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Des nouvelles de « Théorie Communiste, la soute »suite

Nouvelles notes de lecture sur « théorie communiste, la soute »

 Ned­jib Sidi Moussa :

La Fabrique du Musul­man, éd. Liber­ta­lia 2017

Avec deux Annexes :

Sur l’idéologie anti-islamophobe (Flora Grim et Alexan­dra Pinot-Noir – G/P – sur le site ddt21, suivi d’un entre­tien sur le même site)

Racisme anti-musulmans et logique identitaire

(non signé, publié sur le site Zones sub­ver­sives le 18 février 2017)

Sidi Moussa : La Fabrique du Musulman

  • La toile de fond de la pro­blé­ma­tique de Sidi Moussa

D’abord, quelques citations :

« Si la fin des immi­grés a pré­cédé la fabrique des Musul­mans, la dis­pa­ri­tion de ce der­nier groupe au pro­fit d’individus libé­rés de toute assi­gna­tion iden­ti­taire et de leur condi­tion mino­ri­taire ne se pro­duira qu’en liai­son avec le mou­ve­ment de la classe ouvrière alliée à la petite bour­geoi­sie intel­lec­tuelle. » (p.37)

« N’est-on pas en train de tout mettre en œuvre pour sépa­rer le pro­lé­ta­riat fran­çais d’origine algé­rienne – à com­men­cer par sa jeu­nesse — du reste du pro­lé­ta­riat de France. Et donc se ser­vir de ce groupe pour faire explo­ser la classe ouvrière, ses orga­ni­sa­tions et ses conquêtes ? (…) Cer­tains seg­ments de “la gauche de la gauche” ont contri­bué à leur échelle, par leurs prises de posi­tion ou leurs alliances, à mettre l’accent sur les pré­oc­cu­pa­tions iden­ti­taires au détri­ment de la ques­tion sociale. (…) dans la France de 2017, et sans doute pour les années à venir, chaque indi­vidu épris de liberté est ou sera sommé de choi­sir son camp celui des “inté­gristes répu­bli­cains” contre celui des “islamo-gauchistes”.» (pp.8 – 9)

« Cela ne doit tou­te­fois pas conduire à sous-estimer, dans cette conjonc­ture, le rôle cru­cial du mou­ve­ment ouvrier, de ses ins­ti­tu­tions, mai­sons d’édition et médias. En dépit de sa fai­blesse et de son écla­te­ment, cette famille poli­tique demeure un pôle d’attraction pour des mil­liers de per­sonnes. Elle peut en influen­cer des mil­lions d’autres qui veulent lut­ter contre l’exploitation et la domi­na­tion d’un ordre injuste car il s’agit d’une néces­sité pour des pans entiers de la popu­la­tion labo­rieuse. Mais elle peut aussi les conduire à une impasse tra­gique. » (p.9)

« L’énigme de notre époque réside sans aucun doute dans la pos­si­bi­lité d’une alliance entre la petite bour­geoi­sie intel­lec­tuelle et les classes popu­laires ; tout en fai­sant tom­ber les obs­tacles de l’unité entre leurs divers seg­ments éri­gés au pré­texte de l’origine sup­po­sée ou de la reli­gion pré­su­mée. » (p.19)

Une der­nière cita­tion fixe la pro­blé­ma­tique de SM dans ses limites qui pro­viennent de toutes les ques­tions qu’il ne voit pas du fait même de cette pro­blé­ma­tique qui lui inter­dit de les voir.

« Une inter­ro­ga­tion demeure tou­te­fois devant l’attitude d’individus et de groupes a priori hos­tiles à l’idéologie domi­nante. Lorsqu’ils ne sont pas sai­sis de mutisme devant les ten­ta­tives de confes­sion­na­li­sa­tion et de racia­li­sa­tion de la ques­tion sociale, cer­tains sou­tiennent ces pro­ces­sus sans réelle cri­tique ou vont jusqu’à leur don­ner une cau­tion théo­rique. En quête d’un pro­lé­ta­riat de sub­sti­tu­tion ou d’une nou­velle cause étran­gère de proxi­mité, ces acti­vistes ont ainsi trouvé les « Musul­mans » quand ils ne les ont pas réin­ven­tés à leur image. Qu’elle récuse ou non le label “islamo-gauchiste”, cette gauche clé­ri­cale à ten­dance racia­liste a sub­sti­tué la lutte des races à la lutte des classes (sou­li­gné par nous), en vouant aux gémo­nies le vieux com­bat contre l’oppression reli­gieuse, sans oublier celui de la sépa­ra­tion des Eglises et de l’Etat. Ce fai­sant, cette gauche bien spé­ci­fique par­ti­cipe avec les racistes anti­mu­sul­mans, les ins­ti­tu­tions éta­tiques et les entre­pre­neurs iden­ti­taires à la for­ma­tion d’une com­mu­nauté musul­mane dis­tincte des autres com­po­santes de la société dans son orga­ni­sa­tion, ses objec­tifs et ses moyens d’expression poli­tique. Ce cou­rant conso­lide par ailleurs les fron­tières cultu­relles qui sont autant d’obstacles au grand “tous ensemble” dans la mesure où elles enferment cha­cun chez soi. En outre, cette gauche assigne à rési­dence iden­ti­taire des indi­vi­dus qui vou­draient s’émanciper de toute appar­te­nance confes­sion­nelle ou raciale, pour vivre libé­rés des tutelles aux­quelles leurs alliés de cir­cons­tance échappent de nos jours. » (pp.20 – 21)

Fon­da­men­ta­le­ment, tous les déve­lop­pe­ments de SM trouvent leur ori­gine dans la vision clas­sique que le « mou­ve­ment ouvrier » au tra­vers de « ses ins­ti­tu­tions » don­nait de lui-même comme repré­sen­tant d’une classe ouvrière une et indi­vi­sible dans un « grand tous ensemble » ℠, devant s’affirmer et prendre le contrôle de la société « aux côtés de la petite bour­geoi­sie intel­lec­tuelle » ℠. Mal­heu­reu­se­ment, « les ins­ti­tu­tions ayant enca­dré des géné­ra­tions entières de tra­vailleurs – toutes ori­gines et confes­sions confon­dues (affir­ma­tion bien auda­cieuse, nda) » (16) se sont effon­drées, toutes les dérives actuelles « confu­sion­nistes et réac­tion­naires » résul­te­raient de la « décom­po­si­tion du vieux mou­ve­ment ouvrier » dont SM fixe la recons­truc­tion comme la tâche la plus urgente : « Où se trouve aujourd’hui le “parti des tra­vailleurs” ? » (123). Dans un entre­tien sur le site de Bal­last, ulté­rieur à la publi­ca­tion du livre, SM semble même, sans plus de pré­ci­sions, avoir retrouvé « le mou­ve­ment ouvrier et révo­lu­tion­naire » même s’il est « plus que jamais, pris en étau entre ses ten­dances oppor­tu­nistes et sec­taires ». De cette thèse de base qui n’est jamais cri­ti­quée ni même inter­ro­gée (si ce n’est sous la forme de la pro­po­si­tion trots­kyste rela­tive à « la crise his­to­rique de la direc­tion du pro­lé­ta­riat » — entre­tien Bal­last) découlent les deux limites majeures du livre de SM.

Pre­miè­re­ment, l’absence de toute recon­nais­sance et de toute ques­tion rela­tives aux pro­ces­sus objec­tifs de la seg­men­ta­tion raciale qui est rame­née à une acti­vité pure­ment idéo­lo­gique dans le sens le plus plat du terme (manœuvres et tac­tiques inten­tion­nelles de trouble des esprits et de divi­sions) de la part de groupes divers (entre­pre­neurs en racia­li­sa­tion et leurs alliés) et d’institutions d’Etat. L’organisation même du livre est révé­la­trice de cette vision. Page 46, l’auteur pré­vient qu’il ne faut pas se foca­li­ser sur les Indi­gènes, ce qui n’empêche qu’ayant com­mencé à en par­ler à la p.36, il en par­lera jusqu’à la p.68, sans comp­ter les remarques, cita­tions et cri­tiques qui par­sèment tout le livre, sur 147 pages cela fait tout de même beau­coup pour quelqu’un qui ne « foca­lise » pas.

Mis à part la « décom­po­si­tion du mou­ve­ment ouvrier et de ses ins­ti­tu­tions » (dont, bien qu’elle soit la toile de fond expli­ca­tive de l’ouvrage, on ne saura même briè­ve­ment jamais les causes), de pro­ces­sus objec­tifs, tout au long du livre il n’en sera ques­tion qu’une seule fois (et encore de façon très rapide et ambigüe) :

« Cette caté­go­rie (l’appellation de musul­mans, nda) pro­cède de fac­teurs objec­tifs – qui relèvent pour par­tie des dyna­miques propres de l’immigration magh­ré­bine, des évo­lu­tions de la société fran­çaise ou de l’agonie de la démo­cra­tie repré­sen­ta­tive – et du tra­vail sub­jec­tif d’acteurs plus ou moins conscients de leurs buts : entre­pre­neurs com­mu­nau­taires (inter­ve­nant dans les sec­teurs éco­no­miques, asso­cia­tif ou reli­gieux), hauts fonc­tion­naires, élus poli­tiques, jour­na­listes, édi­teurs, uni­ver­si­taires, etc. » (31). Pour les « fac­teurs objec­tifs », nous en res­te­rons donc aux « dyna­miques propres de l’immigration magh­ré­bine » et aux « évo­lu­tions de la société fran­çaise », on sent l’auteur beau­coup plus à l’aise dès qu’il s’agit du « tra­vail sub­jec­tif ». Il ne s’agit pas de nier l’extrême impor­tance de ce « tra­vail sub­jec­tif » dans la mesure où aucun pro­ces­sus objec­tif n’existe sans être mis idéo­lo­gi­que­ment en forme et sans que les pra­tiques que ce pro­ces­sus déter­mine n’opèrent sous ces idéo­lo­gies. Mais sans expo­ser les condi­tions par­ti­cu­lières qui font qu’au tour­nant des années 2000 (la chose s’accélère à par­tir de 2010), la seg­men­ta­tion raciale opère sous le mar­queur de l’islam, la « fabrique du musul­man » demeure un phé­no­mène que l’on va décrire seule­ment de façon « sub­jec­tive » et mani­pu­la­trice, mais jamais expliquer.

En défi­ni­tive, SM ne peut expli­quer objec­ti­ve­ment aucune seg­men­ta­tion raciale de la classe ouvrière car ces seg­men­ta­tions, fon­da­men­ta­le­ment, sont, pour lui, irréelles, n’ont aucune rai­son objec­tive d’être puisque par nature la classe est une, les divi­sions ne sont pas essen­tielles mais des aléas, des manœuvres, des acci­dents que l’unité sub­stan­tielle de la classe sur­mon­tera néces­sai­re­ment. Elles ne peuvent être que des opé­ra­tions sub­jec­tives, des stra­té­gies d’organisations, la résul­tante de confu­sions idéo­lo­giques, etc. : « L’action d’individus déci­dés à construire une com­mu­nauté dis­tincte du reste de la popu­la­tion (avec ses ins­ti­tu­tions repré­sen­ta­tives, son agenda, ses médias, ses relais poli­tiques) n’est qu’un élé­ment parmi d’autres – mais pas des moindres – dans la fabrique des Musul­mans qui regrou­pe­raient indis­tinc­te­ment sala­fistes, athées, com­mer­çants, pro­lé­taires, Ch’tis ou Maro­cains, l’essentiel étant de les mettre à dis­tance ou en joue, de les inté­grer et de les sépa­rer dans un même mou­ve­ment eth­no­dif­fé­ren­cia­liste. Sans les inter­ven­tions alar­mistes des xéno­phobes ou le sou­tien tapa­geur des xéno­philes, l’écho donné à la ques­tion des Musul­mans res­te­rait sans doute confi­den­tiel et ne sor­ti­rait qu’occasionnellement des pré­oc­cu­pa­tions stric­te­ment com­mu­nau­taires. Mais dans la com­pé­ti­tion idéo­lo­gique actuelle, à défaut d’être plei­ne­ment des sujets poli­tiques – ce que per­sonne ne sou­haite en réa­lité -, les Musul­mans sont deve­nus sou­vent les boucs émis­saires d’une société fran­çaise qui peine à célé­brer ce qu’elle a perdu sans réels com­bats : code du tra­vail, conven­tions col­lec­tives, diplômes natio­naux, retraite par répar­ti­tion, Sécu­rité sociale, ser­vices publics, sta­tuts des fonc­tion­naires, etc. » (31−32)

Tout le monde sait que le racisme n’a jamais ségré­gué les per­sonnes en « com­mu­nau­tés dis­tinctes », il faut « l’action d’individus » plus ou moins mal­in­ten­tion­nés vis-à-vis de la lutte de classe, de la classe ouvrière et ses ins­ti­tu­tions pour que tels mal­heurs arrivent. Non seule­ment « l’action d’individus déci­dés à construire une com­mu­nauté dis­tincte du reste de la popu­la­tion, etc. » n’est « pas des moindres » parmi les élé­ments de la « fabrique du Musul­man », mais encore, à la lec­ture du livre qui est tout entier consa­cré à cette action, il appa­raît que c’est le seul effi­cace et déter­mi­nant. A tel point que l’on trouve cette affir­ma­tion ahu­ris­sante : « Sans les inter­ven­tions alar­mistes des xéno­phobes ou le sou­tien tapa­geur des xéno­philes, l’écho donné à la ques­tion des Musul­mans res­te­rait sans doute confi­den­tiel ». Comme s’il n’y avait pas eu d’ « affaires du fou­lard », de décla­ra­tions gou­ver­ne­men­tales lors des grèves de l’automobile au début des années 1980, de débats sur la construc­tion de mos­quées et des menus de sub­sti­tu­tion dans les can­tines sco­laires, de tapages média­tiques autour des per­qui­si­tions admi­nis­tra­tives et des assi­gna­tions à rési­dence, comme si la « double peine » n’avait pas existé et l’inflation du soup­çon admi­nis­tra­tif à chaque étape de la vie quo­ti­dienne, comme si per­sonne n’aurait entendu par­ler de l’effondrement des « Twin Towers » sans les xéno­phobes et les xéno­philes, sans qui éga­le­ment le mas­sacre du Bata­clan serait sans doute resté « confi­den­tiel ». Enfin, pour­quoi le « bouc émis­saire » est-il devenu « musul­man » et n’est pas resté « arabe », « tra­vailleur immi­gré » ou « immi­gré » tout court ? Quant à la « décom­po­si­tion du mou­ve­ment ouvrier », voilà un fac­teur objec­tif bien géné­ral et bien anté­rieur à la fabri­ca­tion du musul­man comme mar­queur racial. Résu­mant toutes les limites et les fausses pistes de son livre, en bon ancien trots­kiste, SMconclut : « Le marasme actuel trouve son ori­gine dans les impasses théo­riques et stra­té­giques de la gauche social-démocrate qui ne peut plus pro­po­ser de véri­tables réformes et de la gauche révo­lu­tion­naire qui ne veut plus assu­mer la pers­pec­tive de la révo­lu­tion » (145). La « crise his­to­rique de la direc­tion révo­lu­tion­naire » en quelque sorte.

