’arbitraire. Elle se justifie parce que la classe capitaliste, en pensant et définissant le travail nécessaire à la production de survaleur en chaque cycle historique de l’accumulation du capital, ne définit pas simplement la fraction travail productif du capital mais une matière vivante humaine ; et qu’elle travaille cette matière en définissant et imposant à tous les individus des deux sexes, et notamment aux prolétaires, des normes que TC dit sanitaires mais qui sont en réalité biopolitiques. (Soit dit en passant, TC contourne ici mon argument : le travail vivant est indissociablement le travail qui produit actuellement la survaleur et un travail fourni par des individus vivants et, comme tels, soumis à la biopolitique du capital, à toutes les époques de son développement.) Et donc reconnaître qu’avec la restructuration des années 1970-1980, il y a eu, dans les politiques sanitaires des États centraux, un changement lié à la disparition de l’identité ouvrière pour nier que ce changement soit de nature biopolitique revient à vider le concept de biopolitique de tout contenu. Affirmer ensuite que « ladite “biopolitique sécuritaire” n’est pas plus “nocive à la santé des populations humaines” ni “sécuritaire” que les précédentes » est tout à fait à côté de la question discutée. Il ne s’agit ni de savoir si la biopolitique du capital mise en œuvre dans le cycle de la globalisation est plus ou moins nocive que celle mise en œuvre dans les cycles d’accumulation précédents ni de savoir si la Covid a fait plus ou moins de morts que la tuberculose, mais de dire clairement si les concepts de biopolitique et de biopouvoir, inutilisables tels qu’ils ont été élaborés par Foucault, désignent pourtant un problème réel. Et j’ai dit pourquoi ils désignent pour moi un problème réel, celui du traitement des travailleurs salariés et notamment des prolétaires hommes et femmes comme de la chair vivante à « sécuriser », càd à rendre conformes, y compris biologiquement, aux normes assignées par le biopouvoir au nom de toute la classe capitaliste.

    Coût social de la pandémie : C’est ici qu’intervient la réduction annoncée de la biopolitique du capital à un exercice comptable, avec cette formule un peu trop simple que « le prix d’une maladie pour la société ça se détermine ». On peut tout d’abord s’étonner que TC, qui a fort justement critiqué la conception comptable de l’exploitation comme simple retenue de valeur sur la valeur totale produite par le travailleur collectif, nous serve ici un simple « arbitrage entre profits [à faire sur le travail exploité] et risques [de maintenir au travail, renommé essentiel, des masses énormes de gens possiblement contaminés] ». Détail important : TC admet que tout ça – « les besoins qu’ils ont de nous selon le marché du travail et, à l’intérieur de celui-ci, notre état ou notre âge, le prix de cette “santé” par rapport à ce que son sacrifice peut rapporter ou économiser » se chiffre parfois « jusqu’à l’absurde ». Mais cette reconnaissance très réticente de l’absurdité du calcul du coût de la santé administrée n’amène pas TC à s’interroger sur les limites objectives du calcul de coût, càd sur l’intégration, dans ce calcul, de la biopolitique effective du capital. Ce que tout ça va coûter, mais beaucoup plus aux États, déjà fort endettés, qu’aux entreprises ayant investi leur capital dans la production de médicaments et vaccins à faible coût de production unitaire, ça comprend notamment le coût des énormes quantités de doses de vaccins achetées et payées d’avance au prix fort aux entreprises qui les produisent. Et c’est là qu’on touche au fond de l’absurdité, non limitée bien sûr au coût de la politique sanitaire anti-Covid : la réalisation des profits des entreprises produisant les vaccins est garantie par des États endettés, dont la dette est elle-même garantie par des banques centrales menacées, qui se financent en vendant des obligations sur un marché financier lui-même shooté à la dette ! La reconnaissance réticente par TC de l’absurdité du calcul du coût de la santé administrée ne sert donc qu’à m’enfoncer dans le trou infâme du complotisme. En effet, pour TC, j’ai dit que les communistes ne mettent pas vraiment en cause la santé administrée par le capital pour faire passer ce qui serait pour moi la vraie remise en cause scientifique et rationnelle. D’abord, je n’ai pas dit, absolument, que les communistes ne mettent pas en cause la santé administrée par le capital – ce qui serait faux – mais qu’ainsi – càd en rejetant a priori la critique scientifique de la stratégie vaccinale, ils ne mettent pas en cause la santé administrée ; et j’aurais dû préciser « pas radicalement ». En effet, la tendance déjà ancienne à généraliser la vaccination par extension des programmes de vaccination à toutes sortes de maladies infectieuses comme à toutes les catégories de population fait partie intégrante de cette santé administrée. Ensuite, la vraie remise en cause de la santé administrée pour le bien du capital ne viendra pas pour moi des scientifiques ; elle viendra des prolétaires en lutte contre l’ensemble des conditions d’existence toujours plus impossibles qu’on leur impose – ou elle ne viendra pas. En tout cas pas dans le moment actuel, où la reproduction du rapport d’exploitation est déjà en jeu, sans qu’il y ait eu encore ni rupture prolétarienne ni restructuration capitaliste. Prétendre ensuite que les prolétaires hommes et femmes se foutent, en luttant, de la science et de la rationalité dites critiques est, encore une fois, à côté de la question ; car en luttant pour survivre immédiatement, dans et contre leur précarisation et paupérisation croissante, les prolétaires sont amenés à mettre en cause aussi la santé administrée et toute la biopolitique du capital.
    Sur cette réduction de la biopolitique du capital à un exercice comptable (un peu) absurde, TC enchaîne une contestation du défaut de soins lié à la stratégie vaccinale, suivie d’une banalisation de l’obligation vaccinale. Donc pour TC si les autorités sanitaires ont partout décrété qu’il n’y a point de salut hors des confinements et des vaccins, c’est « parce que le système hospitalier usé et rétréci jusqu’à la corde risquait l’embolie » ! Et si la pression voire l’obligation vaccinale a été si forte durant la Covid, l’obligation vaccinale existait déjà dans les années 1950 et 60 où les vieux d’aujourd’hui usaient leurs culottes courtes sur les bancs de l’école primaire ! Or non seulement les gens ayant développé les symptômes de la Covid pouvaient être soignés lors du premier confinement, n’étant pas en si grand nombre, mais pour s’en tenir au cas français, ils l’ont partiellement été, notamment à l’IHU de Marseille, dirigé par Raoult, et par des médecins libéraux prescrivant des médicaments relativement efficaces, contre les consignes d’en haut. Et le système hospitalier effectivement très rétréci ne risquait pas alors l’embolie, car selon l’Agence Technique de l’Information sur l’Hospitalisation, les hôpitaux ont été sous-occupés en 2020, notamment les services de réanimation (https://youtu.be/Ghb3mykWyvA L’activité hospitalière en 2020 : Pierre Chaillot, Insee). D’autre part, en banalisant la pression ou l’obligation vaccinale durant la Covid, TC oublie que c’était cette fois une injonction d’en haut à se faire injecter de nouveaux vaccins très mal testés et dangereux, injonction frappant cette fois non plus les seuls gamins et gamines mais la population mondiale. Mais pour en revenir du cas français à la gestion globale de la Covid, il est vrai que les États, sans que leur action soit coordonnée ni par l’OMS ni par aucune organisation mondiale du capital, ont navigué à vue, mais il y a trois corrections à faire. D’abord, il ne faut pas mélanger, comme le fait TC, la question de la prévision par les experts du capital d’une pandémie de type Covid avec celle de la politique ou des politiques effectivement mises en œuvre contre la Covid. Ensuite, les États n’ont pas navigué à vue selon leurs normes sanitaires, comptables, et idéologiques, car s’il existe des normes sanitaires liées à des normes comptables, il n’y a pas au sens strict de normes idéologiques. L’idéologie, c’est toujours une production de discours plus ou moins efficaces, dans la situation historique donnée, permettant à telle ou telle fraction de la classe capitaliste, de mieux exploiter le prolétariat et dominer toute la société. Enfin, ce n’est pas seulement en France, comme semble l’indiquer la référence faite par TC à l’article du journal Le Monde, que la classe capitaliste a fini par accoucher de la notion de sécurité globale mais dans le monde entier – à tel point, je l’ai dit plus haut, que tout ce qui peut perturber la reproduction optimale du rapport d’exploitation, des crises économiques aux pandémies, est compris dans cette notion.

