“Gaza, la nausée”
Nous relayons ce commentaire publié par le site Lundimatin. C’est, pour le moment et malgrè quelques critiques secondaires à faire à ce texte, ce que nous avons lu de plus pertinent dans la crise énorme que vient d’ouvrir ce basculement dans la guerre entre le Hamas et l’Etat israélien et le déchainement des commentaires qui en découlent ici et là…..A suivre si vous avez mieux à nous proposer. dndf
Tout le monde a son mot à dire sur la guerre entre le Hamas et le gouvernement israélien. Dans ce texte que nous venons de recevoir, se dessine une position finement distanciée à la fois de la brutalité viriliste et du campisme parfois abstrait jusqu’au nihilisme . Une parole qui ne se prétend pas au dessus de la mêlée mais parle au contraire depuis la position viscérale et intime des corps sur lesquelles la guerre se déploie. Lundimatin
La nausée,
Le gouvernement israélien est une entité mortifère, une puissance coloniale et impérialiste sans vergogne qui commet au quotidien, et ce, depuis 75 ans des crimes de guerre atroces. Qui tue, humilie et emprisonne arbitrairement enfants et civils dont le seul crime est d’oser être Palestinien. La nausée à chaque exaction du gouvernement, de son armée et de ses fanatiques. La rage et le deuil à chaque mort palestinienne.
Le gouvernement israélien et le massacre qu’il perpétue depuis 1948 est bien l’ennemi réel, le criminel – c’est donc lui qu’il faut détruire. LE GOUVERNEMENT ISRAÉLIEN.
Maintenant, la nausée me prend à nouveau. L’assimilation d’une population entière, au sein de laquelle, lutte de classes, discriminations raciales, divergences politiques existent bel et bien comme dans chaque pays du monde, l’assimilation de cette population toute entière à son gouvernement, à son identité ethnique, est une pensée fasciste, délétère et meurtrière. C’est un discours d’extrême droite dégoulinant de haine et de bêtise.
Célébrer le meurtre et le viol de jeunes à peine pubères, les qualifier de colons, comme si ce statut justifiait toutes les horreurs et transformait leurs bourreaux en héros, est d’une violence inouïe. L’incohérence est absolue. Ne peut se prétendre de gauche celui qui essentialise, celui qui défend le meurtre de sang-froid. La déshumanisation d’une population au nom de sa nationalité ou de son ethnicité appartient à l’extrême droite.
La tactique du Hamas est incompréhensible, ils se savent démunis face à la puissance militaire de l’État hébreu. La seule interprétation plausible à ce jour est que, à la veille de la normalisation des relations entre Israël et l’Arabie-Saoudite, le Hamas, en désespoir de cause, lance une mission suicide, sachant pertinemment que la réponse sera d’une violence démesurée (le gouvernement actuel est le plus radical et violent que le pays ai connu depuis 30 ans, affichant de manière assumée une volonté de rayer la Palestine de la carte pour de bon.). C’est cette violence qui permettra au Hamas de regagner des soutiens au sein du monde arabe et pourrait empêcher les accords entre Israël et L’Arabie-Saoudite d’advenir. C’est donc une attaque suicide, mais dont les suicidés sont les civils Gazaouis. Gazaouis qui depuis 16 ans subissent un blocus invivable et dont la misère déjà incommensurable ne va qu’en s’élargissant (le désert ne peut plus croître ?). Le Hamas fait fi des vies en jeu, même de celle de son propre peuple.
La révolution ainsi que la libération palestinienne sont nécessaires, et non pas de manière abstraite. Oui, la guerre, c’est sale, oui il y a du sang, des injustices, des “dommages collatéraux” AKA la mort d’innocents.
Mais le Hamas joue mal. Il dessert la cause palestinienne, montrant un visage de terreur et de haine à la communauté internationale. Il désolidarise quand la solidarité envers le peuple palestinien est plus que jamais nécessaire. C’est l’enfer tout bonnement qui attend les Gazaouis cette semaine.
La lutte décoloniale est aussi une lutte médiatique. Les images que j’ai vues et qui désormais hantent ma mémoire comme un cauchemar ineffable sont injustifiables. Ni au nom de la libération palestinienne, ni au nom de la révolution, je ne peux adouber ce que j’ai vu et continuer à porter le nom d’Homme.
La vision de la barrière de sécurité passée au bulldozer est une réjouissance, une véritable évasion de prison. Les postes de police brûlés, les bases militaires saisies. Bien, il y a cohérence, les oppressés de toujours s’en prennent à l’oppresseur, ses institutions, son armée et sa police.
