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Algérie : Cheminots en grève – Suite…

Ils entament aujourd’hui leur deuxième semaine de grève

Il règne, en ce samedi, une ambiance électrique sur les quais de la gare de l’Agha, où sont immobilisées des dizaines de locomotives. Les locaux de la gare sont pourtant complètement déserts et il siffle un silence inhabituel en ces lieux à dense fréquentation. Mais en contrebas, des dizaines de cheminots et autres ouvriers ferroviaires sont en pleines « négociations ». Il s’agit de décider si oui ou non un service minimum pour la banlieue va être mis en place, alors que 10 000 travailleurs de la SNTF entament, aujourd’hui, leur deuxième semaine de grève consécutive. « M. Sidi Saïd a posé cette condition à des négociations et à son intervention en notre faveur », explique un membre de la cellule de crise. Et rien que l’évocation de ce nom provoque un tollé dans l’assemblée. « Nous n’avons plus aucune confiance en l’UGTA et encore moins en le bureau fédéral », vocifère un cheminot. « Ils se sont tous enrichis sur notre dos, en nous laissant, au fil de longues années de lutte et de revendications, croupir dans notre misère », s’indigne un autre gréviste.[print_link]

Le secrétaire général de la gare de l’Agha explique à ses confrères qu’il est aussi question de l’installation d’une commission pour l’adoption de l’article 52 pour la revalorisation des salaires des employés, mais cela uniquement en échange d’une reprise, même partielle, des activités. Propos qui fait fulminer davantage l’attroupement, de plus en plus important. « L’article 52 est un acquis inaliénable, non sujet à discussion ou à négociation », s’écrie un gréviste. « Et la direction de la SNTF, elle est où ? », s’interroge un autre, conforté dans ce sens par son voisin, qui poursuit : « Ils veulent un service minimum, mais nous n’allons pas le mettre en place seuls ! Ils n’ont qu’à descendre en discuter avec nous. » La direction « en week-end ». Dans un éclat de rire, un syndicaliste rétorque que les responsables de l’entreprise, joints par téléphone, ont répondu « c’est le week-end et ils ne travaillent pas ». S’ensuivent alors de longs échanges, durant lesquels les esprits s’échauffent peu à peu, les cris et les interjections fusent. Dans le brouhaha, le porte-parole « improvisé » tente, tant bien que mal, de dialoguer avec ses collègues. Mais les grévistes sont unanimes : ils balayent d’un revers de main les arguments du ministère des Transports, de l’Ugta et de la direction de la SNTF : ils iront jusqu’au bout de l’action enclenchée. « Il est hors de question de plier et d’assurer un service minimum. Parce qu’il se transformera en service maximum ! », enrage un cheminot.

C’est alors qu’un employé, qui se tenait à l’égard, imposant le silence à ses camarades, s’avance au centre de la foule. « Il est tout simplement inconcevable de ne mettre en service qu’un seul train. D’ordinaire, tous les voyages se font avec des voitures bondées », explique-t-il. « Ils veulent semer la zizanie et provoquer des incidents », prédit-il. Il est d’ailleurs vrai que les 5000 voyageurs qui viennent de banlieue quotidiennement ne pourront être « parqués » dans seulement deux trains par jour. « De toute façon, la SNTF et l’Etat sont les seuls perdants », s’accordent à dire, en conclusion à ces pourparlers, les grévistes. Il est indéniable que l’entreprise, notoirement en difficulté financière, ne peut se payer « le luxe » d’une telle paralysie de ses activités. Des pertes considérables pour la SNTF mais la paix pour les riverains « Entre les transports de voyageurs, de marchandises et de carburant, cette grève représente près de 7 milliards de centimes de manque à gagner par jour », affirme le secrétaire général du syndicat de la gare de l’Agha. « Cette gare, à elle seule, engrange 150 millions de centimes quotidiennement, tandis que pour celle d’Alger, le gain s’élève à près 100 millions de centimes », poursuit-il.

La direction de la SNTF, injoignable hier, n’a pu confirmer ou infirmer cette information qui, du reste, est des plus plausibles tant le rail demeure un secteur névralgique du pays. Et qui, au grand désespoir de milliers d’usagers, est paralysé « pour la première fois depuis l’indépendance », à 100%. Ils sont d’ailleurs nombreux, depuis le début de la grève, à se voir contraints de rebrousser chemin une fois arrivés à la gare. « C’est la mort dans l’âme que je vais être obligé de me déplacer en automobile », s’attriste un citoyen. Toutefois, la plupart des usagers déçus, faisant fi de ces contretemps, assurent « être du côté des travailleurs ». « Je soutiens pleinement les cheminots. Ils ont le droit de se battre bec et ongles afin de décrocher de meilleures conditions socioprofessionnelles », lance une mère de famille. Les seuls à trouver leur compte dans ce débrayage sont assurément les riverains des voies ferrées. « Nous avons la paix ! », s’amuse un jeune homme vivant non loin d’une gare de banlieue. « J’ai l’impression que cette grève va perdurer et, franchement, c’est tant mieux ! », ironise-t-il.