    Biopolitique sécuritaire :
    Ici TC généralise sa critique en me reprochant de n’avoir jamais défini les notions de biopouvoir et de biopolitique sécuritaire, si ce n’est par l’obligation vaccinale. Or c’est faux : j’ai défini la biopolitique et le biopouvoir à la fois théoriquement et historiquement, tout au long de mon texte, mais en parlant de biopolitique sécuritaire, j’ai mis l’accent sur la différence entre la biopolitique plutôt disciplinaire du capital en domination formelle sur le prolétariat et la société et sa biopolitique proprement sécuritaire à l’époque de sa domination réelle. Et ce faisant, je n’ai pas repris une distinction de Foucault, je l’ai reconstruite, car Foucault, s’il a distingué les dispositifs sécuritaires des mécanismes disciplinaires, n’a intégré ni le concept de capital comme contradiction en procès ni la division historique du capital en deux époques. Par contre, je n’ai pas expliqué la différence établie par Foucault entre discipline et sécurité et je le fais maintenant. La discipline consiste en une somme de mécanismes opérant surtout sur les corps individuels, que ce soit à l’école, à l’armée, en prison, ou dans l’usine pour produire un collectif agissant d’une manière collective adéquate à la fonction à remplir. La sécurité aménage un espace social, national ou global, opère sur les populations autant que sur les territoires, en travaillant sur l’avenir, càd tout ce qui peut se passer dans l’espace social donné dans un temps plus ou moins prévisible donné ; elle se développe donc à l’époque de la domination réelle du capital. On voit donc que mon insistance sur le caractère sécuritaire de la biopolitique actuelle du capital, celle même qui, avec les expériences de gain de fonction, a produit la pandémie Covid, n’a rien d’une reprise du discours anti-sécuritaire démocratique, axé sur la défense des libertés formelles contre une supposée « dérive illibérale » du capitalisme. Cette insistance sur l’évolution sécuritaire du système s’explique uniquement par le fait que je pense le processus de la communisation dans la conjoncture créée par la pandémie Covid.
    Continuons notre lecture critique du texte de TC. « Le coronavirus n’a pas provoqué la crise économique, n’a pas créé les contradictions du mode de production capitaliste, l’exploitation, la misère, et la lutte des classes … » Tout cela, camarades, je l’ai dit aussi, donc merci de ne pas insinuer que j’aurais remplacé la Critique de l’économie politique par une inconsistante et complotiste critique de la biopolitique ! En fait, poursuit TC, le coronavirus « … a catalysé une somme d’éléments disparates. » Et après avoir tout de suite précisé que le catalyseur n’est jamais neutre ou innocent, TC nous explique un peu plus loin ce qu’a fait le catalyseur coronavirus : « tout ce qui relevait d’une crise économique a investi les dimensions les plus personnelles et intimes de ceux et celles qui étaient l’objet de toutes les contraintes et contrôles ». Cette analyse de l’action catalysante du coronavirus comme pénétration dans l’intime des contraintes économiques de la reproduction de l’exploitation, je la partage presque. À cette différence près que pour moi la pénétration des contraintes économiques dans les têtes et les corps des gens, vacciné-e-s ou pas, n’exclut pas la pénétration des contraintes biopolitiques, d’ailleurs inhérentes aux contraintes économiques. C’est pourquoi séparer des conditions d’existence imposées d’ordre purement économique de conditions imposées au titre de l’état d’urgence sanitaire n’a aucun sens. En d’autres termes, les émeutes de fractions appauvries du prolétariat contre le confinement ne sont pas moins objectivement révolte contre l’imposition de toutes les conditions, y compris « sanitaires », de l’état d’urgence imposé que les manifestations interclassistes contre le passe sanitaire, qui avaient tout de même, au moins en France une composante prolétarienne visible et audible dans les cortèges, avec la présence de groupes Gilets Jaunes. Et ne plus pouvoir survivre comme avant, être traité comme une plèbe ignorante par ceux qui, en haut, savent ce qui est bon pour nous, en bas, c’est aussi être traité comme une plèbe à vacciner et ne pas soigner. D’ailleurs, pour reprendre les termes de TC, ladite plèbe se foutait peut-être de la science critique et n’était sans doute pas « fixée » sur la question scientifique des vaccins ; elle était « fixée » et elle l’est toujours sur l’ensemble des contraintes économiques donc aussi biopolitiques achevant de pourrir sa vie quotidienne.
    De la plèbe révoltée, TC passe ensuite aux groupes communistes ou communisateurs, dont j’ai bien dit qu’ils occultent le problème politique de la nécessité historique de la vaccination pour la classe capitaliste, mais non qu’ils défendent l’appareil sanitaire comme œuvrant au bien public, comme TC me le fait dire un peu plus haut. Ceux qui défendent cet appareil comme œuvrant au bien public sont, par exemple, ceux qui criaient, dans les manifs anti-passe, « du fric, du fric pour l’hôpital public ! », comme si, d’une part, le démantèlement du système de santé public n’était pas inhérent à la configuration actuelle du capitalisme et comme si, d’autre part, lutter contre l’achèvement de ce démantèlement sans mettre en cause la généralisation tendancielle de la vaccination suffisait à nous sortir de la putain de conjoncture pandémique où nous sommes encore ! Mais le but de TC, en rejetant mon argument sur la nécessité historique de la vaccination pour la classe capitaliste, est de me mettre en contradiction avec moi-même en profitant d’une lacune formelle de mon raisonnement. Quand j’explique pourquoi la fragilité biologique du travail vivant est devenue intolérable pour la classe capitaliste – parce que le vivant est devenu génétiquement manipulable – j’oublie de