Dans l’entretien de Bal­last, la ques­tion du pas­sage à l’islam comme mar­queur de la caté­go­ri­sa­tion raciale est abordée :

« Les musul­mans — réels ou pré­su­més — sont l’objet de nom­breuses sol­li­ci­ta­tions contra­dic­toires dans la France de 2017. En tant que consom­ma­teurs, ils sont les cibles pri­vi­lé­giées du mar­ke­ting dit eth­nique à tra­vers la niche du halal, pour le grand plai­sir des grandes marques et des chaînes de super­mar­chés. En tant qu’électeurs, ils ont les faveurs des états-majors – toutes ten­dances confon­dues – en rai­son de la croyance dans l’existence d’un “vote musul­man” ou de la sen­si­bi­lité sup­po­sée de ce groupe à cer­taines ques­tions. Qu’ils soient per­çus comme consom­ma­teurs ou élec­teurs, l’essentiel est donc qu’ils demeurent “musul­mans”, ce qui révèle la force de l’assignation iden­ti­taire – à colo­ra­tion confes­sion­nelle de sur­croît – et consti­tue une véri­table vio­lence sym­bo­lique pour les athées, agnos­tiques, libres pen­seurs, hété­ro­doxes et non pra­ti­quants. Pour­tant, on a dési­gné par le passé ces mêmes per­sonnes avec d’autres mots ou expres­sions comme “beurs” dans les années 1980, “tra­vailleurs arabes” dans les années 1970, “ouvriers nord-africains” dans les années 1950. Cela ne signi­fie pas que ces termes étaient plus cor­rects mais cette évo­lu­tion sou­ligne autant la démo­né­ti­sa­tion du réfé­rent ouvrier dans les dis­cours publics que le rem­pla­ce­ment des idéaux natio­na­listes, socia­listes ou pan­arabes par l’hégémonie isla­miste sur la rive Sud de la Médi­ter­ra­née. Bien sûr, les “musul­mans” ne sont pas com­plè­te­ment pas­sifs dans la mise en œuvre des pro­ces­sus décrits plus hauts. »

Quand SM pointe un élé­ment essen­tiel dans cette évo­lu­tion (nous lais­sons de côté les super­mar­chés et plus dou­teuses les « faveurs des états-majors ») qui va de « l’ouvrier nord-africain » au « musul­man », il n’évoque pas les pro­ces­sus réels de la crise et de la restruc­tu­ra­tion des années 1970 aux années 1980, le regrou­pe­ment fami­lial, les « deuxième et troi­sième géné­ra­tions » qui ne prennent pas la relève, c’est-à-dire d’abord les causes de la « cultu­ra­li­sa­tion » de l’immigré et de sa des­cen­dance puis la confes­sion­na­li­sa­tion de cette « cultu­ra­li­sa­tion ». Ce point essen­tiel devient chez SM : « la démo­né­ti­sa­tion du réfé­rent ouvrier dans les dis­cours publics (sou­li­gné par nous) ». Comme si voir dans cette « démo­né­ti­sa­tion » autre chose qu’une affaire de « dis­cours publics » allait contraindre à s’interroger sérieu­se­ment sur la « décom­po­si­tion du mou­ve­ment ouvrier ». Inter­ro­ga­tion qui est pour SM l’interdit majeur sous peine de voir son livre s’effondrer ou sim­ple­ment appa­raître pour ce qu’il est : un pam­phlet, une entre­prise de dénon­cia­tion des entre­pre­neurs sans aucune réfé­rence objec­tive à ce qui est l’objet de leur entre­prise. Comme pour les « Amis de Juliette », comme pour les auteurs de « Jusqu’ici tout va bien.. », pour SM la dénon­cia­tion est suf­fi­sante dans la mesure où l’unité de la classe sous le visage ou non du « mou­ve­ment ouvrier », sont des réfé­rents tou­jours pré­sents quelles que soient les vicis­si­tudes du moment, ou tou­jours prêts à se révé­ler à nou­veau. Les seg­men­ta­tions raciales, les assi­gna­tions, ne sont en consé­quence que des acci­dents de sur­face, des choses abso­lu­ment contin­gentes vis-à-vis de ce qu’est sub­stan­tiel­le­ment la classe. Rien d’objectif là-dedans, seule­ment un « tra­vail sub­jec­tif », des manœuvres : la dénon­cia­tion suf­fira donc. Il est d’une cer­taine façon comique de voir resur­gir sous la plume de SM les pires pla­ti­tudes rela­tives au mou­ve­ment ouvrier entre­cou­pées de cita­tions et de réfé­rences à Socia­lisme ou Bar­ba­rieNoir et Rouge ou l’Internationale Situa­tion­niste. Marx disait à pro­pos de la masse de livres consa­crés au coup d’Etat de Louis Napo­léon Bona­parte qu’il n’y en avait que deux d’importants : le sien bien sûr et celui de Vic­tor Hugo, Napo­léon le petit. Mais il ajou­tait qu’entraîné par sa haine du per­son­nage, Hugo ne consi­dé­rait aucune condi­tion de ce coup d’Etat et, ainsi, fai­sait de Louis Napo­léon, non pas un « petit » et piètre per­son­nage mais un sur­homme. A lire SM ou les « Amis de Juliette », « Bou­teldja la petite » semble en passe de deve­nir « superwoman ».

« La fabrique du musul­man » est un bien joli titre, mais il n’y a rien der­rière. Dans cette « fabrique », la méca­nique est très par­tiel­le­ment décrite ainsi que cer­tains des méca­ni­ciens, mais rien sur l’énergie qui anime cette méca­nique, comme si les méca­ni­ciens qui ont conçu et entre­tiennent les rouages suf­fi­saient à mettre en branle de purs objets de leur inven­tion. A concen­trer sa cri­tique de la « fabrique du musul­man » sur eux, SM en fait des démiurges.

« Bien sûr, les “musul­mans” ne sont pas com­plè­te­ment pas­sifs dans la mise en œuvre des pro­ces­sus décrits plus hauts. » déclare SM dans cet entre­tien de Bal­last (même si les « pro­ces­sus » en ques­tion res­tent dans l’ombre du « tra­vail sub­jec­tif »). C’est la ques­tion la plus dif­fi­cile : pour­quoi cette assi­gna­tion est-elle mas­si­ve­ment reprise par ceux qu’elle désigne et enferme ? Plu­sieurs fois dans ces notes de lec­ture, nous avons exposé les rai­sons qui à un cer­tain moment, dans cer­taines condi­tions font que l’islam devient le mar­queur de la seg­men­ta­tion et de l’assignation raciale ; mais cela n’explique pas pour­quoi le groupe ainsi dési­gné et consti­tué reprend à son compte l’appellation pour se dési­gner lui-même. Pas tous bien sûr, mais c’est mas­sif et la ques­tion est incontournable.

Il y a la pres­sion sociale et ins­ti­tu­tion­nelle, publique, qui répète « vous êtes musul­mans », il y a tou­jours l’explication un peu passe-partout du « retour­ne­ment du stig­mate ». Cela existe mais demeure un peu super­fi­ciel et pas très convain­cant. Dans ce même entre­tien, SM avance une expli­ca­tion que nous avons éga­le­ment déve­lop­pée dans les notes sur le livre d’Hajjat : « De fait, cer­tains cour­tiers ou entre­pre­neurs com­mu­nau­taires y voient de nou­velles oppor­tu­ni­tés afin de satis­faire leurs inté­rêts per­son­nels ou leur pro­jet de société. Mais cela ne réglera en rien le sort de la grande majo­rité des musul­mans, qui a plu­tôt à voir avec les couches de la popu­la­tion fran­çaise les moins favo­ri­sées éco­no­mi­que­ment. Seule une mino­rité – plu­tôt bien dotée en capi­taux éco­no­miques ou sco­laires – pourra accé­der à des postes de repré­sen­ta­tion ou inté­grer l’élite diri­geante grâce à la “diver­sité”, qui joue contre l’égalité. » Il est exact que dans les années 1990, on voit appa­raître les pre­mières orga­ni­sa­tions « musul­manes » dans les caté­go­ries les plus édu­quées des jeunes issus de l’immigration (voir notes sur Haj­jat). Cela a joué son rôle, mais cela n’explique pas pour­quoi cette appel­la­tion va se dif­fu­ser dans l’ensemble de la popu­la­tion à moins d’attribuer aux Indi­gènes et autre « Pré­sence musul­mane », un impact que ces orga­ni­sa­tions n’ont pas. On trouve cepen­dant avec ce der­nier point un début d’explication, une piste. La ques­tion est inso­luble tant que l’on consi­dère le pro­blème comme se frac­tion­nant en deux temps : l’assignation venant du racia­li­sa­teur puis la reprise de l’assignation (ainsi construite) par le racialisé.

Le pro­cès de consti­tu­tion des assi­gna­tions raciales est un pro­ces­sus objec­tif dans lequel le racia­lisé n’a pas le choix de son appel­la­tion et même de sa lutte contre elle. Reve­nons à une des thèses de Colette Guillaumin :

« L’existence d’un groupe objec­tif reconnu pour tel, majo­ri­taire ou mino­ri­taire, ne se pro­duit qu’au sein d’un uni­vers com­mun dont la codi­fi­ca­tion est la même pour l’ensemble de la société. Ce n’est pas l’hétérogénéité des valeurs qui marque l’existence d’une majo­rité et d’une mino­rité, mais bien l’homogénéité du sys­tème de valeurs. (…) L’existence des groupes majo­ri­taire et mino­ri­taire se fonde, au-delà du pou­voir, sur un uni­vers sym­bo­lique com­mun. Le mino­ri­taire se trouve en fait inté­gré dans le sys­tème sym­bo­lique défini par le majo­ri­taire quels que soient par ailleurs ses essais ou ses échecs à se consti­tuer un sys­tème propre. Plus encore, ses efforts pour se défi­nir contre un tel sys­tème sont orien­tés et cana­li­sés par le majo­ri­taire ; il ne peut se défi­nir sur des réfé­rences internes et indé­pen­dantes, il doit le faire à par­tir des réfé­rences que lui offre le sys­tème majo­ri­taire. L’histoire récente des mino­ri­tés en offre de bons exemples : le Black Power, le “fémi­nisme”, la “négri­tude” sont des sys­tèmes d’opposition, des “réponses”. La vio­lence de cette contrainte qui pour­suit le mino­ri­taire jusqu’à lui impo­ser les termes mêmes de sa révolte et le main­te­nir dans l’ornière d’une défi­ni­tion pré­éta­blie par la société qu’il conteste échappe trop sou­vent. On ne peut donc dire à aucun moment qu’il existe des groupes (ou des sys­tèmes) hété­ro­gènes, mais bien un sys­tème de réfé­rence par rap­port auquel les groupes réels – tant mino­ri­taires que majo­ri­taire – se défi­nissent dif­fé­rem­ment » (Guillau­min, L’Idéologie raciste, p.125)

Ce « sys­tème de valeurs homo­gène », cet « uni­vers sym­bo­lique com­mun », est, pour ce qui nous pré­oc­cupe ici, celui consti­tué par les couples laïque / reli­gieux ; moderne / archaïque ; indi­vi­dua­lité libre / com­mu­nauté ; uni­ver­sel / par­ti­cu­lier, etc., dont nous avons pré­senté les rai­sons de sa pré­gnance idéo­lo­gique à par­tir des années 2000. L’islam devient une réponse orien­tée et cana­li­sée par le majo­ri­taire, réponse qui en sub­stance déclare : « je suis une voie propre vers l’indépendance indi­vi­duelle, la moder­nité, etc. ». Le fameux « uni­ver­sa­lisme de l’Occident », la fameuse « moder­nité », ne sont jamais remis en cause parce qu’ils ne peuvent pas l’être car ils sont objec­ti­ve­ment ancré dans le MPC, et per­sonne ne leur échappe. L’opposition à l’universalisme, à la moder­nité, devient une de leurs déter­mi­na­tions car l’universalisme et la moder­nité demeurent tou­jours la norme. La seule contes­ta­tion pos­sible consiste à cher­cher à construire une voie auto­nome vers les mêmes buts : « vous n’avez pas le mono­pole de l’universel et de la moder­nité ». (reve­nir ici sur de nom­breux exemples don­nés sans le vou­loir par She­rene Razack, La Chasse aux musul­mans). Le piège est parfait.

Pour­sui­vons avec Guillau­min : « Consi­dé­rer le racisme comme un schéma de simple mise en pré­sence de groupes hété­ro­gènes (enne­mis ou non) néglige donc le fait qu’ils s’insèrent dans une tota­lité. Le sys­tème caté­go­riel n’est pas le résul­tat d’un contact entre pures hété­ro­gé­néi­tés, que seul le hasard géo­gra­phique met­trait en pré­sence, mais l’expression d’un ordre sym­bo­lique qui recouvre l’ensemble. Une société raciste n’est pas la col­lec­tion com­po­site de groupes hété­ro­gènes mais fonc­tionne sui­vant un sys­tème de rela­tion entre groupes de pou­voir inégal ; elle est sys­tème d’antagonismes et non jux­ta­po­si­tion de groupes. Dans les phé­no­mènes racistes, la réa­lité orga­nique de la liai­son est un fac­teur capi­tal, les groupes étant pro­fon­dé­ment dépen­dants les uns des autres dans l’univers sym­bo­lique tout comme dans la réa­lité concrète. Aucun n’est lisible si on l’isole de la rela­tion qui, pré­ci­sé­ment, le consti­tue » (125−126).

