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Camatte : “De l’organisation”

un texte de Jacques Camatte de 1972 ainsi que sa traduction en espagnole par une camarade de la page facebook “Spirit of Contradiction”

De l’organisation

http://revueinvariance.pagesperso-orange.fr/organisation.html

                        La lettre que nous publions ci-après (du 04.09.1969) permit la dissolution du groupe qui tendait à se former sur les positions exposées dans la revue Invariance ; elle ouvrit un débat -réflexion important qui s’est poursuivi depuis et dont nous avons extériorisé certains points d’arrivée dans Transition, in série I, n°8 de la même revue.

                   Si certains points soulevés par cette lettre ont été en partie traités, d’autres furent à peine effleurés. D’où la nécessité – étant donnée l’urgence de rompre de façon toujours plus nette avec le passé – de sa publication. Par là le lecteur pourra mieux se rendre compte de l’évolution du travail accompli et de ce qu’il reste à faire.

                   Étant un point de rupture (par là un point d’aboutissement) en même temps qu’un point de départ, cette lettre contenait un certain nombre d’imprécisions, germes d’erreurs possibles. Nous indiquerons en note la plus importante. D’autre part, vue l’impossibilité où nous étions d’indiquer « concrètement » le mode d’être des révolutionnaires, une fois rejetés la pratique du groupe, il y eut possibilité d’interprétation du refus groupusculaire comme un retour à un individualisme plus ou moins stirnérien. Comme si la seule garantie allait désormais être la subjectivité cultivée en chaque révolutionnaire ! Il n’en était rien. Il fallait avant tout rejeter la perception de la réalité sociale et la praxis qui lui était liée en tant que point de départ du processus de rackettisation. Si on se retirait donc totalement du mouvement groupusculaire, c’était simultanément pour pouvoir entrer en liaison avec d’autres révolutionnaires qui avaient fait d’ailleurs une rupture analogue à la nôtre. Nous avons essayé de mettre en évidence un phénomène de convergence. Maintenant il y a une production directe de révolutionnaires qui dépassent presque immédiatement le point où il nous fallut rompre avec la réalité ambientale. Il y a dès lors une « union » potentielle qui serait remise en cause si nous ne portions pas à bout jusqu’au plus profond de nos consciences individuelles la rupture avec la vision politique. L’essence de la politique étant fondamentalement représentation cela veut dire que les groupes cherchent toujours à mettre au point sur l’écran social leur image. Ils veulent toujours expliquer la façon dont ils se représentent afin d’être reconnus par certains comme l’avant-garde pour représenter les autres, la classe. Ceci se révèle dans le fameux « ce qui  nous distingue » de divers groupuscules en quête de reconnaissance. Toute délimitation est limitation et ceci conduit souvent à réduire assez rapidement, comme un peau de chagrin, la délimitation à quelques slogans représentatifs pour le marketing rackettiste. Toute représentation politique est écran, donc obstacle à une fusion des forces. Elle peut se produire au niveau d’un groupe comme à celui d’un individu ; le repli sur ce dernier serait un renvoi du/au passé.

Camatte Jacques  –  1972

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    « Nous deux,  nous nous moquons pas mal d’être populaires. En voici la preuve, entre autres, par dégoût de tout culte de la personne. Je n’ai jamais permis que l’on fit de la publicité autour des nombreux témoignages d’admiration dont on m’accablait dans divers pays […]. Lorsque nous adhérâmes, Engels et moi, pour la première fois, à la société secrète des communistes, nous le fîmes à la condition sine qua non qu’on écarterait des statuts tout ce qui a pu être favorable au culte de l’autorité. » Marx à W. Bold(10-10-1877)

 

    « Peut-on au milieu des relations et du commerce bourgeois, rester au-dessus de l’ordure ? Ce n’est que dans cette ambiance qu’elle est naturellement à sa place […]. L’honnête infamie ou l’infâme honnêteté de la morale solvable […] ne vaut pas pour moi un liard de plus que l’irresponsable infamie dont ni les premières communautés chrétiennes, ni le club des Jacobins, ni même notre vieille Ligue n’ont pu s’affranchir entièrement. Mais on s’habitue, au milieu des trafics bourgeois, à perdre le sentiment de la respectable infamie ou l’infâme respectabilité. » Marx à Freiligrath

                   Avec la constitution du capital en être matériel et donc en communauté sociale, on a la disparition du capitaliste en tant que personnage traditionnel, la diminution relative, parfois absolue, des prolétaires et l’accroissement des nouvelles classes moyennes. Toute communauté humaine, la plus petite soit-elle est conditionnée par le mode d’être de la communauté matérielle. Ce mode d’être découle du fait que le capital ne peut se valoriser, donc exister, développer son être que si une particule de lui-même, tout en s’autonomisant, s’affronte à l’ensemble social, se pose par rapport à l’équivalent total socialisé, le capital. Il a besoin de cette confrontation (concurrence, émulation) parce qu’il n’existe que par différenciation. A partir de là se constitue un tissu social basé sur la concurrence d’ « organisations » rivales (rackets).

            « Elle fait renaître une nouvelle aristocratie financière, une nouvelle espèce de parasites, sous formes de faiseurs de projets, de fondateurs, et de directeurs simplement nominaux ; tout un système de filouterie et de fraude au sujet d’émission et de trafic d’action. C’est là de la production privée sans le contrôle de la propriété privée. » Le Capital, t.7, p. 104

            « L’expropriation s’étend ici du producteur direct aux petits et aux moyens capitalistes eux-mêmes. Le point de départ du mode de production capitaliste est justement cette expropriation. Son but est de la réaliser et, en dernière instance, d’exproprier tous les individus de tous les moyens de production, lesquels, la production sociale se développant, cessent d’être des moyens et produits de la production privée et se bornent à être moyens de production entre les producteurs associés, donc peuvent être leur propriété sociale, tout comme ils sont leur produit social. Mais à l’intérieur du système capitaliste lui-même, cette expropriation se présente sous une forme contradictoire en tant qu’expropriation par quelques uns de la propriété sociale ; et le crédit donne toujours davantage à ces quelques uns le caractère de purs aventuriers de l’industrie (Gluckritter). » Ibid, p. 105

                        L’entreprise siège du procès de production (création de valeur) est un lieu qui freine le mouvement du capital, le fixe. Il doit donc surmonter cette fixation. Il faut qu’elle perde ce caractère : on passe alors à l’entreprise sans propriété mais qui permet une appropriation du produit forme mystifiée de la plus-value. Ceci est réalisé avec des entreprises où le capital constant est égal à zéro, où donc seule une certaine avance de capital est nécessaire afin de mettre en mouvement « l’affaire ». Ensuite on a même des entreprises fictives grâce auxquelles se développe la spéculation la plus effrénée.

                        « Le capital se présente aujourd’hui en chacun de ses moments sous la forme d’une organisation. Derrière ce mot devenu synonyme non de fraternité au cours d’une lutte ouverte comme au temps glorieux des luttes ouvrières, mais fiction hypocrite des l’intérêt commun, derrière l’inexpressive et anti-mnémonique nom de l’insaisissable entreprise, parmi les affairistes, administrateurs, techniciens ouvriers spécialisés, manœuvres, cerveaux électroniques, robots et chiens de garde, des facteurs de la production et de stimulateurs du revenu national, le capital accomplit l’immonde fonction qu’il a toujours accomplie, une fonction infiniment plus ignoble que celle de l’entrepreneur qui se faisait personnellement payer, à l’aube de la société bourgeoise, intelligence, courage et véritable esprit de pionnier.

                        L’organisation n’est pas seulement le capitalisme moderne sans personnage, mais le capitalisme sans capital, parce qu’il n’en a aucun besoin […].

                        L’organisation  d’affaires a son propre plan : elle ne présente pas de maisons de commerce responsables, avec des actifs mais elle met en avant une « société pilote » avec un capital fictif, et si elle anticipe quelque somme c’est seulement pour se gagner la sympathie de certains bureaux d’État qui doivent examiner les offres, les propositions et les contrats. »

                        « On découvre ici, d’autre part, la fausseté de la doctrine stupide sur la bureaucratie d’État ou de parti, nouvelle classe dominante qui couillonne prolétaires et capitalistes de même que se dévoile, sous un aspect nouveau et différent, l’hypothèse ridicule si facile à rejeter, d’un point de vue marxiste. Le « spécialiste » est aujourd’hui l’animal de proie, le bureaucrate, le misérable lécheur de bottes. »

                        « L’organisation diffère de la commune de travail (pure illusion libertaire dont on n’a aucun exemple dans des lieux déterminés) parce qu’il n’y a pas parité de prestation à une œuvre commune, mais dans chaque entreprise une hiérarchie de fonctions et d’avantages. Il ne peut en être autrement quand l’entreprise a son bilan en terme de profit et une autonomie dans le domaine du marché. […]

                        « … L’État se loue à des organisations qui sont de véritables bandes d’affaires, de composition humaine changeante et insaisissable, dans tous les secteurs de l’économie, sur un itinéraire qui dans tous les systèmes capitalistes modernes est marqué par des formes odieuses qu’a assumé l’industrie du bâtiment, dont le siège n’est pas fixe. »  Il Programma comunista, n°7 – 1957

                        Non seulement l’État se loue à des bandes mais il devient lui-même une bande (racket). Cependant il joue toujours un rôle de médiateur.

                        « La monarchie absolue est comme on le sait, créée par un développement de la richesse bourgeoise tel qu’il est incompatible avec les anciens rapports sociaux de la féodalité. Pour être en mesure d’exercer son autorité sur tous les points, elle a besoin d’un levier matériel : la puissance del’équivalent général et d’une richesse à tout instant mobilisable. » Marx, Fondements de la critique de l’économie politique, t. II, p. 569

            L’État équivalent général apparaît dans sa forme pure à l’époque du fleurissement de la loi de la valeur, en période la production marchande simple. En domination formelle du capital celui-ci n’a pas encore dominé la loi de la valeur, l’État est un médiateur entre celui-ci et les restes des autres modes de production subsistants, et le prolétariat lui-même. C’est aussi l’époque où le système du crédit ne s’est pas encore développé et n’a pas engendré, sur une vaste échelle, le capital fictif. Le capital a encore besoin du rigide étalon-or. Lors du passage à la domination réelle du capital, celui-ci se crée son propre équivalent général qui ne peut pas être rigide comme il l’était en période de circulation simple. L’État lui-même doit perdre sa rigidité et devient une bande médiatrice entre les différentes bandes, entre la totalité du capital et les capitaux particuliers.

            On assiste, dans la sphère politique, à la même transformation. Le comité central d’un parti ou le centre d’un regroupement quelconque joue le même rôle que l’État. Le centralisme démocratique ne fait que singer le mécanisme parlementaire correspondant à la domination formelle du capital. Le centralisme organique affirmé de façon seulement négative, en tant que refus de la démocratie, des différentes formes sous lesquelles elle se manifeste : assujettissement de la minorité à la majorité, votes, congrès, etc., retombe en fait dans les rêts des mécanismes sociaux actuels. De là, comme pour le fascisme, la mystique de l’organisation. C’est ainsi que le P.C.I. (Parti communiste international) s’est transformé en une bande.

          Ce mouvement du capital peut d’autant mieux se produire qu’il ne rencontre aucune opposition réelle dans la société, le prolétariat ayant été détruit. Son être réel a été nié et il n’existe qu’en tant qu’objet du capital. De même la théorie du prolétariat, le marxisme, a été détruite, d’abord avec l’œuvre révisionniste de Kautsky, puis avec celle liquidatrice de Bernstein. Ceci s’est opéré de façon définitive car aucun assaut du prolétariat n’a, depuis, réussi à la rétablir. Ceci n’est qu’une autre façon pour dire que le capital a réussi à établir sa domination réelle. En effet, pour aboutir à ce résultat le capital doit englober le mouvement qui le nie, le prolétariat, et constituer l’unité où le prolétariat n’est qu’un objet du capital. Cette unité ne peut être détruite que par la crise telle que la décrivait Marx. Il en découle que toute forme d’organisation politique ouvrière a disparu. A sa place, on a les bandes qui s’affrontent en une concurrence obscène, véritables rackets rivaux dans le bavardage mais identiques dans leur être.

          L’existence de la bande découle donc du mouvement du capital tendant à englober ses contradictions, de son mouvement de négation et de sa reproduction sous forme fictive. En effet, le capital nie ou tend à nier les éléments sur lesquels il s’est édifié : l’individu et l’entreprise, mais, en réalité, il les ressuscite sous forme fictive. L’être de la bande exprime bien cette dualité :

–                                                le chef qui commande (et sa clique) = caricature de l’individu traditionnel.

–                                            La forme collective = caricature de ce que devient la communauté basée sur les intérêts communs.

          On a donc résorption du mouvement de la négation dans la bande qui est la réalisation de l’apparence. Elle réalise d’autre part une autre exigence du capital : remplacer toutes les présuppositions naturelles ou humaines par des présuppositions déterminées vis-à-vis du capital.

         Vis-à-vis de l’extérieur, la bande politique a tendance a masquer l’existence de la clique car elle doit séduire afin de recruter. Elle se pare alors d’un voile de modestie pour mieux élargir, par la suite, son pouvoir. Lorsqu’elle s’adresse (journaux, revues, tracts) aux éléments externes, elle prétend qu’il faut être compréhensible, il faut se mettre sur le terrain de la masse. Par là elle veut opérer la médiation à l’aide des données immédiates. Elle considère tous ceux qui sont en dehors comme des imbéciles et pour arriver à les séduire, elle est obligée de produire des banalités, des conneries. Et, finalement, elle se laisse séduire elle-même par ses propres conneries et, par là, se fait absorber par le milieu ambiant. Cependant une autre prendra sa place. Ses premiers vagissements théoriques consisteront à attribuer tous les méfaits, les torts à elle qui l’a précédé, cherchant ainsi un langage nouveau afin de recommencer la grande pratique de séduction. Car pour séduire il faut apparaître comme étant différent des autres.

