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Grève générale massive contre l’austérité au Portugal

Avions annulés, ports paralysés, métros fermés : la grève générale contre l’austérité était massivement suivie mercredi 24 novembre au Portugal, affectant fortement l’ensemble des services publics mais aussi les grandes entreprises, dans un mouvement d’une ampleur inédite depuis 1988.
“C’est la plus grande grève [qui ait jamais eu lieu], plus importante que celle de 1988”, année de la dernière grève générale unitaire du pays, a déclaré Joao Proença, secrétaire général de la centrale UGT, l’une des deux centrales syndicales ayant appelé à la grève. “Dans la grande majorité des cas, la mobilisation est même plus forte que lors des grèves sectorielles et ne concerne pas seulement le secteur public, mais aussi le secteur privé”, a souligné M. Proença.
Dans un premier point en début d’après-midi, la ministre du travail Helena André a tempéré, qualifiant de “très réduite” la mobilisation du secteur privé. La ministre a précisé “se fonder sur la consommation de l’électricité qui n’a pas baissé”.

LE SECTEUR DES TRANSPORTS TRÈS MOBILISÉ

Le mouvement, convoqué par la CGTP et l’UGT, unies pour la première fois depuis 1988, provoquait mercredi la paralysie quasi totale des transports publics, alors que tous les vols commerciaux au départ comme à l’arrivée au Portugal étaient annulés. Plus des trois quarts des trains ont été annulés et 60 % des autobus, selon des chiffres fournis par les directions de Comboios de Portugal et Carris. A Lisbonne, aucun métro ne circulera de la journée, et le transport fluvial entre les deux rives du Tage a été interrompu.

La grève paralysait également le secteur de l’éducation, avec de nombreuses écoles fermées, et de la santé, la plupart des hôpitaux assurant seulement un service minimum d’urgence, selon des sources syndicales qui indiquent que le mouvement était également “massif” dans les grandes entreprises, notamment dans le secteur de la construction automobile, avec plus de 90 % de grévistes à Autoeuropa ou Sakhti.

Les deux principaux syndicats portugais ont appelé à une grève générale pour protester contre les mesures d’austérité censées réduire la dette et le déficit du pays :  le budget 2011, qui doit être voté vendredi par le Parlement, ambitionne de ramener le déficit public de 7,3 % en 2010 à 4,6 % l’an prochain, notamment par une baisse des salaires du secteur public, la diminution de nombreuses prestations sociales et des hausses d’impôts.

APRÈS L’IRLANDE, LE PROCHAIN PAYS SUR LA LISTE

Bien que massif, ce mouvement risque cependant de se heurter à la détermination du gouvernement minoritaire dirigé par le socialiste José Socrates. Le premier ministre compte d’autant plus garder le cap que, après l’aide réclamée par l’Irlande à l’Union européenne et au Fonds monétaire international, les investisseurs désignent le Portugal comme le prochain pays de la zone euro qui sera contraint de solliciter un soutien extérieur pour rétablir ses comptes. José Socrates a d’ores et déjà prévenu qu’il maintiendrait ses projets de baisse des salaires et de hausse de la fiscalité pour ne pas faire subir au Portugal le même sort que ceux de l’Irlande et de la Grèce. “La grève ne provoquera peut-être pas de modification radicale dans la politique d’austérité du gouvernement, mais elle constitue un élément supplémentaire d’incertitude dans la situation déjà instable du pays”, reconnaît Elisio Estanque, sociologue à l’université de Coimbra.

Depuis des semaines, des banderoles ont été déployées à Lisbonne pour inviter les salariés du privé à se joindre à la grève.

Depuis des semaines, des banderoles ont été déployées à Lisbonne pour inviter les salariés du privé à se joindre à la grève.AP/Francisco Seco

Depuis des semaines, des banderoles ont été déployées à Lisbonne pour inviter les salariés du privé à se joindre au mouvement. “Ce sont les travailleurs qui paient pour la crise, pas les banquiers ni les actionnaires des grandes sociétés”, s’emporte Leandro Martins, retraité de 65 ans. “C’est une grève contre les politiques de droite, pour réclamer une nouvelle politique au service du peuple portugais”, ajoute-t-il.

Contrairement à l’Irlande, qui est brusquement passée d’une forte croissance à une profonde récession après l’éclatement de sa bulle immobilière, le Portugal est confronté depuis des années à une croissance faible et à un déclin de sa compétitivité. Pour certains économistes, ces deux facteurs pèsent sur sa capacité à surmonter la crise de la dette. Même si son économie croît cette année, des économistes craignent que le pays bascule de nouveau dans la récession l’an prochain du fait des mesures d’austérité. La hausse des impôts et la baisse des salaires des fonctionnaires devraient ainsi limiter la consommation. Le taux de chômage, qui atteint déjà son plus haut niveau depuis les années 1980 à 10,9 %, devrait continuer à augmenter.

La dernière grève générale au Portugal remonte à mai 2007 et avait été organisée à l’époque par la seule CGTP, proche du Parti communiste, pour protester contre la politique de rigueur menée par le premier gouvernement socialiste de José Socrates avec pour but, déjà, de redresser les déficits.
LEMONDE.FR avec AFP et Reuters | 24.11.10 | 06h56  •  Mis à jour le 24.11.10 | 16h57

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