Si la révolte et la lutte du mino­ri­taire est iné­luc­table et néces­saire, elle est un nœud de contra­dic­tions et une impasse tant qu’elle se déli­mite et s’effectue sur l’identité défi­nie et recon­nue socia­le­ment construite par le groupe majo­ri­taire et confor­tée par les entre­pre­neurs qui veulent en être les repré­sen­tants. C’est cepen­dant dans ces contra­dic­tions que peut sur­gir la remise en cause même des iden­ti­tés par l’insatisfaction vis-à-vis de soi. Du fait que cette iden­tité est celle que vous vou­lez que je sois (cf. Cas­sius Clay et James Bald­win, voir notes sur Guillaumin).

Tou­jours ce qui revient ce sont les phrases de Cas­sius Clay : « Je n’ai pas à être ce que vous vou­lez que je sois. (…) Vous vou­lez m’imposer la dif­fé­rence que vous me dési­gnez comme étant ma dif­fé­rence d’avec vous et qui me défi­ni­rait entiè­re­ment. » ; ou de James Bald­win « I’m not your negro ».

Deuxiè­me­ment, le livre de SM est bâti sur une pen­sée abso­lu­ment binaire n’admettant qu’une exclu­sion réci­proque radi­cale entre race et classe. Entre les deux, il ne pour­rait exis­ter qu’une rela­tion de sub­sti­tu­tion. Que réa­li­ser cette « sub­sti­tu­tion » soit l’objectif poli­tique des « entre­pre­neurs » est exact, mais cela ne jus­ti­fie pas pour autant la pen­sée binaire des féti­chistes de la « classe » qui pro­meuvent et encensent le livre en se gar­dant bien de rap­pe­ler com­ment le « mou­ve­ment ouvrier » en est la toile de fond néces­saire (sans par­ler de « l’alliance avec la petite bour­geoi­sie intel­lec­tuelle »). Le pro­blème de SM c’est qu’ayant réduit la seg­men­ta­tion raciale de la classe ouvrière à ces « entre­prises » et ayant sous­crit à la légende du mou­ve­ment ouvrier, il ne peut plus voir que la classe ouvrière ne fut jamais une, que la seg­men­ta­tion raciale la tra­verse consti­tu­ti­ve­ment dans son exis­tence de classe de ce mode de pro­duc­tion. Classe et race ne sont pas dans un rap­port d’exclusion réci­proque : soit l’un soit l’autre. Le livre passe tota­le­ment à côté des ques­tions réelles de la lutte de classe les sup­po­sant réso­lues à la condi­tion de tra­vailler à la recons­truc­tion du « mou­ve­ment ouvrier en alliance avec la petite bour­geoi­sie intel­lec­tuelle » (ceux-là on ne sait jamais qui c’est).

Repre­nons en lisant la suite une cita­tion de l’entretien déjà uti­li­sée : « De fait, cer­tains cour­tiers ou entre­pre­neurs com­mu­nau­taires y voient de nou­velles oppor­tu­ni­tés afin de satis­faire leurs inté­rêts per­son­nels ou leur pro­jet de société. Mais cela ne réglera en rien le sort de la grande majo­rité des musul­mans, qui a plu­tôt à voir avec les couches de la popu­la­tion fran­çaise les moins favo­ri­sées éco­no­mi­que­ment. Seule une mino­rité – plu­tôt bien dotée en capi­taux éco­no­miques ou sco­laires – pourra accé­der à des postes de repré­sen­ta­tion ou inté­grer l’élite diri­geante grâce à la “diver­sité”, qui joue contre l’égalité. Le reste sera condamné à la stag­na­tion ou à la relé­ga­tion –au même titre que les autres com­po­santes des classes popu­laires de France – les dis­cri­mi­na­tions en plus (sou­li­gné par nous). »

La der­nière phrase dit une chose et sont contraire : c’est « la même stag­na­tion et relé­ga­tion » … « les dis­cri­mi­na­tions en plus ». Mais c’est pré­ci­sé­ment là le pro­blème que SM esca­mote. Nous pou­vons voir au tra­vers de tout l’appareil sta­tis­tique offi­ciel que ces dis­cri­mi­na­tions ne sont pas « en plus », mais consti­tu­tives de la divi­sion du tra­vail, de la repro­duc­tion de la classe ouvrière, consti­tu­tives de l’existence de la force de tra­vail glo­bale face au capi­tal. Cela ne signi­fie pas qu’il ne peut pas y avoir de luttes com­munes, mais il est rare qu’elles ne soient pas tra­ver­sées par ces « dis­cri­mi­na­tions ». L’ouvrier blanc (« de souche ») ne jouit pas pour autant de « pri­vi­lèges » (le « pri­vi­lège blanc » des Indi­gènes). Un pri­vi­lège est un avan­tage dont on jouit contre le droit com­mun, contre la loi com­mune, il ne peut donc être que le fait d’une mino­rité. Ce sont les tra­vailleurs raci­sés qui sont exclus léga­le­ment ou non de la loi et des pra­tiques com­munes concer­nant l’embauche, le poste de tra­vail, le salaire, les pro­mo­tions, le loge­ment, l’éducation, etc. Et, pour l’ouvrier blanc, la loi et les pra­tiques com­munes sont loin d’être des « pri­vi­lèges ». Cepen­dant, sans par­ler de « pri­vi­lèges », en France, aux Etats-Unis ou ailleurs, il est vrai qu’il vaut mieux être un ouvrier blanc qu’Arabe ou Noir, sim­ple­ment pour être dans la loi et les pra­tiques com­munes ou en obte­nir l’application. Les pro­ces­sus de dis­cri­mi­na­tions à l’intérieur de la classe ouvrière sont des dis­po­si­tifs consti­tu­tifs de l’existence ouvrière mais sur les­quels les ouvriers n’ont aucun pou­voir même si, catas­tro­phi­que­ment, ils peuvent être ame­nés par­fois à défendre ces dis­cri­mi­na­tions (Aigues Mortes à la fin du XIXe siècle ; les dockers de Londres au début des années 1970, les licen­cie­ments dans l’automobile en France au début des années 1980, etc.). La classe ouvrière n’est qu’une classe de ce mode de pro­duc­tion, si c’est pour cela qu’elle a la capa­cité de l’abolir et de se sup­pri­mer, cela n’est pas le fait d’une nature révo­lu­tion­naire qui, en se mani­fes­tant, ren­drait toutes les choses simples (les « déra­pages » rele­vant de manœuvres et de dévoiement).

Toutes les contra­dic­tions et seg­men­ta­tions sont défi­ni­toires de la « posi­tion com­mune » des pro­lé­taires dans le mode de pro­duc­tion capi­ta­liste, elles existent de façon interne à l’existence et à la pra­tique de la classe ; le pro­lé­ta­riat n’existe pas d’abord tel qu’en lui-même et est seule­ment ensuite tra­versé par ces seg­men­ta­tions et contra­dic­tions. Comme si le pro­lé­ta­riat était (ce qui est tou­jours impli­ci­te­ment pré­sup­posé) blanc et mas­cu­lin (parce que si les femmes se disent « cama­rades mais femmes » c’est aussi une entorse mal­veillante à l’unité de la classe). Etre une classe n’existe plus que comme un rap­port au capi­tal, c’est alors avoir de façon inté­rieure toutes les seg­men­ta­tions et contra­dic­tions pro­duites par les caté­go­ries du mode de pro­duc­tion et leur repro­duc­tion. La seg­men­ta­tion et la posi­tion com­mune, race et classe, ne sont pas des contraires exclu­sifs et seule­ment sub­stu­tuables.

On peut cla­mer qu’il faut l’unité de la classe, le « grand tous ensemble » et que les divi­sions ne sont que le fait de « mal­veillants entre­pre­neurs », mais voilà cette « unité » ce n’est jamais ce qu’il se passe et il fau­drait com­prendre pour­quoi : dans la situa­tion com­mune des pro­lé­taires qui est leur rap­port au capi­tal il n’y a que leurs divi­sions, c’est pour­quoi la révo­lu­tion est l’abolition par les pro­lé­taires de leur propre condi­tion, vou­loir la révo­lu­tion comme abo­li­tion de toutes les classes et pro­mou­voir l’unité préa­lable de la classe est un non-sens auquel la légende du mou­ve­ment ouvrier donne des allures de tra­di­tion res­pec­table. Ce n’est, à l’intérieur de la lutte en tant que classe, que par des pra­tiques d’attaques par les pro­lé­taires de ce qui les défi­nit dans leur situa­tion de pro­lé­taires y com­pris toutes les formes de repré­sen­ta­tions, que la seg­men­ta­tion est posée comme pro­blème, c’est-à-dire quand elle se confond avec l’appartenance de classe elle-même et non quand c’est cette appar­te­nance de classe qui est sup­po­sée conte­nir l’unité et résoudre la ques­tion des divi­sions. C’est un point théo­rique et pra­tique essen­tiel qui dis­tingue les théo­ries de la com­mu­ni­sa­tion d’un bri­co­lage pro­gram­ma­tique new look fai­sant de la com­mu­ni­sa­tion un nou­veau pro­gramme sans que celui-ci soit relié aux trans­for­ma­tions de la contra­dic­tion entre pro­lé­ta­riat et capi­tal et aux formes de valo­ri­sa­tion du capi­tal. Bref, on gar­de­rait tout comme avant et on ajoute : « voilà le but véri­table que nous pou­vons atteindre main­te­nant, voilà ce qu’il faut faire ».

L’abolition du capi­tal, de l’Etat, etc., ce sera un nœud de contra­dic­tions entre les pro­lé­taires et la classe domi­nante à toute sorte de niveau et d’instances et entre les pro­lé­taires eux-mêmes, dans les­quelles se liqui­de­ront ou non les iden­ti­tés construites inhé­rentes à leur exis­tence de pro­lé­taires, entre les hommes et les femmes dans l’abolition de la pro­priété, de la divi­sion du tra­vail et du travail.

Dans la lutte contre la racia­li­sa­tion, le déni nor­ma­tif des seg­men­ta­tions et la pro­cla­ma­tion de l’unité mys­tique de la classe sont le rêve de mili­tants qui se sont trom­pés d’époque. Si SM a rai­son de dénon­cer dans l’idéologie des Indi­gènes, le « refus de la lutte contre l’exploitation capi­ta­liste » et « l’occultation des luttes d’une immi­gra­tion inté­grée (sou­li­gné par nous) à la classe ouvrière » (137), nous ne pou­vons avoir cepen­dant qu’une opi­nion extrê­me­ment réser­vée quant à l’irénisme de cette « inté­gra­tion » à l’intérieur du mou­ve­ment ouvrier et de ses ins­ti­tu­tions. SM peut déve­lop­per des cri­tiques fac­tuelles pré­cises et per­ti­nentes des idéo­lo­gies et des pra­tiques en cours parmi les « entre­pre­neurs » et les « islamo-gauchistes », mais elles res­te­ront tou­jours limi­tées du fait de sa vision non-critique et non-historique du mou­ve­ment ouvrier et de l’unité de la classe dont l’attente du retour est la toile de fond de tout son ouvrage.

Au-delà de la « décom­po­si­tion du mou­ve­ment ouvrier » et de l’unité mys­tique de la classe, dans le cours actuel des luttes, ce qui importe c’est une vision prag­ma­tique des conflits internes, des divi­sions, de leur dyna­mique, de ce qu’elles repré­sentent, des alliances ou non. La flui­dité, la labi­lité, l’historicité des construc­tions raciales c’est là-dessus qu’il faut se battre et non se réfu­gier dans le déni, la condam­na­tion manœu­vrière et la norme. La flui­dité, etc. c’est aussi ce qui per­met de pen­ser la pos­si­bi­lité de la lutte anti­ra­ciste, elle en est la pos­si­bi­lité et le contenu même. L’objet de la cri­tique, sa cible, son point d’appui, c’est cette labi­lité, cette plas­ti­cité et cette fra­gi­lité : l’historicisation, la « décons­truc­tion », la contex­tua­li­sa­tion et, pour­quoi pas, dans cer­taines situa­tions, le fait que ces iden­ti­tés peuvent être des pro­ces­sus dyna­miques de consti­tu­tion d’une lutte spé­ci­fique et par­ti­cu­lière et par là la refor­mu­la­tion d’un rap­port de forces géné­ral entre les classes.

En ce qui concerne ce der­nier point, dans un entre­tien publié sur le site Bal­last, SM reprend un frag­ment de l’Adresse aux révo­lu­tion­naires d’Algérie et de tous les pays de « l’Internationale situa­tion­niste » : « Les pro­chaines révo­lu­tions ne peuvent trou­ver d’aide dans le monde qu’en s’attaquant au monde, dans sa tota­lité. Le mou­ve­ment d’émancipation des Noirs amé­ri­cains, s’il peut s’affirmer avec consé­quence, met en cause toutes les contra­dic­tions du capi­ta­lisme moderne (c’est nous qui sou­li­gnons) ; il ne faut pas qu’il soit esca­moté par la diver­sion du natio­na­lisme et capi­ta­lisme de cou­leur des Black Mus­lims. » SM n’a vu que la fin de la phrase sur la « diver­sion », là il était chez lui, mais le début est une réfu­ta­tion radi­cale de toute sa pro­blé­ma­tique : la mise en cause de « toutes les contra­dic­tions du capi­ta­lisme moderne » est le fait d’un mou­ve­ment qui recon­naît et assume la seg­men­ta­tion raciale à l’intérieur du pro­lé­ta­riat : « le mou­ve­ment d’émancipation des Noirs amé­ri­cains ». De même, on pour­rait citer C.LR.James dont SM se réclame au cours de l’entretien : « Aujourd’hui, leur com­po­si­tion pro­lé­ta­rienne et leur rela­tion avec le pro­lé­ta­riat amé­ri­cain sont telles que leurs luttes (celles des « Nègres », nda) indé­pen­dantes (sou­li­gné par nous) consti­tuent pro­ba­ble­ment le sti­mu­lant le plus puis­sant dans la société amé­ri­caine pour que le pro­lé­ta­riat orga­nisé amé­ri­cain prenne conscience de ses véri­tables res­pon­sa­bi­li­tés dans la marche d’ensemble du pro­ces­sus natio­nal et de la force qu’il repré­sente contre l’impérialisme amé­ri­cain. » (Une his­toire du Nègre aux Etats-Unis – 1943 – in C.L.R.James, Sur la ques­tion noire, p.143, éd. Syllepse).

