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“Coronavirus, croissance de l’Etat, crise de reproduction”

Très bon texte mais trop long pour faire un commentaire, on publie donc. dndf

Coronavirus, croissance de l’État, crise de reproduction

[Ces notes, hasardeuses, mal organisées, « fourre-tout », ont pour unique vocation de favoriser des débats parmi les confinés.]

« Il y a deux façons de tuer : une, que l’on désigne franchement et par le verbe ‘‘tuer’’ ; l’autre, qui reste sous-entendue d’habitude derrière cet euphémisme délicat : ‘‘rendre la vie impossible’’ »

Antonio Gramsci, Cahiers de prison, cahier 3, §32, Gallimard, 1996 (1974), p. 281.

Dans ce temps de déments, les analyses, fumeuses ou pertinentes, brillantes ou ineptes, simplistes ou trop compliquées, fleurissent. C’est qu’on a le temps ! Souvent, il s’agit de commentaires « biologiques », médicaux, voire d’avis prophylactiques : beaucoup sont devenus très vite des spécialistes et des experts en la matière, grâce à un usage immodéré – car contraint – d’internet. Les origines du virus sont étudiées : on dévoile qu’elles sont liées au mode de production capitaliste ; mais le contraire eût été étonnant, car tout est lié au mode de production capitaliste – et les espaces « sauvages » que viendrait bouleverser l’économie n’existent plus.

Parfois, on cherche aussi à décortiquer le comportement de l’État et ses stratégies. Voilà un projet plus raisonnable. Il y a deux façons de le mener à bien : avec du recul historique, ou au bistrot. Mais pour l’heure, nous n’avons ni l’un, ni l’autre. C’est avec cette limite qu’il faut considérer tous les discours, en y ajoutant la frénésie, l’angoisse, et l’accentuation de toutes les névroses.

Un « fait » semble pourtant sous-analysé. Ce « fait », c’est la crise de reproduction des rapports capitalistes. Cette crise est brutale, même si elle était prévue. Si l’on en croit le gouvernement (ce qu’il est en général sage d’éviter), c’est le coronavirus lui-même qui aurait déclenché cette crise. Il est classique que l’on cherche à expliquer les crises par un évènement, fortuit ou non, qui les déclencherait : éclatement d’une « bulle » (vue comme un phénomène autonome), mesures de régulation financières ou monétaires, « chocs » pétroliers, voire éruptions solaires (Stanley Jevons, 1875). Le plus souvent, ces déclencheurs procèdent plus ou moins d’une mauvaise gestion, de l’emprise d’un capital « malsain » sur le capital productif, du mauvais comportement de certains des acteurs économiques ou de l’État : bref, ils sont plus ou moins externes au processus économique. Mais le coup du virus est tout de même un peu fort. Il ne s’agit pourtant pas de dire que l’épidémie – et, dans une mesure importante, sa gestion par les États – n’a pas d’impact sur l’économie et son bouleversement : ce serait idiot. Mais il s’agit de rappeler que les crises sont produites par le mode de production capitaliste lui-même, de façon inéluctable, par le développement de ses contradictions. Particulièrement, à l’échelle du monde, la contradiction qui veut que de plus en plus de travailleurs soient éjectés du processus de production de valeur, alors même qu’ils en sont la condition indispensable, paraît centrale. Il faut aussi se pencher sur la façon dont chaque crise permet au capitalisme de se régénérer momentanément, non pas par des effets magiques mais par la destruction de capital (travailleurs, instruments de production, marchandises) dans des proportions immenses et croissantes ; et comment cette régénération ne peut s’opérer que par l’accroissement des taux de profit, par la contrainte au surtravail la plus brutale, la baisse du salaire réel, l’accroissement du temps de travail, l’augmentation du prix des marchandises, etc. ; enfin comment non seulement cette régénération ne peut non seulement n’être que provisoire, mais en outre chaque fois moins efficace : en d’autres termes, comment la violence de chaque crise et de sa résolution croît alors que l’intervalle avant la prochaine crise ne cesse de diminuer.

Voilà un programme un peu trop ambitieux, sans doute. Mais on a le temps !

L’État et les gens

La crise des Gilets jaunes a montré, entre autres choses, toute la place que prenait l’État dans la reproduction des rapports sociaux capitalistes : dans celle du capital, mais aussi, de manière sans cesse grandissante, dans celle des prolétaires eux-mêmes. Dès lors que la reproduction des prolétaires se fait de moins en moins par le salaire « formel » (celui donné par le capitaliste au travailleur en échange d’une certaine quantité de force de travail), mais de plus en plus de façon indirecte, c’est-à-dire prise en charge essentiellement par l’État (et par l’économie informelle), il est assez logique que les luttes se soient déplacées progressivement de l’usine à la sphère de la circulation, c’est-à-dire, schématiquement, que l’émeute ait remplacé la grève comme forme de lutte typique. C’est la thèse de Joshua Clover (L’émeute prime, 2015). Les prolétaires (ceux qui n’ont rien, ceux qui doivent, pour survivre, mettre en vente leur force de travail – et ça fait du monde), dans le cadre de ces luttes, rencontrent immédiatement l’État, ne serait-ce que sous la forme des forces répressives. Du reste, comme c’est l’État qui a en charge une grande partie de leur reproduction, c’est à lui qu’ils s’en prennent pour améliorer leur sort.

Les capitalistes semblent donc à première vue épargnés par les luttes : faut-il y voir une stratégie délibérée de l’État pour leur permettre de maximiser leur profit, ce qui reste une de ses fonctions essentielles ? Il y a lieu d’en douter, et il n’est pas probable que l’évolution des dernières décennies, qui est celle de la reconfiguration des rapports capitalistes de l’après « période de prospérité » (1945-1973), qui voit l’État prendre en charge régulièrement la reproduction quotidienne de millions de prolétaires, ait procédé d’une décision consciente ou d’une vision cohérente. Comme d’habitude, c’est petit à petit que l’État a accru ses prérogatives. Cette croissance de la fonction redistributrice de l’État s’est d’ailleurs faite tous azimuts, puisque ses interventions directes dans l’économie, qu’elles soient ponctuelles (prévention et règlement des crises) ou structurelles (infrastructures, participations directes aux entreprises, etc.) croissent également.

Aujourd’hui, l’État est, du point de vue de l’économie, une sorte de monstre ; son fonctionnement n’obéit pas une logique spécifique, mais à plusieurs en même temps, y compris parfois contradictoirement. Ainsi, il se voit dans la nécessité de redistribuer aux capitalistes une portion plus grande la plus-value collective ; ceci non pas par amabilité de classe, mais parce que les capitalistes ont un besoin sans cesse croissant de capital à réinvestir, pour faire face à la baisse continue de leurs profits. Mais, dans le même temps, l’État doit aussi assurer la reproduction des millions de non-travailleurs exclus de la production, qui dépendent de lui, et il ne peut s’en charger qu’en leur dévoluant une part croissante, là aussi, de la plus-value collective. La contradiction est évidente ; et on perçoit aussitôt comment elle peut devenir insurmontable en période de crise, quand la plus-value collective produite décroît. C’est donc – aussi – pour servir ses intérêts propres que l’État a intérêt à la reproduction élargie des rapports capitalistes.

Or, l’hiver dernier, les luttes des prolétaires en France contre la réforme des pensions de retraite se sont caractérisées par un double terrain (la production et la circulation) et par une double forme (la grève et l’émeute). Les prolétaires ont investi ces luttes non pas en tant que travailleurs ou non-travailleurs – ou, pour mieux dire, ils les ont investies en tant que les deux à la fois : le point commun des gens en luttes, ce n’est pas qu’ils produisent de la valeur, ou qu’ils ne produisent pas de valeur, c’est leur dépossession. La réforme du système des retraites est à cet égard une menace pour tout le monde, qu’elle soit perçue comme une attaque sur le temps de travail global (donc sur le salaire global) ou comme une attaque sur la redistribution par l’État de la plus-value-collective, ça revient au même. Cette fusion des objectifs et des tactiques de lutte est au plus haut point intéressante et peut-être une marque importante de la période que nous traversons. De plus, accessoirement, l’État cesse d’être la seule cible des prolétaires : quelques grèves ont eu lieu dans des entreprises privées (même s’il est remarquable que la plupart ont touché des entreprises publiques ou dans lesquelles l’État a une participation importante). Il faudra en tous cas avoir ces éléments en tête lors de l’analyse des positions tenues par le Medef, par exemple, au sujet du coronavirus. Il reste que le secteur touché est toujours celui de la circulation du capital, et non celui de la production (à de rares exceptions près).