Le  14 mai

Vent de colère chez les cheminots. Le mouvement de protestation, spontanément initié par la base syndicale, a engendré hier d’importantes perturbations dans le transport des voyageurs et de marchandises sur le territoire national. Dans la capitale, la majorité des trains de banlieue n’a pas quitté le quai. Même le service minimum n’a pas été assuré. Par conséquent, de nombreux usagers, désirant rejoindre Alger, sa banlieue ou d’autres wilayas du pays, n’ont pas pu le faire

Les citoyens devaient se rabattre sur d’autres moyens de locomotion. D’aucuns n’ont pas manqué de pester contre ces intempestifs tracas. « C’est surprenant cette grève ! Je n’ai pas eu vent d’une telle action. Sinon, j’aurais pris mes précautions », susurre un étudiant. Au niveau de la gare Agha, le silence régnait dans les quais. Bras croisés, des préposés au guichet ne savaient pas quoi faire. Pas très loin, un groupuscule de cheminots-syndicalistes tenait des conciliabules. Le ras-le-bol est à son acmé. « Nous avons déclenché ce mouvement de grève illimitée parce que nous avons été exclus des rémunérations salariales. Ceci alors que d’autres secteurs d’activité sont concernés par les conventions de branches », tonne un syndicaliste, affilié à une section syndicale de la région d’Alger. Quid du préavis de grève ? « On n’a pas besoin de le donner. Cette grève est l’expression d’un grand malaise au sein de notre corporation. Nous touchons des salaires de misère. On ne peut plus continuer de vivre comme ça, d’autant plus qu’on vient de nous signifier que nous ne sommes pas concernés par les conventions de branches », tempête-t-il, estimant que les grévistes sont convaincus de la justesse de leur revendication. Pris de court et accusée par sa base de « trahison et de complicité avec l’administration », la Fédération nationale des cheminots, affiliée à l’UGTA, observe de loin le remue-ménage.

« Notre syndicat a tourné le dos à nos doléances », déplore notre interlocuteur. Les sections syndicales de la région d’Alger ont déjà saisi le bureau fédéral de leur syndicat et la direction générale de la SNTF, les interpellant sur leur situation sociale « intenable » et afin de satisfaire leurs « droits inaliénables ». « Nous avons consenti des sacrifices durant la décennie noire. Et aujourd’hui, on nous refuse injustement une augmentation des salaires dans le cadre des négociations sur les conventions de branches. Nous ne demandons que notre droit à un salaire décent. Nous ne demandons pas la lune », réclame un autre syndicaliste, rencontré au siège de la direction régionale de la SNTF, à Alger. Ils sont nombreux, d’ailleurs, à observer un pied de grue afin d’exprimer leur colère. « Le cheminot est devenu presque un mendiant. J’ai trente ans de carrière. Et mon salaire de base ne dépasse pas 19 000 DA. C’est injuste », raconte, amer, un vieux cadre de la société, en indiquant que bon nombre de cheminots, loin de joindre les deux bouts, traînent fatalement des maladies chroniques. Par ailleurs, ils rejettent avec véhémence l’argument de l’administration selon lequel la SNTF n’est pas en mesure de consentir de nouvelles augmentations salariales. « Ce n’est pas de notre faute si cette entreprises est en crise. C’est leur responsabilité de redresser la barre. Après tout, c’est à eux d’assumer la situation catastrophique dans laquelle elle se trouve. Ce n’est pas à nous de payer les pots cassés », affirment-ils à l’unanimité.