« Je refuse avec la même force la confes­sion­na­li­sa­tion et la racia­li­sa­tion de la ques­tion sociale car leur triomphe défi­ni­tif signi­fie­rait la dis­pa­ri­tion de toute issue réel­le­ment éman­ci­pa­trice » déclare SM (entre­tien de Bal­last). Pro­cla­ma­tion très noble mais qui n’avance à rien. C’est en com­pre­nant com­ment racia­li­sa­tion et confes­sion­na­li­sa­tion (je pré­fère cet ordre des termes) sont objec­ti­ve­ment construites qu’on peut lut­ter contre, c’est-à-dire à par­tir de leur recon­nais­sance dans la consti­tu­tion même du pro­lé­ta­riat en classe et non de leur « refus ». Le pro­blème de la lutte de classe, c’est la classe.

Dans le même entre­tien : « De nos jours, des notions comme la “race” et l’ “iden­tité” ont été rapi­de­ment réap­pro­priées, sans la moindre cri­tique par cer­tains milieux mili­tants por­teurs d’un dis­cours radi­cal (…) Il fau­drait tout de même réus­sir à démon­trer l’utilité poli­tique de ces outils théo­riques dans une pers­pec­tive révo­lu­tion­naire, en par­ti­cu­lier dans le contexte fran­çais. » L’ « uti­lité poli­tique » n’a pas à être « démon­trée » puisque ces déter­mi­na­tions de races et d’identités sont par­ties pre­nantes de la consti­tu­tion des classes et de la lutte des classes. Races et iden­ti­tés ne sont des outils théo­riques que dans la mesure où on com­prend leur construc­tion réelle dans le mode de pro­duc­tion capi­ta­liste, com­ment elles s’insèrent de façon tou­jours his­to­ri­que­ment spé­ci­fique dans la lutte des classes. On ne par­lera pas de la même façon des grèves des maçons ita­liens en région mar­seillaise au début du XXe siècle, des ouvriers de Billan­court au début des années 1970 ou des émeutes de ban­lieues en 2005. Cer­taines seg­men­ta­tions raciales peuvent dis­pa­raître, de nou­velles appa­raître. En défi­ni­tive, la prin­ci­pale ques­tion ne porte pas sur les iden­ti­tés ou les races, mais sur le pro­lé­ta­riat lui-même qui n’est pas une sub­stance pos­sé­dant en elle sa mis­sion his­to­rique. On pour­rait sim­ple­ment répondre à SM que races et iden­ti­tés nous servent à com­prendre ce qu’il se passe et que ce n’est que dans ce qu’il se passe que se forge la « pers­pec­tive révo­lu­tion­naire ». Nous serions curieux de voir com­ment SM par­vient à ana­ly­ser les grèves de l’automobile de 1981 – 1984 ou les émeutes de 2005 sans « l’outil théo­rique » de la race. En par­ler, l’analyser, lui faire toute sa place, ce n’est ni l’exalter, ni en faire l’alpha et l’oméga de tous les faits sociaux. Crier « La classe ! La classe ! » en sau­tant sur sa chaise comme un cabri n’est pas plus effi­cace dans une « pers­pec­tive révo­lu­tion­naire » que de crier « La race ! La race ! ». Il ne s’agit pas de com­bi­ner les deux, comme dans une mau­vaise com­pré­hen­sion de « l’intersectionnalité », les choses sont en fait assez simples : le pro­lé­ta­riat n’existe pas préa­la­ble­ment dans une sorte de pureté théo­rique avant de comp­ter en son sein des Arabes, des Noirs, etc. Tout est donné simul­ta­né­ment mais concep­tuel­le­ment tout n’est pas au même niveau. C’est à par­tir du mode de pro­duc­tion capi­ta­liste, de l’exploitation, des classes que nous dédui­sons les construc­tions raciales comme néces­saires et le cours des luttes de classe comme inté­grant cette néces­sité. La lutte des classes est bien le « moteur de l’Histoire » pour par­ler comme SM, mais la ques­tion raciale n’est pas « subor­don­née à la lutte de classe » comme le dit SM à la suite de C.L.R.James, elle lui est interne.

Même si « le slo­gan “Noirs et Blancs unissez-vous et lut­tez” est inat­ta­quable en prin­cipe, mais sou­vent trom­peur et par­fois même dan­ge­reux au regard de la réa­lité » (CLR James), en revanche le déni fut tou­jours néces­saire et vital pour le mou­ve­ment ouvrier et il l’a tou­jours pra­ti­qué. Quand, dans la suite de l’entretien, SM cite C.L.R. James, il n’en lit et n’en com­prend que la moi­tié. Quand James parle de subor­di­na­tion, il ajoute immé­dia­te­ment : « Mais négli­ger le fac­teur racial comme sim­ple­ment acces­soire est une erreur à peine moins grave que de le rendre fon­da­men­tal. » (The Black jaco­bins, cité par SM dans l’entretien). Pour SM cela vaut auto­ri­sa­tion pour ne pas s’en pré­oc­cu­per face au « moteur de l’Histoire » (ce n’est pas moi qui ajoute la majus­cule). Paro­diant SM, « A quoi sert cet “outil théo­rique” ? » serait-on tenté de deman­der à James.

Sur la lan­cée de cette lec­ture hémi­plé­gique de James, SM fait un pas de plus et enchaine sur une cita­tion de Lou­zon où, là, la race est reje­tée hors de tout espace théo­rique : « La colo­ni­sa­tion n’est donc pas, en fait, ce qu’elle appa­raît être à pre­mière vue ; elle n’est pas affaire de races et elle est bien moins affaire de reli­gion, elle n’a pour rai­son ni d’exterminer une race enne­mie ni de conver­tir des infi­dèles ; elle est sim­ple­ment l’extension à d’autres par­ties de la pla­nète du sys­tème à fabri­quer des pro­lé­taires que la bour­geoi­sie a com­mencé à appli­quer chez elle dès sa nais­sance ». Exit le « Code noir », le « Code de l’indigénat », le refus de la citoyen­neté, les col­lèges élec­to­raux sépa­rés, etc.,etc. Pas de racisme dans la colo­ni­sa­tion : « faut pas pous­ser SM ! ». A force de se foca­li­ser sur les « for­ce­nés de l’identité » ℠ et de réduire la seg­men­ta­tion raciale à leurs acti­vi­tés, SM en arrive à dire n’importe quoi au nom de la pré­ser­va­tion de la pureté pro­lé­ta­rienne s’exprimant dans le mou­ve­ment ouvrier « allié à la petite bour­geoi­sie intel­lec­tuelle » qui, au prix d’une petite entorse intel­lec­tuelle à la « non mixité de classe », trouve tout de même sa place.

A la suite de son « refus de la confes­sion­na­li­sa­tion et de la raci­sa­tion de la ques­tion sociale » (ce qui est tout à fait contraire à tous les textes de James), SM intro­duit un paral­lèle entre la situa­tion actuelle et la « main ten­due aux catho­liques » de Mau­rice Tho­rez dans l’Humanité du 17 avril 1936 et la réponse de Mar­ceau Pivert à Tho­rez (« Frères en tant qu’exploités mais non pas frères en tant que catho­liques »). Ce paral­lèle passe tota­le­ment à côté des ques­tions aux­quelles nous sommes mal­heu­reu­se­ment confron­tés main­te­nant, il a la curieuse carac­té­ris­tique d’occulter ce dont il est censé par­ler, c’est-à-dire le racisme et actuel­le­ment son mar­queur reli­gieux. Le paral­lèle entre catho­liques de 1936 et musul­mans de 2017 n’a aucun sens. Les ouvriers catho­liques fran­çais de 1936 n’étaient pas un groupe racisé (sauf peut-être les mineurs polo­nais à Montceau-les-Mines — je plai­sante). Toutes les dif­fi­cul­tés dans les­quelles nous sommes embar­qués rela­tives à la com­pré­hen­sion et aux prises de posi­tion face à la consti­tu­tion actuelle du racisme sur mar­queur reli­gieux sont éva­cuées par ce parallèle.

On ne peut sor­tir de ces dif­fi­cul­tés que par une com­pré­hen­sion de l’« isla­mo­pho­bie » qui para­doxa­le­ment ne fait pas de l’islam le début et la fin de l’affaire (voir notes sur Haj­jat). Les mesures « isla­mo­phobes » sont des mesures racistes dont l’islam est la forme conjonc­tu­relle. Il importe alors de mon­trer et de mettre l’accent sur les rai­sons de cette conjonc­ture qui implique l’ensemble des rap­ports de classes (voir divers pas­sages dans les notes sur Guillau­min et sur Haj­jat). En sor­tant l’islamophobie de sa vision comme rele­vant d’un « choc cultu­rel » on l’historicise comme une construc­tion raciale par­ti­cu­lière mais rele­vant des méca­nismes géné­raux des construc­tions raciales dans le MPC, on demeure de plain pied dans les méca­nismes de repro­duc­tion du capi­tal. On montre qu’être musul­man n’est pas une qua­lité inhé­rente à une somme d’individus mais une assi­gna­tion construi­sant le groupe comme tel, tra­versé lui-même de conflits entre hommes et femmes et selon les classes sociales, conflits par­fois propres mais le plus sou­vent iden­tiques au reste de la popu­la­tion dans la même situa­tion sociale. On défait l’homogénéisation induite par « l’islamophobie ». On s’opposera aux défen­seurs de l’islam qui ont besoin d’en faire le début et la fin de « l’islamophobie » non pas au nom de la cri­tique anti­clé­ri­cale mais parce qu’on aura démonté la construc­tion de l’islamophobie, ce n’est que ce fai­sant que l’on peut alors poser, en situa­tion, si néces­saire, la cri­tique de la reli­gion parce que les adver­saires auront été autre­ment défi­nis. On cri­tique des mesures racistes en expli­quant pour­quoi elles ont acquis cette « forme », et si on ne défend pas l’islam, on ne défend pas non plus la laï­cité. La laï­cité parle de Liberté, mais der­rière la Liberté, c’est l’Etat qui se pro­file, et avec l’Etat, le pou­voir et l’Ordre qui assigne à cha­cun, au nom de la laï­cité, sa place dans la hié­rar­chie de la civi­li­sa­tion jus­ti­fiant sa pro­mo­tion ou sa relé­ga­tion, le trai­te­ment qui lui est réservé, sa place dans la société.

ANNEXE 1

Sur l’idéologie anti-islamophobe (Flora Grim et Alexan­dra Pinot-Noir – G/P – sur le site ddt21)

Dès le pre­mier para­graphe, le texte se donne un adver­saire taillé sur mesure : « Ce texte entend répondre à ceux qui, parmi les com­mu­nistes liber­taires, sont enga­gés dans un com­bat contre “l’islamophobie” et, à ce titre, pré­tendent inter­dire toute cri­tique de l’islam et pro­mou­voir une théo­rie de la “race sociale”… ». Il ne s’agit pas de com­prendre com­ment l’islam devient le mar­queur des construc­tion raciales anti-arabes et/ou anti-immigrés et leurs des­cen­dants, mais de « répondre » à ceux qui prennent l’islamophobie au pied de la lettre pour ce qu’elle dit d’elle-même aussi bien du côté des isla­mo­phobes que de leurs adver­saires plus ou moins jus­te­ment dési­gnés comme « isla­mo­philes » et qui en outre « pré­tendent inter­dire toute cri­tique de l’islam ». Le ter­rain est balisé pour ne pas sor­tir d’une stricte cri­tique idéo­lo­gique n’ayant pas à expli­quer et jus­ti­fier son objet et sur­tout pour ne pas en parler.

L’islam comme mar­queur du racisme devient alors l’effet d’un simple « tour de passe-passe qui assi­mile la “race” à la reli­gion ». Les rai­sons de cette assi­mi­la­tion ne sont jamais abor­dées si ce n’est sous l’angle de la mani­pu­la­tion et de la sou­mis­sion à de vieilles idéo­lo­gies comme le tiers-mondisme recy­clées pour l’occasion. Le but du « tour de passe-passe » est de « faire taire toute cri­tique de l’islam ». A n’en pas dou­ter « faire taire toute cri­tique de l’islam » était cer­tai­ne­ment le but de toutes les lois sur le voile et des inter­ven­tions des polices muni­ci­pales chas­sant le « bur­kini ». Tout le texte ne sort pas d’un cer­tain « entre-soi » à l’intérieur duquel il s’agit de prendre posi­tion, l’enjeu essen­tiel est la prise de posi­tion et non l’objet lui-même des prises de posi­tion. Entre mani­pu­la­teurs et dénon­cia­teurs, on est dans l’idéologie au sens le plus vul­gaire et on y reste.

« Assi­gner une iden­tité musul­mane à tous les immi­grés « arabes » et leurs des­cen­dants » n’aurait aucune cause sociale et his­to­rique dans l’évolution de la société fran­çaise, ce ne serait que le fait de quelques entre­pre­neurs en racia­li­sa­tion ayant trouvé un nou­veau cré­neau pour divi­ser la classe ouvrière que tout le monde sait être, en tout temps et tout lieu, en soi, abso­lu­ment une et indi­vi­sible. Consi­dé­rer l’islamophobie comme une idéo­lo­gie pro­fon­dé­ment sujette à la cri­tique est une chose, ne pas consi­dé­rer les faits que cette idéo­lo­gie met en forme à sa manière en est une autre. Dans ce texte, les faits dis­pa­raissent, ne sub­siste que l’idéologie dont la cri­tique suf­fi­rait. Il est vrai que par ailleurs on peut lire : « Quant au terme “isla­mo­pho­bie”, le pro­blème ne réside en réa­lité pas dans la notion elle-même mais dans l’usage qu’en font ceux qui la mani­pulent. ». Nous n’en serons jamais plus sur la notion elle-même dis­tin­guée de son uti­li­sa­tion, sa réa­lité, sa for­ma­tion, son « objec­ti­vité » ou non, sa fonc­tion de mar­queur de la racia­li­sa­tion. Tout au long du texte la notion se confond avec son uti­li­sa­tion, parce que c’est le seul objet des auteures.