Voilà où en était la lutte des classes en France lorsque soudain, se répandant comme une trainée de poudre à partir du marché aux fruits de mer de l’immense ville-atelier de Wuhan (Hubei), une épidémie a fait adopter par les gouvernements du monde entier des mesures de coercition à peine croyables et, semble-t-il, a brutalement déclenché une crise économique.

La crise et le coronavirus

La crise, c’est le blocage de la circulation. Comment se manifeste-t-elle de prime abord ? Elle se manifeste non pas par un manque d’argent, mais par une pléthore d’argent. Cet argent ne trouve pas à s’employer dans de nouveaux cycles productifs ; immobilisé, il est pis qu’inutile pour le capitalisme : il est nuisible. Les flux de capital-marchandise sont d’abord bloqués. Le capital-argent n’est plus investi dans la production de marchandises, qui ne paraît pas pouvoir déboucher sur leur circulation, donc la réalisation de la plus-value qu’elles contiennent ; il est alors dirigé vers des instruments financiers (ou commerciaux, ou purement immobilisé, mais ces cas se font rares). Ces instruments financiers eux-mêmes deviennent l’objet d’une demande telle que leurs prix s’effondrent, occasionnant des krachs financiers. (Remarquons d’ailleurs que cet effondrement est l’occasion d’un renchérissement relatif du capital « réel » par rapport au capital fictif, dont d’importantes quantités se trouvent anéanties.)

Bref, une crise. Mais dans la crise actuelle, il semble au premier regard que c’est le coronavirus, et les mesures chinoises de confinement des populations et de ralentissement de la production qui sont la cause de tout. Est-ce bien certain, pourtant ?

On sait que 2019 a été la pire année pour le capitalisme chinois depuis les années 1990 ; la croissance du PIB y a été moindre qu’au plus fort de la crise dite « des subprimes ». Les conflits « commerciaux » avec les USA se multiplient ces dernières années, qu’on ne peut entièrement mettre sur le compte du tempérament vindicatif du président américain : c’est que la lutte pour la conquête des marchés se fait plus âpre quand les taux de profit se font plus faibles. L’économie de la Chine semble, en fait, excessivement dépendante de la production de matières premières, des plans d’investissement publics (soutien à l’appareil productif) et de la politique du Parti (protectionnisme et taux de change avantageux).

Il faut ajouter que le capitalisme chinois, qui s’est adapté efficacement à une demande mondiale versatile, a pour ce faire développé des modèles de production et de circulation très fragiles, notamment la production just in time et le refus de tout stock. Ces pratiques, qui permettent bon an mal an la poursuite de l’accumulation en Chine, sont cependant dépendantes d’une circulation parfaite. La « containerisation », par exemple, permet une fluidité maximale des marchandises destinées aux autres marchés mondiaux. Cependant, que cette fluidité vienne à se gripper, même légèrement, et tout le système productif est aussitôt en péril. D’autre part les stocks réduits au minimum font peser une autre menace : un ralentissement de la production devient aussitôt un arrêt de la circulation.

Les espoirs, avoués ou non, que la Chine deviennent un « moteur » de l’économie planétaire, voire qu’elle se substitue aux USA comme hégémon du monde, laissent la place, chez les économistes bourgeois, au constat que même le capitalisme chinois, peut-être, ne « tient pas le coup » en dépit de son caractère d’atelier du monde, comme on dit. D’ailleurs, l’économie des USA semble, en fin de compte, résister aux assauts du capitalisme chinois. La croissance s’y maintient en apparence tant bien que mal, et même parfois plutôt bien que mal. Mais, là aussi, il y a un effet de trompe-l’œil : ce qui « tire » la croissance américaine, ce sont, comme pour la Chine, l’intervention désespérée de l’État, le protectionnisme et l’agressivité du commerce extérieur, et surtout la rente pétrolière produite par l’exploitation forcenée des gisements de schiste. Il n’a échappé à personne à quel point, pour maintenir cette rente, la diplomatie américaine a mis l’équilibre du monde en péril : c’est que cette rente dépend d’un cours du baril assez élevé, lequel dépend d’une mise sur le marché d’une quantité relativement faible à l’échelle mondiale. L’éviction de l’Iran du marché pétrolier est pour beaucoup dans le maintien de taux de croissance positifs aux USA.

Mais ces taux de croissance, chinois comme américain, sont trompeurs, précisément en ce qu’ils intègrent la rente, celle des matières premières pour la Chine, celle du pétrole pour les USA. Or cette rente, au point de vue de l’économie capitaliste, ne présente pas d’intérêt. Pour tout dire elle est même nuisible, puisqu’elle immobilise du capital dans des secteurs produisant beaucoup de profit pour peu de valeur, capital qui pourrait être investi ailleurs (ce qu’on nomme « resource curse », malédiction des ressources naturelles). La reproduction élargie du capital est donc freinée par la rente ; si les capitalistes investissent dans le pétrole, par exemple, c’est pour faire des profits rapides et importants, sans aucun doute plus rapides et plus importants que s’ils avaient investi dans l’automobile, par exemple ; mais ces profits  correspondent à une faible plus-value.

(Il est difficile d’établir solidement que le taux de profit baisse, du fait que les statistiques bourgeoises n’utilisent pas cette notion. Ce qui s’en rapproche le plus, c’est sans doute le taux de marge, en France. L’INSEE [Note de conjoncture, décembre 2017] reconnaissait d’ailleurs que ce taux de marge « s’équilibrait à un niveau plus bas qu’avant-crise ». Mais cette statistique, pour imparfaite qu’elle soit, n’a pas d’équivalent international ; chaque pays ou presque utilise ses propres indicateurs, de sorte que les comparaisons internationales sont à peu près impossibles. On peut en revanche établir théoriquement que le taux de profit baisse, du fait, pour le dire vite, de la hausse de la composition organique du capital. Ce n’est certes pas l’objet ici.)

Ces digressions austères ne servent au fond qu’à exprimer ceci : l’économie mondiale, encore dans le cours pénible de sa restructuration de l’après-2008, était en situation de péril imminent et ne « tenait » pratiquement, en fait, que grâce à deux éléments : la rente des matières premières, à commencer par le pétrole ; une production just in time nécessitant une circulation optimale des marchandises. Ceci ne vise pas à affirmer que l’épidémie n’est pour rien dans la crise ; mais à rappeler que pour qu’une crise éclate, il faut que les conditions soient réunies. Elles l’étaient.

Or ce n’est pas une seule de ces « béquilles » qui a cédé, mais les deux, dans un laps de temps extrêmement réduit pour ne pas dire simultanément. Le 6 mars, une réunion de l’OPEP a donné lieu à une fâcherie entre la Russie et l’Arabie Saoudite, nous dit-on ; les autorités russes refusent de diminuer leur production, ce qui aurait eu pour effet de maintenir relativement élevé le baril, du moins à un cours suffisamment élevé pour que l’extraction de schiste américain, très coûteuse, reste rentable. Il est bien évident que l’intérêt de la Russie, dans cette affaire, c’est donc d’augmenter sa production : un cas typique de conflit commercial mondial dans un contexte d’extrême fragilité économique. Le soir même, le cours du baril, qui tenait entre 50 et 60 dollars depuis quelques années, s’est brutalement effondré et a atteint 25 dollars aussitôt, cours qui se maintient depuis. Immédiatement, l’ensemble des matières premières a chuté aussi : produits agricoles, métaux, même l’or (momentanément).

L’épidémie de coronavirus avait commencé à faire « trembler » les économistes environ deux ou trois semaines plus tôt, alors qu’il devenait manifeste que les autorités chinoises truquaient les chiffres des malades, et surtout qu’elles prenaient des décisions de nature à sérieusement freiner sa production : d’abord, le confinement de Wuhan, qui est un centre industriel majeur, puis l’extension à partir de février de ce confinement aux autres grandes villes. Il est devenu patent que de telles mesures allaient vraisemblablement être mises en œuvre un peu partout dans le monde, et la maladie se répandait en effet en suivant méticuleusement les voies du trafic de marchandises. Deux « petits » krachs (24 et 28 février) ont été suivis par le « grand » krach, celui du 9 mars.

Protection de la bourgeoisie, mise au travail des prolétaires ?

Les premières mesures sérieuses de l’État, en France, ont consisté à fermer les écoles, collèges, lycées, universités. Auparavant, des restrictions avaient été mises en place concernant l’entrée dans le pays, en fonction du pays d’origine. Puis, à l’imitation de l’Italie qui a adopté cette mesure le 8 mars, le gouvernement français déclare le confinement : il s’agit de « réduire les contacts et déplacements au strict minimum sur l’ensemble du territoire ».