Le reste est insupportable, tout bonnement. Entrer dans les foyers, tirer à bout portant sur des familles entières, violer des femmes sur les cadavres de leurs amis pour ensuite les exécuter ou parader, le corps nu et humilié, comme un trophée de guerre tandis qu’une foule en délire crache dessus. J’ai envie de vomir. Voilà que les “freedom fighters” s’abaissent au niveau de l’oppresseur, et peut-être même, s’enfoncent dans des ténèbres plus épaisses encore.
Que ceux qui scandent que : ce sont de toute façon des colons, qu’ils n’avaient qu’à pas aller à une fête à la frontière de la prison à ciel ouvert qu’est Gaza se posent la question ; tous ceux qui vont se coucher dans leur lit le soir alors qu’il y a sans-abris et réfugiés qui dorment au pied de leurs immeubles, méritent-ils la mort ? Ceux qui passent en sifflant devant les murs de nos prisons, songeant à leur crush, méritent-ils la mort ? Où commence la culpabilité ? Et ne sommes-nous pas tous coupables ?
Il y a une vidéo que j’aurais aimé ne jamais voir et qui me hante. Je vous l’épargne, mais je vais la décrire, car elle soulève pour moi une réflexion au-delà des événements actuels.
Dans cette vidéo, prise par un Palestinien dans Gaza puis glorieusement diffusée sur les réseaux sociaux, il n’y a qu’un seul corps féminin au milieu d’une foule d’hommes debout. Ce corps-là n’a pas de visage, il est nu, humilié, face contre terre à l’arrière d’un camion en marche. Cinq hommes autour d’elle la retiennent par le pan de sa robe retroussée agitant leurs armes dans les airs et poussant des cris de joie. La foule en délire – uniquement des hommes – les suit en courant, euphorique. Certains s’accrochent au bord du camion et crachent sur le corps inanimé.
Le corps de cette femme est un trophée. C’est une prise de guerre, un symbole de victoire. Il est nu et le visage au sol. Le corps des femmes est toujours une arme de guerre, un objet qu’on parade. Des mythes antiques à nos jours, les femmes sont des tributs. Je ne peux croire qu’une seule femme au monde devant cette scène, puisse se réjouir. Je ne peux croire que les femmes de Gaza ne ressentent pas leur chair de femme se déchirer devant ce supplice. C’est sans doute pour cela qu’elles sont totalement absentes de la scène. La Femme n’a pas de visage, la Femme n’est pas un Homme.
La source de toute cette violence est le gouvernement israélien, n’oublions pas que le Hamas en est l’enfant monstrueux, leurs existences sont liées par le sang – et la destruction du père mettrait fin à l’existence du fils. Ces deux entités sont les ennemies du peuple palestiniens et de tous ceux qui souhaitent vivre.
Mais j’en viens à penser que, peut-être, la racine du problème, et de toutes les violences qui ébranlent le monde, c’est la masculinité.
Quand je pense qu’il y a quelques jours à peine des centaines de femmes Palestiniennes et Israéliennes ont participé à la marche de “women wage for peace” à Jérusalem, je frémis de l’horreur qui suivit. Je frémis de ces hommes brandissant leurs armes dans les airs comme un sexe dressé. Je frémis des chefs d’Etat, humiliés, heurtés dans leur masculinité, qui prendront leurs décisions avec qu’une seule pensée en tête : prouver qui a la plus grosse.
Je sais que je vais me faire défoncer de tous bords. Par les pro-Palestine, par les pro-Israël, par les anti-féministes, par les hommes fragiles, par les femmes alliées. Et pour la première fois de ma vie, je m’en contrefous.
Noor Or
On peut aussi rappeler, d’ores et déjà, que, contrairement à ce qui s’est écrit ici et là (par le NPA entre autre), le Hamas n’est pas “l’organisation résistante que s’est choisie le peuple palestinien”, pas plus que le FLN n’avait été choisi par le prolétariat algérien dominé ensuite par cette bourgeoisie nationale : le Hamas, c’est l’Etat dictatorial qui domine les palestiniens, pris au piège du ghetto de Gaza.
On est pas obligé de choisir entre le judéo-fascisme de l’Etat actuel en Israël et l’islamo-fascisme du Hamas.
Pour mémoire : Gaza |30 juil. 2023
https://twitter.com/ytirawi
« Affrontements entre des jeunes palestiniens et les forces de sécurité du Hamas après l’arrestation de plusieurs jeunes de la région de Barbakh.
Cela fait suite aux appels à descendre dans la rue et à protester contre la situation difficile à Gaza, exigeant de la part des autorités de meilleures conditions de vie. »
https://twitter.com/i/status/1685690309580115968
Je suis très étonné du partage de ce texte par votre site
Les guerres qui opposent différents bourgeoisies, mouvements au pouvoir vont devenir un sujet central dans la séquence à venir
Il me paraît capital de tenir un discours de classe antimilitariste, visibiliser les actions du prolétariat qui vont dans ce sens, intervenir contre la guerre chez nous.