Quand G/P écrivent : « C’est sur ces bases que l’idéologie iden­ti­taire anti-islamophobe vient s’associer, notam­ment chez cer­tains mar­xistes, à celle de la “race sociale”… », il faut se rap­pe­ler que les « bases » ici évo­quées ren­voient à ce qui dans le para­graphe pré­cé­dent était qua­li­fié de « dis­cours iden­ti­taire », nous tour­nons un peu en rond à l’intérieur d’une cri­tique de la seg­men­ta­tion raciale réduite à un dis­cours. Pour les auteures, il suf­fit alors de poin­ter du doigt les mani­pu­la­tions de quelques entre­pre­neurs en raci­sa­tion et la naï­veté de quelques libertaires.

De même, la « cultu­ra­li­sa­tion du racisme » n’est abor­dée que sous l’angle de l’histoire des idées, elle n’est reliée à aucun fait objec­tif dans l’histoire de l’immigration en France. Pour les auteures, il s’agit de dénon­cer les accoin­tances entre la Nou­velle Droite et les anti-islamophobes, cela suf­fit à leur pro­pos qui est un simple posi­tion­ne­ment dans un milieu. S’il est bon de cri­ti­quer le « dis­cours iden­ti­taire qui consi­dère que tous ceux qui ont un lien d’origine ou fami­lial avec l’un ou l’autre pays du Magh­reb (ou d’autres pays « arabes ») doivent se consi­dé­rer comme musul­mans… », il serait bon éga­le­ment de consi­dé­rer qu’il ne s’agit pas que d’un dis­cours et que l’assignation ne vient ni seule­ment, ni en pre­mier lieu des « anti-islamophobe » trop faci­le­ment assi­mi­lés pour les besoins de la dis­tinc­tion idéo­lo­gique à des cen­seurs de toute cri­tique des reli­gions et de l’islam spécialement.

S’il semble vrai, au pre­mier abord, que « ce n’est pas en rai­son de la reli­gion qu’ils pra­tiquent ou qu’on leur prête qu’ils sont dis­cri­mi­nés mais parce que ce sont des tra­vailleurs immi­grés ou issus de familles ayant immi­gré. Ce n’est pas l’identité qui est en jeu mais l’appartenance de classe. » ; il aurait été cepen­dant inté­res­sant de cher­cher à com­prendre pour­quoi et com­ment la dis­cri­mi­na­tion en tant que tra­vailleurs immi­gré opère sous une dis­cri­mi­na­tion reli­gieuse et cultu­rel­le­ment iden­ti­taire. Mais on ne voit pas com­ment G/P pour­raient se poser cette ques­tion quand elles ne voient même pas la ques­tion que recèle leur affir­ma­tion pré­cé­dente. Si, comme elles l’écrivent, on est « dis­cri­miné en tant que tra­vailleurs immi­grés » (c’est moi qui sou­ligne), conclure que ce n’est pas « l’identité qui est en jeu mais l’appartenance de classe » relève d’un « tour de passe-passe ». D’un coup de bon­ne­teau, dans « tra­vailleur immi­gré », « immi­gré » a disparu.

Ce n’est pas par oubli ou pour déli­mi­ter leur sujet que les auteures esca­motent toutes ces ques­tions, c’est parce que leur pro­blé­ma­tique leur inter­dit de voir ces ques­tions. C’est à la page deux que nous entrons dans le vif du sujet, au cœur de leur problématique.

« Cette vision « racia­liste » qui pré­tend créer une nou­velle classe de “race” ne sert en réa­lité qu’à mas­quer, voire à nier, la réa­lité du rap­port social capi­ta­liste : l’exploitation des pro­lé­taires, de tous les pro­lé­taires, quels que soient leur ori­gine, leur cou­leur de peau, leur reli­gion et leurs us et cou­tumes per­son­nels. » Qu’une « vision racia­liste » serve à « mas­quer la réa­lité du rap­port social capi­ta­liste » est une chose, que la seg­men­ta­tion raciale relève de pro­ces­sus objec­tifs du mode de pro­duc­tion capi­ta­liste en est une autre. Les deux ne sont évi­dem­ment pas sans lien, mais ce lien est pré­ci­sé­ment l’interdit de la pro­blé­ma­tique des auteures. Pour elles, tous les pro­lé­taires « quels que soient leur ori­gine, etc. » sont exploi­tés, point final. Que dans l’exploitation même et sa repro­duc­tion gisent les méca­nismes de la seg­men­ta­tion raciale du pro­lé­ta­riat, cela est l’interdit absolu de leur propre idéo­lo­gie. C’est en cela qu’elles ne peuvent faire de la racia­li­sa­tion (quel qu’en soit le mar­queur) qu’une « vision » et une mani­pu­la­tion, au mieux un dis­cours. Et c’est seule­ment à cela qu’elle s’attaque, la réa­lité de la chose n’est pas leur objet. Elles peuvent alors reprendre à leur compte les vio­lentes inep­ties des auteurs de « Tiens ça glisse » qui « nomment racia­li­sa­tion (et donc raciste, voir d’autres textes des mêmes, nda) toute ana­lyse contri­buant à déve­lop­per ou à dif­fu­ser une théo­rie de la race ». En tant qu’objet théo­rique, la seg­men­ta­tion raciale n’est jamais consi­dé­rée comme une réa­lité, ce n’est qu’une vision des racia­li­sa­teurs dont on va décor­ti­quer les accoin­tances, les alliances, les ren­contres, la bio­gra­phie, rem­pla­çant l’analyse concrète d’un objet concret par un rap­port des Ren­sei­gne­ments Géné­raux (voir les Amis de Juliette) qui comme tout rap­port de police se conclut par un « Cir­cu­lez, il n’y a rien à voir ». Que ces « racia­li­sa­teurs » soient à com­battre est une affaire mais pas en sup­pri­mant l’objet du débat que l’on a réduit aux per­sonnes, à leur pro­jet poli­tique et à leur « vision », à un « tour de passe-passe ».

Quand G/M disent que le racisme n’est pas « indis­pen­sable » au déve­lop­pe­ment capi­ta­liste, c’est parce qu’elles consi­dèrent qu’il ne serait que « jus­ti­fi­ca­tion « ou « excuse ». Si le racisme est constam­ment lié au déve­lop­pe­ment du MPC (sans en être l’origine comme dans l’idéalisme de l’idéologie déco­lo­niale), ce n’est pas parce qu’il « jus­ti­fie » ou excuse » quoi que ce soit, mais parce qu’il est inhé­rent à l’universalité du capi­tal et à l’historicisation hié­rar­chique des socié­tés qui en découle, à la divi­sion du tra­vail, à la valeur morale de la force de tra­vail, à la citoyen­neté de l’individu libre isolé et à la nation. Pour Grim et Pinot-Noir, l’idéologie n’est que jus­ti­fi­ca­tion et excuse et elles nous assènent que « dans leur ensemble, pillage et colo­ni­sa­tion, tout comme l’exploitation pro­pre­ment dite, n’ont pas besoin de quel­conque excuse. », telle que le racisme. Il ne s’agit pas d’ « excuse », et pour­tant que de volumes, de trai­tés, de codes de lois, de théo­ries les plus folles, de biblio­thèques entières d’Economie poli­tique, de dis­po­si­tifs divers, que la classe domi­nante, ses éco­no­mistes, his­to­riens, anthro­po­logues, géo­graphes, méde­cins et phi­lo­sophes, mais sur­tout mili­taires, admi­nis­tra­teurs et fonc­tion­naires ont pro­duit pour construire, déli­mi­ter et hié­rar­chi­ser des groupes raciaux, nom­mer et fixer les eth­nies, expli­quer la néces­sité du colo­nia­lisme et de l’exploitation en géné­ral. G/M vont alors cher­cher deux exemples de colo­ni­sa­tion qui, selon elles, sont exemptes de racisme : les Irlan­dais et les Ukrai­niens. Rap­pe­lons que les Irlan­dais ont été décrits par les Anglais comme des bêtes et ont très dif­fi­ci­le­ment accédé au sta­tut de « blancs » aux Etats-Unis. Quant aux Ukrai­niens face aux Russes, autre exemple de colo­nia­lisme sans racisme selon G/P, par­ler de colo­nia­lisme entre l’Ukraine et la Rus­sie serait déjà un vrai sujet de dis­cus­sion. En outre, c’est sous le règne de Cathe­rine II(1762−1796) que le ser­vage est étendu et ren­forcé en Ukraine orien­tale (l’Ukraine occi­den­tale n’est acquise à la Rus­sie que lors du second par­tage de la Pologne en 1793) avec l’interdiction faite aux pay­sans de quit­ter le domaine et glo­ba­le­ment de quit­ter leur condi­tion, au plus grand bon­heur des pro­prié­taires ukrai­niens. Les exemples de G/P contre­disent leur pro­blé­ma­tique, non seule­ment dans les faits mais dans les notions employées. Dès que je parle d’ « Anglais » et d’ « Irlan­dais » ; de « Russes » et d’ « Ukrai­niens », j’ai construit des ensembles his­to­riques, cultu­rels ou raciaux, peu importe, mais j’ai com­mis le crime suprême : j’ai amal­gamé comme le plus vul­gaire anti-impérialiste les classes sociales de part et d’autre de la ligne de la colo­ni­sa­tion (cf.l’Ukraine). Il faut voir com­ment les élites aztèques se sont vite accom­mo­dées de la conquête espa­gnole aux dépends des pay­sans tenanciers.

Rien ne se donne jamais en clair, l’idéologie est par­tout, pas comme « excuse » ou « jus­ti­fi­ca­tion » mais comme rap­port aux rap­ports de pro­duc­tion et comme ensemble de solu­tions cré­dibles aux conflits nés de ces rap­ports. L’unité imma­nente et indis­tincte du pro­lé­ta­riat que nous pré­sentent Grim et Pinot-Noir est un bon exemple d’idéologie sous laquelle peuvent opé­rer de nom­breuses pra­tiques telles que celles du mou­ve­ment ouvrier qu’idéalise Sidi Moussa dans son « très bon ouvrage, La Fabrique du musul­man » (dixit Grim et Pinot-Noir dans un entre­tien pos­té­rieur à leur texte, sur le site ddt21). Face à la ter­rible unité imma­nente de la classe, les domi­nants ne pour­raient que faire feu de tout bois : « Le racisme, comme la xéno­pho­bie, est un outil qu’utilisent les domi­nants contre les domi­nés ». Quelle pau­vreté de pen­sée que l’instrumentalisme ! Il fonc­tionne com­ment cet « outil », quelle éner­gie utilise-t-il, par quelle trans­mis­sion passe cette éner­gie pour l’actionner ? « Il s’agit de créer des caté­go­ries per­met­tant de divi­ser pour pré­ve­nir ou écra­ser les rébel­lions et les luttes sociales » (G/P). Il faut avoir une bien piètre idée des pro­lé­taires, des luttes sociales et des rébel­lions pour pen­ser qu’un simple outil de diver­sion suf­fise à les pré­ve­nir ou les écra­ser. Mais alors, c’est la conscience de leur situa­tion et de leur imma­nente unité qu’il fau­drait appor­ter à ces pro­lé­taires mys­ti­fiés puisqu’ils se laissent ber­ner par des mani­pu­la­tions et des visions.

Dans la séquence par­ti­cu­lière que nous tra­ver­sons et vivons (cf. TC 25), la théo­rie de la com­mu­ni­sa­tion s’est sclé­ro­sée en un ensemble de pro­po­si­tions et de mesures codi­fiées, en un nou­veau pro­gramme dont la pro­duc­tion his­to­rique a dis­paru. La théo­rie de la com­mu­ni­sa­tion ne se sou­cie plus de sa propre pro­duc­tion dans un cycle de luttes, de son embar­que­ment dans l’immédiat. Encore une fois, la chouette de Minerve a pris son envol au cré­pus­cule. La com­mu­ni­sa­tion est deve­nue un but fixe et défini à atteindre par un pro­lé­ta­riat ima­giné et ima­gi­naire sem­blable à celui du mou­ve­ment ouvrier qui fait tant rêvé Sidi Moussa dans le livre que G/P trouve si « impor­tant ». Elles se gardent bien de citer tous les pas­sages où l’auteur déclare son amour au mou­ve­ment ouvrier, ses ins­ti­tu­tions et ses conquêtes ainsi que l’espérance du renou­veau de son « alliance avec la petite bour­geoi­sie intellectuelle ».

Le passé ne fait pas rêver que Sidi Moussa : « Et, même à l’époque du plein-emploi, le pou­voir et ses media ont tou­jours plus ou moins entre­tenu la xéno­pho­bie, encou­ra­geant la stig­ma­ti­sa­tion suc­ces­sive de cha­cune des dif­fé­rentes vagues de tra­vailleurs immi­grés (les « Polaks », les « Maca­ro­nis », « les Por­tos », etc.). La grande dif­fé­rence était que, dans les uni­tés de tra­vail, la soli­da­rité ouvrière pré­va­lait sur les pré­ju­gés et que tout le monde tra­vaillait et com­bat­tait au coude à coude. Mais c’était avant…. » (G/P). Pas­sons sur le fait que les vagues d’immigration des « Polaks », des « Maca­ro­nis » et « des Por­tos » n’ont pas tou­jours cor­res­pondu à des « époques de plein emploi », l’essentiel est dans la der­nière phrase. Que la « soli­da­rité ouvrière » était belle au temps d’Aigues Mortes et quand les ouvriers « fran­çais » applau­dis­saient à l’expulsion des mineurs polo­nais en 1937 ! Lisez les articles de Daniel Mothé dans Socia­lisme ou Bar­ba­rie sur Billan­court à la fin des années 1950 et dans les années 1960. Il y avait bien soli­da­rité ouvrière mais au tra­vers de toutes sortes de conflits, de luttes menées ensemble ou les uns contre les autres créant un espace com­mun mais qui jamais en ce qui concer­nait alors les tra­vailleurs nord-africains ne dépas­sait la cou­pure entre « eux » et « nous ».

Le racisme ne sera dépassé que par et dans la lutte de classe disent G/M, c’est vrai mais pas dans un mythique « grand tous ensemble » à la Sidi Moussa car la posi­tion com­mune de l’appartenance de classe contient toutes les seg­men­ta­tions. Ce n’est que dans leur contra­dic­tion avec l’appartenance de classe deve­nue contrainte exté­rieure que les pro­lé­taires peuvent, abo­lis­sant le capi­tal, dépas­ser les seg­men­ta­tions raciales. Ce n’est pas dans leur situa­tion com­mune de classe mais en se retour­nant contre elle que les pro­lé­taires dépassent les seg­men­ta­tions raciales. En atten­dant, la lutte de classe peut tra­vailler la fra­gi­lité, la labi­lité, des seg­men­ta­tions raciales (elle n’est pas étran­gère alors à l’anti-racisme, n’en déplaise aux « radi­caux ») qui sont des pro­ces­sus objec­tifs mais des confi­gu­ra­tions mouvantes.