Pourtant, toute l’économie ne s’est pas arrêtée : outre le secteur de la santé, qui est un cas particulier lié aux circonstances, il y a la distribution, le transport, l’artisanat, l’industrie… Bref, ce qui relève de la production et de la circulation de marchandises. Ceux et celles qui ont le droit et l’obligation de rester chez eux en étant payés, ce sont avant tout les couches moyennes et supérieures, qui travaillent dans les « services », l’administration, l’enseignement : l’encadrement de la reproduction des rapports sociaux (à l’exception, bien sûr, du secteur de la santé). Mais les travailleurs qui produisent et réalisent la valeur, eux, sont contraints de poursuivre cette production et cette réalisation.

Les travailleurs de la distribution se voient dans l’obligation de travailler jusqu’à cinquante ou soixante heures par semaine, pour encaisser l’afflux d’acheteurs de pâtes et de papier-toilette. Dès le week-end du 20 le temps de travail dans le transport est augmenté par décret. Il en va de même pour les travailleurs de la santé, qui par-dessus le marché doivent subir la compassion du gouvernement, qui les érige en héros de la « guerre » qu’ils mènent, bien sûr, « en première ligne ». « La meilleure prime pour les soignants, c’est de respecter les gestes-barrière », précise cependant le ministre Darmanin le 18 mars, histoire d’être clair : les salaires n’augmenteront pas pour le personnel médical.

Très vite, le sentiment d’être le dindon d’une farce sinistre se fait jour. Il faudrait aller travailler pendant que les bourgeois se plaignent du confinement ? Un peu partout, des travailleurs refusent de travailler, exigent des primes, des augmentations de salaire, des mesures de sécurité sanitaire. Il y a des grèves et des débrayages à partir du 18 à Amazon, Veolia, etc. Le temps de travail quotidien semble parfois baisser (ainsi à la reprise du travail à Airbus, on est passé à la journée de six heures). Auchan octroie 1 000 euros à 65 000 de ses salariés le 21. Ce sont des petites victoires provisoires pour les travailleurs, qui montrent à quel point la classe capitaliste est aux abois. Mais il y a bien peu de chances qu’elles ne soient pas autre chose que des victoires provisoires.

Il faut remarquer, au-delà du clivage producteurs-réalisateurs de valeur / non-producteurs de valeur (les uns devant bosser, les autres non), qu’il y a un second clivage, celui entre ceux qui ont de « bons » contrats et les précaires. Les intermittents non-embauchés ne sont pas comparables aux salariés mis au chômage technique ; même, parmi ces derniers, ceux à qui on impose de prendre des congés payés pendant la durée de la crise (ce qui est scandaleux) continuent, au fond, d’être payés.

Il faut une semaine à l’État pour organiser la chose un peu mieux ; et, le 25 mars, le gouvernement – qui a adopté un opportun « état d’urgence sanitaire » – édicte des ordonnances modifiant le droit du travail, dont on connaît le contenu : possibilité de travailler 60 heures hebdomadaires, diminution des temps de repos, prise des congés imposée par le patron, etc. Au Portugal, le droit de grève est « suspendu » le 21 mars. Ce n’est que le début, sans doute, d’une réorganisation à la dure.

La crise est là, et bien là, et les tribunes se multiplient dans la presse, appelant à des « plans Marshall » démesurés, alors même que les États ont déjà promis des centaines et des milliers de milliards aux entreprises. C’est que, au 25 mars, la moitié des usines françaises seraient à l’arrêt, selon le président de France Industrie (Le Monde du 25). De plus, les signaux envoyés par la Chine d’un redémarrage de leur système productif (même s’ils laissent dubitatif), suscitent les pires craintes chez les Occidentaux : le premier à redémarrer aura, à n’en pas douter, la part du lion. Toutefois, il paraît évident qu’un redémarrage de la production se heurterait aussitôt à une absence de circulation (transport, consommation), ce qui rend plutôt probable un approfondissement de la crise.

Les bonds de l’État

Il faut essayer de démêler et de comprendre le comportement de l’État dans cette crise polymorphe. Ce comportement comporte bien évidemment une grande part d’irrationnel et d’improvisation. Ce n’est que le recul historique qui permet souvent, de ces errements apparemment désordonnés, de dégager une logique cohérente. Il faut pourtant bien tâcher d’y comprendre quelque chose, si l’on ne veut pas être mangé tout cru.

Deux éléments surtout se dégagent : l’interventionnisme économique et le délire dit « sécuritaire ».

Si le président français, en déclarant « la guerre », a promis 300 milliards aux entreprises, l’Allemagne en a proposé 1 000 et les USA 2 000. Tout ça fait tout de même beaucoup d’argent ; cet argent, ils ne l’ont pas, est-ce la peine de le mentionner. Ces fameux et fabuleux plans de relance sont « de la dette », c’est-à-dire du capital fictif, une anticipation des résultats positifs qu’ils sont censés produire plus tard. Ces résultats positifs, en d’autres termes, sont liés à davantage de plus-value, laquelle plus-value devra être extraite à partir de la force de travail. Mais, on l’a vu, les taux de profit déjà bien faibles rendent difficile cette extraction, ce qui explique à la fois la virulence des luttes de classes partout dans le monde et le déclenchement de la crise elle-même. Il faudra donc considérablement renforcer le taux d’exploitation.

Ici, le deuxième volet du comportement de l’État prend tout son sens. En abolissant des fournées de libertés formelles et de droits formels en quelques jours, en s’arrogeant des pouvoirs assez considérables, et en expérimentant à des échelles inédites la contrainte collective (assignation à résidence de masse), il se donne en quelque sorte les moyens d’appliquer concrètement les plans de relance. L’analogie avec les logiques de contre-insurrection a été relevée.

Il faut remarquer que d’une certaine façon, la situation correspond presque à certains modèles économiques libéraux et/ou monétaristes : le corps de « l’agent économique » (les gens) ne sert qu’à ses deux fonctions essentielles, consommer à son domicile, travailler. Tout le reste, qui procède plus ou moins d’atavismes cro-magnonesques (se promener, s’amuser en groupe, etc.) disparaît. C’est la forme achevée de l’idéalisme « libéral » : l’économie vivant sa marche autonome, utilisant les corps des gens pour ses propres fins. Mais « l’économie » n’existe pas en tant qu’idée : l’économie, ce sont les rapports concret entre les gens. Du reste, d’un point de vue économique, cette situation est totalement absurde, puisque la « consommation » ne peut se contenter d’être la seule consommation de marchandises « de première nécessité ». Mais gageons que déjà, dans quelque laboratoire d’économie politique américain, des retours d’expérience et des bilans s’échafaudent.

Cette contrainte collective, entre autres ressorts, repose sur une culpabilisation de masse. Cette culpabilisation repose sur la logique suivante : si on ne respecte pas le confinement, les « gestes-barrière », etc., des millions de gens vont mourir. C’est bien évidemment faux : si les gens meurent, ce n’est pas à cause de « nous », c’est à cause d’une épidémie et surtout à cause de l’incapacité du système de santé de faire face à l’arrivée soudaine de malades. Cette incapacité résulte de la diminution du financement public dudit système depuis au moins trente ou quarante ans, aux fins de distribuer une proportion plus grande de la plus-value collective aux capitalistes. Donc si les gens meurent, c’est à cause du capitalisme. (D’ailleurs, si on met un masque, on est là aussi coupable, cette fois d’égoïsme, etc. Mais si les soignants n’ont pas de masques, ce n’est pas la faute de ceux qui en ont, c’est la faute à la diminution du financement public, etc.)

L’histoire montre que l’État procède par bonds. Chaque situation de crise voit la croissance brutale de ses prérogatives. Jamais, par contre, on ne peut observer le moindre recul de ces prérogatives. Fabienne Bock, une historienne, a montré « l’exubérance de l’État en France » en 1914-1918, progressant dans toutes les directions, investissant massivement dans les infrastructures, favorisant la concentration du capital, devenant le principal client de l’industrie, développant une bureaucratie ahurissante. Les exemples historiques abondent qui montrent le même phénomène : croissance brutale, pas de recul.

Cette forme historique (l’État), consubstantielle sans doute du capitalisme, n’est pas seulement le fameux « capitaliste collectif en idée » d’Engels : c’est bien cela, mais c’est aussi autre chose. L’État a sa logique propre, ses intérêts propres, le souci de sa propre reproduction en tant qu’acteur essentiel de l’accumulation. Cette reproduction, apparemment, ne peut aller qu’en s’élargissant, tout comme celle du capital. C’est à présent l’acteur économique principal à peu près partout ; quoi qu’en disent les (de plus en plus rares) économistes dits « libéraux » qui continuent de psalmodier « la main invisible », « la main invisible » en dépit de l’évidence.