            Une fois englobé dans la bande (la même chose vaut pour tout type d’entreprise) l’individu est lié à elle par tous les ressorts psychologiques de la société capitaliste. S’il présente des capacités, on les exploite immédiatement sans lui permettre un approfondissement de la « théorie » qu’il a acceptée. En échange, on lui donne une position dans la clique, on en fait un chefaillon. S’il ne présente pas ces capacités, l’échange a tout de même lieu entre son adhésion et le devoir qu’il a de diffuser la position de la bande qu’il vient d’adopter. Même pour les groupes qui veulent échapper aux données de la société, le mécanisme de la bande tend tout de même à y prédominer du fait même de la différence de niveau théorique entre les membres qui composent ce groupement. L’incapacité où se trouve l’individu à affronter par lui-même les questions théoriques le conduit à se réfugier derrière l’autorité d’un autre élément qui devient objectivement un chef ou derrière l’entité groupe qui devient une bande. Car dans les rapports avec l’extérieur cet individu, en définitive, utilise cette appartenance à la bande pour se différencier et exclure les autres ne serait-ce que pour se prémunir contre ses propres faiblesses théoriques. Appartenir pour exclure telle est la dynamique interne de la bande qui est fondée sur une opposition avouée ou non entre extérieur et intérieur. Ainsi même un groupe informel retombe dans le racket politique et c’est le cas classique où la théorie devient une idéologie.

            L’adhésion à une bande donnée découle de la volonté de s’identifier à un groupe en qui s’incarne un certain prestige théorique pour les intellectuels, organisationnel pour les hommes soi-disant pratiques. D’autre part, dans la formation « théorique » intervient le mécanisme mercantile. Étant donnée la masse croissante de capital-marchandises idéologiques à réaliser, il faut créer une motivation profonde afin que ces marchandises soient achetées. Pour cela la meilleure motivation est la suivante : apprendre plus, lire plus, pour être au-dessus, pour être différent de la masse. Ostentation du prestige et exclusion sont la manifestation de la compétition sous toutes ses formes. Ceci s’opère de même entre les bandes qui doivent vanter leur originalité, leur prestige, afin d’attirer ; d’où le culte de l’organisation en place, la mise au pinacle des particularités de la bande. Dès lors, il ne s’agit plus de la défense d’une « théorie » mais de celle de la continuité d’une organisation donnée (cf. le P.C.I. et son idolâtrie de la Gauche italienne).

          L’acquisition théorique d’autre part, est le plus souvent destinée à opérer des manœuvres : justifier l’acquisition du poste de chefaillon ou permettre de liquider celui en place.

         L’opposition extérieur-intérieur et la structuration de la bande développe au maximum l’esprit de compétition. En effet, étant donné la différence de connaissance théorique entre les membres, l’acquisition théoriques devient un élément de la bio-sélection politique qui est l’euphémisme de la division du travail. Dans le second cas on théorise la société en place, dans le premier cas, sous prétexte de la nier on introduit une émulation effrénée qui aboutit à une hiérarchisation encore plus poussée. Et ce d’autant plus que l’opposition extérieur-intérieur se répète à l’intérieur de la bande, puisqu’il y a le centre et la masse des militants.

            La bande politique atteint son parachèvement dans les groupes qui veulent soi-disant dépasser les mécanismes de la société actuelle : culte de l’individu, du chef, de la démocratie. En réalité, avec l’anonymat – posé simplement comme un anti-individualisme – on a l’exploitation effrénée des éléments de la bande au profit de la clique dirigeante qui retire le prestige de tout ce que la bande produit. L’affirmation du centralisme organique devient la généralisation de l’hypocrisie qui fait que l’on opère les mêmes saloperies que dans les autres groupes se réclamant du centralisme démocratique, mais en niant qu’on les fait.

          Ce qui maintient une unité apparente au sein de la bande, c’est le chantage de l’exclusion. En effet, ceux qui n’acceptent pas les normes sont rejetés avec des calomnies et, s’ils s’en vont, il en est de même. D’autre part, ceci sert de chantage psychologique pour ceux qui restent. Ceci se manifeste avec quelques différences dans les différents types de bandes.

          Dans la bande d’affaires, forme moderne de l’entreprise, l’individu est rejeté et se retrouve sur le pavé.

          Dans la bande de délinquants (en laquelle se manifeste la réinsertion dans la société, de la révolte sous sa forme immédiate, la délinquance, l’individu seul n’est pas assez fort, n’a pas de protection ; il entre donc dans la bande), l’individu subit une raclée ou est tué.

          Dans la bande politique, l’individu est rejeté avec ces calomnies, lesquelles ne sont que la sublimation de l’assassinat. La calomnie justifie son exclusion ou bien elle est utilisée pour le pousser à s’en aller de « plein gré ».

            Il est évident que dans la réalité les nuances indiquées peuvent passer d’une bande à l’autre : ainsi il y a des assassinats liés aux affaires de même qu’il y a des règlements de compte qui aboutissent à des assassinats.

          Le capitalisme est donc le triomphe de l’organisation et la forme de celle-ci est la bande : c’est le triomphe du fascisme. Ainsi aux E.U., on a le racket à tous les  niveaux ; il en de même en URSS. La théorie du capitalisme bureaucratique hiérarchisé dans le sens formel est une absurdité, car la bande est un organisme informel.

         Au niveau de la théorie, il y a une alternative, c’est l’exaltation de la discipline, l’exigence de la pureté du militant (cf. le groupe « Rivoluzione comunista » qui rompit en 1964 avec le P.C.I sur la question de la création d’une vraie élite de militants ce qui ne fait que reporter à la lumière les positions de « l’ultra-bolchevisme » que G. Luckacs voyait comme alternative au parti de masse opportuniste tel qu’il était devenu en l’espace de deux ans, le parti communiste d’Allemagne ; cf. Remarques méthodologiques sur la question de l’organisation). De même que, sue le plan de la vie sexuelle, l’alternative à la dissolution des mœurs est l’ascétisme. Mais une telle alternative se meut à l’intérieur de la société capitaliste. Elle n’est pas en liaison avec l’être de la classe et donc à son futur. D’autre part, en s’abstrayant de la réalité, elle opère une coupure entre théorie et pratique.

          Tout ceci ne fait qu’exprimer la séparation croissante de l’individu de la communauté humaine, de la misère dans le sens de K. Marx. La formation de la bande est la constitution d’une communauté illusoire. Dans le cas de la bande de délinquants, elle est le résultat de la fixation de l’instinct élémentaire de la révolte dans sa forme immédiate. La bande politique, au contraire, veut fixer cette communauté illusoire en tant que modèle pour  toute la société. C’est un comportement utopiste sans aucune base réelle, car les utopistes créèrent des communautés – qui furent toutes absorbées par le capital- à partir desquelles ils espéraient que, par émulation, elles arriveraient à englober l’humanité. Ainsi est plus que jamais valable la phrase de l’Adresse inaugurale de la I° Internationale : « L’émancipation des travailleurs sera l’œuvre des travailleurs eux-mêmes ».

          Á l’heure actuelle, le prolétariat, ou il préfigure la société communiste et réalise la théorie ou il reste ce qu’est la société. Le mouvement de mai a été le début de cette préfiguration : il découle de ce qui vient d’être dit que le prolétariat ne peut en aucune façon se reconnaître dans une quelconque organisation parce qu’il les subit déjà sous d’autres formes. Le mouvement de mai en est une claire manifestation.

          Le prolétariat ayant été détruit, sa forme d’être dans la réalité immédiate est le procès même du capital. A l’époque de Marx le destin des partis ouvriers qui étaient les produits du mouvement immédiat du prolétariat de la société de l’époque était celui de s’insérer dans le jeu des règles parlementaires bourgeoises. Aujourd’hui que la communauté apparente dans le ciel de la politique constituée par les parlements et leurs partis a été effacée par le développement du capital, les « organisations » qui se réclament du prolétariat ne sont que de simples bandes ou cliques qui jouent sous la médiation de l’État le même rôle que tous les autres groupes directement au service du capital. Ceci est la phase groupusculaire où, à la différence des sectes de l’époque de Marx que l’unité du mouvement ouvrier devait dépasser, ces partis, ces groupuscules, manifestent l’absence de la lutte des classes. Ils se disputent les restes du prolétariat. Ils théorisent le prolétariat dans la réalité immédiate et s’opposent à son mouvement. En ce sens ils réalisent les exigences de fixation du capital. Le prolétariat n’a donc pas à les dépasser, comme ce fut le cas pour les sectes, mais à les détruire.

         La critique du capital doit donc être la critique du racket sous toutes ses formes, du capital comme organisme social, étant donné qu’il devient la vie réelle de l’individu et son mode d’être avec les autres (cf. à ce sujet Marcuse, L’homme unidimensionnel ; Galbraith, Le nouvel État industriel). La théorie qui critique cela ne peut pas reproduire le racket. Donc, refus de toute vie de groupe (sinon illusion de la communauté). A ce sujet on peut reprendre la critique d’Engels au Congrès de Sonvillers (ce qu’il disait à l’époque au sujet de l’internationale s’applique aujourd’hui à un groupe) en faisant la remarque suivante, qu’au temps de Marx le prolétariat ne pouvait pas aller jusqu’à se nier (en ce sens qu’au cours de la révolution il devait s’ériger en classe dominante: 1848, 1871, 1917). Il y avait réellement une séparation entre parti formel et parti historique. Aujourd’hui le parti ne peut être que le parti historique et tout mouvement formel est la reproduction de la société et le prolétariat est en dehors. Un groupe ne peut en aucune façon prétendre réaliser la communauté sinon en substituant en définitive au prolétariat qui peut seul le faire. D’où introduction d’une distorsion qui engendre une ambiguïté théorique et hypocrisie pratique.

            Il ne suffit pas de faire la critique du capital, d’affirmer qu’il n’y a pas de liens organisationnels, il ne faut pas reproduire la structure de la bande qui est le produit spontané de la société. C’est là que doit porter la critique à la gauche italienne et à notre mode d’être depuis la rupture avec le P.C.I.

          Le révolutionnaire ne doit pas se reconnaître dans un groupe, mais dans une théorie qui ne dépend pas d’un groupe ni d’une revue car elle est l’expression d’une lutte de classes donnée. C’est en ce sens justement que se pose réellement l’anonymat qui n’est pas négation de l’individu (négation qu’opère la société capitaliste elle-même). L’accord est donc celui à un travail qui est en cours et qui doit être développé. C’est pourquoi des connaissances théoriques et la volonté d’acquisition théorique, non au travers du groupe qui se pose comme un diaphragme entre l’individu et la théorie, mais de façon autonome, personnelle, sont absolument nécessaires, sinon se répète la relation de maître à élève (autre forme de la contradiction esprit-matière, chef-masse) et se renouvelle la pratique du suivisme.

            Il est nécessaire de revenir à l’attitude de Marx, après 1851 vis-à-vis de tous les groupes, afin de comprendre comment doit se faire la coupure avec la pratique de la bande :

–                     refus de toute reconstitution de groupe même informel (cf. correspondance de K.Marx F.Engels, les divers ouvrages sur 1848 et les pamphlets tels Les grands hommes de l’exil, 1852).

–                     maintien d’un réseau de contacts personnels avec les éléments ayant réalisé (ou en voie de le faire) le degré le plus élevé de connaissance théorique : antisuivisme, antipédagogie ; le parti dans son sens historique n’est pas une école1.

          L’activité de K. Marx a toujours été de mettre en évidence le mouvement réel qui tend au communisme et de défendre les acquis du prolétariat lors de la lutte contre le capital. Ainsi de la position de K. Marx en 1871 qui dévoile « l’impossible communisme » action dans la Commune de Paris, ou qui déclare que la I° Internationale n’est fille ni d’une théorie ni d’une secte. Il est nécessaire d’avoir la même activité à l’heure actuelle. Les rapports de tous ceux qui veulent entrer en liaison avec le travail exposé dans la revue afin de le développer et d’assurer une exposition plus détaillée et précise, toujours plus claire, doivent être ceux indiqués plus haut au sujet du travail de K. Marx, sous peine de retomber à nouveau dans la bande.

          Il en découle qu’il faut aussi développer une critique de la conception du « programme » chez la gauche communiste italienne. Car que cette notion de « programme communiste » n’a jamais été suffisamment clarifiée est démontré par le fait qu’au sein de la Gauche ressurgit, à un moment donné, la polémique Martov-Lénine qui était déjà elle-même un produit de la liquidation du concept de théorie révolutionnaire chez Marx, en tant qu’elle reflétait la scission complète entre les concepts de théorie et de praxis. Pour le prolétariat dans le sens de Marx, la lutte de classe est production et en même temps radicalisation de la conscience. La critique du capital exprime une conscience déjà produite par la lutte de classe et anticipe sur son futur. Donc, chez Marx-Engels, mouvement du prolétariat = théorie = Communisme.

                       « Monsieur Heinzen s’imagine que le communisme est une certaine doctrine qui part d’un principe qui en constituerait le noyau à développer et à en tirer les conséquences ensuite. Le communisme n’est pas une doctrine, mais un mouvement, il ne part pas de principes, mais de faits. Les communistes ont pour présupposition non telle ou telle philosophie, mais toute l’histoire passée et surtout ses résultats effectifs (tätsächlichen) dans les pays civilisés […]. Dans la mesure où il est une théorie, il est l’expression théorique de la situation du prolétariat […] et le résumé théorique de la libération du prolétariat.» F. Engels, Les communistes et Karl Heinzen, Deuxième article, Deutsche-Brusseler-Zeitung, n° 80, in Werke, t. 4, pp. 321-322.

         En réalité pour K. Marx le problème de la conscience venant de l’extérieur n’existant pas, il n’y a pas de question de formation de militants, d’activisme ou d’académisme ; de même que ne se pose pas, chez lui, la problématique de l’auto-éducation des masses dans le sens des « communistes de conseil » et consorts, faux disciples de R. Luxembourg et authentiques disciples du réformisme pédagogique. La théorie de Rosa Luxembourg du mouvement de la classe qui trouve dans sa réalité même les conditions pour se radicaliser, depuis le début de la lutte, est la plus proche des positions de K. Marx (cf. sa position sur la « créativité des masses » qui montre qu’elle était apte à saisir le prolétariat au-delà de son existence immédiate).

         Ceci montre la nécessité de dépasser la forme bourgeoise de percevoir et de concevoir la réalité sociale reprenant en ce sens, comme le fit K. Marx, la démonstration de W.F.Hegel du caractère médiat de toute forme d’immédiateté. Car c’est le propre de la connaissance « scientifique » d’accepter le fait immédiat comme étant objet réel de connaissance sans percevoir et concevoir la médiation qui le sous-tend. C’est sur la base d’une telle gnoséologie que dans la société capitaliste l’apparence sociale devient la réalité et vice-versa. L’être réel du prolétariat est caché et la classe est perçue dans sa forme de vie apparente ; de là le problème de la conscience venant de l’extérieur, de là le fait que tous restent stupéfaits, interdits, lorsque le prolétariat manifeste son être véritable (1905-1917).

