interview du cinéaste Jia Zhangke, la Chine est proche de «l’explosion sociale» paru dans le journal Libération du 25 juillet 2013
CHINE «Une colère rentrée liée à un profond sentiment d’inégalité»
Presque prémonitoire, A Touch of Sin, le dernier film de Jia Zhangke (qui a obtenu le prix du meilleur scénario à Cannes au mois de mai) colle aux actes de frénésie meurtrière dont la Chine est le théâtre en ce moment. «Cette vague de violence soudaine montre que les gens ont en eux-mêmes une grande capacité de violence intériorisée, analyse le réalisateur. Elle émane de toute une suite de tragédies individuelles qui sont le symptôme de conflits sociaux très profonds.» A Touch of Sin («un soupçon de péché») raconte quatre histoires inspirées de faits réels. Un mineur confronté à la corruption règle ses comptes à coups de fusil ; un paysan migrant pour qui la vie n’a pas de sens devient tueur professionnel ; l’employée d’un sauna tue au couteau un client qui la bat et l’humilie ; un jeune ouvrier se suicide en sautant du balcon de son dortoir.
Pourquoi ce film ?
Il plane sur la Chine une odeur d’explosion sociale. Les bouleversements qu’a connus la société ont accru les pressions sur les individus, mais ceux-ci n’ont aucun moyen pour les exprimer ou pour résoudre leurs problèmes par les voies habituelles. Face à l’inextricable, ils ont recours à des moyens violents. A partir du moment où une société bloque tous les moyens d’expression des gens, cette société est anormale. D’où cette colère rentrée liée à un profond sentiment d’inégalité, qui lui-même engendre un sentiment d’échec.
La Chine n’a-t-elle pas toujours été violente ?
Oui, mais il y a un élément nouveau : la révolte individuelle par la violence. Ce phénomène n’a jamais été aussi virulent. Il est possible qu’il y ait eu autant de cas auparavant, mais qu’on n’en ait rien su parce que l’information était plus censurée. Mais je persiste à penser que ce genre d’incident se multiplie réellement, notamment en raison de l’accroissement des inégalités de revenus qui, tout comme la corruption, ont atteint des niveaux surréalistes. Qui aurait imaginé que le ministre des Chemins de fer, récemment condamné pour corruption, possédait 374 appartements ? Lire la suite…
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