Il est vrai que « avant », quand « la soli­da­rité ouvrière pré­va­lait sur les pré­ju­gés et tout le monde tra­vaillait et com­bat­tait au coude à coude », le monde était beau comme dans un poème d’Aragon.

ANNEXE 2

Racisme anti-musulmans et logique identitaire

(non signé, publié sur le site Zones sub­ver­sives le 18 février 2017)

Il s’agit d’un com­men­taire (sou­vent une para­phrase) du livre de Sidi Moussa, accom­pa­gné de nom­breuses citations.

Comme d’habitude, aucune expli­ca­tion (la ques­tion n’est même pas posée) des rai­sons pour les­quelles les construc­tions de groupes raciaux en est venue à opé­rer sous le mar­queur reli­gieux de l’islam assi­gnant plus ou moins de force tout immi­gré nord-africain ou ori­gi­naire d’un pays « arabe » à être un « musul­man ». Le pre­mier para­graphe nous livre la des­crip­tion habi­tuelle de la « mon­tée des logiques iden­ti­taires », du « racisme qui s’amplifie », du « répu­bli­ca­nisme fran­chouillard » et de « la laï­cité auto­ri­taire », bien sûr tout cela pas­sant par les « médias ». Nous demeu­rons dans l’ordre des dis­cours et on sup­pose que, selon le refrain bien connu, « La Crise » doit expli­quer tout cela. Une « cause » est cepen­dant sor­tie du lot : « L’agressivité et le racisme des répu­bli­cains contri­buent à éra­di­quer la nuance et le recul cri­tique ». Il s’ensuit, selon cette « expli­ca­tion », la rai­son pour laquelle « l’extrême gauche insiste éga­le­ment sur les thé­ma­tiques iden­ti­taires au détri­ment de la ques­tion sociale. ».

Quand les « thé­ma­tiques iden­ti­taires » viennent se sub­sti­tuer à la « ques­tion sociale », nous sommes face à des adver­saires qui ont leur propre agenda poli­tique. Mais le pro­blème de Sidi Moussa ℠ et des com­men­ta­teurs (trices) de son livre est qu’il ne rai­sonne que de façon binaire : en termes de « sub­sti­tu­tion ». Parce qu’il est juste de dire que les « thé­ma­tiques iden­ti­taires » se sub­sti­tuent à la « ques­tion sociale » ou se déve­loppent « à son détri­ment », toute ana­lyse recon­nais­sant la réa­lité de la seg­men­ta­tion raciale du pro­lé­ta­riat et ne se conten­tant pas, au nom de l’unité éter­nelle et imma­nente de la classe, de la réduire à du dis­cours ou une mani­pu­la­tion, est ren­voyée dans l’enfer du racia­lisme et de la thé­ma­tique iden­ti­taire. Ce n’est que leur propre inca­pa­cité à sor­tir des fon­da­men­taux du pro­gram­ma­tisme, c’est-à-dire de la révo­lu­tion comme unité et mon­tée en puis­sance d’une classe appe­lée à s’affirmer, que Sidi Moussa et ses com­men­ta­teurs (trices) exposent (même si cer­taines d’entre elles, un peu gênées se gardent d’évoquer la toile de fond de son livre).

Existe-t-il une seg­men­ta­tion raciale du pro­lé­ta­riat, et quel est le sta­tut de cette seg­men­ta­tion : pure­ment mani­pu­la­toire ou objec­tive ? Existe-t-il des pro­ces­sus objec­tifs de seg­men­ta­tions et assi­gna­tions ? Pour­quoi l’essentialisation raciale dans le MPC est-elle deve­nue reli­gieuse ? Si l’on ne répond pas à ces ques­tions, on recons­truit un pro­lé­ta­riat et une lutte de classe fan­tas­ma­tiques et mythiques qui n’ont jamais existé si ce n’est dans l’efficacité du dis­cours sur lui-même du mou­ve­ment ouvrier que SMet G/M croient sur paroles (effi­ca­cité tenant aux carac­té­ris­tiques du rap­port d’exploitation jusqu’à la fin des années 1960 : le mou­ve­ment ouvrier n’était pas la réa­lité du pro­lé­ta­riat, mais la réa­lité du pro­lé­ta­riat fai­sait croire qu’il l’était).

Tout le reste du texte est une cri­tique des Indi­gènes à laquelle on pour­rait sous­crire, mais ce n’est que cela. Une cri­tique des Indi­gènes est indis­pen­sable mais le pro­blème avec ce type de texte, c’est qu’une fois celle-ci faite, on s’imagine être quitte envers la ques­tion au nom de la « sub­sti­tu­tion » et du « remplacement ».

 

 

 

 

Categories: Nouvelles du monde Tags:
  1. AC
    13/09/2017 à 10:26 | #1

    Entièrement d’accord avec ce qui est dit (notamment la périodisation de l’islamophobie proprement dite, qu’on ne peut pas vraiment faire remonter aux années 80 avec la stigmatisation des OS “musulmans”), et avec la critique du livre de NSM, à une inflexion près : je partage la conception du “commun” telle qu’elle est très clairement formulée par Guillaumin, mais je pense aussi qu'”aucun pro­ces­sus objec­tif n’existe sans être mis idéo­lo­gi­que­ment en forme et sans que les pra­tiques que ce pro­ces­sus déter­mine n’opèrent sous ces idéo­lo­gies”. En particulier, il me semble que s’il est abusif de parler de “privilège blanc” en tant que tel, il est difficile de ne pas sérieusement prendre en compte le fait qu’à l’exclusion des uns répond l’inclusion des autres, et que celle ci n’existe que parce qu’elle donne lieu à des pratiques (à quoi ça servirait d’être Blanc si on n’en profitait pas un peu, pas vrai ?). A titre d’exemple, le concept de “préférence nationale” ne pourrait même pas être formulé si n’existait pas l’idée que l’appartenance raciale et/ou nationale n’était pas (et ne devait pas être) socialement avantageuse pour les français blancs, et ce non seulement dans le domaine du travail, mais dans tous les aspects de la vie sociale.

    RS écrit : “Les pro­ces­sus de dis­cri­mi­na­tions à l’intérieur de la classe ouvrière sont des dis­po­si­tifs consti­tu­tifs de l’existence ouvrière mais sur les­quels les ouvriers n’ont aucun pou­voir même si, catas­tro­phi­que­ment, ils peuvent être ame­nés par­fois à défendre ces dis­cri­mi­na­tions (Aigues Mortes à la fin du XIXe siècle ; les dockers de Londres au début des années 1970, les licen­cie­ments dans l’automobile en France au début des années 1980, etc.).” Je trouve que ce passage tend à rendre inapparent tout ce qui constitue, hors des moments catastrophiques et de la pure division du travail telle qu’elle est directement mise en œuvre par les capitalistes, une conscience commune du français blanc et la défense des avantages réels ou supposés qu’elle implique, et ce dans une quantité de champs sociaux qui dépasse largement celui des luttes ouvrières. Le “racisme” c’est ce qui fait idéologiquement le lien entre tous ces champs de discrimination, qui sont bel et bien mis en œuvre activement par des sujets racistes. Que leurs intérêts ainsi idéologiquement conçus soient réels ou non n’y change rien.

    Ce qui reste peut-être à voir de plus près c’est comment cette segmentation particulière qu’est la race est mise en œuvre ou en tout cas accompagnée par les prolétaires blancs. Pour le cas des grèves d’OS dans les années 80, par exemple, on remarque que la CGT défend activement les revendications religieuses (salles de prières, etc.) au début du mouvement, mais que dès que le mouvement se radicalise et que l’incrimination “musulman” devient trop chaude politiquement elle finit par se rétracter. Il y a même un moment où la défense des libertés religieuses faisait partie des statuts, puis a été retirée. Bref, il y des choses à regarder en détail.

    Je note aussi que dans le passage où il est question du “privilège blanc”, RS parle explicitement de la “classe ouvrière”, ce qui n’est pas courant. Or, ce n’est pas seulement en tant qu’ouvriers que les racisés subissent une discrimination, d’où d’ailleurs l’existence du PIR : la classe moyenne racisée fait aussi l’objet de discriminations, qui ne sont évidemment pas du tout les mêmes que celle du prolétariat racisé, mais qui se formulent sur la même base. C’est là que le facteur commun “musulman” peut jouer comme formulation interclassiste, comme le racisme l’est lui-même, ce en quoi il lui est parfaitement adéquat.

  2. B.
    14/09/2017 à 11:09 | #2

    Bon, sur les limites politiques du bouquin, oui, on peut dire que SM n’est pas communisateur. Jusqu’ici tout va bien. Mais derrière cette note de lecture se manifeste surtout le nouvel appareil théorique de TC qui visiblement n’a pas du côtoyer assez de luttes ces derniers temps et a été contraint de piocher du côté de l’université et ses périphéries. Le premier texte “Classes / segmentation / racisation” relevait d’un coup de force où on pouvait lire des inepties du genre “Une reprise des luttes en France, dans un rap­port de forces favo­rable est en grande par­tie sus­pen­due actuel­le­ment à la lutte par­ti­cu­lière et auto­nome des pro­lé­taires raci­sés contre leur raci­sa­tion, cela ne peut se faire en niant la raci­sa­tion comme nulle et non ave­nue.” ou encore “Quelle bles­sure nar­cis­sique que de ne plus pou­voir s’identifier aux « las­cars de banlieue » !”. En gros, TC a un nouveau jouet, la race. Je ne comprends pas la confusion qu’ils entretiennent entre d’une part une segmentation bien réelle, de type historique liée au développement particulier du MPC, et d’autre part l’utilisation du concept de race pour définir cette segmentation. Je trouve que ça ne tombe absolument pas sous le sens. C’est à dire que quand on me parle de “division raciale” qui est un état absolu, je trouve qu’on se fait juste embarquer dans la discussion du moment et qu’on apporte rien à l’analyse de ce qui fait du prolétariat sa propre limite, dans son atomisation en abyme. Parce que la question de la racialisation (c’est à dire d’un processus partant d’un pôle émetteur vers un pôle récepteur qui vise à différencier donc discriminer des catégories de la population grâce à l’idéologie de la race) n’est pas le seul exemple de division qui marche avec la baisse du coût du travail pour faire très simple (c’est bien des fois). J’ai en tête le système huku en Chine, ce fameux passeport intérieur mais on peut prendre les différents contrats de taf également. Si on ne prend pas un peu de distance, on finit par créer des blocs superstructurels dans l’analyse, à l’image du commentaire d’au dessus sur “le privilège blanc”, bientôt on verra apparaître la CMSB (classe moyenne salariée blanche) différente de la CMSR. Je trouve ça complètement ahurissant d’essayer de faire passer la pilule en appelant tous ceux qui ne sont pas “blancs” des “racisés” et faire zarma “non non on essentialise personne, c’est un processus du MPC” alors que vous ne vous donnez même plus la peine d’énoncer l’émetteur de ce processus de “racialisation”, son côté labile, intermittent etc. Vous en faîtes quasiment des sujets politiques centripètes. Dites non-blancs et acceptez d’être tombés dans le panneau des entrepreneurs en race ça sera plus simple. Derrière la sophistication de l’appareil théorique de TC, on retrouve la surface, le particulier et surtout les nouvelles lubies universitaires. La surdétermination nous perd parfois.

  3. Anonyme
    18/09/2017 à 15:57 | #3

    “Si de tels propos avaient été relayés par un autre support, je n’aurais pas pris la peine d’y répondre mais, par égard pour les militants et sympathisants d’AL soucieux de préserver la crédibilité de leur organisation et de leur journal, une mise au point s’imposait.” (Nedjib Sidi Moussa)
    http://www.alternativelibertaire.org/?Droit-de-reponse-La-Fabrique-du-musulman-une-publicite-gratuite-mais-mensongere

    “la crédibilité de leur organisation et de leur journal”

    Des barres.

  4. R.S
    19/09/2017 à 20:00 | #4

    Salut

    Par commodité, je répondrai en un seul envoi à l’intervention d’AC, puis à celle de B.

    A propos du commentaire d’AC.

