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“Bordiguistes contre la communisation”

La question de relayer ici cette production du site “opposition communiste” se pose évidemment, vu la charge héroïque menée tambour battant contre les productions du milieu de la communisation dans son ensemble. Mais devant la somme de travail investi dans la compilation et la  lecture de presque tout ce qui s’est produit ces dernières décennies, le travail pour faire rentrer l’analyse de tout cela à coup de bottes dans le carcan de l’analyse d’un  marxisme “originel”, “invariant”, anti moderne, on ne peut que s’incliner…. dndf

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  1. Un passant variable
    21/10/2024 à 19:48 | #1

    L’invariance, avec le temps, ça nous rajeunit pas. C’est un peu une contradiction dans les termes, pour un “marxiste” en particulier, pour l’histoire en général.

    L’invariance, avariée chez le bordiguiste, a varié chez le camateux : l’invariance fut variable, avarie, avatar, invalide.

    Et dire, en passant, qu’on n’a même pas les adversaires qu’on mérite, c’est bien le plus triste avec cette publication.

  2. schizosophie
    21/10/2024 à 20:38 | #2

    Toute bordiguiste – c’est-à-dire lénino-stalinienne, anti-individualiste massificatrice et donc partidaire et autoritaire – qu’elle soit, cette critique est lucide quant à l’usage de la notion de valeur chez Marx.

    La valeur est incommensurable et pourtant mesurée, c’est la contradiction fondamentale qui rend indémêlable l’exploitation et l’aliénation du producteur, la condition sociale de l’immense majorité qu’il s’agit d’abolir historiquement. Cette contradiction est ce qui explique l’abstraction du travail, autrement dit la quantification rétroactive de pratiques qualitatives. Le recours à l’argent, au temps ou aux bons (ce dernier réfuté contre le lalassalisme de ses amis eisenachiens dans la Critique du Programme de Gotha) quantifie l’inquantifiable.

    Tous ces recours forment le support de la valeur, devenue d’échange et oublieuse de l’usage par cette métamorphose des qualités en quantités. Que ces qualités déqualifient les usages potentiels du corps et des aptitudes du producteur n’en font pas moins des qualités, elles les spécialisent. Qu’elles se réalisent en prix, et d’autant plus concurrentiel qu’elles sont spécialisées et automatisées, cela mesure le degré de dépendance sociale de chaque individu envers la société, sa dette. Exploitation et aliénation donc, vieux et jeune Marx d’un seul tenant dialectique pour ne le désigner que d’après ses qualités.

    Ce qui est drôle, dans leur prose, au-delà de l’effet comique consistant à faire passer les communisateurs pour des anarchistes (ce qui fait probablement bicher les concernés), c’est qu’eux-mêmes ne tirent pas les conséquences politiques de leur juste perception de l’incommensurabilité de la valeur. Puisqu’on peut lire en note une sacralisation du Dieu Mathématiques en léchage de l’apôtre Bordiga en pied de page.

    Pour ce qui est de la figure du sujet prolétarien révolutionnaire disparu, fantomatique ou évanescent qui est sous-jacent à cette discussion communiste. Je m’étonne encore que des lecteurs si assidus de Marx aient si peu de considération des qualités humaines pour ne pas comprendre spontanément que leur destin dépend de leurs facultés de rencontre plutôt que de leurs médiations économiques sous quelques formes que ce soient. L’argent avait été aboli au Cambodge démocratique par les Khmers rouges et la constitution soviétique en programmait l’abolition jusqu’en 1925. On sait que la terreur partido-étatique s’y substitua dans les deux cas. Il faudrait donc se demander « Travailler, pour quoi faire ? » avant de se demander «… pour qui et pour combien ». Le qualitatif en un mot.