            La gauche communiste italienne, en dépit de ses meilleures possibilités dans le domaine de la théorie du prolétariat, n’a pas opéré, en 1950, la rupture définitive avec son passé 1919-1926 ; sa critique du trotskysme, du communisme de conseils, etc., n’est pas arrivée jusqu’à la restauration intégrale des notions de parti et de prolétariat chez K. Marx. D’où sa position officielle et son essence réelle qui oscilla entre une conception du programme comme « école marxiste » et un petit activisme de marque trotskyste ; se second aspect est devenu prévalent à partir de 1960, favorisé par le fait qu’une clique de gangsters totalement étrangers à la théorie et au prolétariat s’était emparé de l’ « école » grâce surtout à ses ambiguïté persistantes sur des problèmes d’importance vitale : question syndicale, rupture avec la notion d’ « avant-garde du prolétariat » qui s’était opérée dans les faits et dans les discours non officiels mais qui persistait dans les tables du parti. C’est à partir de ce moment que ressuscite la question Martov ou Lénine sur les questions d’organisation ce qui donne la mesure de la mort définitive de ce courant qui eut ensuite ses funérailles de 3° classe avec mai 68.

          On doit noter d’autre part que depuis notre sortie du P.C.I., nous n’avons fait qu’essayer de lever l’ambiguïté en nous forçant de mettre en évidence les aspects positifs de la Gauche ; ce faisant nous ne faisions que la cultiver, en la portant à sa manifestation extrême (cf. les articles d’Invariance). Ce qui nous conduisit à retomber dans la pratique du groupe, même s’il était considéré comme informel, avec la tendance que cela comportait de se substituer au prolétariat. Il ne s’agit plus de raisonner sur l’accommodation au sein de la position de la gauche, mais de reconnaître que s’il y avait accommodation c’est, qu’au départ, il y avait une théorie qui n’était pas intégralement celle du prolétariat. Ainsi il ne suffit plus d’affirmer que la création du parti en 1943 était prématurée, mais il faut dire que c’était une absurdité. En conséquence, il faut couper avec le passé et retourner à la position de K. Marx.

          Cette lettre est écrite non en tant que rédaction définitive et exhaustive des thèmes traités, mais veut être une rupture avec tout le passé de « groupe ». Les signatures qui suivent veulent souligner cette rupture et non marquer une liquidation de positions acquises au sujet de l’anonymat.

Jacques CAMATTE – Gianni COLLU

1969

1        Parler de reprendre une attitude adoptée par Marx à un certain moment de son activité révolutionnaire résultait de la non compréhension profonde que la phase de domination formelle du capital est totalement révolue. Or, Marx eut à prendre position uniquement au cours de cette période. D’autre part, son comportement théorique au sujet du parti n’est pas aussi rigide que ne l’indique, ici, la lettre. Mais ce qu’il y a de moins acceptable dans les affirmations qui précèdent c’est d’ouvrir la voie à une nouvelle théorisation de la conscience venant de l’extérieur, par le biais d’une théorie élitiste du développement du mouvement révolutionnaire.

         Le refus de toute organisation n’est pas une simple position antiorganisationnelle. En rester là, serait encore extérioriser un volonté d’originalisation, tenter de se faire repérer comme étant autre, parvenir donc à attirer à soi un certain nombre d’éléments.. D’où se redéploierait le mouvement de rackettisation.

         Notre position sur la dissolution des groupes découle de l’étude du devenir du mode de production capitaliste, d’une part, de notre caractérisation du mouvement de mai, d’autre part. Nous somme profondément convaincus que le phénomène révolutionnaire est en acte et que, comme toujours, surtout en ce domaine, la conscience suit l’action. Cela veut dire que dans le vaste mouvement de rébellion contre le capital les révolutionnaires vont adopter un comportement déterminé, non acquis d’un seul coup, compatible avec la lutte décisive et déterminante contre le capital.

         On peut prévoir le contenu d’une telle organisation. Elle combinera l’aspiration à la communauté humaine et à l’affirmation individuelle qui est le trait marquant de la phase révolutionnaire en cours. Elle tendra à réaliser la réconciliation de l’homme avec la nature car la révolution communiste est aussi une révolte de celle-ci contre le capital et d’autre part ce n’est qu’au travers d’un nouveau rapport avec la nature que l’on pourra perdurer, donc conjurer le second terme de l’alternative qui se pose aujourd’hui à nous : communisme ou destruction de l’espèce humaine.

         Dès lors, afin de mieux percevoir ce devenir organisationnel afin de faciliter, de ne pas inhiber quoi que ce soit, il est important de rejeter toutes les formes anciennes et de pénétrer sans a-priori, dans le vaste mouvement de notre libération. Car celui-ci se fait à l’échelle mondiale et il faut éliminer tout ce qui peut faire obstacle au déplacement révolutionnaire. Dans des circonstances données, au cours d’actions précises, le courant révolutionnaire se structurera non seulement passivement, spontanément, mais en pointant toujours l’effort de réflexion sur le comment de la réalisation de la véritable gemeinwesen (l’être humain) et de l’homme social impliquant la réconciliation des hommes avec la nature.

            [Camatte. Note de 1972]

 

Sobre la organización

La carta que publicamos a continuación (del 04/09/1969) permitió la disolución del grupo que tendía a formarse en torno a las posiciones expuestas en la revista Invariance; abrió un debate y una reflexión importantes que después se prosiguió, algunas de cuyas conclusiones fueron expresadas en «Transición», en el nº 8, serie 1, de la misma revista.

Si ciertas cuestiones suscitadas por esta carta fueran tratadas en parte, otras apenas se rozaron. De ahí la necesidad —dada la urgencia de romper de forma cada vez más neta con el pasado— de publicarla. Así el lector podrá apreciar mejor la evolución del trabajo ya realizado y del que queda por hacer.

Al ser un punto de ruptura (y por tanto de llegada) a la vez que un punto de partida, esta carta contiene cierto número de imprecisiones, germen de posibles errores. Indicaremos la más importante en una nota. Por otra parte, vista la imposibilidad en la que nos encontrábamos de indicar «concretamente» el modo de ser de los revolucionarios, una vez rechazada la práctica del grupo, cabía la posibilidad de que se interpretase el rechazo de la actividad grupuscular como el retorno a un individualismo más o menos stirneriano. ¡Como si en lo sucesivo la única garantía fuese a ser la subjetividad cultivada por cada revolucionario! Nada de eso. Era preciso, ante todo, rechazar la percepción de la realidad social y la praxis ligada a ella en tanto punto de partida del proceso de «racketización». Si, por tanto, nos retiramos totalmente del movimiento grupuscular fue, de manera simultánea, para poder trabar relación con otros revolucionarios que habían realizado, por lo demás, una ruptura análoga a la nuestra. Quisimos poner en evidencia un fenómeno de convergencia. Ahora hay una producción directa de revolucionarios que superan casi inmediatamente el punto en el que nosotros tuvimos que romper con la realidad circundante. Desde entonces existe una «unión» potencial que quedaría en entredicho si no llevásemos a término, y hasta el fondo de nuestras conciencias individuales, la ruptura con la visión política. Dado que la esencia de la política es la representación, eso quiere decir que los grupos siempre andan procurando poner su imagen a punto en la pantalla social. Siempre quieren explicar su forma de representarse a sí mismos a fin de ser reconocidos por algunos como la vanguardia que representa a los demás, a la clase. Eso queda de manifiesto en los famosos «lo que nos distingue» de diversos grupúsculos en busca de reconocimiento. Toda delimitación es limitación, y eso conduce a menudo a reducir esa delimitación, de manera bastante rápida y drástica, a unos cuantos eslóganes representativos de cara al marketing «racketista». Toda representación política es una pantalla, y por tanto, obstáculo para una fusión de fuerzas. La representación puede producirse tanto a nivel de grupo como del individuo, y replegarse sobre este último equivaldría a remitirse al pasado.

***

«…“No me enojo” (según dice Heine) y Engels tampoco. No damos un penique por la popularidad. Como prueba de ello, citaré, por ejemplo, el siguiente hecho: por repugnancia a todo culto a la personalidad yo, durante la existencia de la Internacional, nunca permitía que llegasen a la publicidad los numerosos mensajes con el reconocimiento de mis méritos, con que me molestaban desde distintos países; incluso nunca les respondía, si prescindimos de las amonestaciones que les hacía. La primera afiliación, mía y de Engels, a la sociedad secreta de los comunistas se realizó sólo bajo la condición de que se eliminaría de los Estatutos todo lo que contribuía a la postración supersticiosa ante la autoridad.»

Marx a W. Bold (10/11/1877)

«¿Se puede, en el mundo de los negocios y de la burguesía, evitar el fango? Es allí donde tiene su lugar natural. […] A mis ojos, la honesta infamia o la infame honestidad de la moral solvente […] no es nada superior a la abyecta infamia que ni las primeras comunidades cristianas, ni el Club de los Jacobinos, ni nuestra difunta Liga han logrado eliminar de su seno. Sólo cuando se vive en el medio burgués, uno se habitúa a perder el sentimiento de la infamia respetable o de la infame respetabilidad […]»

Marx a Freiligrath

Tras la constitución del capital en ser material, y por tanto en comunidad social, el personaje tradicional del capitalista desaparece, el proletariado disminuye relativamente —a veces, de forma absoluta—, y las nuevas clases medias se expanden. Toda comunidad humana, por pequeña que sea, se ve condicionada por el modo de ser de la comunidad material. Este modo de ser se debe a que el capital no puede valorizarse —ni, por tanto, existir ni desarrollarse— a menos que una partícula de su ser, a la vez que se autonomiza, se enfrente al conjunto social y se ponga en relación con el equivalente socializado total, el capital. Tiene necesidad de esta confrontación (competencia, emulación), porque no existe más que por diferenciación. A partir de ahí se constituye un tejido social basado en la concurrencia entre «organizaciones» rivales (rackets).

«Reproduce una nueva aristocracia financiera, un nuevo tipo de parásitos en la forma de proyectistas, fundadores y directores meramente nominales; todo un sistema de fraude y engaño con relación a fundaciones, emisión de acciones y negociación de éstas. Es una producción privada sin el control de la propiedad privada.»

(El capital, vol. III, p. 565, Ed. Siglo XXI)

«La expropiación se extiende aquí del productor directo hacia los propios pequeños y medianos capitalistas. Esta expropiación es el punto de partida del modo capitalista de producción; su ejecución es el objetivo de éste, y más exactamente y en última instancia, lo es la expropiación de cada uno de los medios de producción, que con el desarrollo de la producción social dejan de ser medios de la producción privada y productos de la producción privada y que sólo pueden ser ya medios de producción en manos de los productores asociados, y que por ello pueden ser su propiedad social así como son su producto social. Pero esta expropiación misma se presenta,, dentro del sistema capitalista, en una figura antagónica, como la apropiación de la propiedad social por parte de unos pocos; y el crédito les confiere cada vez más a esos pocos el carácter de meros caballeros de industria.»

(Ibíd. p. 567)

En tanto sede del proceso de producción (la creación de valor), la empresa es un espacio que restringe y fija el movimiento del capital. Éste, por tanto, ha de superar esa fijación. Es preciso que la empresa pierda ese carácter: se pasa entonces a la empresa sin propiedad, pero que permite una apropiación mistificada de plusvalor. Eso se hace realidad en esas empresas en las que el capital constante es igual a cero, y en las que sólo es necesario adelantar cierto capital para poner en marcha el «negocio». A continuación aparecen empresas ficticias gracias a las cuales se desarrolla la especulación más desenfrenada.

«En la actualidad el capital se presenta en cada uno de sus momentos bajo la forma de una “organización”. Tras esa palabra —convertida en sinónimo no de fraternidad en una lucha abierta, como en los tiempos gloriosos de las luchas obreras, sino de la ficción hipócrita del interés común oculta tras el inexpresivo y antinemotécnico nombre de la escurridiza empresa, entre los especuladores, administradores, técnicos, obreros especializados, robots y perros guardianes, de los factores de la producción y los estimuladores de la renta nacional— el capital sigue cumpliendo la inmunda función de siempre, infinitamente más ignominiosa que la del emprendedor que, durante el amanecer de la sociedad burguesa, se cobraba en especie su inteligencia, su coraje y su verdadero espíritu pionero.»

La organización no es solamente el capitalismo moderno despersonalizado, sino también el capitalismo sin capital, porque no necesita capital alguno […]

La organización de negocios tiene su propio plan. No establece firmas comerciales responsables que disponen de activos, sino que presenta una «sociedad piloto» provista de un capital ficticio, y si adelanta alguna suma, es sólo para conquistar las simpatías de ciertas agencias estatales, que han de examinar las ofertas, las propuestas y los contratos.

Aquí queda de manifiesto, por otra parte, la falsedad de la estúpida doctrina sobre la burocracia de Estado o de partido, nueva clase dominante que oprime igualmente a proletarios y capitalistas, a la vez que se desvela, bajo un aspecto nuevo y diferente, la hipótesis ridícula, que tan fácil resulta rechazar desde el punto de vista marxista. Hoy día, el «especialista» es el depredador, y el burócrata el miserable lameculos.

La organización difiere de la comuna de trabajo (pura ilusión libertaria de la que no existe ningún ejemplo en lugares determinados) en que no hay paridad de prestaciones en el marco de una obra común, sino que en cada empresa hay una jerarquía de funciones y ventajas. Y no podría ser de otra manera, cuando la empresa tiene que presentar un balance lucrativo y goza de autonomía en el ámbito del mercado. […]

[…] el Estado se alquila a organizaciones que son auténticos gangs empresariales, de composición humana cambiante y escurridiza, en todos los sectores de la economía, siguiendo un itinerario que en todos los sistemas capitalistas contemporáneos está marcado por las odiosas formas que ha adoptado la industria de la construcción, que no tiene sede fija.»

Il programma comunista, nº 7, 1957

No sólo el Estado se alquila a gangs, sino que se convierte él mismo en un gang (racket). No obstante, siempre desempeña un papel de mediador.

«La monarquía absoluta, que era ya un producto del desarrollo de la riqueza burguesa a un nivel incompatible con las viejas relaciones feudales, necesitaba, en conformidad con ello, de un poder general y uniforme; debía ser capaz de ejercerse éste en todos los puntos de la periferia, en calidad de palanca material del equivalente general, de la riqueza en su forma de disponibilidad inmediata, forma en la cual ese equivalente es por entero independiente de relaciones particulares locales, naturales, individuales..»