    Le commentaire d’AC me pose un « petit problème » car il me prend à mon propre jeu de l’idéologie en me renvoyant à juste titre une phrase de mes notes sur Hajjat et Mohammed « Aucun processus objectif n’existe sans être mis idéologiquement en forme et sans que les pratiques que ce processus détermine n’opèrent sous ces idéologies ».
    Il me semble que nous sommes d’accord, AC et moi, sur le fait que « privilège blanc » est une expression inadéquate. Cependant, il est vrai que, dans ces notes sur SM, si je critique la réalité du « privilège » tout en disant qu’il vaut mieux être dans la « règle commune » qu’en dehors, je laisse de côté, à propos de ce « il vaut mieux », l’efficacité de « l’appartenance raciale et/ou nationale ». Celle-ci n’existe que si elle est pensée et pratiquée comme devant être « socialement avantageuses pour les Français blancs, et ce non seulement dans le domaine du travail, mais dans tous les aspects de la vie sociale. » (AC). En conséquence, il est vrai que dans ces notes sur SM je laisse de côté comment se constitue la « règle commune » et surtout (quant aux remarques critiques de AC) le rôle et l’efficacité d’ « une conscience commune du Français blanc et la défense des avantages réels ou supposés qu’elle implique, (…). Que leurs intérêts ainsi idéologiquement conçus soient réels ou non n’y changent rien. » Une fois produites selon des processus objectifs et historiquement conjoncturels et opportunistes (comme les virus), les constructions raciales développent leurs propres déterminations, leurs critères, leurs pratiques et leurs objectifs.
    Il est évident que globalement je ne peux que trouver très pertinent ce « rappel à l’ordre » que m’adresse AC. Cependant (j’aurais un peu de mal à préciser pour le moment) une chose me gêne dans ce commentaire : la « conscience commune du Français blanc ». « Commune » à qui ? Et produite comme « commune » selon quel processus ? Ce qui est commun en matière de faits sociaux n’est jamais l’intersection d’ensembles par ailleurs discrets. Le « commun » est toujours produit dans une implication réciproque entre les classes dont une subsume la reproduction d’ensemble. Le « commun » est alors toujours traversé par la structure de classes du mode de production et en dernier lieu de la société. Je pense qu’en outre il faut spécifier historiquement l’apparition de cette « conscience commune du Français blanc » pour comprendre qu’elle n’est pas si « commune ». A ce propos je renvoie au texte « Une séquence particulière » (TC 25)
    « Dans la crise de la société salariale, les luttes qui se déroulent autour de la distribution désigne l’Etat comme le responsable de l’injustice. Cet Etat, c’est l’Etat dénationalisé, traversé par et agent de la mondialisation. La citoyenneté devient alors l’idéologie sous laquelle est menée la lutte des classes, nous voyons partout des drapeaux. Dans la « période fordiste », l’Etat était en outre devenu « la clé du bien-être », c’est cette citoyenneté qui a foutu le camp dans la restructuration des années 1970 et 1980. Si la citoyenneté est une abstraction, elle réfère à des contenus bien concrets : plein emploi, famille nucléaire, ordre-proximité-sécurité, hétérosexualité, travail, nation. C’est autour de ces thèmes que dans la crise de la société salariale se reconstruisent idéologiquement les conflits de classes. (…) Dans le cadre de la « préservation de l’Etat social » ou de sa « restauration » au nom du contre-type social, économique et idéologique des « Trente Glorieuses », la nation, la citoyenneté nationale et « l’authenticité » s’entremêlent avec le clivage entre « ceux qui n’en peuvent plus de faire des efforts » et les « Autres ». (…) Cette racialisation de la « préservation de l’Etat social » suit un principe identique à la racialisation de la lutte contre le chômage. » (« Une séquence particulière », TC 25).
    Je ne rejette pas l’idée de « position commune » telle que tu la formules de façon générale (« la conscience commune du Français blanc »), mais je pense qu’il faut montrer comment, chaque fois spécifiquement, la même position commune, se différencie selon les positions sociales. Si en tant que « Français blanc », on peut parler de position commune, en tant que bourgeois, cadre ou prolétaire, cette position commune, ni objectivement, ni subjectivement n’a, pour les uns et les autres, le même contenu et les mêmes pratiques. J’avancerai l’hypothèse que le principe de cette différenciation se situe actuellement dans la relation entre rapport de distribution et rapports de production. C’est à partir de la problématique développée dans « Une séquence particulière » qu’il faudrait travailler en tenant compte des graves lacunes de ce texte telles qu’elles sont critiquées dans « Se positionner : rapports de distribution et rapports de production, une relecture critique d’une séquence particulière, TC 25, p.59). Tu as raison de dire qu’il faudrait « voir de plus près comment cette segmentation particulière qu’est la race est mise ne œuvre ou en tout cas accompagnée par les prolétaires blancs » (AC), il faut voir les évolutions de ces prolétaires sur une période ou au cours d’une lutte particulière en fonction des rapports de forces, du climat politique, etc., mais cela ne dit pas, chez ces prolétaires, la nature du matériau susceptible d’évolution. Je pense que c’est la dualité du travail salarié comme rapport de production et rapport de distribution qui est ce matériau intrinsèquement susceptible d’évolution (parce que toujours instable) et qui est la racine de la « mise en œuvre » ou de l’« accompagnement » dont tu parles à propos de « l’appartenance raciale et ou nationale ».

    Pour faciliter les échanges, ces deux textes de TC 25 sont en ligne, ici:

    Sur un autre point du commentaire d’AC :
    « Or ce n’est pas seulement en tant qu’ouvriers que les racisés subissent une discrimination… » (AC) ; « … une quantité de champs sociaux qui dépasse largement celui des luttes ouvrières » Je suis totalement d’accord mais il ne suffit pas de dire que cela « dépasse », il faut dire comment les différents niveaux s’emboitent et à ce sujet je dévoilerai deux fragments du texte en cours de travail pour le prochain n° de TC (le second fragment est déjà repris au début des notes sur Tévanian, je l’ai ici un peu modifié)

    1 ) « Au fondement, on trouve le procès de production immédiat (unité du procès de travail et du procès de valorisation) : la division du travail, la « valeur morale « de la force de travail prises et configurées comme segmentation raciale dans et pas l’universalité du MPC et l’historicisation hiérarchique des sociétés qu’il instaure. Mais en même temps que le capital se constitue non plus comme rapport social mais comme objectivité économique (toutes les conditions du renouvellement du rapport se trouvent, à la fin de chaque cycle, réunies comme capital en soi face au travail), les instances politiques, juridiques, idéologiques, morales, toutes les institutions sociales et éducatives, et, toujours présentes en chacune, la force coercitive et répressive de la police ou de l’armée au besoin, deviennent des moments nécessaires de la reproduction du rapport « purement économique ». C’est la multitude des rapports qui ne sont pas purement économiques qui sont les lieux où la production des identités devient un phénomène social total. Le procès de production immédiat ne suffit pas à définir comme fixe et étant sa nature l’identité raciale d’un individu s’il est séparé de toutes les instances de la reproduction. Il faut toutes ces instances de la reproduction pour qu’une fonction et une place racialisée dans le procès de production s’impose comme une identité quotidiennement inhérente à l’individu, c’est-à-dire sa nature et pas seulement sa fonction. Il faut toutes les discriminations quotidiennes pour faire d’une fonction l’assignation à une nature. »

    2) « Une approche objective part du fait que les mécanismes de production et de reproduction relevant des catégories du capital se combinent de façon historiquement mouvante pour construire des différences hiérarchiques définissant des cultures et des populations surdéterminant toutes les modalités d’appropriation du surtravail dans la mesure où ces différenciations hiérarchiques sont le fait des catégories concourant à cette appropriation (le bouclage des causalités est très important car cela explique pourquoi ces catégories peuvent avoir ces effets). Du fait des catégories en jeu et de la définition même du mode de production capitaliste, la segmentation de la force de travail (c’est-à-dire de la classe ouvrière) devient la segmentation raciale première (originelle) qui fait apparaître ou disparaître l’infériorisation raciale affectant d’autres catégories sociales d’origine ou de culture identiques, cela peut même aller jusqu’à dispenser de la stigmatisation certaines fraction d’autres classes sociales pourtant de même origine ou de même culture. Est racisé d’abord (en premier et logiquement) celui qui est exploité. Le pouvoir objectif et matériel de la segmentation est déjà tout plein (il est gros) de toutes les « références symboliques » : universalité du MPC et historicisation hiérarchique des sociétés.
    Si on produit les choses ainsi, c’est, de fait, une critique et une évacuation de la vision communautariste et interclassiste de la racisation. Pour que cette dernière le devienne (communautariste et interclassiste) il faut un autre travail particulier appliqué sur les mécanismes de la segmentation raciale. »

    Ya encore du boulot sur toute cette question.

    Amicalement
    R.S

    A propos du commentaire de B

    En attendant de « côtoyer des luttes » (c’est-à-dire de rester à côté) je retourne à mes « lectures universitaires », mes « inepties » et mes nouveaux « jouets ».
    Allez, tout de même trois points à commenter :
    a) personne n’a jamais dit que la segmentation raciale était la seule.
    b) « l’émetteur de ce processus de racialisation » : j’aurai aimé que B en dise plus sur cet « émetteur » qu’il ou elle a l’air de côtoyer. Quant à moi, considérant les productions raciales comme résultant de processus objectifs dans les catégories du MPC, sans aller jusqu’à dire qu’il s’agit d’un « procès sans sujet », je ne suis pas loin de le penser (ce qui n’est pas du tout contradictoire avec l’existence d’ « entrepreneurs en racisation »).
    c) « Je ne comprends pas la confusion qu’ils (TC) entretiennent … ce qui fait du prolétariat sa propre limite, dans son atomisation en abyme » (B). Deux choses dans ce passage du courrier de B.
    • Nous utilisons le concept de race pour définir cette segmentation parce qu’elle est, de façon intrinsèque à sa construction, raciale. La race ne se définit pas autrement que par cette construction.
    • Ce que cela apporte « à ce qui fait du prolétariat sa propre limite » ?
    Dans son existence de classe dans son rapport au capital, le prolétariat ne trouve dans sa position commune de force de travail globale face au capital que les divisions inhérentes à ce rapport qui le constitue (dont la segmentation raciale). Ce n’est donc pas l’unité préalable de la classe (unité toujours rêvée et en réalité construite autour d’un segment occultant les divisions, cf. l’identité ouvrière) qui porte le dépassement de cette segmentation, mais la remise en cause de l’appartenance de classe comme contrainte extérieure et plus quotidiennement l’action sur la labilité de ces constructions qui reconnait leur existence objective.

    R.S

    Si, par la suite, je ne réponds pas à d’éventuels autres commentaires c’est que je vais être absent et sans connexion pendant un mois.
    R.S

  5. Schizosophie
    19/11/2017 à 21:13 | #5

    C’est donc R. S. qui a écrit tout ça et qui appelle Nedjib “SM” (perfidie érudite pour qui est tombé sur l’usage ironiquement et littérairement coquet du mot « algolagnique » par Debord évoquant Foucault dans une correspondance tardive). R. S. reproche à Nedjib d’oublier le “Code noir” ou les grèves d’OS chez Renault. Mais Nedjib n’a pas écrit le livre que R. S. feint de souhaiter qu’il écrivît. Son bouquin porte “sur un processus à l’œuvre depuis une quinzaine d’années”, voir au moins la présentation de l’éditeur, plutôt que de ne pas lire le livre qu’on a sous les yeux mais celui qu’on voudrait qu’il fût.

    R. S. voudrait que “l’islamophobie” soit “un marqueur de discrimination” mais il ne veut pas voir l’acceptation que ce marqueur porte par son nom même. Ce mot a une grande puissance de travail. Il produit l’identification de toute une partie de la population à une identité religieuse en même temps qu’une séparation pseudo-objective entre racistes, bourreaux et phobiques, et “racisés”, victimes effrayantes. Qu’ils sont bien pratiques les nouveaux habits du racisme ! Puisqu’il faut défendre les gentils, il faut en rabattre sur l’anticléricalisme (pourtant mère de toutes les critiques des idéologies chez Marx). Puisqu’il faut combattre les méchants, il faut s’attaquer au “laïcard”, derrière lequel se cache l’État (qu’il s’agit, ça tombe bien !, de renverser). Ben oui, l’État est un appareil idéologique, comme disait Althusser le mécano.

    C’est super, le syllogisme. Ça ressemble à la dialectique. One, le raciste, le Blanc hein !, l’Occidental des pays capitalistes, n’aime pas les Zarabes. Two, ça passe mieux en disant « Musulman », l’Oriental du dernier printemps des peuples. Three, ergo, il suffit d’être anti-raciste pour être révolutionnaire. “Révolution décoloniale” que beuglaient quelques jeunes crétins à la manif du 12 septembre 2017, ne manquait plus que l’onction théorique de R.S., laquelle ne tarda pas. Faudrait tout de même pas rater le sujet révolutionnaire qui vient.

    De quelle intelligence est donc faite toute cette bêtise, dont le PIR n’est qu’un condensé ? De cinquante ans de marxologisme en quête de son sujet rédempteur depuis la disparition de « l’identité ouvrière », laquelle était pourtant, et demeure, une condition sociale. L’intersectionnalisme comble l’identité disparue. La sociologie produit des identités plutôt que de critiquer et combattre les aliénations. Ne reste plus qu’à croiser les identités, spontanément positives, et à en appeler à « la convergence des luttes ». Comme l’ancien, le nouveau kit idéologique se refuse à envisager la prolétarisation comme un processus d’aliénation, et particulièrement celle que construisent, en invoquant la déconstruction, « les entrepreneurs identitaires », que Nedjib a le courage de critiquer.

    Il est plus simple de comprendre le prolétariat comme une donnée sociologique, une strate sociale, qu’on peut même segmenter en sous-strates, quitte à y mettre une classe moyenne juste au-dessus, que comme un des deux pôles d’une opposition dialectique. On peut même en faire un portrait fractal, l’historiciser, l’ethnologiser, le « dégenrer », diachroniser à partir du synchronique, comme le proposait encore le mécano. Mais qu’on dise au moins que c’est le bon Marx prêché à l’université, celle de l’appareil idéologique d’État.

  6. Adé
    20/11/2017 à 11:50 | #6

    …”il faut en rabattre sur l’anticléricalisme (pourtant mère de toutes les critiques des idéologies chez Marx)”
    Ne serait-ce pas plutôt “critique de la religion”?

    “Puisqu’il faut combattre les méchants, il faut s’attaquer au « laïcard », derrière lequel se cache l’État (qu’il s’agit, ça tombe bien !, de renverser).”
    Ne s’agit-il pas plutôt “d’abolition”?

    “C’est super, le syllogisme. Ça ressemble à la dialectique. One, le raciste, le Blanc hein !, l’Occidental des pays capitalistes, n’aime pas les Zarabes. Two, ça passe mieux en disant « Musulman », l’Oriental du dernier printemps des peuples. Three, ergo, il suffit d’être anti-raciste pour être révolutionnaire.”
    Manque la donnée essentielle: le racisme structurel. Pas le Blanc,l’Occidental: it’s the structure, stupid!
    Il ne suffit pas, mais c’est une condition nécessaire, non pour être révolutionnaire, mais pour produire une révolution.

    “« Révolution décoloniale » que beuglaient quelques jeunes crétins à la manif du 12 septembre 2017, ”
    Jeunes, crétins,et en passant : colored. De vrais bestiaux.

    …”depuis la disparition de « l’identité ouvrière », laquelle était pourtant, et demeure, une condition sociale.”
    Ce qui demeure, en effet c’est “une condition sociale”, ou plutôt des conditions sociales:ouvrier-ères spécialisé-es/serveur-euses, caissières, routier-ères. Ce qui a été perdu,pour toujours c’est la “classe” : le prolétariat pour soi, et non en soi. Le prolétariat est révolutionnaire ou il n’est rien.

    “La sociologie produit des identités plutôt que de critiquer et combattre les aliénations.”

    La sociologie ne produit pas des “identités”, comme la critique du capitalisme ne produit pas les classes.

    Les aliénations? C’est quoi? Combattre les “aliénations”,une tâche de sociologues?