  3. cesu songxi
    22/10/2024 à 13:51 | #3

    @schizosophie
    Tout a fait d’accord sur la théorie de la valeur de Marx, selon moi bien restituée par OC. Mais quelle malhonnêteté de faire dériver tous les concepts de la communisation de la théorie de la valeur d’Astarian ou de Dauvé. Il y a pourtant eu des débats assez bruyants sur le sujet récemment sur cette théorie, entre Astarian, Temps Libre et TC… Tout ça est passé à la trappe et OC s’en est pris à la théorie d’Astarian, il faut dire facilement attaquable. Trop facile. C’est oublier un peu vite que bien des communisateurs ont lu Heinrich, ou Suzanne de Brunhoff et n’ont aucun problème avec la théorie monétaire de la valeur.
    Quant à leur idée que les bons de travail ne seraient pas un support de valeur, et donc marquées du sceau de l’exploitation, cela reste à démontrer et ce ne sont pas les exemples marxiens de l’économie antique qui prouveront cela (pas d’appropriation du travail d’autrui à Athènes ? Allons donc).
    Le reste n’est que convulsions d’animal mort, à aucun moment nos bordiguistes se posent la question de savoir pourquoi des organisations comme la leur étaient ralliées en masse par le mouvement ouvrier hier, et plus aujourd’hui malgré leur invariant programme “scientifique”. Leur interprétation de la dichotomie réel/apparences chez Marx est à pleurer de simplisme. Et l’argumentaire est construit autour de l’invocation des figures d’autorités (Marx, Bordiga, Lénine), ne s’interroge jamais sur le contexte et la pertinence réelle des propos choisis. Seul le nom suffit et justifie les plus ridicules pirouettes en défense de l’orthodoxie. Le dogmatisme ? Je leur laisse volontiers.

  4. R.S.
    22/10/2024 à 14:03 | #4

    J’ai toujours eu énormément de mal à comprendre l’aura dont jouit Bordiga dans « notre milieu », si cela ne concernait que quelques épaves échouées sur des récifs de l’histoire et de la lutte des classes, on n’incriminerait que l’inertie de l’histoire, mais le phénomène est large et récurrent .
    Il est tout de même « surprenant » que Bordiga ait écrit, à la suite de Turati (polémique avec Labriola, avant que Turati retourne sa veste), des dizaines de textes et d’articles pour dire que la « théorie » ne nécessitait ni compléments ni additions, que tout avait été dit. Il est amusant aujourd’hui de voir quelques « théoriciens de la communisation » se référer à Bordiga comme figure tutélaire après les tonnes de conneries qu’il a pu écrire sur le Parti, « l’essence du prolétariat », la nation comme « devenir social des liens du sang » (il faut l’écrire…), les luttes de libération nationale, l’URSS dont il fut un des derniers à reconnaître que c’était tout de même un Etat capitaliste (le pouvoir communiste sur des rapports de production capitalistes, ça c’est de « l’innovation », il fallait le trouver), ses justifications (un peu gênées vis-à-vis du maître) sur le texte de Lénine « La Maladie infantile du communisme » (du genre Lénine a raison, mais « regardez ! ce n’est pas de moi dont il parle et je suis d’accord avec lui »). Il est vrai, oh ! merveille, qu’il a toujours soutenu, au nom de l’Etat planificateur, que le communisme était la disparition de l’échange et de la marchandise (mais pas tout de suite, comme la nation) et à condition que le Parti se tienne à l’écart de l’Etat, Tsoin, Tsoin !).
    Allons aux vrais raisons de cet aura. Comme en témoignent toutes les citations que l’on trouve pieusement en exergue, la figure tutélaire de Bordiga, c’est la figure du théoricien qui s’est planté sur tout mais qui, conservant la suffisance sentencieuse et la hauteur distante qui lui sied si bien, se retire sur son Aventin d’où il regarde, supérieur, attristé et condescendant, mais compatissant, le vulgum s’agiter inutilement au regard des grands desseins de l’histoire irrémédiablement fixés dans la succession des modes de production, les destinées de l’espèce et la profondeur de la croute terrestre. Figure tutélaire et figure consolatrice du théoricien actuel. Quand l’horizon s’obscurcit ou se bouche, les rats quittent le navire. Se plaçant sous l’égide de Bordiga, les théoriciens se font une vertu, si ce n’est une gloire reflétant leur perspicacité, de savoir alors, comme leur maître, « battre en retraite ». La lutte des classes se poursuit pourtant, mais si le « communisme » disparait de l’horizon, cela ne les concerne, ni ne les intéresse. Les coquetteries et les minauderies bordiguistes deviennent alors le nec plus ultra de la radicalité auto-proclamée.
    R.S

  5. Luca
    22/10/2024 à 18:32 | #5

    Comme quoi RS, quand il décide d’être aussi concis que clair, peut être bigrement saignant, dévastateur et efficace….

  6. Un passant comblé
    22/10/2024 à 19:17 | #6

    Vous pouvez, chers amis de dndf, relever, que dis-je, contempler, combien ma concise critique (“L’invariance fut variable, avarie, avatar, invalide”) revêt, à la lumière des commentaires véritablement théoriques, et non moins (sic) pertinents, qui ont déferlé depuis, un caractère scientifique avéré par l’histoire et confirmé par les experts en communisation.

    Cela posé, je dois avouer que j’avais shunté le passage sur la valeur, réservé pour le comprendre, qui sait, un jour où l’horizon voudrait bien s’éclaircir sans reculer quand on avance.