préciser que la vaccination massive des populations avec des vaccins inefficaces et dangereux est pensée par la classe capitaliste comme efficace et sans dangers dans les limites de ce que la science embarquée dans sa fuite en avant peut comprendre de la structure et de la dynamique du vivant. (Et qu’on ne m’objecte pas ici le progrès scientifique et technique ! Il y a eu effectivement progrès, mais il s’agit de savoir si la capacité à comprendre le vivant a progressé au même rythme que la capacité à intervenir sur lui.) Donc ce que je n’ai pas précisé dans mon texte, je le précise maintenant, répondant à la critique de TC : la poursuite de la recherche de vaccins supposés superactifs contre des virus supervirulents obtenus par manipulation de leur génome en laboratoire est présupposée par la classe capitaliste comme à la fois politiquement et scientifiquement nécessaire. Càd, en dernière analyse, que la classe capitaliste et son bio-pouvoir, qui ne veulent effectivement ni tuer ni même affaiblir la force de travail actuelle ou future, obtiennent par leur action effective un tel résultat. Et je n’ai pas dit, comme encore une fois TC me le fait dire, qu’ils peuvent tendanciellement nous supprimer tous et toutes. Ce qu’ils ont déjà fait depuis trois ans est bien assez grave pour les inciter à reculer, mais à présent la critique scientifique et surtout les luttes de masse ne les y forcent pas ! Ce qui n’est pas sérieux, dans la critique de TC, c’est de m’imputer toujours des analyses absurdes.
    Ici, juste avant de conclure, TC veut visiblement m’achever. En disant que la redéfinition biopolitique du travail vivant comme travail biologiquement fragile à « sécuriser » est une évolution nécessaire du système, quand il acquiert les moyen de reconstruire le vivant à même sa structure intime, j’aurais, selon la traduction new-age de TC, dit que « le système voudrait s’introduire dans notre ADN et faire de nous des cyborgs ». Laissons tomber le délire new-age et les cyborgs. Reste que TC, parlant d’ADN, ne désigne pas en réalité le génome des êtres vivants qui participe à leur développement et leur reproduction, mais la notion archi banalisée d’un programme génétique déterminant tous les comportements possibles des êtres vivants humains. Et c’est pourquoi TC peut dire, « le seul ADN que nous connaissons ce sont les rapports sociaux existants et les appareils idéologiques par lesquels nous sommes déjà des cyborgs sociaux et c’est cette critique-là qui nous importe ». Non. Nous, communistes, n’avons à connaître aucun ADN des rapports sociaux et des appareils idéologiques effectivement existants, parce que ces rapports et ces appareils n’ont rien d’un ADN. Les luttes contre le capital, y compris les plus imprévues, sont certes déterminées par les rapports sociaux et les appareils idéologiques existants, mais le pouvoir capitaliste global ne peut pas plus déprogrammer les luttes que reprogrammer les corps et les têtes des prolétaires. Par contre, les communistes peuvent analyser les luttes, les anticiper même, en mettant en jeu dans leur travail théorique, au risque de le voir invalidé par le cours des luttes.
    En guise de conclusion, TC réaffirme, à propos de mes sources et références, « qu’il y a une relation étroite et récurrente entre les discours “complotiste”, “antivax”, etc, et l’extrême-droite, l’antisémitisme, et la “fachosphère” » et qu’ « il suffit de le constater ». TC sait aussi bien que moi que l’idéologie se donne toujours sous la forme de l’évidence, mais n’hésite pas ici à réaffirmer l’évidence comme une vérité, comme si leur implacable critique de mon texte ne les satisfaisait pas. Le problème sur lequel vient pourtant buter l’affirmation ou la réaffirmation de l’évidence, c’est que l’évidence n’explique rien, surtout quand on prétend, comme TC le fait ici, la penser ! À supposer même qu’il y ait une relation étroite entre les discours complotiste, anti-vax, et fasciste, il faudrait d’abord définir ce que sont le complotisme, l’anti-vaccinalisme, et le fascisme dans la configuration actuelle du capitalisme. Or ni mes premiers critiques sur Dndf ni mes critiques de TC n’ont défini le complotisme, notion sur la base de laquelle est construit tout l’amalgame entre les trois discours. Car TC n’a pas non plus défini le complotisme, ni dans son texte publié sur Dndf en janvier 2021, Complotisme et Pandémie, ni en février 2023 dans Work in regress. Dans Complotisme et Pandémie, TC construit sa critique du discours complotiste tenu dans la Covid sur la base du problème du travail et de la population, ce qui est tout à fait pertinent pour penser une pandémie, sans rien nous apprendre sur le discours complotiste qui a circulé et circule toujours sous la Covid. Ce qui, par défaut, amène à considérer tout discours mettant en cause le Grand Récit officiel sur la Covid comme complotiste. Est-ce que, par exemple, mettre en discussion un texte appelant à une critique de la biopolitique est pour TC tenir un discours complotiste ? Oui. De même, faut-il considérer la critique scientifique de la stratégie globale adoptée par tous les États face à la Covid comme un discours « anti-vax » ? Encore oui. Enfin, faut-il considérer la tentative de groupes fascistes de fourguer aux masses leur discours sur l’identité de l’État vrai et du vrai Peuple comme la vérité, càd la cause finale, du discours complotiste et du discours anti-vax ? Toujours oui. Pour autant, ni la « relation étroite et récurrente » entre les trois discours ni, surtout, ma prétendue tentative d’ « évangélisation anti-vaccinale » du milieu de la communisation n’ont été démontrées. L’accusation délirante d’avoir tenté d’inoculer au milieu de la communisation le virus de l’anti-vaccinalisme n’est rendue crédible que par la croyance commune que les « anti-vax » ont tenté d’empêcher les gens de se faire vacciner.