    “Ne reste plus qu’à croiser les identités, spontanément positives, et à en appeler à « la convergence des luttes ». Comme l’ancien, le nouveau kit idéologique se refuse à envisager la prolétarisation comme un processus d’aliénation,”
    Qui a parlé d'”identités spontanément positives”? Qui appelle à la “convergence”?

    ” comme un des deux pôles d’une opposition dialectique.”
    Antagonisme ET implication réciproque.

    ” Puisqu’il faut combattre les méchants, il faut s’attaquer au « laïcard », derrière lequel se cache l’État…”

    L’Etat est laïc, c’est une religion d’Etat.
    On est en plein dans l’idéologie française, et Sch. vient nous gonfler avec la critique des “aliénations”, “Schizo”, en quelque sorte “sophe”, il repassera, s’il est encore temps…

  7. RS
    23/11/2017 à 11:44 | #7

    Salut
    Je lis et relis le méchant commentaire de Skizomachin à mes notes de lecture sur le livre de Sidi Moussa (SM), je lis et je relis mes notes et je ne vois pas le rapport entre les deux. Est-ce bien de mes notes dont il parle ou alors Machin (je l’appelle « Machin » parce que si j’abrégeais sa signature SkizoSophie en SS, même « algolagniquement » il pourrait mal le prendre) regrette-il que RS n’est pas écrit les notes qu’il souhaitait « qu’il écrivît » (je mets entre guillemets car je ne voudrais pas faire croire que je sais manier l’imparfait du subjonctif) ? Il me semble que je cite abondamment le livre que je critique et je remarque que Machin ne le cite jamais, comme s’il fallait, comme tous les défenseurs post-situs et post-programmatiques de l’ouvrage, en rester au titre et fasse (ce n’est qu’un présent du subjonctif mal employé) le canard sur ce qui est la toile de fond de toute l’argumentation de SM : le mouvement ouvrier et sa compagne « la petite bourgeoisie intellectuelle ». Je n’ai peut-être « pas lu le livre que j’avais sous les yeux », mais je pense que Machin ne l’a eu qu’entre les mains : la couverture et sa quatrième.

    Je vais reprendre dans l’ordre les flèches que me décoche Machin (je ne vais pas me fendre d’un commentaire composé). Cela prend du temps, c’est fastidieux, ça me gonfle de faire ça et ça gonfle le lecteur, mais bon c’est le boulot. Puisque je délivre des « onctions théoriques », faut assurer un minimum de service après-vente.

    * J’évoque le « Code noir » et les grèves des années 70. C’est vrai, mais c’est lui qu’a commencé, c’est bien SM qui parle de l’évolution des appellations depuis les années 50 et qui cite Louzon à propos du colonialisme. Et même si j’en avais parlé sans que SM en parlasse où serait le mal ? Peut-on en vouloir aux éditions de Moscou qui parlaient de la révolution russe sans citer le nom de Trotski sans feindre de souhaiter qu’ils écrivassassent un autre livre ?

    * « RS voudrait que “l’islamophobie” soit un marqueur de discrimination, mais il ne veut pas voir l’acceptation que ce marqueur porte par son nom même »
    Passons sur toutes les notes sur le livre d’Hajjat où je critique cette appellation et tout ce qu’elle porte et est destinée à justifier. Mais, c’est en cherchant à comprendre, au-delà des malintentionnés subjectifs, pourquoi elle est utilisée à tel moment historique, dans telle configuration sociale, c’est-à-dire que la posture normative anti ceci ou cela au mieux me fait sourire. Si Machin n’avait pas lu les notes sur Hajjat, il aurait pu lire celles sur SM qui semblent l’objet de sa critique à moins que cela ne soit qu’un prétexte dans un positionnement perso que j’ignore.
    Dans mes notes sur SM j’écris : « En sortant l’islamophobie de sa vision comme relevant d’un « choc culturel » on l’historicise comme une construction raciale particulière mais relevant des mécanismes généraux des constructions raciales dans le MPC, on demeure de plain pied dans les mécanismes de reproduction du capital. On montre qu’être musulman n’est pas une qualité inhérente à une somme d’individus mais une assignation construisant le groupe comme tel, traversé lui-même de conflits entre hommes et femmes et selon les classes sociales, conflits parfois propres mais le plus souvent identiques au reste de la population dans la même situation sociale. On défait l’homogénéisation induite par « l’islamophobie » (souligné pour l’occasion). On s’opposera aux défenseurs de l’islam qui ont besoin d’en faire le début et la fin de « l’islamophobie » non pas au nom de la critique anticléricale mais parce qu’on aura démonté la construction de l’islamophobie, ce n’est que ce faisant que l’on peut alors poser, en situation, si nécessaire, la critique de la religion parce que les adversaires auront été autrement définis. »

    * « Il faut en rabattre sur l’anticléricalisme » : voir citation précédente.
    Une critique anticléricale qui ne démonte pas la construction de l’islamophobie et par là même la construction homogénéisante d’une population sous une appellation religieuse, en reste sur le terrain même qu’elle croit critiquer et n’est qu’une gesticulation. Après avoir dit que « l’antisémitisme était le socialisme des imbéciles », Bebel ajoutait « l’anticléricalisme est le socialisme des petits-bourgeois ».

    * Althusser et « l’appareil idéologique »
    Il ne me semble pas qu’Althusser dise que l’Etat lui-même est un « appareil idéologique » et, subsidiairement, il ne me semble pas qu’être un « mécano » soit une tare. Il est vrai qu’Althusser était membre de ce PCF dont la disparition met SM au désespoir. Plus sérieusement, je serai curieux que les grands esprits qui traitent Althusser en « chien crevé » et citent la « correspondance tardive » de Debord (toute imbue d’autosatisfaction et de conneries idéologiques du genre « c’était mieux avant ») nous gratifient d’une critique d’Althusser au moins égale à celle que l’on trouve en annexe de TC 21. Je ne vais pas utiliser Engels parce qu’il buvait du Château Margot sur le dos de ses ouvriers et ouvrières, Marx parce qu’il survivait par les subsides du précédent, Lukacs parce qu’il était ministre d’un gouvernement bolchévique, Horkheimer et Adorno parce qu’ils ont travaillé pour les grandes firmes américaines, Hegel parce qu’il était un suppôt du roi de Prusse, Debord devenu « trésor national » de la BNF, etc. Et oui, c’est pas évident tout ça avec les intellos.

    One, two, three …ergo on « continuâte »
    * « Il suffit d’être antiraciste pour être révolutionnaire ».
    Je n’en suis pas à une bêtise près quand j’écris, mais celle-là, j’ai beau chercher dans mes notes, je ne la vois pas. Machin feint-il de souhaiter de lire ce que je n’ai pas écrivassais ?

    * « Révolution décoloniale » : le « beuglement » étant inclus dans le cours de la critique de mes notes, il est fortement suggéré, selon la pratique de l’amalgame, que je suis un adepte des « théories » décoloniales.
    Machin aurait pu au moins lire les notes qui suivent celles sur SM (mais les a-t-il lues ?) et qui portent sur le texte de Flora Grim et Alexandra Pinot-Noir :
    « Quand G/P (Grim et Pinot) disent que le racisme n’est pas « indispensable » au développement capitaliste, c’est parce qu’elles considèrent qu’il ne serait que « justification « ou « excuse ». Si le racisme est constamment lié au développement du MPC (sans en être l’origine comme dans l’idéalisme de l’idéologie décoloniale – souligné pour l’occasion), ce n’est pas parce qu’il « justifie » ou excuse » quoi que ce soit, mais parce qu’il est inhérent à l’universalité du capital et à l’historicisation hiérarchique des sociétés qui en découle, à la division du travail, à la valeur morale de la force de travail, à la citoyenneté de l’individu libre isolé et à la nation. »
    Et dans les notes sur Hajjat :
    « Malgré leurs critiques, les « Indigènes » ne peuvent abandonner « l’islamophobie » : c’est premièrement une notion actuellement efficace pour souder la « communauté » qu’il leur faut construire pour en être les représentants et, deuxièmement, les « Indigènes » appartiennent eux-mêmes à cette fraction de la population racialisée pour laquelle l’ascension sociale est légitime et les obstacles arbitraires (nous laissons ici de côté tout le fatras idéologico-historique issu des théories décoloniales – souligné pour l’occasion – comme le « déclin de l’identité européenne blanche », il ne s’agit pas d’un déclin mais d’une configuration de la mondialisation et de la « dénationalisation de l’Etat » qui affecte très différemment les individus selon leur position de classes et qui enveloppe les contradictions de classes d’un discours sur l’identité nationale. »
    Ya mieux comme « onction théorique ».

    * « Cinquante ans de marxologisme en quête de son sujet rédempteur »
    Je suis désolé d’avoir à reprendre un aussi long fragment de mes notes sur SM car sa longueur même jette un doute sur le sérieux de la lecture de Machin et sur la véritable cible de sa critique. J’ai la désagréable sensation de répondre à quelque chose qui ne m’est pas adressé ou pour laquelle je ne suis qu’un prétexte.
    J’écris dans les notes sur SM :
    « Toutes les contradictions et segmentations sont définitoires de la « position commune » des prolétaires dans le mode de production capitaliste, elles existent de façon interne à l’existence et à la pratique de la classe ; le prolétariat n’existe pas d’abord tel qu’en lui-même et est seulement ensuite traversé par ces segmentations et contradictions. Comme si le prolétariat était (ce qui est toujours implicitement présupposé) blanc et masculin (parce que si les femmes se disent « camarades mais femmes » c’est aussi une entorse malveillante à l’unité de la classe). Etre une classe n’existe plus que comme un rapport au capital, c’est alors avoir de façon intérieure toutes les segmentations et contradictions produites par les catégories du mode de production et leur reproduction. La segmentation et la position commune, race et classe, ne sont pas des contraires exclusifs et seulement substituables.
    « On peut clamer qu’il faut l’unité de la classe, le « grand tous ensemble » et que les divisions ne sont que le fait de « malveillants entrepreneurs », mais voilà cette « unité » ce n’est jamais ce qu’il se passe et il faudrait comprendre pourquoi : dans la situation commune des prolétaires qui est leur rapport au capital il n’y a que leurs divisions, c’est pourquoi la révolution est l’abolition par les prolétaires de leur propre condition, vouloir la révolution comme abolition de toutes les classes et promouvoir l’unité préalable de la classe est un non-sens auquel la légende du mouvement ouvrier donne des allures de tradition respectable. Ce n’est, à l’intérieur de la lutte en tant que classe, que par des pratiques d’attaques par les prolétaires de ce qui les définit dans leur situation de prolétaires y compris toutes les formes de représentations, que la segmentation est posée comme problème, c’est-à-dire quand elle se confond avec l’appartenance de classe elle-même et non quand c’est cette appartenance de classe qui est supposée contenir l’unité et résoudre la question des divisions. C’est un point théorique et pratique essentiel qui distingue les théories de la communisation d’un bricolage programmatique new look faisant de la communisation un nouveau programme sans que celui-ci soit relié aux transformations de la contradiction entre prolétariat et capital et aux formes de valorisation du capital. ».

    * La « convergence des luttes ».
    J’aimerai bien, mais je pense, comme je l’écris dans les notes que :
    « L’abolition du capital, de l’Etat, etc., ce sera un nœud de contradictions entre les prolétaires et la classe dominante à toute sorte de niveau et d’instances et entre les prolétaires eux-mêmes, dans lesquelles se liquideront ou non les identités construites inhérentes à leur existence de prolétaires, entre les hommes et les femmes dans l’abolition de la propriété, de la division du travail et du travail. » (voir aussi citation précédente). 

    * Et la question de l’intersectionnalité.
    « Crier « La classe ! La classe ! » en sautant sur sa chaise comme un cabri n’est pas plus efficace dans une « perspective révolutionnaire » que de crier « La race ! La race ! ». Il ne s’agit pas de combiner les deux, comme dans une mauvaise compréhension de « l’intersectionnalité », les choses sont en fait assez simples : le prolétariat n’existe pas préalablement dans une sorte de pureté théorique avant de compter en son sein des Arabes, des Noirs, etc. Tout est donné simultanément mais conceptuellement tout n’est pas au même niveau. C’est à partir du mode de production capitaliste, de l’exploitation, des classes que nous déduisons les constructions raciales comme nécessaires et le cours des luttes de classe comme intégrant cette nécessité. La lutte des classes est bien le « moteur de l’Histoire » pour parler comme SM, mais la question raciale n’est pas « subordonnée à la lutte de classe » comme le dit SM à la suite de C.L.R.James, elle lui est interne.
    « Même si « le slogan “Noirs et Blancs unissez-vous et luttez” est inattaquable en principe, mais souvent trompeur et parfois même dangereux au regard de la réalité » (CLR James), en revanche le déni fut toujours nécessaire et vital pour le mouvement ouvrier et il l’a toujours pratiqué. »
    (Je conviens que la dernière phrase « toujours pratiqué » serait à nuancer ; mieux vaudrait dire « toujours très très problématique »).

    A lire la conclusion de Machin, on comprend qu’il eût à défenderace SM bec et ongles : touche pas à mon beau prolo à casquette (« pas l’historiciser », « pas l’ethnologiser », « pas le dégenrer », etc. « pas touch »), le même que celui de Flora Grim et Alexandra Pinot-Noir, tout droit sorti d’un poème d’Aragon et du fronton du pavillon de l’URSS à l’expo universelle de 1937.

    En résumé, si l’on peut reprocher quelque chose à Debord, outre ses errances théoriques post 68, c’est bien d’avoir donné l’illusion à n’importe quel cuistre maniant l’imparfait du subjonctif d’avoir, de ce fait, quelque chose à dire.
    A cuistre, cuistre et demi. Quand nous entamâmes ce travail sur MPC / prolétariat / racialisation, etc. : « L’on nous recommanda à Dieu, parce qu’on ne doutait point que nous dussions courir grande fortune, lorsqu’on nous verrait prendre un parti de cette nature. » (Mémoires du cardinal de Retz, éd. Arléa, p.214).

    Amicalement, sans rancune, mais oubliâs moi.
    R.S

  8. Christian L
    08/02/2018 à 11:20 | #8

    Inside the “Muslim Factory”: NEDJIB SIDI MOUSSA with Felix Baum

    https://brooklynrail.org/2018/02/field-notes/Inside-the-Muslim-Factory-NEDJIB-SIDI-MOUSSA-with-Felix-Baum

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