C’est ainsi aux deux « extrémités » du champ socio-économique que l’on voit l’État prendre le contrôle de tout : la promesse de la nationalisation de Renault ou d’Airbus est le pendant de la prise en charge de masses croissantes de prolétaires par les revenus de transfert.

Sortir de la crise, le remède est le mal

Le tableau ainsi dressé est sombre à l’excès. C’est celui d’une sorte de stade suprême du complexe État-capital et d’un contrôle inouï des populations à l’échelle planétaire. Tout cela s’appuie, il faut le dire, sur le spectre de la mort de masse.

Même ce rapport à la mort est inégal ; on sait bien que la vie d’un prolétaire chinois n’a pas la même valeur que celle d’un médecin français. Mais même parmi la population française, les vieux sont globalement abandonnés à leur sort : dès le début de cette crise, le premier message de la plus haute importance de la part du gouvernement, ça a été : « n’allez pas voir vos anciens ». Il ne s’agit pas ici de mettre en question la pertinence sanitaire ou prophylactique de ce message, mais de souligner comment l’organisation sociale qui est la nôtre met à l’écart les vieux, et les laisse crever seuls. Ce n’est pas le coronavirus qui isole les vieux du reste de la population, c’est la famille de la forme socio-économique capitaliste. D’ailleurs, ces vieux en maison de retraite, qui sont plus de 700 000 (source : DRESS 2017), sont pour les trois quarts des femmes : les vieux sont en fait des vieilles. Est-ce à dire qu’on les laisse d’autant plus aisément crever que ce sont des femmes ? Elles ne sont en tous cas même pas prises en compte dans les chiffres des morts du virus, comme l’a dit le ministre de la santé le 24 mars : elles n’existent déjà plus, en somme.

Cette indifférence violente, ou cette violence indifférente, apparaît comme consubstantielle de la forme socio-économique capitaliste. Elle laisse présager le pire quant à la « reprise », c’est-à-dire la restructuration des rapports sociaux, avant tout des rapports de production. On l’a dit, ne serait-ce que pour payer les milliers de milliards des « plans Marshall », il va falloir accroître le taux d’exploitation. Les faillites vraisemblables auront entraîné la dévalorisation d’une part importante du capital constant ; la concentration du capital va s’accroître ; les krachs vont entraîner une disparition pure et simple d’une bonne masse de capital fictif : alors les conditions de l’exploitation seront à nouveau réunies – mais tout de même toujours plus difficiles. Pourquoi ? Parce que les rapports capitalistes éjectent toujours plus les gens de la production, c’est une loi économique et une réalité concrète. Moins de producteurs, plus de plus-value : le problème est simple, et sa solution c’est le renforcement de l’exploitation.

Pour renforcer le taux d’exploitation, il n’y a pas beaucoup de solutions : il faut augmenter le surtravail, le travail non payé. Pour ce faire, il est à craindre que les méthodes employées soient de la dernière brutalité. Les premiers signes sont, sans doute, la destruction rapide du droit du travail, en France (même si ça ne fait qu’accélérer un mouvement déjà là avant la crise, destiné à la prévenir). La baisse du prix du travail est assez inéluctable, et on parle à nouveau de « faire tourner la planche à billets » (Laurence Boone, de l’OCDE, dans Le Monde du 26 mars) : l’inflation, c’est à la fois des liquidités immédiates pour l’État et la baisse des salaires réels. Mais il faut s’attendre à bien pire, sans parler d’autres régions du monde où les prolétaires ne bénéficiaient pas de tels droits formels, et à qui on ne peut donc pas les retirer.

L’objet de ces notes était de montrer que tous nos malheurs sont dus à la forme socio-économique capitaliste. Le corollaire de ce qui précède, c’est qu’il faut s’attendre aussi à une accentuation planétaire de la lutte des classes. S’y préparer, peut-être.

Mars 2020.

Contact : lacanaille@riseup.net

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  1. Anonyme
    07/04/2020 à 23:47 | #1

    1,25 milliard de travailleurs courent un risque élevé de licenciement ou de réduction de salaire, estime l’Organisation internationale du travail (OIT).

  2. QuiVousSavez
    08/04/2020 à 06:09 | #2

    notes pas si “hasardeuses, mal organisées, « fourre-tout »”

    pour répondre à l’invitation de “favoriser des débats parmi les confinés”, quelques commentaires faisant le lien avec d’autres textes en circulation non bloquée. J’en suis peu satisfait, mais à ce stade, il va falloir attendre… les effets de la récession, bien plus graves (et mortels) que ceux du virus même, pour autant qu’il n’est pas capitaliste

    texte bien modeste quand il affirme que « L’objet de ces notes était de montrer que ‘tous nos malheurs sont dus à la forme socio-économique capitaliste’, car il fait plus que ça, tant mieux car ce n’est sans doute pas le plus intéressant, sans quoi l’on peut se contenter des Thèses de Carbure, qui croit écrire les nouvelles Thèses sur Feuerbach chaque fois qu’il fait pipi dans son compte Twitter. « S’attendre aussi à une accentuation planétaire de la lutte des classes » n’anticipe pas sur leur contenu, c’est toujours mieux que “la fin justifie la théorie” habituel aux communisateurs, quant à « S’y préparer, peut-être », chacun.e peut l’entendre à sa guise, et même en activiste par la critique des armes pour remplacer les armes de la critique

  3. Christian L
    08/04/2020 à 18:29 | #3

    Les jours présents et d’après…

    L’aéroport de Londres exhorte le personnel à accepter une réduction de salaire de 15% en réponse à la crise des coronavirus

    « Le message a été envoyé à des milliers d’employés par Paula Stannett, la directrice du personnel de l’aéroport, qui a averti les travailleurs que l’entreprise s’attendait à ce que “chacun joue son rôle”.

    Stannett a écrit : “Il y aura des conséquences si les collègues n’acceptent pas les termes révisés, car cela signifiera que nous devrons procéder à de nouvelles réductions d’emplois. Il y aura également des conséquences pour les collègues qui ne souhaitent pas participer”.

    Les membres du syndicat Unite employés par l’aéroport de Londres, y compris les agents de sécurité et les pompiers, ont déjà accepté une réduction de 10 % de leur salaire pendant neuf mois. »

    https://www.theguardian.com/uk-news/2020/apr/08/heathrow-workers-voluntary-pay-cuts-airport-coronavirus

  4. Annette
    08/04/2020 à 18:44 | #4

    “Cette indifférence violente, ou cette violence indifférente, apparaît comme consubstantielle de la forme socio-économique capitaliste. Elle laisse présager le pire quant à la « reprise »”

    Parler d’une “indifférence violente” quand au contraire on paie l’attention aux plus vieux de la plus forte récession depuis 1945, c’est dire que l’on sacrifie l’analyse à un réflexe conditionné. C’est comme si, en face de tout ce qui arrive, le marxiste ne pouvait rien voir d’autre que la confirmation d’un présage, toujours le même : “après, ce sera encore pire”.

    Affirmer en outre qu’en se donnant les moyens d’un plan de relance, ce serait un peu faire de la contre-insurrection, c’est encore se plier aux incantations habituelles. Il n’y a pas de “contre-insurrection” en cours puisque tout simplement il n’y avait pas d’insurrection mais au contraire un morne et résigné glissement vers les formes d’exploitation de plus en plus dure pour sauver les marges de profit. En se donnant les moyens de la relance, l’Etat se porte nécessairement en contradiction de ce que la “main invisible” réservait aux prolétaire. Il va provoquer un déluge historique d’argent pour prévenir ce qui sans cela est plus que prévisible : l’effondrement vertical des formations périphériques et, par effet domino, le chaos partout dans le monde.

    Quant au supposé modèle libéral, qui serait “consommer à domicile et travailler”, allons bon. Il y a longtemps que la consommation exige au contraire un maximum de sorties. Preuve en est l’écroulement inédit de la consommation justement.

    Ce n’est pas un “très bon texte”, c’est une tentative sincère de caser quelques idées nées avant 2008, voire avant 1989, dans un contexte où elles n’ont tout simplement plus aucune validité.