Marx, Elementos fundamentales para la crítica de la economía política, p. 124.

El Estado como equivalente general apareció, en su forma pura, durante la época de florecimiento de la ley del valor, en el período de la producción mercantil simple. Bajo la dominación formal del capital, éste último aún no domina la ley del valor, por lo que el Estado media entre éste y los restos de los demás modos de producción subsistentes, así como con el propio proletariado. En esta época, además, el sistema de crédito no está lo suficientemente desarrollado, y no ha engendrado al capital ficticio a gran escala. El capital todavía tiene necesidad del rígido patrón-oro. Tras el paso a la dominación real del capital, éste crea su propio equivalente general, que no puede ser rígido, como lo había sido durante el período de la circulación simple. El propio Estado tiene que perder su rigidez, y se convierte en una banda mediadora entre los diferentes gangs, entre la totalidad del capital y los capitales particulares.

En el ámbito político asistimos a la misma transformación. El comité central de un partido o el núcleo de una agrupación cualquiera desempeñan el mismo papel que el Estado. El centralismo democrático no hace más que copiar el mecanismo parlamentario correspondiente a la dominación formal del capital. El centralismo orgánico, defendido de forma meramente negativa, como rechazo de la democracia y de las distintas formas bajo las que se manifiesta (sumisión de la minoría a la mayoría, votos, congresos etc.), vuelve a caer de hecho en la trampa de los mecanismos sociales actualmente vigentes. De ahí, igual que en el fascismo, la mística de la organización. Fue así como el PCI (Partido Comunista Internacional) se convirtió en una banda.

Este movimiento del capital se produce tanto más fácilmente puesto que no topa con ninguna oposición real en la sociedad debido a que el proletariado ha sido destruido. El ser real de éste ha sido negado y sólo existe como objeto del capital. Igualmente, la teoría del proletariado, el marxismo, también fue destruida, primero mediante la obra revisionista de Kautsky, y luego a través de la obra liquidadora de Bernstein. Esto se produjo de manera definitiva, pues ningún asalto del proletariado ha logrado restablecerla desde entonces. Todo esto no viene a ser más que otra forma de decir que el capital logró establecer su dominación real. En efecto, para obtener este resultado, el capital tuvo que absorber al movimiento que lo niega, el proletariado, y constituir una unidad en la que el proletariado no fuese más que un objeto del capital. Esta unidad no puede ser destruida más que por la crisis, tal como la describió Marx. De eso se sigue que toda forma de organización política obrera ha desaparecido. En su lugar, lo que hay son bandas enfrentadas en una competencia obscena, auténticos rackets rivales en su cháchara pero idénticos en su ser.

La existencia de la banda deriva, por tanto, de la tendencia del movimiento del capital a absorber sus contradicciones, de su movimiento de negación y su reproducción en una forma ficticia. En efecto, el capital niega, o tiende a negar, los elementos sobre los que se erige —el individuo y la empresa—, pero en realidad los resucita en forma ficticia. El ser de la banda expresa claramente esa dualidad:

  • El jefe que manda (y su camarilla) = caricatura del individuo tradicional.
  • La forma colectiva = caricatura de la comunidad basada en los intereses comunes.

Se produce, pues, una reabsorción del movimiento de negación en la banda, que es la realización de la apariencia. La banda también cumple, por otra parte, otro requisito del capital: reemplazar todos los presupuestos naturales o humanos por presupuestos determinados por el capital.

De cara al exterior, la banda política tiende a ocultar la existencia de la «camarilla», ya que para poder reclutar tiene que seducir. Se adorna con un velo de modestia para mejor extender así su poder. Cuando se dirige (periódicos, revistas y panfletos) a elementos exteriores, pretende que hay que ser comprensible y ponerse al nivel de la masa. Así pues, pretende establecerse como mediación con la ayuda de datos inmediatos. Considera a todos los que están fuera como imbéciles, y para seducirlos, está obligada a producir banalidades y estupideces. Al final, se deja seducir por sus propias estupideces ella misma, y es así como es reabsorbida por el entorno. No obstante, otra banda ocupará su lugar, y sus primeros balbuceos teóricos estarán consagrados a atribuir todas las fechorías y equivocaciones a la que la precedió, buscando de esta manera un nuevo lenguaje a fin de reanudar la gran práctica de seducción, pues para seducir hay que aparentar ser diferente de los demás.

Una vez incorporado a la banda (lo mismo cabe decir de cualquier tipo de negocio), el individuo queda ligado a ella por todos los resortes psicológicos de la sociedad capitalista. Si demuestra tener capacidades, éstas serán explotadas inmediatamente sin permitirle profundizar en la «teoría» que ha aceptado. A cambio, se le otorgará un puesto en la camarilla y se convertirá en jefecillo. Si no demuestra tener capacidades, se efectuará de todos modos el intercambio entre su adhesión y su deber de divulgar la posición de la banda que acaba de adoptarlo. Lo mismo sucede en los grupos que pretenden huir de los parámetros establecidos; el mecanismo de la banda tiende a prevalecer igualmente debido a la diferencia de nivel teórico entre los miembros que componen la agrupación. La incapacidad del individuo para afrontar él solo las cuestiones teóricas lo lleva a refugiarse tras la autoridad de otro miembro, que se convierte objetivamente en jefe, o bien tras la entidad grupal, que se convierte en una banda. En las relaciones con el exterior, el individuo, en definitiva, usa su pertenencia a la banda para excluir a los demás y distinguirse de ellos, aun cuando no sea más que para protegerse contra sus propias flaquezas teóricas. Pertenecer para excluir; esa es la dinámica interna de la banda, que se basa en una oposición, reconocida o no, entre el exterior y el interior. Hasta los grupos informales recaen en el racket político: es el caso clásico en el que la teoría se convierte en ideología.

La adhesión a una banda deriva, en el caso de los intelectuales, de la voluntad de identificarse con un grupo que encarne cierto nivel de prestigio teórico, y de prestigio organizativo en el de los sedicentes hombres prácticos. El mecanismo mercantil, por lo demás, interviene en la formación «teórica». Dada la masa creciente de capital-mercancía ideológica a realizar, hay que suscitar una motivación profunda para que dicha mercancía se compre. Para eso, la mejor motivación que hay es ésta: aprender y leer más para estar por encima de la masa y distinguirse de ella. Ostentación del prestigio y exclusión son la manifestación de la competencia bajo todas sus formas; lo mismo sucede en aquellas bandas que han de presumir de su originalidad y de su prestigio para atraer. De ahí el culto de la organización establecida y la exaltación de las particularidades de la banda. A partir de ese momento, ya no se trata de defender una «teoría», sino de defender la continuidad de una organización dada (cfr. el PCI[1] y su idolatría de la izquierda italiana).

Lo más habitual, por otra parte, es que la adquisición teórica esté destinada a efectuar maniobras: por ejemplo, justificar el acceso al puesto de jefecillo o permitir la liquidación del jefecillo del momento.

La oposición interior-exterior y la estructura de la banda desarrollan el espíritu de competencia al máximo. En efecto, dadas las diferencias de conocimiento teórico entre los miembros, la adquisición teórica se convierte en un elemento de la «selección natural» política, lo cual no es sino un eufemismo para la división del trabajo. En el segundo caso se teoriza la sociedad existente; en el primero, so pretexto de negarla, se fomenta una competencia desenfrenada que desemboca en una jerarquización aún más exacerbada, tanto más si tenemos en cuenta que la oposición interior-exterior se reproduce en el interior de la banda, pues por un lado está el núcleo central, y por otro la masa de los militantes.

La banda política alcanza su paroxismo en aquellos grupos que supuestamente pretenden superar los mecanismos de la sociedad actual: el culto del individuo, de los jefes y de la democracia. En realidad, el anonimato —planteado simplemente como un anti-individualismo— desemboca en la explotación desenfrenada de los miembros de la banda en beneficio de la camarilla dirigente, que obtiene prestigio de todo lo que ésta produce. La defensa del centralismo orgánico se convierte en generalización de la hipocresía, que hace que se produzcan las mismas cochinadas que en los grupos que reivindican el centralismo democrático, pero negando que ése sea el caso.

Lo que mantiene una unidad aparente en el seno de la banda es el chantaje de la exclusión. En efecto, quienes no respetan las normas son expulsados entre calumnias; el resultado es el mismo cuando son ellos los que se marchan. Por otra parte, esto actúa como chantaje psicológico sobre los que se quedan. Esto se manifiesta, con ciertas diferencias, en los distintos tipos de banda.

En los gangs de negocios, moderna forma de la empresa, al individuo se le despide y se le pone de patitas a la calle.

En las bandas delictivas (que expresan la reintegración en la sociedad de la revuelta bajo su forma inmediata, la delincuencia, pues el individuo aislado ingresa en la banda porque no es lo bastante fuerte y carece de protección), al individuo se le propina una paliza o se le mata.

En las bandas políticas, se expulsa al individuo entre calumnias que no son más que la sublimación del asesinato. La calumnia justifica su exclusión o se emplea para forzarlo a marcharse «por propia y libre voluntad».

Es evidente que en la realidad los matices señalados pueden darse en unos tipos de banda u otros. Así como hay asesinatos vinculados a los negocios, también hay ajustes de cuentas que desembocan en asesinatos.

Así pues, el capitalismo es el triunfo de la organización, y ésta adopta la forma de la banda: es el triunfo del fascismo. Así, en los Estados Unidos, las prácticas gansteriles están asentadas en todos los niveles de la sociedad, y en la URSS sucede lo mismo. En el sentido formal, la teoría del capitalismo burocrático jerarquizado es un absurdo, pues la banda es un organismo informal.

Teóricamente existe una alternativa: la exaltación de la disciplina, la exigencia de la pureza militante (cfr. el grupo Rivoluzione Comunista, que rompió en 1964 con el PCI en torno a la cuestión de la creación de una verdadera elite de militantes, lo que no hacía sino volver a sacar a la luz las posiciones del «ultrabolchevismo» considerado por Lukács como alternativa al partido de masas oportunista en el que se había convertido el Partido Comunista de Alemania en el espacio de dos años; cfr. «Consideraciones metodológicas acerca de la cuestión de la organización», en Historia y conciencia de clase). Igualmente, en el plano de la vida sexual, la alternativa a la disolución de las costumbres es el ascetismo. Ahora bien, semejante alternativa se mueve en el marco de la sociedad capitalista. No está vinculada al ser de la clase ni, por tanto, a su futuro. Además, al hacer abstracción de la realidad, esa visión produce una brecha entre teoría y práctica.

Todo eso no hace sino expresar la separación cada vez mayor entre el individuo y la comunidad humana, la miseria en el sentido de Marx. La formación de la banda es la constitución de una comunidad ilusoria. En el caso de la banda de delincuentes, es el resultado de la contención del instinto elemental de revuelta en su forma inmediata. La banda política, por el contrario, aspira a establecer esa comunidad ilusoria como modelo para toda la sociedad. Se trata de un comportamiento utopista sin ninguna base real, pues los utopistas crearon comunidades —que fueron todas absorbidas por el capital— que esperaban que acabasen englobando a toda la humanidad mediante la emulación. Así pues, la frase del Manifiesto Inaugural de la Primera Internacional, «la emancipación de la clase obrera debe ser obra de los obreros mismos», es más válida que nunca.

En la actualidad, o el proletariado prefigura la sociedad comunista y realiza la teoría, o bien sigue siendo lo que la sociedad ya es. El movimiento de mayo de 1968 fue el comienzo de esta prefiguración: de lo que se deduce que el proletariado no puede reconocerse en modo alguno en una organización cualquiera, porque ya las padece bajo otras formas. El movimiento de mayo lo demostró con claridad.

Al haber sido destruido el proletariado, su forma de ser en la realidad inmediata es el propio proceso del capital. En tiempos de Marx, el destino de los partidos obreros que fueron fruto del movimiento inmediato del proletariado en la sociedad de la época era insertarse en el juego de las reglas parlamentarias burguesas. Hoy en día, cuando la comunidad aparente constituida en el cielo de la política por los parlamentos y sus partidos ha sido liquidada por el desarrollo del capital, las «organizaciones» que reivindican al proletariado no son más que simples bandas o camarillas que, gracias a la mediación del Estado, desempeñan el mismo papel que todos los demás grupos que se hallan directamente al servicio del capital. Se trata de la fase grupuscular, en la que, a diferencia de las sectas de la época de Marx, que tuvieron que ser superadas por la unidad del movimiento obrero, estos partidos y estos grupúsculos expresan la ausencia de la lucha de clases. Se disputan los restos del proletariado; teorizan la realidad inmediata de éste y se oponen a su movimiento. En este sentido, cumplen las exigencias de contención del capital. El proletariado, por tanto, no tiene que superarlos, como en el caso de las sectas, sino destruirlos.

La crítica del capital debe ser, pues, la crítica del racket en todas sus formas, del capital como organismo social, visto que se convierte en la vida real del individuo y su modo de ser con respecto a los demás (cfr. a ese respecto, Marcuse, El hombre unidimensional, y Galbraith, El nuevo Estado industrial). La teoría que critica esto no puede reproducir el racket. Así pues, hay que elegir entre el rechazo de toda vida de grupo o la ilusión de comunidad. A este respecto, cabría reemprender la crítica formulada por Engels en el congreso de Sonvillers (lo que decía en la época sobre la Internacional se aplica hoy en día a los grupos) haciendo el comentario siguiente: en la época de Marx, el proletariado no podía llegar a negarse a sí mismo (en el sentido de que, en el curso de la revolución, debía erigirse en clase dominante: 1848, 1871, 1917). Existía realmente una separación entre partido formal y partido histórico. Hoy, el partido no puede ser más que el partido histórico; cualquier movimiento formal es la reproducción de esta sociedad, y el proletariado está al margen. Ningún grupo puede en modo alguno pretender realizar la comunidad sino substituyéndose, en definitiva, al proletariado, que es el único que puede realizarla. De ahí la introducción de una distorsión que engendra ambigüedad teórica e hipocresía práctica.

No basta con hacer la crítica del capital ni con afirmar que no existen vínculos organizativos; es preciso evitar reproducir la estructura de la banda, que es el producto espontáneo de la sociedad. Es ahí donde debe desembocar la crítica de la izquierda italiana y de nuestro modo de ser desde la ruptura con el PCI.