Voilà 3 textes pas bien compliqué à trouver que vous avez sûrement déjà lus…
http://cnt-ait.info/2023/10/09/halte-a-la-barbarie/
https://www.autistici.org/tridnivalka/de-gaza-a-tel-aviv-et-au-monde-entier-non-a-la-guerre-sauf-la-guerre-de-classe
https://barbaria.net/2023/10/09/contra-el-nacionalismo-palestino-e-israeli
Préface à la « lettre sur l’antisionisme » de Il Lato Cattivo
Extraits en traduction DeepL
« Revenons maintenant à la Palestine. Les prolétaires palestiniens sont frappés de deux côtés : à la fois par leur propre classe dirigeante et par celle d’Israël. En fait, il existe actuellement deux factions de la classe dirigeante palestinienne, qui sont en conflit l’une avec l’autre. L’une est l’Autorité palestinienne officielle en Cisjordanie, dirigée par le Fatah, et l’autre est le gouvernement de la bande de Gaza, dirigé par le Hamas. Le Hamas s’est retrouvé à la tête de la bande de Gaza à la suite d’affrontements armés avec le Fatah en juin 2007. Après plusieurs tentatives infructueuses de réconciliation des deux gouvernements, un accord a été signé l’année dernière, en 2017, selon lequel le Hamas a cédé le contrôle des services publics de Gaza à l’Autorité palestinienne (c’est-à-dire au Fatah) en échange de l’assouplissement de l’embargo économique sur Gaza. Le Fatah semble faire lentement son retour à Gaza, mais ce retour n’a pas été moins violent que la prise de pouvoir du Hamas. Quelques mois avant la conclusion de l’accord, l’Autorité palestinienne elle-même a fait pression sur le Hamas en ne payant pas l’électricité qu’Israël fournit à Gaza, si bien que Gaza n’a de l’électricité que quatre heures par jour. Selon Mkhaimar Abusada, politologue à l’université Al-Zahar de Gaza, l’Autorité palestinienne, au lieu de réduire ses subventions directes à Gaza, a décidé d’attaquer indirectement le Hamas en ne payant pas à Israël l’électricité qu’il fournit à Gaza. Pour Abusada, l’Autorité palestinienne tente de rejeter la faute sur Israël, car si Israël coupe l’approvisionnement en électricité parce que l’Autorité palestinienne ne la paie pas, les Gazaouis rejetteront la faute sur Israël et non sur le Fatah (voir l’article du New York Times à ce sujet). Et nous ajoutons : ainsi, si un accord est finalement conclu, le Fatah pourrait se présenter aux habitants de Gaza comme un sauveur. Par ailleurs, le Qatar, mécène du Hamas, fait l’objet d’un embargo de la part de l’Égypte et d’autres pays. Le Qatar continue de soutenir le Hamas, mais il subit des pressions pour se réconcilier avec le Fatah. Les Émirats arabes unis ont manifesté leur intérêt pour investir dans la bande de Gaza si elle n’est plus sous le contrôle du Hamas (voir un article de l’Economist).
Une autre mesure de pression a été la réduction drastique des salaires des employés de l’Autorité palestinienne à Gaza en 2017, avec des réductions allant de 30 % à 70 % (voir les articles d’Electronic Intifada et de Ma’an News Agency). L’Autorité palestinienne, formée en 1994 à la suite des accords d’Oslo de 1993, n’a établi un salaire minimum palestinien qu’après 18 ans, en 2012, à 1450 shekels (375 $ à l’époque) et seulement sous la pression des protestations des syndicats palestiniens et des protestations générales contre les augmentations des prix des produits de base. Shaher Sa’id, alors secrétaire général de la Confédération générale palestinienne des syndicats, a déclaré au journal palestinien Al-Quds que le salaire minimum devrait être lié au seuil de pauvreté, qui est de 2 300 shekels, et que le salaire minimum actuel condamnait les travailleurs à la misère et à la mort (voir les articles du Times of Israel et de l’agence de presse Ma’an). Au début de ce mois (mai 2018), l’Autorité palestinienne a procédé à de nouvelles réductions de salaire de 20 % pour ses employés à Gaza, alors qu’elle n’a pas encore payé les salaires d’avril et a entre-temps forcé 1/3 de ses employés à Gaza à prendre une retraite anticipée (q.v. article de Reuters).