  5. QuiVousSavez
    09/04/2020 à 04:45 | #5

    1) concernant le commentaire #4, d’Annette

    – “Il n’y a pas de “contre-insurrection” en cours puisque tout simplement il n’y avait pas d’insurrection mais au contraire…”
    sauf erreur, ce n’est pas ce texte qui parle explicitement de “contre-insurrection”, mais “Il Lato Cattivo : “Covid-19 et au-delà”, https://dndf.org/?p=18437#comment-391967, au demeurant pour faire la critique de ce thème. Souvenons-nous que Bruno Astarian s’interrogeait sur la pertinence de celui de “contre-révolution”, fréquemment utilisé en milieu radical, en l’absence de révolution

    – “comme si, en face de tout ce qui arrive, le marxiste ne pouvait rien voir d’autre que la confirmation d’un présage”
    “le marxiste” n’existe pas. Rappelons ce lieu commun, ni anti-marxiste ni anti-marxien : « Si c’est cela le marxisme, il est certain que moi, Karl Marx, je ne suis pas marxiste. », dont les circonstances sont décrites en 1972 par Maximilien Rubel en note 6, dans “La Légende de Marx ou Engels fondateur” : https://plusloin.org/plusloin/spip.php?article108

    -“Quant au supposé modèle libéral, qui serait “consommer à domicile et travailler”, allons bon. Il y a longtemps que la consommation exige au contraire un maximum de sorties. Preuve en est l’écroulement inédit de la consommation justement.”
    je suis plutôt d’accord (avec Annette) et si j’écrivais le 16 mars : “1. se déplacer uniquement pour travailler, manger, et voter : l’idéal de la démocratie et de l’économie politique du capitalisme réalisé grâce au coronavirus”, c’est plutôt en pensant que le capitalisme était réduit à l’os, dans ce qu’il a d’essentiel, serait-ce en devenant “son propre fossoyeur”, sciant la branche sur laquelle il est assis dans la contradiction que traduit la problématique politique et économique du “déconfinement”, de son début, de son rythme, de ses formes, dans la contradiction à laquelle se heurte l’État, faire bosser le travailleur et confiner le citoyen consommateur

    – “En se donnant les moyens de la relance, l’Etat se porte nécessairement en contradiction de ce que la “main invisible” réservait aux prolétaires. Il va provoquer un déluge historique d’argent pour prévenir ce qui sans cela est plus que prévisible : l’effondrement vertical des formations périphériques et, par effet domino, le chaos partout dans le monde.”
    remarque plus féconde. Ce qui me frappe et j’ai insisté là-dessus (4 avril, XX. CETTE CRISE EST BIEN PLUS “MONDIALE” ET PROFONDE, et MULTIDIMENSIONNELLE QUE 1929 et 2008 et toutes précédentes crises du capitalisme), c’est la dimension d’emblée mondiale de cette crise, par la grâce du coronavirus qui déclenche en boucle des dégâts économiques et sociaux bien au-delà de ses ravages immédiatement sanitaires, rendus visibles par la mortalité, au demeurant toujours inférieure cette année (au 7 avril 82.000 décès) à celle de la grippe saisonnière (172.000 morts). J’ai donné l’exemple du Cambodge tiré du ‘Courrier international’ :
    https://www.courrierinternational.com/article/pandemie-pour-les-ouvriers-du-pret-porter-au-cambodge-un-cataclysme-venir : « Des commandes annulées, des factures non payées… Les usines de prêt-à-porter implantées au Cambodge, qui approvisionnent avant tout les marchés européen et américain, ferment les unes après les autres à mesure que s’étend la pandémie de Covid-19. Et ce sont 750 000 ouvriers qui risquent de se retrouver sans ressource. Si le pays enregistre un nombre limité de personnes infectées par le nouveau coronavirus, l’onde de choc de la pandémie a déclenché un puissant séisme pour son économie », qui fait écrire à l’éditorialiste : « Il sera bien temps de repenser le capitalisme, explique la presse étrangère : pour le moment, il s’agit d’aller vite et d’empêcher des licenciements massifs. Dans de nombreux pays, plus pauvres, la question ne se pose même pas : se confiner, c’est l’assurance de mourir de faim.» De tels exemples vont s’accumuler aux quatre coins du monde

    souvenons-nous qu’un des problèmes de la Théorie de la communisation, sur lequel j’insistais il y a quelques années, était d’imaginer la simultanéité d’une insurrection révolutionnaire, puisque pour cette théorie, la révolution ne peut être qu’immédiatement mondiale. BA et RS expliquent dans ‘Manage à trois’ que c’est la similitude des conditions dans lesquelles se retrouvent les prolétaires qui les place en situation de réagir de la même façon. Cette “unité” n’est pas créée par en haut, par une instance politique (ou théorique comme guide) serait-elle révolutionnaire, mais dans un banal “les mêmes causes produisent les mêmes effets”. Or donc “le coronavirus”, s’il ne produit pas une telle “conjoncture”, en facilite(rait) les circonstances, au point que j’écrivais hier : « Du point de vue théorique, pour le dire cyniquement, cette mondialisation d’emblée de la crise crée une situation de rêve…»

    dans ce débat, et vu la fulgurance de cette crise multidimensionnelle du capital, nous n’en sommes plus à nous demander si “le coronavirus l’a provoquée”, puisque c’est l’économie politique de la santé qui ne permet pas de l’endiguer, et qu’en retour les conséquences économiques et sociales touchent à l’économie politique comme structure du capital, sa “Critique” étant le sous-titre du Capital de Marx, en quoi nous pouvons être encore marxistes ou marxiens, peu importe, mais “penser avec Marx”, comme le rappelait Lucien Sève, récemment disparu

    2) pour revenir sur quelques aspects de ce texte, dans mes commentaires d’hier :

    – L’État et les gens
    “Il est difficile d’établir solidement que le taux de profit baisse, du fait que les statistiques bourgeoises n’utilisent pas cette notion…”
    sur cette question la partition établie par Hic Salta dans “1.1.2 – Renforcement de la péréquation stratifiée du taux de profit” est il me semble plus féconde qu’une quête de la baisse réelle au niveau mondial, où de plonger le nez à s’y noyer dans les courbes et graphiques de Michael Roberts > http://www.hicsalta-communisation.com/accueil/menage-a-trois-episode-11-le-menage-a-trois-dans-la-crise-qui-vient-premiere-partie#1.1.2

    – La crise et le coronavirus
    “La crise, c’est le blocage de la circulation.”
    vite dit quand, en France, la moitié de l’appareil de production est à l’arrêt, ce qui est d’ailleurs noté dans la partie suivante. Ajoutons ici que c’est sans précédent depuis 1968, mais alors par la grève, les travailleurs à l’initiative. Quant à comparer avec 1945, c’est plutôt le contraire…

    – Protection de la bourgeoisie, mise au travail des prolétaires ?
    “Un peu partout, des travailleurs refusent de travailler, exigent des primes, des augmentations de salaire, des mesures de sécurité sanitaire […] pas autre chose que des victoires provisoires.”
    note importante parce que ce n’est vraisemblablement à une extension de ce type de luttes que l’on assistera quand tomberont les mesures liées à la récession. Dit autrement on n’aurait pas, à partir de luttes revendicatives, une “transcroissance en luttes révolutionnaires” (TC), ce qui ne signifie pas que la “dynamique” de ces luttes s’en prendrait aux “limites”, créant des “écarts (TC)

    – Les bonds de l’État
    “L’État a sa logique propre, ses intérêts propres, le souci de sa propre reproduction en tant qu’acteur essentiel de l’accumulation. Cette reproduction, apparemment, ne peut aller qu’en s’élargissant, tout comme celle du capital. C’est à présent l’acteur économique principal à peu près partout.”
    c’est bien là la plus grande des “surprises”, loin de la “dénationalisation des États” attendue par Hic Salta, cette “puissance croissante de l’État” relevée aussi par ‘Il lato cattivo’ dans ‘Covid-19 et au-delà’

    *

    il y a déjà dans la situation telle quelle et sa projection à court terme sans risque de se planter, me semble-t-il, matière à discussion sans prise de tête accessoire ou bien mauvais procès de “caser quelques idées nées avant 2008, voire avant 1989, dans un contexte où elles n’ont tout simplement plus aucune validité”. Le contexte présente des caractères inédits bien assez à mettre en chantier par-delà les désaccords légitimes… au demeurant ‘je ne suis pas communisateur’

    http://patlotch.forumactif.com/f1-le-monde-au-temps-du-coronavirus

  6. pepe
    09/04/2020 à 06:31 | #6

    Un article dans le contexte, de la revue Acontretemps:
    http://acontretemps.org/spip.php?article766

  7. Christian L
    09/04/2020 à 08:59 | #7

    @QuiVousSavez
    « BA et RS expliquent dans ‘Manage à trois’ »

    Je pense que Patlotch veut dire BA et RF ( et non pas RS/TC) dans « Ménage à Trois »

  8. QuiVousSavez
    09/04/2020 à 12:01 | #8

    @Christian L
    oui, merci. Double lapsus à l’insu de mon plein gré

    j’aurais dû rester confiné, relire la dialectique du mètre et de l’esclave, et marcher dans l’immobilier en méditant sur les rapports femme-home

    allez, tousse aux abris sans tsoin tsoin intensif
    « Bourrage de crâne tsoin-tsoin ! » Philippe Esnault, 1966