El revolucionario no debe reconocerse en un grupo, sino en una teoría que no dependa de un grupo ni de una revista, porque es la expresión de una lucha de clases concreta. En realidad, el anonimato, que no es la negación del individuo (negación que se produce dentro de la propia sociedad capitalista) se plantea precisamente en este sentido. El acuerdo, ha de darse, pues, en torno a un trabajo en curso que exige ser desarrollado. Es por eso que los conocimientos teóricos y la voluntad de adquisición teórica, no a través del grupo, que se interpone como un diafragma entre el individuo y la teoría, sino de forma autónoma y personal, son absolutamente necesarios para evitar que se repita la relación maestro-alumno (otra forma de la contradicción espíritu/materia, jefe/masa) y que se renueve la práctica del seguidismo.

Es preciso regresar a la actitud de Marx posterior a 1851 frente a todos los grupos para entender cómo romper con la práctica de los gangs:

— rechazo de toda reconstitución de un grupo, incluso uno informal (cfr. la correspondencia Marx-Engels, las diversas obras sobre la revolución de 1848, y panfletos como «Los grandes hombres del exilio», 1852).

— mantenimiento de una red de contactos personales con los elementos que hayan alcanzado (o estén en vías de alcanzar) el grado más alto de conocimiento teórico: anti-seguidismo, antipedagogía; el partido, en su sentido histórico, no es una escuela[2].

La actividad de Marx siempre consistió en poner en evidencia el movimiento real que tiende al comunismo y defender las conquistas del proletariado en su lucha contra el capital. De ahí la posición de éste en 1871, al desvelar el «imposible comunismo» en la actividad de la Comuna de París o declarar que la primera Internacional no era fruto de teoría ni secta alguna. Es preciso emprender la misma actividad ahora. Las relaciones de todos aquellos que quieran entrar en contacto con el trabajo presentado en esta revista con el fin de desarrollarlo y asegurar una exposición más detallada y precisa, cada vez más clara, deben ser aquellas indicadas antes con respecto a la obra de Marx, so pena de recaer de nuevo en las prácticas gansteriles.

Por tanto, de esto también se deduce que es preciso desarrollar una crítica de la concepción de «programa» de la izquierda comunista italiana, ya que esta noción de «programa comunista» nunca se clarificó de manera suficiente, como lo demuestra el hecho de que, en un momento dado, reapareciera en el seno de la izquierda la polémica Martov-Lenin, producto en sí misma de la liquidación del concepto de teoría revolucionaria de Marx en tanto reflejo de una separación completa entre los conceptos de teoría y praxis. Para el proletariado, en el sentido de Marx, la lucha de clases es producción y a la vez radicalización de la conciencia. La crítica del capital expresa una conciencia ya producida por la lucha de clases y se anticipa a su futuro. Para Marx y Engels, pues, movimiento del proletariado = teoría = comunismo.

«El Sr. Heinzen se imagina que el comunismo es una doctrina que procede de un principio teórico central y saca conclusiones a partir de aquí. El Sr. Heinzen está muy equivocado. El comunismo no es una doctrina, sino un movimiento; no procede de principios, sino de hechos. Los comunistas no parten de tal o cual filosofía, sino de todo el curso de la historia anterior y particularmente de los resultados reales a los que se ha llegado actualmente en los países civilizados. […]El comunismo, como teoría, es la expresión teórica de la posición del proletariado en esta lucha y la síntesis teórica de las condiciones para la liberación del proletariado.»

  1. Engels, «Los comunistas y Karl Heinzen», artículo 2, MEW 4, pp. 321-322.

En realidad, para Marx, dado que el problema de la conciencia venida del exterior era inexistente, tampoco existía ninguna cuestión de formación de militantes, de activismo o de academicismo; igualmente, la problemática de la auto-educación de las masas —en el sentido de los «comunistas de los consejos» y consortes, falsos discípulos de R. Luxemburgo y auténticos discípulos del reformismo pedagógico— tampoco se planteaba. La teoría de Rosa Luxemburgo sobre el movimiento de clase que encuentra en la realidad misma las condiciones para radicalizarse desde que comienza la lucha, es la más próxima a la posición de Marx (cfr. su posición sobre la «creatividad de las masas», que muestra que era capaz de captar al proletariado más allá de su existencia inmediata).

Eso demuestra la necesidad de superar la forma burguesa de percibir y concebir la realidad social y de entroncar, como hizo Marx, con la demostración de Hegel acerca del carácter mediato de toda forma de inmediatez, pues es propio del pensamiento «científico» aceptar el dato inmediato como el objeto real del conocimiento sin percibir ni concebir la mediación que le subyace. Sobre la base de tal gnoseología, en la sociedad capitalista la apariencia social se convierte en la realidad y viceversa. El ser real del proletariado está oculto y la clase es percibida en su forma de vida aparente. De ahí el problema de la conciencia procedente del exterior y que todos queden estupefactos y atónitos en el momento en que el proletariado manifiesta su verdadero ser (1905-1917).

Pese a estar mejor pertrechada en el ámbito de la teoría del proletariado, en 1950 la izquierda comunista italiana no llevó a cabo una ruptura definitiva con su pasado de 1919-1926. Su crítica del trotskismo, del comunismo de consejos, etc. no llegó hasta la restauración integral de las nociones de partido y de proletariado en Marx. De ahí que su posición oficial y su esencia real oscilaran entre una concepción del programa como «escuela marxista» y un activismo de poca monta de tipo trotskista. Este segundo aspecto fue el que predominó a partir de 1960, favorecido por el hecho de que una camarilla de gánsteres totalmente ajenos a la teoría y al proletariado se apoderaron de la «escuela», gracias, sobre todo, a las persistentes ambigüedades de ésta sobre problemas de vital importancia: la cuestión sindical y la ruptura con la noción de «vanguardia del proletariado», que se había llevado a cabo en la práctica y en los debates no oficiales, pero que persistían en el canon oficial del partido. Fue entonces cuando resucitó el debate Martov-Lenin sobre la cuestión de la organización, demostrando hasta qué punta esa corriente —cuyos funerales de tercera clase llegaron con mayo de 1968— estaba definitivamente muerta y enterrada.

Hay que señalar, por otra parte, que desde que salimos del PCI, no hemos hecho más que intentar despejar esa ambigüedad, esforzándonos por poner en evidencia los aspectos positivos de la izquierda; al obrar así no hicimos más que infundirle savia vida y llevarla a su expresión más extrema (cfr. los artículos de Invariance). Y esto nos llevó a caer de nuevo en una práctica de grupo, incluso aunque lo considerásemos informal, lo que acarreaba la inevitable tendencia a sustituirse al proletariado. Ya no se trata de reflexionar sobre el modo de encontrar un acomodo en el seno de la posición de la izquierda, sino de reconocer que si hubo acomodo, fue porque desde el principio, esa posición contenía una teoría que no era integralmente la del proletariado. Así pues, no basta con afirmar que la creación del partido en 1943 fue prematura; es preciso decir que fue absurda. En consecuencia, hemos de romper con nuestro pasado y volver a la posición de Marx.

Esta carta no fue escrita como exposición exhaustiva y definitiva de los temas tratados, sino que pretendía ser una ruptura con todo el pasado de «grupo». Las firmas que siguen pretenden subrayar esta ruptura, no indicar la liquidación de las posiciones adoptadas con respecto a la cuestión del anonimato.

 

Jacques Camatte – Gianni Collu

(trad. F. Corriente)

[1] Se trata del Partido Comunista Internacional (bordiguista). (N. del t.)

[2] Hablar de reanudar una actitud adoptada por Marx en determinado momento de su actividad revolucionaria derivaba de la incomprensión profunda de que la fase de dominación formal del capital había terminado por completo. Ahora bien, Marx sólo tuvo que tomar posición en aquel período. Por otra parte, su comportamiento teórico en torno a la cuestión del partido no fue tan rígida como indica la carta. Pero lo más inaceptable de las afirmaciones anteriores es que podrían abrir camino a una nueva teoría de la conciencia venida del exterior por el rodeo de una teoría elitista del desarrollo del movimiento revolucionario.

El rechazo de toda organización no es una simple posición anti-organizativa. Quedarse allí no dejaría de ser la exteriorización de una voluntad de originalidad, un intento de destacarse como distintos y lograr así atraerse cierto número de elementos… A partir de lo cual volvería a desplegarse el proceso de racketización.

Nuestra posición sobre la disolución de los grupos procede, por un lado, del estudio del devenir del modo de producción capitalista, y de nuestra caracterización del movimiento de Mayo, por otro. Estamos profundamente convencidos de que el fenómeno revolucionario está en marcha y que, como siempre —sobre todo en este ámbito— la conciencia sigue a la acción. Esto significa que, en el vasto movimiento de rebelión contra el capital, los revolucionarios adoptarán un comportamiento determinado —que no estará garantizado de una vez por todas— compatible con la lucha decisiva y determinante contra el capital.

Podemos prever el contenido de semejante organización. Combinará la aspiración a la comunidad humana con la afirmación individual, que es el rasgo distintivo de la fase revolucionaria actual. Tenderá a realizar la reconciliación del hombre con la naturaleza, pues la revolución comunista también es una revuelta de ésta última contra el capital; por otra parte, sólo seremos capaces de sobrevivir mediante una nueva relación con la naturaleza y conjurar así el segundo término de la alternativa que se nos plantea en la actualidad: comunismo o destrucción de la especie humana.

A partir de este momento, para comprender mejor este devenir organizativo, a fin de facilitar y no inhibir lo que haya de ser, es importante rechazar todas las formas antiguas y tomar parte, sin apriorismos, en el vasto movimiento de nuestra liberación. Este se desarrolla a escala mundial, y es preciso eliminar todo aquello que pudiera obstaculizar el cambio revolucionario. En circunstancias dadas y en el transcurso de acciones específicas, la corriente revolucionaria se estructurará no sólo de manera pasiva y espontánea, sino dirigiendo siempre el esfuerzo de reflexión hacia la cuestión de cómo realizar la verdadera Gemeinwesen (el ser humano) y el hombre social, lo que implica la reconciliación de los hombres con la naturaleza. [Nota de 1972].

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  1. 30/07/2017 à 23:52 | #1

    dndf, autrement Théorie Communiste, diffuse ce texte de Camatte 1972 : « De l’organisation ». Bien, mais pas gênés, qu’est-ce qu’ils attendent pour se dissoudre, comme “groupe”, aussi bien que ‘Les situationnistes’ de et par Debord, la même année (ça fait 45 ans, avant que TC n’existe) ? Encore faudrait-il que Roland Simon en est les couilles, plutôt que de ressasser sa différence avec les conseillistes, l’ultragauche, mise en cause par ce texte (d’où l’intérêt técéfixe de sa diffusion). Sa différence : le retour au théoricisme et le rien faire comme gage de pureté révolutionnaire, mais en groupe, hein, Pepe ? Mais putain, qu’ils crachent leur valda, et nous disent une bonne foi ce que ça leur fait, tout ça

  2. Christian L
    31/07/2017 à 09:06 | #2

    dndf n’est pas TC et donc je laisse le soin aux cdes de TC de te répondre JPP
    le syndrome du sparadrap a encore frappé

  3. Federico
    06/08/2017 à 11:20 | #3

    On constate avec plaisir que ce vielle texte continue a bien gêner quelques-uns…

  4. Stive
    09/08/2017 à 17:20 | #4

    Pour avoir participé à différentes bandes de l’extrême-gauche et del’ultra-gauche, je confirme la réalité que décrit et critique Camatte. (Avis tout personnel).

  5. Federico
    09/08/2017 à 21:41 | #5

    Je pense que Camatte a quand moins le mérite d’avoir posé cette question en profondeur et de la relier avec la domination/subsomption réelle. Voilá où le bât continue a blesser, même si tout n’a pas été dit d’une fois pour toutes…

  6. Federico
    09/08/2017 à 21:50 | #6

    Et il n’a pas retour en arrière possible une fois fait.

  7. R.S
    10/08/2017 à 00:59 | #7

    Salut
    Cela fait maintenant 45 ans que je pense que ce texte n’a au au mieux aucun intérêt. Son “succès” n’a qu’une seule raison : il parle d’eux-mêmes aux gens qui “font de la théorie” et quel que soit ce qu’on leur dit, cela les satisfait puisqu’ils sont les sujets de la fable (en envoyant ce mail je ne suis pas étranger à cette catégorie). Ce texte recycle dans le langage convenu quelques banales réflexion venues de la sociologie des organisations et de la psychologie de la dynamique de groupes qui fleurissaient à l’époque. Mais le pire est le passage “logique” négocié de façon purement métaphorique (ou analogique) de ces réflexions à la reproduction du capital, ce dont jamais personne ne parle au sujet de ce texte. Et c’est pourtant la base. Entre d’une part une banale réflexion sur la bande et le racket étendu à l’Etat et, d’autre part, la disparition des classes, de l’exploitation et la fictivité du capital, il y a une unité. Si vous avalez la critique des organisations telle que la développe Camatte, il faut avaler le reste. Le fond de ce texte dont dépend la “théorie” de la bande, c’est cette absurdité de la fictivité du capital (s’il est vrai que le capital fictif existe ce n’est que parce que l’exploitation existe et l’assignation sur la plus-value future). Exit l’exploitation, exit les classes et leurs luttes, c’est ça la théorie du racket et de la bande. Classes, exploitation : disparues. Et c’est ça le fondement de la critique des organisations dans ce texte. La critique nécessaire des organisations, des groupuscules de l’époque, de la pérennisation des organisations mêmes spontanées et fondamentalement la compréhension même de la disparition du mouvement ouvrier passe complètement à côté de la plaque.
    Mais qu’importe, puisque les théoriciens constatent satisfaits que l’on parle d’eux et chacun s’en va considérant que le racketeur c’est l’autre.
    Enfin, sur le sujet apparent lui-même (le vrai sujet c’est la fictivité du capital) la critique du travail en groupe repose sur un élitisme théoriciste intello forcené qui n’est même pas conscient de lui-même. Comme si dans une production théorique collective la synergie entre les individus dépendait d’une égale connaissance livresque à laquelle finalement Camatte réduit la capacité de production théorique. Finalement il en arrive à dire que vous n’aurez le droit à la parole et à l’échange avec moi que quand vous en saurez autant que moi, sinon je vous “utilise”. Quelle prétention ! Un racket à lui tout seul.
    Cela fait bien longtemps qu’il n’y a plus rien à critiquer chez Camatte et ce billet d’humeur ne s’adresse qu’à la résurrection de ce texte qui déjà a suscité quatre commentaires. Et je rentre dans le lot des commentateurs …
    R.S

  8. Federico
    10/08/2017 à 14:48 | #8

    Alors, une fois relié la question de l’organisation a la reproduction du capital et rejété la vision de la fictivité du capital de Camatte et ses corollaires, qu’est-ce qu’on peut dire sur ce sujet qui ne soit si “banal”? Il suffit de savoir que l’exploitation, les classes et leurs luttes existent et qu’ils resoudront -éventuellement- ce probléme, ou peut-on signaler quelques “avances” ou “définitions minimum” dan ce domain?