    Conclusion laconique : La critique par TC de « Bordel in progress » n’est pas seulement une critique hostile, ce qui n’exclut pas nécessairement une lecture honnête du texte critiqué. C’est une critique intelligente mais de mauvaise foi, reprenant l’amalgame consensuel entre complotisme, critique de la politique vaccinale, et néo-fascisme et, même quand elle aborde la question fondamentale de la biopolitique, continue à falsifier ou contourner les arguments de l’adversaire, traité en ennemi.

    FD

  6. Vernes
    05/03/2023 à 15:10 | #6

    Il est douteux que dans une perspective communiste il eut été possible par le passé ou de nos jours d’adopter la fable libérale pratique d’un espace public conversationnel, où le débat pourrait avoir lieu dans la libre expression de chacun, avec un tableau d’Habermas en fond de scène. Reste que même sans exister dans une telle idéalité, la discussion n’en finit pas de se dégrader.

    A petite comme à grande échelle, chacun a vécu dans le fil de la pandémie des discussions impossibles. Ce qui est désigné comme complotiste désigne bien souvent une certaine façon de discuter qui rend impossible tout débat, ou du moins toute modification dans les questions posées de sorte qu’on arriverait à cartographier la complexité d’une situation.

    Je ne saurai détaille votre réponse ici, FD, mais dans chacun des commentaires auquel il était répondu, il me semble que s’ajoutait des couches et des couches d’arguments et de retournements affirmant que le texte ne disait pas ça mais cela, que cet aspect était mal compris, que non il n’était pas question de ça mais d’autres choses. A la fin on s’y perd et ne reste bel et bien qu’une structure et qu’un mot d’ordre au texte: le vaccin est dangereux, le complot biopolitique de vaccination obligatoire va nous détruire. Vous refusez d’admettre la critique à votre texte, parce que vous ne seriez pas entendu, rejeté comme complotiste, mais c’est dans votre texte que toutes les autres positions sont traitées en ennemies si elles ne partent pas des postulats scientifiques que vous tenez pour vrai.

    Je n’en prendrais que trois exemples, pour essayer de faire court:
    – dans le texte de départ il est dit: « la pandémie a suivi son cours indépendamment des mesures de confinement et de restriction de circulation et n’a fait dans sa phase initiale, au printemps 2020, beaucoup trop de morts que parce qu’on a interdit aux malades de consulter les médecins libéraux ou les services d’urgence des hôpitaux, sauf à la dernière extrémité. » Quoiqu’on pense du reste du texte, une telle affirmation dit que les mesures adoptées ou les réactions n’ont rien changé au cours pandémique, que quoiqu’il arrive le virus serait devenu moins virulent au fil du temps par une équation dite naturelle des virus (autre hypothèse affirmée et réaffirmée, fortement controversée en vérité par bcp de scientifiques mais passons). Il aurait donc frappé, mais c’est la fatalité des virus dans l’Histoire nous dit le texte, et de fait son effet ne tiendrait qu’au fait qu’on a refusé de soigner ou interdit les systèmes d’urgence (pas question dans le texte de mentionner leur surcharge, non, tout est dans l’interdit). Dans une telle lecture, la circulation virale n’est déterminée par rien, pas même par la société comme elle est, et quand on chasse les déterminations le naturel (perçu comme le tragique) revient au galop. La critique biopolitique en revient toujours à critiquer la fin de l’Histoire, la domination absolue qui serait en train d’arriver. Ce n’est pas une fatalité mais bien des textes procèdent ainsi et votre texte Fd n’y échappe pas. Ce cadre posé, il en découle ensuite que ce qu’il faudrait expliquer c’est pourquoi le virus fut traité ainsi, à qui profite le crime, et on s’enferme dans des discussions à ce propos seulement (fondé sur le mythe de Raoult sauvant l’humanité mais sciemment empêché par le capital sécuritaire, quelle belle histoire).

    Le virus est escamoté, tout ce qu’il révèle du la crise d’adaptation du mode de production capitaliste aux dynamiques aussi endogènes qu’exogènes au cours des choses est écartée, on a plus à discuter de rien et on se demande pourquoi ne pas discuter d’à qui profite le crime de la sécheresse actuelle. Il y assurément des gens qui s’en enrichissent, on pourrait en parler de la même façon, uniquement de sa gestion en oubliant la catastrophe elle-même. Comme cela fut maintes fois dit pourtant, sous le capitalisme, on peut avoir toutes les contradictions possibles simultanément, la catastrophe bien réelle et sa gestion catastrophique. Une crise n’annule pas l’autre, l’arrivée de la police pour gérer le covid n’abolit pas les virus ou la misère.

    – les grands concepts biopolitiques permettent de discuter de grandes idées à coups de marteau. Il n’est question que de vaccination obligatoire, de vaccination imposée, mais rien n’est dit de l’absence d’obligation en France et de l’adoption d’un mode de distribution des vaccins sous pression. C’est tout au plus évoqué comme un phénomène adjacent, de la même façon qu’expliquer pourquoi on aurait interdit le soin possible n’est pas expliqué. Le pass vaccinal n’était pourtant pas même obligatoire en France, il a participé d’une stratégie à flux tendu, sans investissements autre que temporaires et logistiques, pour que chacun galère à trouver vite sa dose selon ses propres moyens. Les centres de vaccinations temporaires tournaient à plein régime, quelque soit le burnout des soignants mobilisés, et au jour d’aujourd’hui la vaccination est sur le point d’être semi-abandonné, maintenu ) demi-mots pour les dits fragiles. Par exemple, pour les enfants à asthme chronique et d’ampleur, il y a quelque chose de l’ordre de 5 centres de vaccinations dans toute la france, on est loin de la vaccination à marche forcée. La stratégie vaccinale en court bascule vers une vaccination pour certains, annuelle peut-être et une infection/réinfection permanente pour les autres, quelqu’en soient les conséquences. Que l’on se comprenne, je ne me prononce pas pour ou contre le vaccin, ni pour ou contre la vaccination obligatoire (si tant est que mon avis aussi citoyen soit-il pourrait compter), mais sur ce qu’il s’agirait d’étudier, les contradictions et la complexité, les contradictions de l’élite tout aussi anti-vaccin que d’autres plus pauvres parfois, des grandes mobilisations militaires de 2020 qui succèdent à l’endémie du laissez-faire, de l’abandon de toute politique de soin face à la variole du singe ou ebola, bref du jeu permanent du calcul des coûts et des bénéfices. Insister sur le fait qu’il existerait un camp refusant toute critique de la vaccination rend impossible de discuter. Affirmer « que ces vaccins utilisant une nouvelle technique non maîtrisée et faisant synthétiser à l’organisme une protéine toxique sont très nocifs. » est peut-être vrai, peut-être faux. On pourrait espérer discuter des contradictions de la pandémie sans avoir à trancher de ce type de questions. La technique est en outre suffisamment maitrisée pour avoir été déployé à l’échelle mondiale en peu de temps, et l’affirmation oublie de mentionner que les vaccins ARN n’ont concerné qu’une portion congrue de la planète. Un grand nombre de pays ont eu des vaccins « traditionnels » pourriez-vous dire, mais cela viendrait nuire à l’ensemble de l’édifice théorique peut-être.

    Que la gestion des pandémies est été essentiellement sécuritaire, biosécuritaire, c’est une affaire certaine. Mais ce qu’il faudrait expliquer c’est l’endémie actuelle que vient produire cette prise en charge sécuritaire.