  9. Christian L
    09/04/2020 à 14:23 | #9

    Les jours d’après…

    « la DRH du groupe SNCF a communiqué à l’ensemble des salariés que, dans un prétendu souci de responsabilité et afin d’assurer la reprise des activités à la fin de la période de confinement, l’ensemble des salariés, sauf ceux en maladie, devraient poser cinq jours de repos d’ici la fin du mois d’avril. »

    https://journal.lutte-ouvriere.org/2020/04/08/sncf-les-pressions-de-la-hierarchie_145061.html

  10. lacanaille
    09/04/2020 à 15:11 | #10

    Eh bien je pense que la crise c’est bel et bien le blocage de la circulation, ce qui ne veut pas dire qu’il ne se répercute pas sur la production ; il s’y répercute d’autant plus vite (pour ainsi dire instantanément, cette fois) que la production est dépendante d’une circulation des capitaux fluide, rapide et bien organisée. Mais ça commence par la circulation : la production, en régime capitaliste, n’a aucune raison de s’interrompre ; si elle s’interrompt c’est qu’elle y est contrainte. Mais ça n’est pas tellement important.
    Ceci ne revient toutefois pas à dire que c’est la sous-consommation qui engendre la surproduction, loin de là. D’ailleurs, si on imagine une consommation qui se maintiendrait alors que la production s’effondre, il est vraisemblable qu’on aurait affaire à une situation bien pire, pénuries, inflation délirante, etc. Donc cette « maîtrise » de la consommation répond en quelque sorte à l’écroulement de la production – ce qui ne veut pas dire que c’est ce que les gouvernements ont en tête, consciemment, en confinant la population (ce qu’ils ont en tête, ça a l’air compliqué). L’un des rôles de l’État c’est de « contenir » la société, donc de contenir la crise dans une mesure qu’il estime raisonnable (il paraît cependant qu’on perdrait 1,5 point de PIB par quinze jours de confinement, je ne sais pas sur quoi repose un tel calcul, mais c’est impressionnant).
    Quand je dis qu’il faudrait peut-être « se préparer » à l’exacerbation de la lutte des classes, j’entends « théoriquement » : il reste pas mal de questions, surtout concernant l’État, la forme qu’il prend, sa croissance en effet spectaculaire partout, la question complexe de son « autonomie ».
    Par exemple, la « liberté » des travailleurs « libres » de Wuhan obligés de scanner leur téléphone pour prouver qu’ils ne sont pas malades, c’est bien l’État qui en est le garant, comme il est garant de la valeur d’échange des milliers de milliards qu’il sort de son chapeau, comme il est garant de la relative stabilité sociale, etc. Toutes ces garanties peuvent-elles ne reposer que sur la menace du bâton ? Il y a tout de même lieu d’en douter. Nos Wuhannais sont donc « libres », de faire quoi, on se le demande, travailler sans doute ; du reste les déplacements étaient auparavant soumis à la détention d’une sorte de passeport intérieur. Logiquement il s’est donc constitué au fil des ans une population excédentaire de « migrants intérieurs » clandestins, les mingongs, qui sont au bas mot deux-cent millions. Lorsque Wuhan a été brutalement, d’une minute à l’autre pour ainsi dire, fermée au monde entier, que sont devenus ces mingongs ? Voilà un sujet de reportage sur lequel ne sont rués ni les « journalistes » chinois, ni les « journalistes » de chez nous. On se trouve réduit à penser, en faisant le parallèle avec ce que narre dans son édifiante chronique Arhundati Roy dans Le Monde d’hier ou avant-hier, que ces gens, tout simplement, ont été jetés sur les routes, par centaines de mille. Bientôt pourtant les frontières entre États, entre régions, se fermaient à leur tour. Alors, donc, ces gens ne sont chez eux nulle part, comme dit la chanson : I ain’t got no home in this world anywmore (Woodie Guthrie). Le sort de ces sous-prolétaires, comme visiblement celui des sous-prolétaires de l’Inde, semble donc à ce point peu important qu’ils sont sans le moindre doute les premières victimes expiatoires de la nécessité de détruire un maximum de capital pour « relancer l’économie » ; dans ce jeu abject ils figurent le capital variable. La fiction des travailleurs dits « libres » et dits « chacun égal à chaque autre » est loin, à présent que tombent les rideaux. Cette fiction est pourtant la base sur laquelle l’État est établi, me semble-t-il.
    Déconfiner, confiner ? Vu l’ampleur de la crise (récession immédiate et brutale), on serait fondé à penser que l’État voudrait nous « faire revenir à la normale » au plus vite pour relancer tout ça ; pourtant non. C’est comme s’il fallait au contraire que la crise soit la plus intense et profonde possible pour permettre un redémarrage optimal façon 1945. Mais supposer un tel cynisme à la bourgeoisie relève sans doute du complotisme.

  11. Nononyme
    10/04/2020 à 00:45 | #11

    Il ne faut pas perdre de vue que la situation est complètement nouvelle pour tout-le-monde : d’où l’improvisation… Et dans ces conditions faire de la théorie c’est comme faire un casse-tête sans connaître l’image…

    Quand bien même on voudrait minimiser l’ampleur de la situation en montrant que pour l’instant les chiffres semblent indiquer que le nombre de morts est en deçà de bien d’autres maladies et ça malgré la rapidité avec laquelle les cadavres s’empilent, il n’en demeure pas moins que les effets à venir de la pandémie sont toujours obscurs… Par exemple si en deux mois le nombre de morts totalise plus 80 000, ça veut donc dire qu’au rythme où vont les choses il pourrait y avoir plus de 500 000 morts en un an tout en considérant que bien des morts ne sont pas enregistrés, que la plupart des pays n’ont pas encore atteint leur pique et que les pays sous-développés ne sont pas pleinement touchés… Tout ça pour dire que les comparaisons sont toujours boiteuses et que le fond de la situation reste encore « agir dans l’inconnu »…

    C’est à partir de cette situation commune que les différents gouvernements ont réagi et qu’ils ont fait ce qu’ils ont fait jusqu’à maintenant… Si l’État est garant de la reproduction de l’ensemble de la société et donc de chacune des classes en présence, il est aussi garant que cette reproduction se fasse dans le plus grand contrôle possible afin d’éviter le pire… Dans le contexte d’une pandémie qui touche de plein fouet la population en général, le risque de voir des explosions de colère face à l’inaction du gouvernement ou à une action débordant d’injustice est sans contredit un aspect du problème qui n’a pas été négligé dans les mesures prises… Ici il est donc préférable que l’État s’occupe lui-même de ralentir l’économie que de voir des milliers individus le faire à leur façon ou dit autrement il est préférable que le gouvernement agisse en mettant la population de son côté… Et c’est ce qu’il a fait !

    On pourrait donc dire qu’il n’y a pas d’insurrection parce que le gouvernement a déjà agit pour qu’il n’y en ait pas… La prévention a bien meilleur effet que la répression ! Bien plus en agissant pour la sécurité de la population le gouvernement refait le plein de légitimité qui avait été fort éprouvé après de nombreuses années d’austérité et de réformes impopulaires…

  12. Anonyme
    10/04/2020 à 02:12 | #12

    “Entre les risques pour la santé publique et ceux d’un effondrement économique, le président iranien, Hassan Rohani, a fait son choix. Malgré un danger d’accélération de la propagation du Covid-19, la République islamique s’oriente vers la reprise à très court terme de ses activités économiques, suscitant l’inquiétude des personnels soignants dans le pays, alors que la pandémie n’y est pas maîtrisée.