  9. Stive
    12/08/2017 à 14:27 | #9

    En fait, je n’ai lu ce texte qu’avec mes tripes et non avec ma tête, merci pour la leçon, notamment sur la fictivité du capital…

  10. R.S
    12/08/2017 à 23:40 | #10

    Salut
    (réponse à Federico et, au passage, à la brève remarque de Stive)

    Excuse ce petit délai mis à te répondre mais je n’ai découvert ton message qu’aujourd’hui. C’est vrai que mon précédent commentaire était un peu abrupt, cela tient à ce que pour moi toutes ces questions relatives à « l’organisation » ses fonctions, sa « représentativité », son fonctionnement interne sont sorties de mes préoccupations depuis bien longtemps.
    Je ne pense pas que la lutte des classes soit une sorte de « dieu de l’histoire » résolvant à la fin des temps la succession des problèmes du moment. Simplement, l’histoire est son procès, elle ne résout que les questions qu’elle pose et qui la constitue, à moins qu’elle ne s’y enlise (souvent). On peut être d’accord avec Camatte (mais c’est tellement général …) : le passage du mode de production capitaliste en subsomption réelle change totalement la donne organisationnelle dans la lutte de classe (au singulier). Encore faut-il que l’on considère qu’il y a toujours lutte des classes (au pluriel). Sinon, comme chez Camatte, les organisations ne sont plus que l’organisation arbitraire du vide ne vivant que de leur interdifférenciation.
    Tu demandes quelles avancées nouvelles et pas « banales » ont été effectuées. Il ne s’agit pas de répertorier des « avancées » sous forme de trouvailles théoriques (idéologiques). Sans être le jugement dernier de l’histoire, la lutte de classe a été, de fait, la critique des organisations, de leur existence, de leur fonctionnement interne et de leur fonction de « représentation » légitime dans le cadre des rapports de classes de l’après-guerre. Nous touchons ici la question de l’identité ouvrière dans les « années fordistes » où une certaine représentation de la classe ouvrière pouvait se présenter comme identique aux rapports de production. L’achèvement de cette période ne s’est pas passé sans conflits ni sans énoncés théorique de ces confits. Précisément, ce qui a été, me semble-t-il, « l’avancée » la plus importante c’est la critique et la disparition d’un discours général sur l’Organisation et les organisations. Pour rester dans la même époque (début des années 1970) que le texte de Camatte, on peut trouver l’expression théorique de ce changement de période dans les textes de la revue Mouvement Communiste (Dauvé, Cerrutti, Guillaume, …) avec la thèse centrale selon laquelle la question de l’organisation est devenue obsolète et que seule demeure la question de l’ « organisation des tâches », on peut également aller voir du côté de la brochure sur le Militantisme, stade suprême de l’aliénation de « Quatre millions de jeunes travailleurs » et le Bulletin Communiste intitulé « Prolétaires et Communistes », le texte « les Classes » dans Intervention communiste 2 qui critique le retour de Dauvé dans le n°4 de Mouvement Communiste à une tentative de définition des « Révolutionnaires ? » formelle et tactique (certains de ces textes se trouvent dans l’anthologie Rupture dans la théorie de la révolution publiée par Senonevero). Quelle importance tout cela ? A la louche, on peut dire que ces textes évacuent la question de l’organisation, de l’avant-gardisme et de la prise de conscience. Enfin, plus tardive, je me permets de citer la brochure de Théorie Communiste « L’auto-organisation est le premier acte de la révolution, la suite s’effectue contre elle ».
    La problématique commune à ces texte (et j’en oublie), c’est la reconnaissance de la fin de la phase programmatique de la lutte de classe et sa critique (que le terme de « programmatisme » soit utilisé ou non). Fin de la révolution comme affirmation de la classe et libération du travail, fin du mouvement ouvrier, ce qui signifie fin de la montée en puissance de la classe comme processus révolutionnaire ; c’est là que se situe non pas d’autres positions développées sur les organisations, la critique de ce qu’elles sont devenues ou de leur fonctionnement comme ceci ou cela, mais la critique et l’évacuation même de la question comme question en elle-même.
    La question ne porte plus sur les organisations, leur signification ou leur fonctionnement interne. La question est déplacée : il s’agit de comprendre, analyser, critiquer ce qui se met en place chaque fois en situation : recherche de pérennisation d’organisations spontanées, critique des formes d’auto-organisation avec leurs contradictions, prises en mains des AG, etc. Ces organisations et leurs pratiques existent mais on les considèrera dès lors toujours dans la situation particulière de telle ou telle lutte et la critique sera en situation. On ne fera pas de critique générale du fait qu’elles sont des Organisations et leurs pratiques des pratiques d’Organisations parce que ces organisations elles-mêmes ont perdu leur statut général et leur rôle programmatique d’Organisation, leurs pratiques expriment alors cette perte. La réflexion critique sur l’objet abstrait et général appelé « Organisation » n’est paradoxalement qu’une poursuite des problématiques programmatiques pour lesquelles la « montée en puissance de la classe » fait de l’organisation un objet ayant une nécessité et un sens en soi (là seulement on peut dire que la lutte des classes a réglé le problème).
    Bien sûr, des organisations bien formelles et tout continuent d’exister (L.O, Alternatives libertaires, NPA, CCI, etc., etc.) ainsi que des réseaux connaissant des hauts et des bas tout en cherchant à maintenir une structure assez permanente (Tanqu’il et d’autres), il y a aussi les regroupements activistes-alternatifs genre Comité Invisible. Tous ne sont pas à mettre dans le même sac : pour les premières, il s’agit d’appendices syndicaux ou politiques de la reproduction conflictuelle du prolétariat dans le MPC ; d’autres sont des fossiles vivants (quel que soit le fait de lutter en tant que classe comme étant la limite actuelle de la lutte de classe, le prolétariat demeure une classe de ce mode de production, c’est la possibilité d’existence du « fossile vivant ») ; pour les derniers (réseaux ou activiste/alternatifs) le problème ne réside pas dans « l’organisation » mais dans la problématique de l’intervention qui sous-tend leur existence. C’est cette problématique de l’intervention posée en général dont ils vivent qui fait qu’ils cherchent à maintenir et protéger leur existence de réseau, se considérant eux-mêmes comme des prolétaires en général. Pour l’activiste militant qui est un hégélien impénitent, le fini du particulier n’existe pas, ce n’est qu’un moment évanescent de l’infini du général dont il est l’incarnation.
    Enfin, certains de ces mouvements peuvent en arriver à fonctionner comme des sectes, c’est assez comique mais le fond du problème n’est pas là : parler du prolétariat comme sujet révolutionnaire sans sa négation et sans considérer que lutter en tant que classe est la limite de la lutte de classe, en arrive à construire un prolétariat pur, pure idée, n’existant que dans les gens qui en parlent, et là ça commence à craindre sérieux (CCI et autres sous-groupes italo-bordighistes). Avec gourou, identification, surveillance de tous par tous et réciproquement, et le fait de n’exister pour les autres qu’au travers de cette identification. Camatte fait de ce fonctionnement qui n’est qu’un phénomène le fonctionnement social général, ce fonctionnement organisationnel n’est plus effet ou conséquence mais le nouveau fonctionnement général de la reproduction sociale, c’est là qu’est le noeud.
    Dans tous les cas de figure (et j’en oublie), la critique générale de l’organisation est depuis longtemps obsolète parce que l’Organisation (qu’on la considère ou non comme nécessaire – léniniste ou conseilliste pour faire vite -) n’était, pour tout le monde, en soi une question que de par la révolution comme montée en puissance de la classe (l’Ultragauche conserve la chose tout en critiquant tous les moyens). Actuellement, ce n’est plus là notre sujet, je pense que nos prises de position et notre activité doivent toujours être particulières dans des situations particulières en dehors de tout normativisme sachant toujours à l’avance quels sont les critères de la « bonne lutte ». Tous ces mouvements ou « organisations » ne sont pas auto-engendrés, ils sont représentatifs même de façon infinitésimale de fractions du prolétariat ou des classes moyennes, de leur segmentation, des conflits qui les traversent, des regroupements que font apparaître les contradictions du moment. Contradictions qui cristallisent ces fractions et polarisent les luttes sur un thème ou un autre que ces mouvements vont prendre en charge et formaliser dans leur langue. Et c’est, chaque fois, en tant que représentatifs et/ou expressions qu’ils sont à prendre en compte.
    En « conclusion », pour en revenir à Camatte : ayant confondu la critique /disparition du programmatisme et la critique/disparition définitive de la lutte de classe en général, toute forme organisationnelle ne pouvait plus être que « racket » et « bande », ne représenter et n’exprimer plus qu’elle-même. En cela, il ne pouvait que psychologiser sur le management organisationnel et la dynamique de groupe.
    Si dans Théorie Communiste il arrive encore parfois de trouver ce terme de « racket », c’est de façon purement descriptive et polémique pour désigner une organisation qui vit de la représentation d’un groupe qu’elle s’acharne à créer et à délimiter. Mais alors, le problème ce sont les conditions de possibilité et d’effectuation (existants dans la situation objective) de la transposition de cette situation objective dans la pratique de cette organisation (en un mot comment la chose est-elle possible dans les faits ?). En écrivant ceci, je pense en ce moment aux « Indigènes », mais « en dessous » il n’y a pas le vide social de la fictivité du capital mais une segmentation raciale bien réelle et répondant à des processus objectifs ainsi qu’une position sociale et un projet politique bien spécifiques de ces « Indigènes ». Par rapport au concept de Camatte, cette utilisation du mot est bien pauvre.

    A une occasion de se voir et se connaître
    R.S

  11. Federico
    14/08/2017 à 12:43 | #11

    Salut, Roland. Merci beaucoup pour ta réponse.

    On trouvera bien la occasion de se voir et se connaître avant de la fin de cette année, j’espère.

    Il y a relativement peu de temps que « toutes ces questions relatives à l’organisation […] sont « sorties » ( ?) des préoccupations de un certain nombre de gens (dans le meilleur des cas) dans ces latitudes-là (l’Espagne et aussi, je pense, l’Amérique Latine). Bien sûr, je suis conscient de que l’idée de «répertorier des avancées sous forme de trouvailles théoriques» est pauvre et c’est la lutte de classes qui doit trancher. Néanmoins, chez nous cette critique des organisations du début des années 1970 est resté en quelque sorte cachée, incommuniquée, et clandestine (il est difficile de comprendre sinon la grande vogue très post-mortem de l’IS —aux années 2000— dans certaines milieux…). Plus en général, on dirait que cette critique a trouvé de notables difficultés pour traverser les frontières françaises jusqu’à une date relativement récente. Au-delà de ces frontières on connait beaucoup mieux la critique «bordiguisante» du conseillisme, mais ce n’est pas du toute la même chose… n’est-ce pas vrai ? On peut dire même que cette critique, dans sa version «GCI», continue à contribuer à bloquer la diffusion de la théorie communisatrice dans nos endroits, symptôme sans doute de quelque forme de « sous-développement» locale… qu’il serait bon d’adresser. On est resté ici, dans le meilleur des cas, dans l’idéologie de l’« autonomie » à la Échanges et Mouvement (autrement dit : dans la confusion).

    Tu cites bon nombre de textes du début des années 1970 qui portent sur la question de l’organisation. Méconnaissant le contexte concret et les réactions suscitées a cette époque, je seulement pouvais penser que « Sur l’organisation » aurait été un des plus importants et polémiques de ces textes en son temps (quand même un écrit symptomatique). La propension à « commenter » ou falsifier directement les traductions de Camatte a l’espagnol me semblant également symptomatique, je croyais accomplir un certaine tâche de le « sortir de l’oubli » et contribuer a la construction d’un « généalogie de la communisation », nécessaire, je pense, pour contrecarrer les narrations de la « nouveau Ultragauche/Gauche Communiste » sur ce même sujet… Mais, naturellement, j’ai très peu d’informations à ce propos.

    Que le texte de Camatte est déficitaire et quand moins schématique n’est pas trop difficile à comprendre (néanmoins, il est vrai que je n’avais fait le lien entre ses positions sur l’organisation et sa notion de la fictivité du capital et la constitution de la « communauté matérielle »). Mais je pense aussi que tous ces textes des 1970’s n’évacuent ni résolvent de façon trop claire la question du « mode d’être ensembles » pour ceux qui s’engagent a la « organisation de tâches »… si cette question conserve quelque pertinence à ton avis.

    Par ailleurs, quand on voit la présence et l’activité de sectes pseudo-religieux dans de mouvements comme le 15-M et dans la société contemporaine en générale (en Amérique Latine en particulier —peut-être en Amérique tout court— les bouleversements religieux et la compétition entre sectes semblent étroitement liées à la évolution sociale), on peut avoir l’impression de que, en dehors des critiques qu’on peut lui faire et en dépit du fait que Camatte généralise trop vite et laisse de coté la lutte de classes, malheureusement son analyse n’est pas toujours si éloigné de la réalité. (Malgré tout, son portrait de la subsomption réelle semble garder un certain rapport avec celle-ci).

    Enfin, j’espère avoir compris l’essentiel de ce que tu dites sur la question… mais il en reste ces petites observations pour préciser jusqu’a quel point c’est effectivement ainsi ou non.