    – Dire « la révolte interclassiste chinoise contre les tests forcés et les confinements de masse » c’est n’avoir rien lu de cette révolte. Les images de révoltes à Foxconn étaient magnifiques à regarder de loin, elles ne réduisent pourtant pas à une opposition zéro-covid. D’une part, il s’agissait de critiquer la mascarade du zéro-covid qui visait par le travail « on-the-loop » inventé et imposé en partie par les USA, à maintenir au travail coûte que coûte les ouvriers, même lorsqu’ils étaient malades. D’autre part, l’imposition d’une lecture essentiellement concentrée sur l’autoritarisme chinois du zéro-covid permet avant tout de ne pas discuter travail ni des liens d’interdépendance entre ces usines qui répondent aux commandes des multinationales et la réalité de l’exploitation qui s’y joue (cf. par exemple https://cabrioles.substack.com/p/echapper-a-la-boucle-fermee-eli-friedman) . On voyait à la télé française se succéder des experts appelant à la liberté, à la liberté d’aller y travailler. Ne parler que du confinement et du vaccin, pris comme instruments du contrôle sécuritaire, c’est épuisant et réducteur. Dans ce geste de réduction, du covid à un problème de sécurité, on pourrait espérer que le travail de la critique ne soit pas à son tour de réduire le covid-19 à l’instrument d’un complot de domination mondiale. Nous étions comme des poulets dans une une usine de poulets, la continuité d’une telle perspective éclaire bien plus que des discussions infinies sur la dangerosité du vaccin. Caccin qui, de toutes façons, ne sera bientôt plus très mobilisé, on se retrouve alors à discuter de la potentialité de la prochaine gestion de crise,du futur contrôle qui vient, etc etc. La crise économique, elle, va plus sûrement persister.

  7. FD
    08/03/2023 à 19:51 | #7

    Par rapport à celle de TC, la critique signée Vernes en date du 5 mars a le mérite d’être assez constructive. D’abord, parce que Vernes ne considère pas le débat comme clos après la critique de TC, contrairement à Cesu songli et sans doute à beaucoup de gens qui ont lu cette critique, sinon ma réponse. Ensuite, parce qu’il semble admettre que la gestion de la pandémie Covid a bien été globalement sécuritaire et même biosécuritaire, ce qui donne à penser qu’il ne rejette pas absolument les concepts de biopolitique et de biopouvoir. Tels qu’ils ont été élaborés par Foucault, sur la base de sa microphysique du pouvoir, ces concepts sont certes inutilisables dans la perspective de la communisation, mais ils désignent un problème réel : celui de l’autonomisation relative, dans la politique générale du capital, d’une politique de gestion sécuritaire de la population et du travail intervenant sur les corps vivants des travailleurs hommes ou femmes et notamment sur ces corps vivants des prolétaires.

    C’est pourquoi je ne vois pas, Vernes, à quoi tend votre allusion à la fable libérale d’un espace public de débat : que les conditions de tout débat public se dégradent toujours plus, j’en suis bien d’accord, et ça n’est pas sans rapport avec l’irrationalisme croissant de la société du capital et de la classe capitaliste elle-même. Irrationalisme qui se manifeste et dans le rapport de cette classe au prolétariat, et dans son rapport à « la » science, en tant que production de connaissances objectives. C’est-à-dire à la fois dans le fait que sa politique de préservation de la capacité de travail des prolétaires hommes ou femmes aboutit en fait au résultat contraire à celui qu’elle vise, puisqu’elle affaiblit et diminue la force de travail actuelle et potentielle, et dans le fait que la science embarquée dans la fuite en avant du capital intègre fort mal, voire pas du tout, les correctifs de la science critique. D’une part, il n’est certes pas facile de comprendre que la classe capitaliste soit inconsciente au point d’affaiblir et réduire sa force de travail, mais ça n’est pas impossible. En effet, pour gérer les contradictions et les crises du capitalisme, la classe capitaliste n’a besoin que d’une compréhension très superficielle des lois du système, s’en tenant aux phénomènes, sans remonter aux processus déterminants. Elle n’a jamais eu cette conscience parfaite de ce qui serait son intérêt de classe bien compris, qu’on lui impute pourtant si l’on confond les lois du système, telles qu’elles ont été établies par la Critique de l’économie politique, avec les motifs de son action. D’autre part, la science qui se fait sous le capital, et notamment la biologie, science pilote du développement capitaliste depuis les années 1950, est toujours plus intégrée non seulement à l’appareil productif du capital mais à l’ensemble des appareils idéologiques assurant sa domination. Dans ces conditions, les contraintes idéologiques de la domination, dont la croyance commune qu’en haut l’État et la Science nous protègent, entrent en contradiction avec la production de connaissances objectives sur la vie, produisant ce qui apparaît désormais comme une critique spécialisée interne à la science, en l’occurrence à la biologie. En tant qu’ils pratiquent une critique purement interne et spécialisée, les chercheurs critiques de la gestion globale de la Covid ne peuvent comprendre ni la fonction de l’ensemble des sciences dans la société du capital ni la fuite en avant biopolitique sécuritaire du pouvoir capitaliste, mais leur critique peut être utilisée de manière elle-même critique dans la perspective de la communisation.

    C’est la critique de cette fuite en avant du système qui structure mon argumentation – et si l’on comprend ça, on ne s’y perd pas. Ce n’est absolument pas l’appel à refuser la vaccination qu’on m’impute, car s’il existe un un micro-milieu communisateur, il n’y a pas plus de milieu à « évangéliser » que d’« évangile anti-vax ». Ce qui gêne en réalité mes contradicteurs, c’est que dans la séquence globale que nous venons de vivre – confinements, obligation vaccinale, et levée des contraintes dites sanitaires sans déclaration de fin de pandémie – des luttes imprévues se sont produites – émeutes anti-confinement, manifestations anti-passe, révoltes plus générales mais catalysées par toutes les contraintes imposées sous état d’urgence pandémique aux Antilles et en Chine ; et ces luttes minoritaires mais effectives, leurs propres analyses du moment actuel ne les expliquent pas. D’ailleurs quand on constate que dans plusieurs pays d’Europe même les groupes anars et autonomes en sont venus à ne pas critiquer l’évolution autoritaire de l’État libéral sous prétexte qu’il nous protègerait contre les effets les plus catastrophiques des pandémies, on est forcé de conclure que la classe capitaliste globale a gagné la première grande bataille : celle pour maintenir et renforcer le consensus sanitaire qui lie les peuples à leurs États, consensus qui inclut évidemment l’idée que la vaccination est la bonne réponse à toutes les maladies infectieuses mais ne s’y réduit pas.