Selon le Bureau central palestinien des statistiques (PCBS), l’institut statistique officiel de l’Autorité palestinienne, en 2017, le taux de chômage dans la bande de Gaza était de 43,6 %, tandis qu’en Cisjordanie, il était de 18,1 % (notez que par souci de concision, à l’avenir, chaque fois que nous faisons référence à Gaza, nous parlons de la bande de Gaza et non de la ville de Gaza, chaque fois que nous faisons référence à la Cisjordanie, nous parlons des zones A et B de la Cisjordanie, et chaque fois que nous faisons référence à Israël, nous incluons les colonies de peuplement israéliennes). Dans l’ensemble, le taux de chômage était de 22,3 % chez les hommes et de 47,4 % chez les femmes. Parmi les personnes travaillant en Palestine et non en Israël, le secteur des services employait 32,7 % des travailleurs de Gaza et 53,3 % des travailleurs de Cisjordanie. Dans le secteur public (Autorité palestinienne), 36,5 % travaillent à Gaza et 15,2 % en Cisjordanie. Le salaire journalier moyen en Cisjordanie est de 101,5 shekels (environ 24 euros), tandis qu’à Gaza, il est de 59,4 shekels (environ 14 euros). La semaine de travail moyenne des salariés en Cisjordanie est de 44,2 heures, alors qu’elle est de 37,6 heures à Gaza. Sur l’ensemble des salariés en Palestine, 25,3 % ont un contrat de travail, 51,2 % n’ont pas de contrat et 23,5 % ont un contrat oral ( !). En Cisjordanie, 17,9 % des employés reçoivent moins que le salaire minimum, tandis qu’à Gaza, ce chiffre est de 80,6 %. Le nombre de Palestiniens travaillant en Israël est de 130 700. Parmi eux, 67 900 ont un permis, 43 400 n’ont pas de permis (donc travail non déclaré) et 19 400 ont une carte d’identité israélienne ou un passeport étranger. Le salaire journalier moyen des Palestiniens travaillant en Israël est de 226,7 shekels (environ 54 euros), pour une semaine de travail moyenne de 41,6 heures. 61,6 % des Palestiniens travaillant en Israël sont employés dans le secteur de la construction. (Pour tous les chiffres ci-dessus, voir ici). Le salaire journalier moyen des Palestiniens travaillant en Israël semble être légèrement inférieur au salaire minimum israélien, car selon les données de Bituah Leumi (Institut national d’assurance d’Israël, l’agence de sécurité sociale de l’État israélien), en 2017, le salaire journalier minimum pour un emploi de 5 jours était de 230,77-244,62 shekels (environ 55-58€…).
Il y a 504 600 travailleurs à Gaza et 870 000 en Cisjordanie. Le taux de chômage à Gaza est de 43,6 % et de 18,1 % en Cisjordanie. Par conséquent, la population active totale dans la bande de Gaza est de 894 680 personnes et en Cisjordanie de 1 062 271 personnes. Au total, 1 956 951 personnes. Et comme nous l’avons dit, seuls 130 700 Palestiniens travaillent en Israël. Autrement dit, sur l’ensemble de la main-d’œuvre palestinienne, seuls 6,7 % travaillent en Israël. Les autres travaillent en Palestine ou sont au chômage. Par conséquent, où est l'”apartheid israélien” dont parlent les “amis” des Palestiniens ? L’apartheid en Afrique du Sud avait un objectif spécifique : l’exploitation du travail des Noirs, des Asiatiques et d’autres minorités. Dans le cas de la Palestine, la majorité des prolétaires palestiniens subissent l’exploitation du travail par les Palestiniens, et non par les Israéliens. Et ces chômeurs constituent une population excédentaire pour le capital israélien et palestinien. Le capital israélien ne veut pas exploiter les travailleurs palestiniens, la majorité d’entre eux sont inutiles pour lui et il essaie de les maintenir hors de son territoire. Aucun État-providence ne soutient la population excédentaire palestinienne, ni les autorités israéliennes ni les autorités palestiniennes, et on sait qu’elle ne survit que grâce à l’aide humanitaire internationale. »
https://alertacomunista.wordpress.com/
On peut comprendre l’étonnement mais il y a des moments ou la toxicité du débat public et le campisme nous amènent à taper plus largement pour prendre position vite et fort. En plus, il n’y a pas grand chose de vraiment rédhibitoire dans ce texte très fort et clair… Mon commentaire précédent avait pour ambition de compléter le fond du texte….
D’autre part, sur dndf, on trouve peu d’articles de rhétorique révolutionnaire péremptoires et définitifs du genre “les prolétaires n’ont pas de patrie”, “à bas la guerre” ou le 4987ème appel à l’insurrection….dsl
@jaune
je ne suis pas sûr de voir où le texte relayé ici entre en contradiction avec ceux que tu donnes en exemple.
Magnifique analyse : pourquoi s’emmerder , tout ces massacres ne serait dûs qu’à la masculinité toxique. Il fallait y penser.
Bientôt sur DNDF la réforme des retraites expliquée par le validisme systémique.
Quand on ne veut rien comprendre à un texte……