    A bientôt,

    Federico

  12. R.S
    25/08/2017 à 17:16 | #12

    Salut
    A nouveau, un long délai. Je n’ai pas trop d’excuses, si ce n’est que j’avais pas mal de choses en train, mais c’est une excuse un peu facile …
    Quand j’écrivais que « la question de l’Organisation était depuis longtemps sortie de mes préoccupations », c’était au sens de question générale sur la nécessité pour elle-même de l’organisation, question portée par la « montée en puissance » nécessaire du prolétariat dans la problématique programmatique de la lutte de classe et de la révolution, ce que j’essayais d’expliciter dans la suite de mon courrier.
    Tu a raison de relever une certaine ambigüité dans ma réponse. Quand j’écris : « La question ne porte plus sur les organisations, leur signification ou leur fonctionnement interne », j’ai en tête les formes organisationnelles devenues obsolètes. Mais ce n’est pas clair dans la mesure où je dis ensuite : « La question est déplacée : il s’agit de comprendre, analyser, critiquer ce qui se met en place chaque fois en situation …». Dans ce cas, bien évidemment « les formes d’organisations, leur signification ou leur fonctionnement interne » demeurent des objets d’analyse et de critique. Ce qui n’empêche que la question est bel et bien déplacée du fait même que «ces organisations elles-mêmes ont perdu leur statut général et leur rôle programmatique d’Organisation, leurs pratiques expriment alors cette perte (je souligne maintenant)». Avec l’expression de cette perte et simultanément l’acquisition d’une autre et nouvelle existence (rien n’est seulement l’expression d’une disparition) je pense que nous sommes bien dans le cas que tu évoques du 15-M que l’on peut étendre à Occupy et aux « Nuits debout » en France. On peut y retrouver des « gourous » des fonctionnements de sectes, des délimitations de racket (dans le sens trivial du terme – voir la fin mon courrier précédent), mais le contenu et les objectifs de ces organisations ne sont plus les mêmes que ceux des organisations que visaient les critiques de Camatte. La critique que l’on peut en faire ne porte pas spécifiquement sur l’organisation mais sur les conflits qui les traversent, les regroupements que font apparaître les contradictions du moment, les contradictions que ces mouvements cristallisent, la polarisation de la lutte sur un thème ou un autre que ces mouvements vont prendre en charge et formaliser dans leur langue. C’est-à-dire comme je le disais, une critique en situation qui évite tout normativisme. On ne dit pas : « ils ne font pas ceci ou cela », « il manque ceci ou cela », « ils viennent le soir aux assemblées après le travail de la journée ». L’objet même d’une critique « positive » (ce qui ne signifie nullement complaisante ou indulgente) consiste à voir ce qu’il s’y produit, ce que cela signifie dans la situation existante qui est constamment créée et mouvante, et on prend position en fonction de cela. Ce qui peut même s’accompagner d’une participation plus ou moins distanciée. Des camarades « communisateurs » (mes guillemets portent sur l’emploi en général de cet adjectif et non sur la « qualité » de ces camarades) ont participé à « Occupy » ou à « Nuits Debout », comme auparavant, en France, aux AG et aux blocages du mouvement sur les retraites en 2010 ou plus récemment contre la Loi travail au printemps 2016. Les « communisateurs » ne sont pas le tribunal de l’Histoire.
    Pour moi, la « question du mode d’être ensemble » n’a pas à être posée comme une question plus ou moins particulière et autonome. A définir à l’avance on est toujours en retard. Dans ce cas, on tombera toujours dans une suite de recettes sans grand intérêt et qui seront toujours de fait inapplicables. Par exemple je suis bien d’accord que l’autonomie ne signifie rien en elle-même, on reste comme tu le dis dans la « confusion » et surtout on perd le fil des contradictions actuelles entre les classes et de la contradiction même qui se trouve dans l’action en tant que classe. Ce n’est pas pour autant que dogmatiquement nous allons « condamner » les luttes autonomes ; la lucidité, l’analyse critique peut même s’accompagner et se nourrir de la participation, nous ne vivons pas dans un autre monde.

    Quand tu parles des sectes religieuses et de leur liaison avec « l’évolution sociale », cette dernière expression me parait bien vague. Est-ce qu’il s’agit de la liaison avec « l’évolution sociale » ou avec les « luttes sociales » ? Dans le premier cas, nous sommes sur une question de sociologie générale, dans le second cas c’est le rôle de ces sectes dans les luttes qu’il faut comprendre. Pourquoi des revendications et des conflits se formalisent et s’expriment ainsi ? Il y a une dizaine d’années, je pense qu’on ne pouvait pas parler des organisations piqueteras en Argentine sans faire références aux personnels ecclésiastiques et aux structures en place relevant de la « théologie de la libération ». Si l’on peut trouver formellement avec les sectes évangéliques des modes de fonctionnement qui nous rappellent ce qu’écrivait Camatte, ta façon même de poser la question nous éloigne de ce qui était sa problématique. Le fonctionnement était devenu chez Camatte autoréférent (son propre contenu). Il ne s’agit pas de nier et de ne pas critiquer ce qui dans une lutte fait qu’elle peut devenir la compétition entre sectes (religieuses ou politiques), mais « l’évolution sociale » n’est pas devenue entièrement contenue et exprimée dans cette compétition comme finalement le dit la théorie du racket.
    Pour une « généalogie de la communisation » comme tu le dis, la traduction des textes de Camatte est fondamentale. Quand nous avons fait l’anthologie « Ruptures dans la théorie de la révolution / textes 1965-1975 » nous avons publié plusieurs de ses textes. Son analyse des Grundrisse dans le n°2 d’Invariance série 1 (de mémoire) est lumineuse et a été déterminante pour la suite comme les textes du n°8 intitulé « Transition », ainsi que le texte (de lui ou non, je ne sais pas, mais publié dans Invariance) sur « Gorter et la révolution allemande ». C’était la première critique élaborée du programmatisme. Il est vrai que les problèmes étaient déjà en germes dans ces textes, mais ils ont surtout éclatés par la suite : la « surfusion », « ce monde qu’il faut quitter », « l’anthropomorphose du capital », etc. Il se peut que des enclumes types GCI bloquent la diffusion en Espagne d’une critique dynamique du conseillisme, mais il me semble que les vieux textes de Dauvé sur la question (« Critique de l’Idéologie ultragauche » et autres) ont pas mal circulé au-delà des Pyrénées. Quand, dans ce n°8, Camatte parle encore de prolétariat dont le contenu de la lutte est sa négation, il ajoute que « Aujourd’hui seul le parti historique est possible. Tout parti formel n’est qu’une organisation rapidement résorbée sous forme de racket ». Le concept de racket n’a pas encore acquis cette fonction totale qui sera la sienne par la suite. Il se fonde encore dans la lutte de classe et s’articule avec elle.
    Paradoxalement, l’alternative que pose Camatte entre « parti historique » et « parti formel » demeure à l’intérieur de la problématique générale du programmatisme et n’a de sens qu’en elle. Elle est inadéquate vis-à-vis des formes diffuses, éphémères, autonomes, d’organisations qui malgré les « chefs charismatiques », les magouilles et manipulations diverses, les revendications d’appartenance, ne sont ni le « parti formel », ni le « parti historique » et, en outre, commencent à ne plus correspondre aux archétypes conseillistes de l’autonomie. En France, je pense que cela commence à apparaître avec les « coordinations » du milieu des années 1980 et peut-être avant en Espagne avec le mouvement assembléiste à partir du milieu des années 1970. A partir de cette période on entre dans la critique en situation pour laquelle l’organisation a perdu sa nature de problème spécifique, délimitée, en soi.
    Amicalement
    R.S

  13. hector
    26/08/2017 à 23:48 | #13

    Je tombe tout à fait par hasard sur le débat autour du texte sur l’organisation reproduit par le site d’Invariance. Pour remettre la Lettre-circulaire de Jacques Camatte et Gianni Collu du 4 septembre 1969 dans le contexte de l’époque (soit il y a presque 48 ans), il faut peut-être se rappeler ce qu’on pouvait lire alors dans le N° 3 (avril 1969) des Cahiers du Communisme de Conseils sous la plume d’un certain Rolland Simon…

    SUR LES CONSEILS.

    Dans le précédent numéro des “Cahiers du Communisme de Con-
    seil” nous avons publié un article de H. Chazé intitulé “Les
    conseils qu’est ce que c’est? ” Je ne ferais pas un second article
    sur les Conseils me limitant à l’exposition critique de certains
    points sur lesquels je suis en désaccord.
    Tout d’abord, me semble être associé dans un seul et même
    mouvement les Conseils hongrois de 1956 et les pseudo conseils
    d’autogestion algériens et yougoslaves qui ne sont que des entreprises
    bureaucratiques visant à l’association du travailleur
    au capital qui l’exploite, une subtile participation en quelque
    sorte.
    Plus loin il est indiqué que “tous les courants de pensée
    influencent les travailleurs”, à ce niveau là le prolétariat est
    considéré comme objet tiraillé par ces courants tantôt d’un côté
    tantôt de l’autre. Ainsi la théorie devient une théorie pour
    le prolétariat. Tandis que la formation des conseils ouvriers
    indique que la classe retrouve son être et par conséquent la
    pratique révolutionnaire quotidienne se transforme en théorie
    qui de pour le prolétariat devient la théorie du prolétariat.
    C’est la recouvrance de son être par le prolétariat qui détermine
    le bond qualitatif marqué par la création des conseils. Le
    prolétariat n’a pas besoin d’idéologie venant de l’extérieur de
    la classe, le ballotant d’un coté ou de l’autre car quotidiennement
    il dégage les Conseils sa théorie.
    Chazé parle également de “tentative de gestion de l’entreprise” ;
    il est permis de se demander si on ne retombe pas là
    dans les utopies mutuellistes proudhoniennes. Ce que le prolétariat
    autogère par l’intermédiaire des Conseils Ouvriers ce
    n’est pas sa condition ancienne, caractérisée par le cadre de
    l’entreprise, c’est l’économie comprise a un niveau supérieur
    dans une totalité ouverte vers de continuels dépassements. Parler
    du cadre de l’entreprise, c’est poser le problème des Con-
    seils dans une problématique capitaliste. Toujours dans cet article,
    notre camarade écrit : “qu’importe alors la multiplicité
    des tendances qui peuvent s’exprimer au sein des comités” bien
    que quelques lignes avant il ait indiqué les dangers de bureaucratisation
    et de conquête par un parti hiérarchisé et, que
    quelques lignes plus loin il renseigne fort justement sur ce qui
    nous distingue des groupes ; entre autre, nous considérons les
    conseils comme l’organisation socialiste nécessaire et suffisante
    pour la révolution. Il est difficile de concevoir alors
    ce que peuvent être les rapports entre les conseils et les
    groupuscules, ces rapports paraissent irréductiblement antagonistes.
    De plus, ne considère-t-il pas encore les Conseils
    comme une arène ou s’affrontent les divers groupuscules devant
    un prolétariat-objet. Quant à l’alliance ouvriers-étudiants elle
    me parait plus liée à des motivations contingentes qu’à de véritables
    intérêts communs impossibles entre une classe et une couche
    aussi hétérogène. Les étudiants ont plutôt tendance de par
    leur position sociale, ou du moins par la position qu’ils se figurent
    avoir, à considérer la révolution comme un problème de
    changement de direction. .

    – 46 –

    A partir de là, il n’est pas étonnant de voir comment Chazé
    on arrive à croire que les antagonismes Conseils Ouvriers et
    groupuscules ne tient qu’à la faiblesse et la multiplicité de
    ces derniers, réduction des contradictions organiques à des
    contradictions contingentes. Et, pour lui, c’est seulement cette
    faiblesse et cette multiplicité qui imposent la création
    d’organismes unitaires. Ainsi donc, si nous poussons ce raisonnement
    à son terme, il n’y aurait nul besoin de conseils ouvriers
    si nous disposions d’un grand parti révolutionnaire uni
    et fort. Logique avec lui-même Chazé considère les actuels comités:
    d’action comme l’embryon du futur conseil bien qu’il reconnaisse
    leur bureaucratisation actuelle. Je pense de mon coté
    que les conseils devront se former sur le corps des comités d’
    action de bureaucrates qui feront tout pour que les travailleurs
    ne s’exprimcnt pas eux mêmes et, qui feront tout pour s’en emparer
    comme le firent à d’autres occasions sociaux démocrates,
    bolchèviques et anarchistes.
    En guise de conclusion, le texte nous invitait à nous contenter
    d’organismes qui ne seraient pas aussi purs que nous le
    voudrions ou que nous le souhaiterions. De mon point de vue, il
    me semble pas que les conseils puissent poursuivre leurs tâches
    révolutionnaires en n’étant même qu’un tout petit peu bureaucratisés,
    car ils ne tirent leurs forces que de leur caractère
    spontanément révolutionnaire et non-hiérarchisé. Il ne s’agit
    pas pour moi de désirer idéalement des organismes purs, mais
    de définir pratiquement des buts à partir d’analyses concrètes
    des situations concrètes.
    _
    Rolland SIMON

    —oOo—

    Erratum : Le titre de l’article de R. Camoin est bien : « Organisation,
    classes et socialisme ” et non « Organisation, classes et
    syndicats » comme cela a été écrit par erreur dans le sommaire.

  14. pepe
    27/08/2017 à 12:22 | #14

    juste pour le fun, j’adore le “tout à fait par hasard” quand on voit le niveau de documentation du contenu du commentaire!!!!

  15. 27/08/2017 à 14:47 | #15

    J’ignore la place du hasard chez Hector, mais il n’y a surtout aucun mystère dans le fait que Roland Simon ait écrit dans les « Cahiers du Communisme de Conseil », «Revue éditée de 1968 à 1970 par un groupe marseillais. De 1969 à 1970, le groupe participe à Informations et Correspondances Ouvrières (ICO). En novembre 1972, après avoir pris ses distances avec ICO, le groupe fusionne avec le Groupe conseilliste de Clermont-Ferrand et Révolution Internationale.»

    Quant au «niveau de documentation», on le trouve en deux clics via Google
    http://archivesautonomies.org/spip.php?article139

    Quoi qu’il en soit, la critique de Camatte ne concerne pas uniquement les groupes conseillistes, et si RS a répondu pertinemment en faisant le lien avec sa véritable motivation, il n’en reste pas moins une critique des groupes dans laquelle d’aucun proche de TC a d’abord trouver confirmée son expérience, avant de rentrer dans le rang. Dommage que la discussion n’échappe pas à ce “campisme” binaire, comme on dit aujourd’hui. Il y a avait de quoi en tirer plus et mieux, comme au demeurant des très intéressantes interventions de RS qui ont suivi.