    J’en viens maintenant à vos trois objections. D’abord, vous m’imputez une analyse anti-interventionniste du cours de la pandémie qui n’est pas la mienne : dire que le virus s’est diffusé indépendamment des confinements et restrictions de circulation mais non indépendamment du défaut de soins initial n’est pas poser une équation naturaliste entre diffusion et perte de virulence du virus. En effet, il est impossible de contenir la propagation d’un virus par des confinements et des restrictions de circulation. Par contre, sa perte de virulence, prévisible en s’appuyant sur la théorie darwinienne de l’évolution, s’est bien vérifiée ; et c’est d’ailleurs aussi pour cette raison que les États ont fini par lever les restrictions, sans que l’OMS ait déclaré la fin de pandémie. Je ne vois pas ce que vient faire ici la fin de l’Histoire ni la fausse question à qui profite le crime ? Car je me fous de Fukayama et autres libéraux sous-hégéliens ; de plus, il n’y a pas eu crime, à moins qu’on pratique une critique moralisante du capitalisme. Et la dénonciation indignée des crimes contre l’humanité, je la laisse aux démocrates. Dans ma critique de la biopolitique anti-Covid, ni la diffusion du virus ni les ravages de la pandémie ne sont niés. Au contraire, le cours du virus et les ravages de la pandémie sont conçus dans le cadre de cette biopolitique sécuritaire, qui n’a empêché ni la diffusion ni l’affaiblissement du virus et de ses variants. Encore une fois, depuis mars 2020, les prolétaires et tous les gens d’en bas n’avaient pas à s’affirmer pour ou contre la vaccination, arbitrairement isolée de la stragégie anti-Covid des États, mais pour ou contre l’ensemble des insupportables contraintes imposées au nom de l’état d’urgence, avec très grand renforcement de la pression ordinaire du haut vers le bas.

    Ensuite, vous avez le culot de prétendre que je n’ai rien dit de l’absence d’obligation vaccinale et de la distribution des vaccins sous pression en France. J’ai au contraire bien marqué la différence entre l’obligation (qui n’existait et n’existe toujours en France que pour le personnel soignant) et la pression intense à la vaccination, pression tellement intense qu’elle a réussi à pourrir encore plus une survie quotidienne déjà très pourrie pour de grandes masses de prolétaires précarisés et paupérisés. Pour bien faire son sale boulot, notre Macron national a été jusqu’à théoriser la nécessité de cliver la population française entre vaccinés et non-vaccinés et donc de jouer la grande majorité responsable contre la petite minorité « complotiste ». Les soins qu’il était possible de donner aux gens malades ont été interdits aux médecins libéraux et hospitaliers, qui avaient pour consigne, du côté des libéraux, de renvoyer les gens à domicile avec une ordonnance de paracétamol ; car du côté de l’hôpital, qu’on disait débordé, on n’acceptait les malades qu’à la dernière extrémité. Au niveau global, malgré Trump et Bolsonaro, ce n’est pas le laisser-faire mais l’interventionnisme sécuritaire, tout aussi libéral que le laisser-faire, qui a dominé. Et si vous croyez encore que le libéralisme est incompatible avec l’intervention de l’État, qu’il s’agisse d’un plan de sauvetage de l’économie ou d’un état d’urgence dit sanitaire, il va vous falloir approfondir la question. Il n’y a pas d’endémie du laisser-faire : ni dans les foules qui ont participé aux manifs anti-passe ni même dans le milieu des collectifs scientifiques critiques de la stratégie vaccinale. Tous ces gens, qui n’étaient pas forcément contre la vaccination, voulaient et veulent avant tout des soins contre toutes les maladies existantes.

    Enfin, je n’ai pas dit que la révolte de la population chinoise de l’automne dernier se réduit à une opposition à la politique zéro Covid de son État. J’ai dit que cette politique, mise en œuvre depuis plus de deux ans, a fini par catalyser tous les mécontentements accumulés depuis le passage de la Chine à « l’économie socialiste de marché », parce que la politique zéro Covid est vite devenue insupportable à toutes les classes dominées comme à toutes les « minorités ethniques » formant la population nationale. Le maintien au travail d’un maximum de prolétaires jugés indispensables à la continuité de la production et de la consommation était bien sûr le principal objectif de la gestion globale de la Covid, aux States comme en Europe ou en Chine, mais l’entassement des prolétaires confinés dans des logements étriqués n’était pas moins favorable à la diffusion du virus, puisqu’un confinement total, à la mode chinoise (avec tests forcés de masse pour tous les gens circulant dehors et camps de quarantaine pour les testés positifs), n’a pas été pratiqué dans les États libéraux. Enfin, l’entassement des prolétaires dans les transports publics était évidemment un facteur de contamination supplémentaire. Bref, rien de ce que vous rappelez ici ne s’oppose à ma critique. Quant à la survenue probable d’autres pandémies générées ou non par des manipulations génétiques de virus en laboratoire et donc d’autres gestions sécuritaires de pandémie, ce sont les dirigeants du biopouvoir capitaliste qui l’ont annoncée. Voir la note 25 de mon texte.

    FD

  8. delalavande
    30/04/2023 à 23:13 | #8

    “Il est convenu avec raison, il suffit de le constater, qu’il y a une relation étroite et récurrente entre les discours « complotistes », « antivax », etc. et l’extrême-droite, l’antisémitisme et la « faschosphère ». Mais pourquoi ? Cela semble aller de soi, mais si on y réfléchit, le lien n’est jamais pensé.”

    Peut-être, à la suite de J.Gabel, peut on voir dans ces discours complotistes des raisonnements non dialectique, de part des procédés d’identification égocentrique, de spatialisation, ou de rationnalisation morbide, soit des manifestations d’une fausse conscience, dont les formes les plus abouties, si je puis dire, sont les discours d’extrême droite ?

  9. FD
    02/05/2023 à 16:58 | #9

    Effectivement, le lien affirmé par TC entre “discours anti-vax”, complotisme, et fascisme n’est jamais pensé. Mais une théorie de la fausse conscience ne peut pas expliquer cet impensé, car il n’y a pas plus de conscience vraie que de conscience fausse; il y a seulement différentes compréhensions du mouvement réel des luttes contre le capital. Et dans le moment actuel, marqué par la Covid, il faudrait tout de même commencer à comprendre que la reproduction des conditions de l’exploitation passe nécessairement par la reproduction et la consolidation de tous les appareils de domination du capital. Et que la crise en cours est indissociablement une crise économique de reproduction de l’exploitation et une crise biopolitique de reproduction du consensus sanitaire entre l’État et le Peuple.

  10. FD
    03/05/2023 à 18:34 | #10

    J’ai oublié de préciser dans mon dernier post que TC n’explique pas mieux la “relation étroite et récurrente” dont il affirme l’existence entre discours “anti-vax”, complotisme, et fascisme. Ceci pour la bonne raison que cette relation n’existe pas. Il existe certes des militants anti-vax (dont je ne fais pas partie, car mon problème n’est pas la liberté de la vaccination, mais la destruction du Capital qui veut maintenant faire de nous des OGM.). Il existe aussi un discours complotiste, de droite ou de gauche, qui ne prend que sur les gens qui n’activent pas leurs neurones. Il existe enfin un néo-fascisme anti-mondialiste, dont la critique est déjà faite en creux dans la critique de la nostalgie de l’État-providence. Encore une fois, je n’ai rien à voir avec tout ça. Donc merci d’en finir avec l’amalgame !