« Grève illicite »
Si ce mouvement de grève, de l’avis des syndicalistes, a enregistré une large adhésion, la SNTF tente de minimiser son ampleur. « Ce mouvement est illicite et ne répond pas aux procédures légales », soutient Dakhli Noureddine, directeur des ressources humaines à la direction générale de la SNTF, lors d’un point de pressé improvisé dans l’après-midi d’hier. « Le taux de suivi national est de moins de 40% et a touché particulièrement les wilayas de Annaba, Constantine, Alger et Oran », ajoute-t-il. Selon lui, 20% des trains de la banlieue algéroise n’ont pas suivi le mot d’ordre de grève. Idem pour les trains des grandes lignes qui ont circulé à hauteur de 50% à l’Est et 33 % à l’Ouest. Interrogé sur les motifs du refus à la SNTF d’accorder des augmentations salariales, celui-ci a rétorqué que l’entreprise n’est pas, financièrement, en mesure de le faire. « Notre société connaît une situation de déficit. Nous ne pouvons pas nous permettre une augmentation aussi conséquente », indique-t-il, en rappelant que la SNTF a consenti, par le passé, des efforts « importants » en matière salariale en direction des travailleurs du chemin de fer. Entre autres « gestes » brandis comme un trophée de guerre, par l’orateur, l’augmentation des salaires liée au régime indemnitaire depuis mars 2008, la mise en place depuis septembre 2009 d’une grille des salaires et d’une autre nouvelle grille indiciaire avec une majoration de 20% du SNMG, d’ici novembre 2010. Même s’il ne brandit pas clairement la menace de poursuivre en justice les grévistes, M. Dahkli souligne que « la loi nous confère la responsabilité d’appliquer certaines mesures », notamment la ponction sur salaires.

La grève des cheminots continue : Une paralysie presque totale
El Watan, 11 mai 2010

Au second jour du débrayage lancé sans préavis, les grévistes, dont les rangs enflent par l’arrivée d’autres mécontents, maintiennent le mot d’ordre.

Hier, les gares de plusieurs wilayas du pays (Alger, Annaba, Oran, Constantine, etc.) étaient fantomatiques ; la plupart des trains n’ont pas quitté le quai, de l’avis de plusieurs syndicalistes. Nombre de voyageurs n’ont pas manqué d’exprimer leur désarroi : « Nous sommes des victimes », lance timidement un enseignant universitaire, à un guichetier, au niveau de la gare Agha, dans la capitale. Cette gare enregistre quotidiennement le passage de pas moins de 5000 voyageurs. La plupart des grévistes interrogés se sont montrés outrés par la réaction de l’administration de la SNTF en réponse à leurs revendications. « Au lieu d’apaiser la tension, la SNTF jette de l’huile sur le feu. Les propos tenus par le directeur des ressources humaines de l’entreprise s’apparentent à des menaces à peines voilées. C’est indigne d’une entreprise stratégique du pays », répliquent-ils. Dimanche dernier, Nourddine Dakhli, responsable à la SNTF, estimait que « l’arrêt de travail est illicite » et que la société publique n’est pas en mesure de consentir de nouvelles augmentations salariales eu égard à son état financer critique.

Selon lui, l’entreprise a procédé à l’augmentation à hauteur de 16% du SNMG des travailleurs. Ces arguments ne font même pas sourire les concernés. « C’est faux. Le niveau du SNMG a été relevé à deux reprises pour tous les travailleurs algeriens. Mais nous n’avons rien vu », s’emportent des grévistes rencontrés au siège de la direction régionale de la SNTF à Alger. A en croire certains protestataires, le salaire de base des travailleurs des chemins de fer est de seulement 12 480 DA et ne dépasse pas la modique somme de 20 000 DA après 20 ans de carrière. Des rémunérations de « misère » pour certains, d’« esclavagisme » pour d’autres. Ils se défendent, en tout cas, de vouloir s’attaquer à tel ou tel responsable. « Nous ne faisons pas de politique. Certaines sociétés publiques, quoique déstructurées, ont bénéficié des majorations salariales dans le cadre des conventions de branches. Des milliards de dinars ont été engloutis dans la modernisation du secteur. La masse ouvrière est carrément exclue. C’est pourquoi nous réclamons notre droit à un salaire décent », expliquent-ils.

Un taux de suivi de 60%, selon la SNTF
Il semble que la confrontation entre les grévistes et l’administration de la SNTF va perdurer. L’employeur n’a pas, jusqu’à hier, pris langue avec les véritables représentants des cheminots. Une cellule de crise composée des délégués syndicaux de quatre régions du pays a été mise sur pied. Objectif : maintenir la mobilisation. En outre, les représentants de travailleurs du chemin de fer n’ont pas manqué de dénoncer l’attitude de l’administration : « Nous ne sommes pas des hors-la-loi. Nous voulons seulement l’application de la convention de branches qu’ils ont signée. S’il y a un problème de déficit, ce n’est pas au simple cheminot de l’assumer. Ce déficit est à lier avec l’acte de gestion des responsables. » Et de préciser : « Du temps de la disette, les cheminots ont dû serrer la ceinture. Par contre, avec l’embellie financière, le travailleur est en droit d’avoir un salaire qui lui garantit une vie digne. »