  16. R.S
    27/08/2017 à 18:02 | #16

    Salut
    Je ne connais pas Rolland (avec deux « l » ?) Simon, mais si j’étais lui, je ne comprendrais pas l’intention chartiste d’Hector, cependant je le remercierais pour cette relecture qu’il lui offre. Finalement, il est pas mal ce texte de 1969.
    Quant à Rol(l)and Simon, il venait d’avoir 18 ans, c’était le plus bel argument de son intransigeance. Il pensait que, pour « la Théorie », les mots d’amour sont dérisoires. Pour aller voir Chazé, il n’avait pas mis plus d’ordre à ses cheveux que d’habitude… (pour la suite voir Dalida)
    Toujours pour « contextualiser dans l’époque », je suis toujours preneur d’autres « Hallucinations d’Hector »
    Ciao bello
    R.S

  17. R.S
    27/08/2017 à 22:19 | #17

    Bonus au message précédent
    Je signale à Hector que, à ma connaissance, Roland Simon est aussi l’auteur de l’Introduction (signée “Les Cahiers…”) aux “Thèses sur la révolution chinoise” de Cajo Brendel publiées dans le n° 4 des “Cahiers du communisme de conseils”. A la relecture, le dernier paragraphe de cette intro apparaît comme une annonce de son départ de cette revue.
    R.S

  18. Anonyme
    01/09/2017 à 21:01 | #18

    ” (le prolétariat) joue chez les rédacteurs de Théorie Communiste et de Crise Communiste (le rôle) de sujet transcendant ; ce qui est logique et cohérent avec toutes leur théorie, puisqu’ils développent un structuralisme prolétarien. Ils ne peuvent sortir d’une structure plus ou moins coagulée qu’à l’aide d’un sujet transcendant.”

    Jacques Camatte
    Contre une trop lente disparition, 1978.

  19. Stive
    02/09/2017 à 09:38 | #19

    Pour rafraichir la mémoire, cette conclusion de TC20

    En conclusion : le déterminisme de « Théorie Communiste » n° 20, p. 184-188.

    Si on demande de façon récurrente à Théorie Communiste de dire comment on passe des rapports de production capitalistes au communisme, ce que toutes les autres productions théoriques sont dispensées de faire, c’est que nous avons récusé toute nature révolutionnaire du prolétariat, toute dialectique révolutionnaire au long cours dans le cycle historique de l’aliénation dont il serait le porteur de façon inhérente, ce qui depuis l’effondrement du programmatisme va toujours avec l’idéologie humaniste. Nous n’avons plus que l’exploitation comme contradiction historique et l’implication réciproque entre le prolétariat et le capital. C’est-à-dire que la question que l’on nous pose est une question que l’on ne peut poser qu’à TC, parce que nous avons supprimé son occultation par la nature révolutionnaire de la classe et supprimé l’analyse théorique comme suite de jugements portés sur la lutte des classes telle qu’elle est, au nom des potentialités qui seraient contenues dans cette nature ou d’une norme révolutionnaire déjà connue et plus ou moins déjà définitivement énoncée. Dans ce cas de figure, le problème est résolu parce qu’on a tout fait pour qu’il ne se pose pas. Il suffirait d’attendre que dans ses oscillations, au travers de ses avancées et de ses échecs, la lutte du prolétariat coïncide avec son modèle, ce qui a force d’essayer ne saurait manquer de se produire, on a alors postulé que la solution était constamment là (potentielle). Sans toujours construire expressément une nature révolutionnaire du prolétariat, l’autonomie et l’auto-organisation fonctionnent, comme idéologie, de façon identique : il arrivera un coup qui sera le bon. Sous ses airs indéterministes, la théorie de la nature révolutionnaire est un vrai déterminisme qui a supprimé la production historique des choses, elle n’attend de l’histoire que la survenue de la coïncidence et elle n’a rien à dire sur son cours. Ayant éliminé le devenir, elle croit avoir éliminé la question du déterminisme, mais ce n’est que parce qu’elle a fait de ce déterminisme l’essence du prolétariat. Lorsque cette théorie s’intéresse à l’histoire c’est pour dire qu’elle ne peut rien en dire et lorsqu’elle donne des exemples historiques ce ne sont que les exemples d’un décalage entre la réalité d’un moment et le modèle, comme dans les dernières publications de Dauvé et Nésic.
    La façon dont TC pose la question du passage ne préjuge pas de sa solution et c’est pour cela que l’on peut nous poser la question. Dans toutes les « théories » qu’il nous est arrivé de critiquer, le « problème de la révolution » est formulé à partir de sa réponse, comme son reflet, c’est-à-dire comme le problème qu’il fallait poser pour que la solution qu’on voulait lui donner fût bien la solution de ce problème. La connaissance (la solution) se réduit à un problème de reconnaissance : la « communauté humaine » résulte de la « tendance irrépressible de l’homme – du prolétaire- à la communauté » ; au fait que le prolétariat n’est déjà pas totalement de ce monde ; au fait que l’autonomie est intrinsèque à l’activité de la classe. C’est une parfaite structure idéologique, dans laquelle l’idéologue n’aura plus qu’à relever de temps à autres des signes exemplaires dans le cours des événements, signes qui seront la garantie que son problème reflète bien sa solution. La théorie devient alors la mise en scène de la reconnaissance de la solution à partir de laquelle elle a construit le problème qu’elle se pose et a inventé tous ses personnages et même l’intrigue. En fait on peut même évacuer le problème pour ne conserver que la solution.
    TC a substitué à la reconnaissance, dans le cours historique, des garanties du reflet de la solution dans le problème, la question du mécanisme. Par quel mécanisme l’exploitation du prolétariat par le capital à l’intérieur du mode de production capitaliste produit-elle l’abolition des classes, la communisation ? Ce que nous avons maintes fois répété sous la forme : comment une classe agissant strictement en tant que classe peut-elle abolir les classes ? Le fait que nous ne préjugions pas de la solution, que nous ne la mettions pas en reflet dans le problème, nous amène à prendre « naïvement » le développement du mode de production capitaliste, c’est-à-dire le cours de la contradiction entre le prolétariat et le capital. Naïvement parce que nous n’avons pas de solution préalable à elle, telle qu’elle est sa propre histoire. Là nous devenons l’objet d’une critique, fruit d’un renversement dont seuls les idéologues ont le secret. Dans la mesure où la « solution » n’est pas un préalable, n’est pas donnée dans la façon dont est formulée la question, qu’elle est donc une production historique réelle et de la seule histoire qui existe, celle du mode de production capitaliste, nous deviendrions déterministes.
    Ce qui échappe totalement à cette critique qui nous lit avec ses propres présupposés, c’est que l’histoire du mode de production capitaliste ne réalise pas les conditions nécessaires à la « réussite » d’une révolution ou d’une nature révolutionnaire du prolétariat, des hommes (ou autres substances) préexistantes mais produit dans chaque période ce que sont la révolution et le communisme. Dire que Marx ou quiconque en 1844 ou en 1875 (et nous ne dirons rien sur les Diggers et encore moins sur les millénaristes médiévaux) avaient défini le « communisme » dont nous parlons maintenant, ce sont des balivernes qui ne résistent pas une seconde à la critique. Dire que le capital n’a pas changé depuis 1867, c’est totalement vrai et totalement faux, donc totalement inutile. Dans le premier cas, cela permet quelques citations que l’on fait ronfler en exergue des textes faute de pouvoir s’en servir dans un raisonnement serré. Dans le second, cela justifie l’empirisme de la paresse. Si nous ne pouvons qu’utiliser tout ce matériel théorique déjà élaboré et si nous ne pouvons rien produire sans lui, c’est que la périodisation du mode de production capitaliste en cycles de luttes si elle délimite des structures spécifiques, ces structures ne sont pas discrètes (discontinues). Chaque cycle de luttes est un moment de leur succession mais là il nous faut admettre (parce que le mode de production est bien le mode production capitaliste) que le capital effectue cette continuité car sa résolution de la contradiction avec le prolétariat, dans chacune de ses périodes, est non seulement une « réponse » à la révolution telle qu’elle existait, mais surtout une « réponse » sur le terrain même de cette révolution (c’est la signification historique du capital – en dehors de toute téléologie : le capital comme contradiction en procès et la liaison essentielle entre révolution et contre-révolution).
    Lorsque nous caractérisons la restructuration, le cours actuel de l’exploitation et le cycle de luttes présent, nous disons : « maintenant la lutte de classe et la révolution se présentent de cette façon ». Nous ne disons pas « enfin elles se présentent telles qu’elles auraient dues toujours être, ou telles qu’elles sont en leur concept ». Nous ne disons pas que le capital règle les problèmes des prolétaires à leur place, car pour cela il faut imaginer que ces problèmes en aient été pour la période précédente, ce qui suppose que sous, au dessus ou à l’intérieur de l’activité du prolétariat, telle qu’elle fut, ait existé une activité possible qui est en fait toujours ce que la période postérieure pose comme perspective alors possible. Ce qui apparaît, à la période postérieure, comme contingent dans l’activité du prolétariat, donc comme quelque chose qui aurait pu ne pas être dans la période antérieure, est une distinction que nous n’avons pas, nous, à faire pour chaque période, mais que chaque période fait elle-même dans l’activité du prolétariat qui l’a précédée. La problématique de la « nature révolutionnaire » du prolétariat provient essentiellement du fait que l’activité du prolétariat dans la période postérieure a été substituée à celle de la période antérieure et la conscience ultérieure attribuée comme possible aux prolétaires antérieurs. Ce qui revient à rechercher la possibilité pour les prolétaires d’une activité non directement déduite de leurs conditions sociales, c’est-à-dire à recréer les termes de toute problématique objectiviste (activité/conditions) non pour la dépasser mais simplement pour y répondre différemment avec la vieille ficelle philosophique de la « liberté ». Ce qui ne nous empêche pas de dire, parce que l’histoire est simultanément périodes spécifiques et processus continu, que maintenant les questions antérieures peuvent être résolues et les limites antérieures de la révolution dépassées (limites que chaque période pose dans ses propres termes et non par rapport à une norme et qui apparaissent comme telles pour la période suivante).
    Mais attention, ce dépassement pose actuellement à l’activité du prolétariat un problème à résoudre autrement plus redoutable que le programmatisme : agir en tant que classe est devenu la limite de son action en tant que classe. Le capital n’a pas résolu les problèmes du prolétariat à sa place, il a résolu les antinomies du programmatisme à sa façon et contre le prolétariat. En outre, loin d’avoir aplani le terrain ce sont de nouveaux et terribles obstacles qui se dressent, mais leur dépassement permet d’envisager que l’on ne retombera pas dans ce qui avait été les limites de tous les mouvements révolutionnaires antérieurs. La révolution ne devient pas pour autant inéluctable au sens où l’on pose d’ordinaire l’alternative entre inéluctabilité et possibilité. La seule chose inéluctable c’est la lutte des classes maintenant et c’est là qu’est la seule nécessité du communisme, poser comme un futur le dilemme de l’inéluctabilité ou de la possibilité du communisme est irréel.
    En outre, la question relative au caractère « ultime » de ce cycle de luttes n’a pas de solution parce qu’elle ne peut strictement pas être posée théoriquement (et elle ne l’a jamais été pour aucun cycle de luttes). Est-ce à dire que la révolution et la communisation deviennent maintenant le seul avenir ? Cette question également n’a pas de sens, pas de réalité. La seule inéluctabilité c’est la lutte des classes par laquelle nous ne pouvons concevoir que la révolution de ce cycle de luttes, et cela non comme effondrement du capital laissant la place libre, mais comme pratique historiquement spécifique du prolétariat dans la crise de cette période du capital, c’est alors cette pratique qui rend le mode de production capitaliste irreproductible (il est sûr que cette pratique n’est pas indéterminée). C’est une pratique du prolétariat, une pratique déterminée qui rendra toute restructuration impossible : la capacité du prolétariat, dans la crise de ce cycle, à traiter toute l’histoire passée comme prémisses et non comme rapports de production, c’est-à-dire positions sociales à reproduire. C’est le prolétariat contre le capital qui prend les mesures qui sont son irreproductibilité et non son irreproductibilité qui est le préalable des mesures de communisation de la société.
    De même que nos critiques nous lisent avec leurs propres oeillères quand ils considèrent comme déterministe le fait de dire que la révolution et le communisme sont des productions historiques par rapport à leur connaissance toujours déjà là de la révolution prolétarienne, de même qu’ils considèrent comme économiste le fait de définir la lutte de classe dans la reproduction du capital par rapport à leur conception objectiviste et non-critique de l’économie, de même ils considèrent comme « superbe isolement attentiste » cette conception de la relation entre la théorie et les luttes sur la base de l’identité de la dynamique et de la limite des luttes dans ce cycle par rapport à leur conception qui ne parvient, en conclusion des deux points précédents, à sortir de la problématique de l’intervention (la révolution toujours déjà là ; le rapport entre nécessité et contingence). De façon un peu provocatrice nous conclurons en disant que contrairement à ceux qui le savent depuis Tomas Münzer et même avant, tout en regrettant que ça n’ait jamais été ce que ça devait être, et qui n’ont de doutes que sur le calendrier, nous ne savons de la révolution et du communisme que ce que produit le cours actuel de la lutte de classe. Dire que l’histoire existe, certains comprennent ça comme du déterminisme, pire comme de l’économisme quand il s’agit de l’histoire du mode de production capitaliste, et encore pire comme de l’attentisme quand il s’agit de dire que c’est là, dans l’histoire en cours, que se produit ce que sera la communisation. Manifestement ils n’ont rien à dire sur rien et ils le font savoir, mais ne pouvant le dire dans le néant de leur problématique ils sont obligés de passer par les termes de la problématique qu’ils veulent critiquer.
    Le communisme est toujours la contradiction actuelle du mode de production capitaliste, il n’en est pas le sens caché ou l’achèvement futur. La nécessité du dépassement du capital et de la révolution est là (ici et maintenant), il s’agit d’un fait présent, cette nécessité parce qu’elle est un fait présent (il y a lutte de classe, et cette lutte de classe est la nécessité du communisme toujours actuelle) et non le développement d’un futur, n’a rien à voir avec le déterminisme qui définit la nécessité comme un rapport entre le présent et le futur. Ramenée au présent de la lutte des classes la question du déterminisme avec son fameux dilemme entre inéluctabilité et possibilité s’effondre, ne laissant même aucune trace, il s’évanouit. Cette nécessité n’est là que dans son présent, elle n’est pas dans ce présent la garantie d’un futur. Ce qui est inéluctable c’est la lutte de classe. C’est tout, pour le reste inch’allah.

    Epilogue

    L’écart touche
    L’écart pète
    L’écart tonne
    L’écart casse
    L’écart casse et sonne.
    L’écart te fige.
    L’écart milite.

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