  11. pepe
    04/05/2023 à 12:06 | #11

    “le capital veut faire de nous des OGM”…..no comment!

  12. FD
    04/05/2023 à 18:06 | #12

    Pepe, tu as tort de ne pas commenter, car le vaccin ARNm est ce qu’on peut appeler un pro-vaccin, càd qu’il n’est pas pharmacologiquement actif. Ce sont les cellules de l’individu vacciné qui traduisent l’information génétique contenue dans l’ARNm en antigène vaccinal, en l’occurrence la protéine spike modifiée du virus sarsCov 2. Ainsi objectivement l’organisme qui produit ce transgène est un Organisme Génétiquement Modifié. Il l’est d’autant plus qu’il est possible que le transgène s’intègre dans l’ADN du vacciné. Cette explication est fort technique, je sais, mais il y en a marre des clins d’œil du genre “no comment”. Encore une fois, ce n’est tout de même pas ma faute si le Capital nous force maintenant à nous intéresser à ce qui se produit dans ses usines bio-tech.

  13. pepe
    04/05/2023 à 21:09 | #13

    La démonstration technique est largement sujette à caution, à suivre donc, mais là n’est pas le problème. Un aléa technique de tel ou tel produit utilisé peut être critiqué. Affirmer que le Capital nous veut OGM, c’est du complotisme.

  14. pepe
    05/05/2023 à 00:35 | #14

    A part ça, si on refuse les opinions et qu’on s’en tient aux faits, comme nous ne sommes pas des scientifiques, ni toi, ni moi, la littérature tous azimuts explique en long et en large que l’ARN messager ne peut pas pénétrer le noyau et qu’il est détruit très rapidement après programmation de la protéine visée. Après c’est sources contre sources et ma participation va s’arrêter là. Mais que cela ne t’empêche surtout pas de nous expliquer l’intérêt caché que le Capital aurait à nous transformer en OGM

  15. FD
    05/05/2023 à 12:17 | #15

    Tu as raison sur un seul point, secondaire car purement formel : je n’aurais pas dû écrire le Capital VEUT nous transformer en OGM.
    D’autant plus que j’ai montré tout au long de mon texte qu’il n’a pas besoin de projeter consciemment quoi que ce soit pour obtenir les résultats désastreux qui ont été constatés depuis trois ans non seulement par moi et par quelques camarades grecs, mais par les quelques millions de gens qui, dans le monde ont lutté contre les confinements, les tests obligatoires, et finalement les passes dits sanitaires.
    Bien sûr, ne constatent ces effets que les gens qui s’opposent à l’ensemble de cette politique sanitaire désastreuse ; les autres, la grande masse des gens vaccinés et, heureusement, pas toujours endommagés, n’ont aucun intérêt à le faire.
    Il ne s’agit pas d’un aléa technique sur tel ou tel produit utilisé. Il y a des statistiques officielles des effets nocifs déclarés ; et même en tenant compte de l’énorme sous-déclaration organisée de ces effets, ça n’est pas rien.
    D’autre part, je n’ai pas affirmé que l’ARN messager pénètre nécessairement le noyau mais seulement que c’est possible ; et ma compagne te répondra sans doute plus précisément là-dessus.
    Pour finir sur le fond de toute cette question : si nous comptons sur le système et la classe capitaliste pour nous protéger de son action destructive sur la nature et la vie, y compris la vie humaine, nous sommes bien mal barrés pour faire enfin la petite révolution mondiale qu’il nous reste à faire.

  16. FD
    05/05/2023 à 17:36 | #16

    Que veut dire “s’en tenir aux faits” ?
    S’il s’agit des faits observés et publiés dans la littérature scientifique voilà ce qu’on sait.
    On sait que des parties du génome du virus SARS-CoV-2 peuvent être rétrotranscrites et s’intégrer sous forme d’ADN dans le génome des cellules de patients atteints de la Covid [1]. Dans certaines conditions une enzyme humaine (LINE-1) est capable de transformer l’ARN du SARS-CoV-2 et de l’intégrer dans le génome de la cellule infectée [2]. On sait également que sur des cellules humaines en culture en lignée continue l’ARNm de la spike vaccinale est rétrotranscrit en ADN [3].
    Il a été montré dans 4 publications que l’ARNm vaccinal est excrété dans le lait maternel au moins pendant la 1ère semaine après injection [4]. Ce passage dans le lait n’est pas remis en question par la FDA qui refuse simplement de le faire noter sur l’étiquetage des vaccins [5]. D’ailleurs des effets indésirables graves ont été notifiés et pris en compte par la Food and Drug Administration chez des bébés allaités dans les jours après l’injection [6]. Dans ce même document [6], la FDA reconnaît que les fœtus peuvent être vaccinés par voie transplacentaire.

    Par ailleurs, l’ARNm vaccinal persiste jusqu’à 2 mois chez les vaccinés (dans de nombreux organes et pas seulement au site d’injection), et il peut être traduit en protéine spike [7] ; la protéine spike traduite chez le vacciné à partir de l’ARNm peut persister jusqu’à plusieurs mois chez les vaccinés à des taux comparables ou supérieurs à ceux atteints lors d’une Covid grave [7].
    L’EMA (Agence Européenne du Médicament) a noté la présence d’ADN contaminant en quantité importante (modèle qui sert à fabriquer l’ARNm) dans les flacons de vaccin [8]: cet ADN codant pour la spike (ainsi que pour des gènes de résistance aux antibiotiques et sans doute aussi pour le promoteur du virus oncogène SV40) est encore plus susceptible que l’ARNm de s’intégrer dans le génome (le promoteur du SV40 a été trouvé par 3 équipes indépendantes aux USA, en Hollande et au Japon).

    [1]
    Reverse-transcribed SARS-CoV-2 RNA can integrate into the genome of cultured human cells and can be expressed in patient-derived tissues
    Liguo Zhang, Alexsia Richards, M. Inmaculada Barrasa, Stephen H.Hughes, Richard A. Young, Rudolf Jaenisch
    Proceedings of the National Academy of Sciences May 2021, 118 (21) e2105968118; DOI:10.1073/pnas.2105968118

    [2]
    Further evidence supports controversial claim that SARS-CoV-2 genes can integrate with human DNA
    https://www.science.org/content/article/further-evidence-offered-claim-genes-pandemic-coronavirus-can-integrate-human-dna

    [3]
    Aldén, M.; Olofsson Falla, F.; Yang, D.; Barghouth, M.; Luan, C.; Rasmussen, M.; De Marinis, Y. Intracellular Reverse Transcription of Pfizer BioNTech COVID-19 mRNA Vaccine BNT162b2 In Vitro in Human Liver Cell Line. Curr. Issues Mol. Biol. 2022, 44, 1115-1126. https://doi.org/10.3390/cimb44030073