    « Avant, la lutte [contre le coronavirus] se faisait en restant chez soi. Aujourd’hui, elle se fait en reprenant les activités économiques. Nous n’avons pas d’autre voie en face de nous », a résumé M. Rohani, mercredi 8 avril, lors de sa réunion hebdomadaire avec le cabinet.”

    https://www.lemonde.fr/international/article/2020/04/09/coronavirus-l-iran-met-fin-au-confinement-pour-eviter-l-effondrement-economique_6036053_3210.html

  13. Christian L
    10/04/2020 à 11:03 | #13

    Les jours d’après…

    Renault « un rythme de travail plus soutenu de «60 heures par semaine»

    « Jean-Dominique Senard a évoqué une reprise du travail dans les usines en août avec un rythme de travail plus soutenu de «60 heures par semaine», grâce à des accords locaux avec les syndicats et «sur une période très limitée». Une décision bien accueillie par le secrétaire général de la CFDT, Laurent Berger. «Il faut saluer la démarche de dialogue social chez Renault. Des commissions locales donneront leur feu vert à la reprise de l’activité», a-t-il expliqué ce vendredi matin sur RTL »

    https://www.lefigaro.fr/societes/renault-senard-evoque-une-reprise-des-usines-en-aout-20200410

  14. Christian L
    10/04/2020 à 18:04 | #14

    en appui des infos du 10 citées par “anonime”

    « L’Espagne lève certaines restrictions au retour des travailleurs non essentiels »

    « Les ouvriers des usines et de la construction devraient reprendre la semaine prochaine malgré les avertissements selon lesquels l’assouplissement de la politique stricte de confinement pourrait entraîner une augmentation de la contagion. Cependant, la plupart des magasins et bureaux resteront fermés et les gens doivent continuer de travailler à domicile. »

    https://www.theguardian.com/world/live/2020/apr/10/coronavirus-live-news-global-deaths-near-95000-as-boris-johnson-leaves-intensive-care

  15. QuiVousSavez
    11/04/2020 à 03:20 | #15

    1) mes commentaires à ce sujet
    http://patlotch.forumactif.com/t241-textes-critiques-et-discussions#3264

    2) nocturne #coronavirus @JPrefereNepas
    – ÉVOLUTION de la PANDÉMIE
    chiffres mondiaux
    la 2e vague arrive
    http://patlotch.forumactif.com/t235-caracteres-evolution-de-la-pandemie-et-des-traitements#3278
    – CONSÉQUENCES ÉCONOMIQUES et SOCIALES
    le MEDEF pousse à la reprise
    http://patlotch.forumactif.com/t236-consequences-economiques-et-sociales#3277
    – LA CONTRADICTION TRAVAILLER vs CONFINER
    http://patlotch.forumactif.com/t237-decisions-economiques-et-politiques-des-etats#3273
    – PANDÉMIE ET LUTTE DES CLASSES
    vidéo @LeMediaTV 1:30
    http://patlotch.forumactif.com/t238-luttes-reactions-syndicales-et-politiques#3280

  16. R.S
    11/04/2020 à 22:53 | #16

    @QuiVousSavez
    Salut
    je ne ferai qu’une seule remarque BA n’a pas écrit “Le ménage à trois” avec RS mais avec RF (Robert Ferro). “Qui vous savez” devrait faire attention à ses réflexes pavloviens.
    Petite remarque sans grand intérêt actuellement sur la “contre-révolution”, encore que …. Je pense que la définition qu’en donne Karl Korsch quelque part dans le recueil “Marxisme et contre-révolution” comme étant la capacité du mode de production dans sa reproduction de faire disparaître l’idée même de révolution est la meilleure définition de la chose. Plus efficace que les fusils.
    R.S (attention à l’ordre alphabétique)

  17. QuiVousSavez
    12/04/2020 à 03:40 | #17

    @R.S
    mes excuses, que valait mes remerciements à CLN : c’était un lapsus, à preuve ça n’a pas de sens particulier ; avec ces habitudes d’initiales, pratique lorsqu’on est une poignée entre-soi, je ne dois pas être le seul à m’y perdre, ou plutôt à ne pas m’y retrouver : qui est qui ? Par exemple FD pourrait être François Danel : le retour ? sans blague !

    “Réflexe Pavlovien”, pas davantage que le recours à la “contre-révolution” qui n’a certainement pas le même sens aujourd’hui qu’à l’époque où Karl Korsch, mort en 1961, en parlait, le titre complet de ce livre de 1975 étant “Marxisme et contre-révolution dans la première moitié du XXe siècle. Choix de textes trad. et présentés par Serge Bricianer”

    ce n’est pas à un “Théoricien de la communisation” que je vais apprendre que dans cette approche la révolution n’a pas, depuis 45 ans, le même contenu que pendant le programmatisme, et qu’il y a eu “Rupture dans la théorie de la révolution” dans le courant des années 1970, cf recueil Senonevero 2003, par le susnommé François Danel, FD, sans lapsus

    dans cette théorie, le recours à la “contre-révolution” a une fonction qui n’a rien de théorique, et tout d’idéologique, le lien avec la foi révolutionnaire alimentant la boucle syllogistique, la démonstration par les fins, bref aucun fondement dans la réalité actuelle

    pour une discussion sérieuse de la question, voir
    CRITIQUE DU CONCEPT DE RÉVOLUTION
    http://patlotch.forumactif.com/t21-critique-du-concept-de-revolution

  18. Christian L
    12/04/2020 à 10:18 | #18

    Les jours d’après…

    « il faudra à l’issue de la crise engendrée par l’épidémie de coronavirus se poser la question “du temps de travail, des jours fériés et des congés payés” »

    « Le président du Medef Geoffroy Roux de Bezieux estime, dans une interview publiée samedi 11 avril dans Le Figaro, qu’il faudra à l’issue de la crise engendrée par l’épidémie de coronavirus se poser la question “du temps de travail, des jours fériés et des congés payés” pour accompagner la reprise économique. “L’important, c’est de remettre la machine économique en marche et de reproduire de la richesse en masse, pour tenter d’effacer, dès 2021, les pertes de croissance de 2020”, déclare le président de la première organisation patronale française. »

    https://www.challenges.fr/economie/coronavirus-pour-le-medef-la-question-des-conges-payes-se-posera-a-l-issue-de-la-crise_705667.amp

  19. Anonyme
    12/04/2020 à 12:55 | #19

    Après lecture des différents blogs (notamment le susdit “Critique du concept de révolution”, titre alléchant) de “qui vous savez”, on se demande ce qu’attend cette personne pour cesser de commenter et de citer les uns et les autres (à commencer par lui-même) et se mettre à exposer un peu clairement ce qu’est au juste “sa” théorie, parce que dès qu’on se donne la peine d’aller y voir, on ne trouve que propos décousus donnant sur d’autres propos décousus, rien n’est avancé, rien n’est construit ou réfuté, bref beaucoup de bavardages qui demandent beaucoup trop à la patience du lecteur. Il faudrait peut-être envisager d’écrire de manière lisible de façon à ce que ce qui est dit (si quelque chose finit par être dit) puisse être absorbable pour une quelconque discussion. Il y a une valeur d’usage à la théorie, et la forme importe : celle de “qui vous savez” ressemble à un seau percé qui se vide entre l’endroit où on a pris l’eau et l’endroit où on va arroser : ça pisse de tous les côtés. Si ça donne l’occasion de beaucoup d’activité et d’allers-retours à l’auteur, et qu’il a l’air d’être content comme ça, pour nous c’est un peu fatigant à regarder et ça n’intéresse guère.

  20. QuiVousSavez
    12/04/2020 à 13:56 | #20

    @Anonyme
    c’est un avis dont je peux comprendre certains points, notamment la difficulté à (me) suivre, ce qui suppose de l’avoir fait depuis une bonne dizaine d’années, au moins depuis mes ruptures successives “dans” et “avec” la théorie de la communisation, en 2014

    la vérité est plutôt que ce sont mes considérations qui n’ont jamais été “réfutées”, et plusieurs en ont déduit que ça prouverait leur manque d’intérêt : à qui ?

    comme l’écrivait en substance, en 2007 je crois, Daredevil, la théorie selon TC a quelques inconvénients, mais on n’en a pas d’autre. Moi, je n’en ai pas du tout, en terme de “théorie de la révolution”, et j’ai expliqué que cela allait chercher certaines positions de Jacques Camatte

    c’est pourquoi je préfère, à théorie, théorisation, plus dynamique, ne cherchant pas le corpus définitif, et se faisant en marchant, d’où cette impression de “décousu” ou de “non construit”. Si l’on y regarde bien, après coup, par exemple sur les Gilets Jaunes, je me serai moins planté que beaucoup

    concernant cette crise, j’avance avec la même méthode, d’un côté l’observation des faits, leur suivi thématique, la pandémie, les conséquences économiques et sociales, l’économie politique de la classe capitaliste, des textes critiques commentés (fort peu signalés ici), et in fine un feuilleton à épisodes :