Les syndicalistes ont unanimement remis en cause la gestion de la sphère salariale de leur entreprises. « De nombreux cadres, sous-payés, ont quitté l’entreprise en rejoignant d’autres sociétés étrangères installées en Algérie, notamment Alstom, en contrepartie de forts salaires », indiquent-ils. Contacté hier par nos soins, M. Dakhli avoue avoir tenu deux réunions, sans résultat concret, avec la Fédération nationale des cheminots affiliée à l’UGTA. Ce syndicat n’a pas pris part, rappelons-le, au mouvement de grève des cheminots. Notre interlocuteur souligne que le débrayage s’est « durci » avec un taux de suivi national de 60%. Les grévistes parlent, eux, d’une paralysie presque totale. Ils se sont montrés inflexibles et comptent poursuivre leur mouvement de grève jusqu’à satisfaction de leur revendication.

algerie
EL WATAN le 12 mai 2010

Troisième jour de grève à la SNTF : Paralysie totale des gares
Les trains ne sifflent toujours pas dans les gares. La grève des cheminots, qui se poursuit depuis dimanche dernier, paralyse totalement le transport ferroviaire.

Et le dénouement du conflit opposant la direction de la Société nationale des transports ferroviaires (SNTF) à ses employés n’est pas pour demain. Chacune des deux parties campe sur ses positions. Les nombreux usagers de ce transport, eux, trinquent. Les 55 700 étudiants et travailleurs qui prennent quotidiennement le train pour fuir les embouteillages énormes sur nos routes en souffrent. Ils sont pénalisés. « Je voulais me rendre à Blida. J’ai des examens et je dois être présente à l’université », affirme Rym, une étudiante en anglais à l’université de Blida, rencontrée, hier, au niveau de la gare Agha (Alger). La jeune fille a rebroussé chemin. « Je vais prendre un taxi », dit-elle. Comme elle, de nombreux utilisateurs du train ont été contraints de se rabattre sur d’autres moyens de transport. « Nous soutenons les revendications des travailleurs, mais il fallait penser à mettre en place un service minimum. Mais, chez nous, le citoyen paie toujours les erreurs des responsables », déclare un jeune homme rencontré également sur les lieux.
Accompagné de sa femme, ils veulent se rendre eux aussi à Blida. Ils vont emprunter un autre moyen de transport. « Nous allons prendre un bus à Tafoura dont la station est située à 100 mètres de la gare Agha », précise-t-il. Mais peu de personnes se sont déplacées, dans la journée d’hier, à la gare. Cette dernière était presque déserte. Les quais étaient vides, les guichets et les travailleurs présents sur place se comptaient sur les doigts d’une seule main. Il n’y avait que trois ou quatre agents, chargés d’informer les voyageurs de l’indisponibilité des trains. « Aucun train n’a démarré aujourd’hui », lance un des agents.
De lourdes pertes pour l’entreprise
Cela confirme que l’adhésion des travailleurs à ce mouvement de grève est totale. « Le taux de suivi de la grève est de 95% », assure Djamel Bechikhi, secrétaire général chargé de la communication au niveau de la Fédération nationale des cheminots (FNC). « Non ! le taux de suivi du débrayage est de 100%. Car aucun train n’a quitté la gare », tente de corriger Abdelhak Boumansour, secrétaire de la section syndicale de la gare Agha. Affirmant que le mouvement de grève se poursuivra jusqu’à la satisfaction des revendications, Djamel Bechikhi précise qu’aucun contact n’a été établi avec la direction. « On est au point zéro, aucune négociation n’a été engagée avec la direction de la SNTF », déplore-t-il. Au contraire, selon lui, la direction de l’entreprise a « adressé des mises en demeure aux grévistes ». « Ce geste risque de compliquer la situation », souligne-t-il.
Contacté par nos soins, le directeur des ressources humaines de la SNTF, Noureddine Dakhli, affirme que « la direction a ouvert des négociations avec le partenaire social pour trouver un compromis et mettre un terme à la grève ». « Le taux de suivi de la grève a baissé. Nous avons enregistré moins de 40% de grévistes en ce troisième jour », estime-t-il, indiquant qu’un service minimum a été mis en place. Selon lui, l’entreprise a élaboré « un programme d’investissement qui, une fois mis en branle, engendrera des gains qui seront profitables aux travailleurs ». Ce n’est pas l’avis des syndicalistes. Selon eux, la SNTF fait dans le service public et la direction devait solliciter une augmentation des subventions de l’Etat pour résoudre son déficit financier.
« Le chiffre d’affaires mensuel de l’entreprise est de 450 millions de dinars, soit environ 1,5 million de dinars/jour. Avec cette grève, la SNTF accusera des pertes colossales », assure-t-il. « L’impact financier de ce débrayage est trop lourd », confirme pour sa part, Noureddine Dakhli.

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