    [4]
    Yeo KT, Chia WN, Tan CW, Ong C, Yeo JG, Zhang J, Poh SL, Lim AJM, Sim KHZ, Sutamam N, Chua CJH, Albani S, Wang LF, Chua MC. Neutralizing Activity and SARS-CoV-2 Vaccine mRNA Persistence in Serum and Breastmilk After BNT162b2 Vaccination in Lactating Women. Front Immunol. 2022 Jan 11;12:783975. doi: 10.3389/fimmu.2021.783975. PMID: 35087517; PMCID: PMC8787073.
    Low JM, Gu Y, Ng MSF et al. Codominant IgG and IgA expression with minimal vaccine mRNA in milk of BNT162b2 vaccinees. NPJ Vaccines. 2021 Aug 19;6(1):105.https://doi.org/10.1038/s41541- 021-00370-z
    Hanna N, Heffes-Doon A, Lin X, et al. Detection of Messenger RNA COVID-19 Vaccines in Human Breast Milk. JAMA Pediatr. Published online September 26, 2022.https://doi.org/10.1001/jamapediatrics.2022.3581
    Golan Y, Prahl M, Cassidy AG et al. COVID-19 mRNA Vaccination in Lactation: Assessment of Adverse Events and Vaccine-Related Antibodies in Mother-Infant Dyads. 2021 Front. Immunol. 12:777103. https://doi.org/10.3389/fmmu.2021.777103

    [5]
    Citizen Petition (Docket Number : FDA-2023-P-0360) 18 avril 2023 https://s3.documentcloud.org/documents/23786932/fda-letter-on-covid-19-vaccine-labeling.pdf

    [6]
    COVID-19 Vaccine -Safety Review for PLLR Label Update BNT162b2 Cumulative Review from Pharmacovigilance Database PREGNANCY AND LACTATION CUMULATIVE REVIEW 20 April 2021 FDA-CBER-2021-5683-0779752 https://phmpt.org/wp-content/uploads/2023/04/125742_S2_M1_pllr-cumulative-review.pdf

    [7]
    Les références sont regroupées dans cette bibliographie de la littérature scientifique : Banoun H. Current state of knowledge on the excretion of mRNA and spike produced by anti-COVID-19 mRNA vaccines; possibility of contamination of the entourage of those vaccinated by these products. Infect Dis Res. 2022;3(4):22.
    https://doi.org/10.53388/IDR20221125022

    [8]
    21 December 2020 EMA/707383/2020 Committee for Medicinal Products for Human Use (CHMP)
    Assessment report Comirnaty Common name: COVID-19 mRNA vaccine (nucleoside-modified) Procedure No. EMEA/H/C/005735/0000

  17. pepe
    05/05/2023 à 18:21 | #17

    Désolé mais je vais être d’un piètre recours polémique à ce niveau de travail à fournir en recherche, sciences, consensus….comme sur des centaines d’autres polémiques scientifiques, j’en suis réduit à choisir les consensus qui me paraissent les plus pertinents, à tort peut être. A suivre éventuellement….

  18. FD
    06/05/2023 à 12:55 | #18

    Pepe, si tu ne souhaites pas argumenter sur ces questions techniques, ce que je comprends fort bien, n’étant moi-même pas capable d’argumenter sur ce terrain sans l’aide précieuse de ma compagne, recentrons donc le débat sur la seule question qui se pose objectivement : la théorie de la communisation peut-elle ou non intégrer les concepts de biopolitique et de biopouvoir afin de comprendre, au-delà de la crise Covid, l’étrange tendance du système capitaliste à “sécuriser” la population et donc la force de travail, actuelle et potentielle, en l’affaiblissant biologiquement ? Toi et TC, vous pensez que non. Moi et quelques camarades grecs, au moins, nous pensons que oui. Discutons de ça !

  19. pepe
    06/05/2023 à 14:03 | #19

    Je ne répondrai évidemment pas en me référant à TC qui s’exprime à l’occasion quand elle en ressent la nécessité.
    Les commentaires ne sont pas obligatoirement le bon lieu pour développer un argumentaire mais je vais être très bref.
    Je ne suis pas du tout d’accord avec ton affirmation suivante:
    ” l’étrange tendance du système capitaliste à “sécuriser” la population et donc la force de travail, actuelle et potentielle, en l’affaiblissant biologiquement “.
    Je crois sincèrement que le mode de production capitaliste s’adapte au niveau du rapport des forces dans la lutte des classes et qu’il peut, à l’occasion, être hyper répressif, hyper démocrate, utiliser le Care et le bâton et tout autre technique de gestion de façon à “produire et reproduire le rapport d’exploitation entre le prolétariat et le capital”.
    Et je crois que l’Etat, gestionnaire local des affaires courantes du MPC, peut prendre telle ou telle forme selon les circonstances. Là ou il s’imposait hier matin en garant de la santé publique et imposait tels ou tels comportements collectifs plus ou moins coercitifs, confinement, masques, vaccins, etc, etc…. il est capable hier soir de lever tout état d’urgence et de se préparer demain matin à interdire les émissions de CO2, imposer la bicyclette et les véhicules électrique si cela lui permet de sortir de la crise par le haut.
    Je ne crois pas un instant nécessaire de développer des concepts parallèles tels le biopouvoir ou la biopolitique qui ne sont que des outils ponctuels de la gestion du MPC, un peu comme fascisme et démocratie sont deux des formes politiques que peut prendre le MPC selon les circonstances de la lutte des classes.
    Et je ne crois pas un instant à l’intérêt du Capital à affaiblir biologiquement la force de travail, surtout qu’en ce moment, quels que soient les soubresauts violents de la lutte des classes dans le monde, les marchandises se produisent, circulent et se vendent pas si mal que cela…..La sécurisation de la force de travail est un outil que le Capital sort selon les circonstances et surtout selon les lieux. Et qu’il remettra dans sa besace dès qu’une situation nouvelle le lui imposera

  20. FD
    06/05/2023 à 15:00 | #20

    Les concepts de biopolitique et de biopouvoir n’ont pas été élaborés pour expliquer la tendance du système capitaliste à affaiblir biologiquement sa population, puisqu’ils ont été élaborés par Foucault à la fin des années 1970, alors que la question d’une telle fuite en avant sécuritaire du système ne se posait pas encore. Il se trouve qu’ils permettent de comprendre cette tendance, étrange évidemment, mais observable à l’occasion de la crise Covid. Une tendance, on peut en affirmer ou en nier l’existence, mais ça n’est pas un intérêt. Le Capital n’a certes pas intérêt à affaiblir la force de travail ; il s’agit de savoir s’il est effectivement amené à le faire, pour des raisons déterminables et à déterminer. Enfin, le problème, avec la Santé publique, même hors état d’urgence sanitaire, c’est qu’elle n’est jamais sans effets nocifs.

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