    1. CAPITAL, ÉTAT, VIRUS
    suivi de
    LE CORONAVIRUS COMME RÉVÉLATEUR
    D’UNE CRISE GLOBALE DE LA CIVILISATION CAPITALISTE, 16 mars
    II. LA CRISE DANS LA CRISE
    III. SUR LA LÉGITIMITÉ DE MESURES “ANTI-DÉMOCRATIQUES”
    IV. ÉTAT ET CAPITAL, MÉDECIN ET FOSSOYEUR, 18 mars
    V. LE RÔLE ÉCONOMIQUE DE L’ÉTAT POUR LE CAPITAL
    LA CONTRAINTE AU TRAVAIL et LE RETOUR DES NATIONALISATIONS
    VI. CAPITAL, TRAVAIL, VIRUS : UN RAPPORT… DE CLASSES ?
    suivi de le coronavirus sème la zizanie dans le BTP, 19 mars
    VII. REMARQUES MÉTHODOLOGIQUES, et critique de l’économie politique, 20 mars
    VIII. ET LES FEMMES DANS TOUT ÇÀ ?
    IX. SANS BLAGUE ? “un nouveau classique de la théorie de la communisation.” Agitations autonomes, 22 mars (sic)
    X. OÙ VA LA CRISE ? dans le vif du sujet
    comment la caractériser ? quelle sortie possible pour le Capital ? relance keynésienne ? restructuration globale ? probabilité de guerre mondiale augmentée ?
    petite théorie de la relativité mortuelle complétée de données scientifiques, 23 mars
    XI. THÉORICIENS COMMUNISTES, QUE FAISONS-NOUS ? 24 mars
    XII. BON ALORS, QU’EST-CE QU’ON FAIT ? 25 mars
    XIII. “LA” CRISE EST LÀ, principal résultat, non de la théorie, mais du cours quotidien du capital avec le coronavirus
    XIV. DES SOURCES ET DE LA RADICALITÉ CRITIQUE, 30 mars
    XV. DES RONDS-POINTS AUX BALCONS, DES GILETS JAUNES AUX COMBATS CONFINÉS :
    UN MÊME CONTENU ? 31 mars
    XVI. EN ATTENDANT LA MORT DANS “LE SUD”, 1er avril
    XVII. UNE CRISE NOUVELLE DU CAPITAL EXIGE UN THÉORIE NOUVELLE DU COMMUNISME
    XVIII. LA VIE RUSE CONTRE LE VIRUS
    et la norme révolutionnaire prolétarienne, 2 avril
    XIX. synthèse
    BANALITÉS PHILOSOPHIQUES DE BASE
    LA CRISE EST LÀ, LA RESTRUCTURATION DU CAPITAL AUSSI, on est dedans, 3 avril
    XX. CETTE CRISE EST BIEN PLUS “MONDIALE” ET PROFONDE, et MULTIDIMENSIONNELLE QUE 1929 et 2008
    et toutes précédentes crises du capitalisme, 4 avril
    XXI. OÙ VA LA CRISE ? POINT D’ORGUE, 6 avril
    XXII. LA CRISE ÉCONOMIQUE ET SOCIALE
    IMPORTE, EXPORTE ET EMPORTE LA CRISE SANITAIRE, 10 avril

    alors dire que j’ai “l’air d’être content comme ça, pour nous c’est un peu fatigant à regarder et ça n’intéresse guère”, bof, je suis toujours insatisfait de ce que je fais, et je comprends, à l’aune de ce que d’aucuns produisent eux-mêmes, leur fatigue et leur désintérêt

  21. Anonyme
    12/04/2020 à 15:41 | #21

    @Qui vous savez
    Cette notion de “théorisation” ne paraît pas très différente du “chantier permanent” de TC, qui cependant, chantier après chantier, affirme des choses en publiant des textes, qui sont donc discutables et critiquables, quitte à revenir dessus. Camatte a beaucoup affirmé avant de déconstruire, et il l’a fait dans des livres et des articles publiés. “Coller au réel”, ce n’est pas le fil d’actu de BFMTV, non plus. Ce que vous produisez reste sans réfutation parce que sans consistance, à force d’être “mouvant”. Produisez finalement quelque chose et exposez-vous à la critique, ou alors cessez d’employer ce ton d’autorité venu de nulle part. Peut-être que vos revues de presses et vos commentaires passeront mieux ainsi, avec un peu de modestie.

  22. QuiVousSavez
    12/04/2020 à 16:23 | #22

    @Anonyme
    mais enfin, que voulez-vous que je puisse répondre à cette charge qui n’est pas même une critique, qu’elle exige de moi et que j’ai produite au fil des années ? Quelque part, RS a raison, théoriser est un “métier”. Certainement lui produira un texte plus long, construit, en ayant pris son temps et celui de lire les autres avant. Ce n’est pas ma façon mais je le lirai comme toujours avec attention

    j’indique régulièrement les mises à jour pour mes abonnés de tweeter https://twitter.com/home, elles sont généralement lues par quelques centaines bien au-delà du cercle de notre “marxisme”. Je ne peux pas l’exiger de tous, mais qui me suis régulièrement ne se perd pas, car il suit le fil du raisonnement. Lire aussi est un métier, et oui cela exige du temps et une “patience” que vous n’avez pas, mais ne me reprochez pas vos propres défauts

    l'”événement”, comme dit Temps Critiques, est colossal, il part en tous sens dans le temps et l’espace, et seulement en rendre compte avec un peu de clarté est une tâche énorme. Actuellement c’est 5 à 6 heures par jour en ce qui me concerne. Je le fais tant bien que mal, aussi bien que je peux, j’ai créé des rubriques pour faciliter le suivi, tout cela semble vous avoir échappé

    nous sommes confrontés à quelque chose d’énorme, qui pour la plupart d’entre nous n’ayant pas vécu la “Seconde” guerre mondiale, est totalement inédit. Ne croyez-vous pas que cela mérite de reconsidérer certains certitudes, que cela exige un peu d’humilité ?

    pour cette prise de distance, loin de “nous” certes, je conseille la lecture de l’historien Patrick Boucheron : « En quoi aujourd’hui diffère d’hier », interview par Joseph Confavreux, Médiapart, 12 avril
    http://patlotch.forumactif.com/t241-textes-critiques-et-discussions#3300

    pour le reste, que valent ces vacheries infondées : “Produisez finalement quelque chose et exposez-vous à la critique, ou alors cessez d’employer ce ton d’autorité venu de nulle part”. On peut m’écrire et me critiquer par mail ou en MP sur twitter, je réponds toujours

    maintenant, franchement, je doute que ce type de controverse complètement creuse soit d’un quelconque intérêt pour les lecteurs de dndf, et je suis même désolé pour eux d’y ajouter mes commentaires

  23. pepe
    12/04/2020 à 17:42 | #23

    Non, je crois qu’il faut considérer la critique que Anonyme fait à “QuiVousSavez” est une vraie critique de fond…. Le fait qu’elle ne soit pas agréable à lire pour le destinataire est tout a fait secondaire. La forme que prend une théorie n’est pas neutre ni anodine et d’ailleurs, c’est une des grosses critiques faites à TC (pas du tout la même critique, cela dit, mais une critique sur le coté peu lisible et systématique de cette théorie)

  24. Christian L
    02/05/2020 à 17:07 | #24

    Italie : Les jours d’après…

    « Il est impossible de penser que l’on puisse perdre 8/10% du PIB et qu’après deux mois tout puisse revenir aux contrats actuels ».

    « Le gouvernement facilite cette comparaison juste et nécessaire dans chaque entreprise pour redéfinir de bas en haut les équipes, les heures de travail, le nombre de jours de travail par semaine et les semaines en cette année 2020 », « à définir dans chaque entreprise et secteur au-delà des règles contractuelles », déclare le président désigné, Carlo Bonomi, au Conseil général de la Confindustria. « Sans cet effort collectif, la reprise reste sous hypothèque. Il est impossible de penser que l’on puisse perdre 8/10% du PIB et qu’après deux mois tout puisse revenir aux contrats actuels ».

    https://www.ansa.it/bannernews/notizie/breaking_news_eco/2020/04/30/-bonomi-confronto-su-tempi-lavoro-in-deroga-contratti-_8613c6db-e226-4baa-9f1e-7989185449eb.html

  25. Anne 0’Neem
    11/05/2020 à 18:40 | #25

    un anonyme parmi les anonimes a posé la question des origines sociales des contaminées, une réponse

    « Selon les chiffres officiels, les personnes occupant des emplois manuels peu rémunérés courent un risque beaucoup plus élevé de mourir du coronavirus que les cols blancs professionnels mieux payés….

    Les hommes occupant des emplois peu qualifiés sont près de quatre fois plus susceptibles de mourir du coronavirus que les professionnels, avec 21,4 décès contre 5,6 pour 100 000 personnes. Selon l’ analyse des décès de Covid-19 en Angleterre et au Pays de Galles jusqu’au 20 avril , les agents de sécurité, les travailleurs de la santé, les travailleurs de la construction, les opérateurs d’usine, les nettoyeurs, les chauffeurs de taxi, les chauffeurs de bus, les chefs et les détaillants sont tous plus à risque de mourir. »

    https://www.theguardian.com/world/2020/may/11/manual-workers-likelier-to-die-from-covid-19-than-professionals

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