    Mon grave défaut, qui m’interdit à jamais l’accès à la prétention théoricienne, est de faire dans mes lectures empressées l’impasse sur ce que je ne comprends pas, où se situe souvent le problème.

    Voilà, c’est comme ça, je suis un penseur pifométrique, mais néanmoins nez en plus.

  7. R.F.
    27/10/2024 à 10:24 | #7

    @R.S.

    « Bernard de Chartres disait que nous sommes comme des nains assis sur des épaules de géants. Si nous voyons plus de choses et plus lointaines qu’eux, ce n’est pas à cause de la perspicacité de notre vue, ni de notre grandeur, c’est parce que nous sommes élevés par eux. » (Jean de Salisbury)

    Amadeo Bordiga (1889-1970): suffisamment coriace pour que RS se préoccupe, en 2024, de relever ses “conneries”.
    Y aura-t-il quelqu’un pour accorder de l’importance aux conneries de RS? “Sancte Pater, sic transit gloria mundi”.

  8. pepe
    27/10/2024 à 12:02 | #8

    Dont acte. Et sur le fond de ce que dit RS??

  9. Stive
    27/10/2024 à 13:33 | #9

    Il est des géants que le temps et l’histoire ont fortement défraîchi la statue. Bon vent à ces ravaleurs de facades que sont les néobordiguistes.

  10. T.G.
    28/10/2024 à 20:17 | #10

    J’ajoute que ce genre d’argument à la notoriété fonctionne assez mal pour Bordiga : RS s’en préoccupe (manifestement assez peu) mais il fait partie d’un groupe de plus en plus réduit à le faire. Comme le dit @pepe, mieux vaut se préoccuper du fond que de faire de la théorie des grands hommes…

  11. Un passant accablé
    29/10/2024 à 17:50 | #11

    Tous les adhérents, militants, adeptes, admirateurs et autres compagnons de (dé)route des théoriciens communistes historiques * devraient méditer cet avertissement de Marx dans sa préface de 1867 au Livre premier du Capital :

    “Je suppose naturellement des lecteurs qui veulent apprendre quelque chose de neuf et par conséquent aussi penser par eux-mêmes.”

    Je ne l’ai malheureusement pas toujours suivi, par empressement de lecture ai-je dit, et c’est un défaut majeur qui conduit au suivisme plus ou moins aveugle, et bien sûr au dogmatisme, sans parler du fameux “culte de la personnalité”.

    Je n’ai vu aucune tendance communiste ou anarchiste y échapper. Le poids intellectuel des penseurs, et donc malheureusement “maîtres à penser” est une chose, mais ils ne le sont que d’être suivis, qui à prendre des virages sans perdre la cohorte qui optempère sans sourciller.

    Inutile de préciser que ni l’absence d’un parti organisé ou d’un groupe constitué n’altère le phénomène, qui est à mon sens une des tares les plus graves pour des individus qui se réclament du communisme, donc de la libert… de s’en aller aussi si l’on n’est pas d’accord, disait Baudelaire.

    ” Bordiga en est un évidemment, et bien d’autres célèbres, mais on pourra vérifier que RS a maintenant écrit de la théorie communiste sur une période aussi étendue de plus d’un demi-siècle.

  12. Andreas
    30/10/2024 à 00:19 | #12

    Je n’ai pas encore eu l’occasion de lire ce qu’écrit Opposition Communiste, mais je pense le faire dans un avenir proche. Je ne les connais pas personnellement, mais je suppose qu’ils auront de bonnes raisons de se lancer dans un tel ouvrage et de le publier à ce moment précis. Je voudrais croire que d’anciens camarades ne figurent pas parmi les auteurs ou coréalisateurs « informateurs » de cette brochure en signalant les points « faibles » ou les points de « friction » au sein du milieu de la communisation… Les désaccords au sein du milieu existent depuis longtemps, cependant, quel que soit l’angle sous lequel on l’envisage, ils ont permis à un dialogue productif de se poursuivre jusqu’à aujourd’hui et d’étendre son influence éventuelle même au-delà des frontières françaises. C’est ce que soulignent les auteurs de la brochure dès la première page de l’introduction. Les anti-impérialistes bordiguistes (c’est-à-dire les nationalistes de gauche) auraient-ils intérêt à démanteler ces espaces politiques et théoriques qui pourraient faire obstacle au choix du camp qu’ils préparent en vue de la guerre généralisée qui se profile à l’horizon ? Il ne me semble pas qu’il s’agisse là d’un scénario de science-fiction. Par analogie, quelque chose de similaire est déjà en cours dans le milieu anarchiste-anti-autoritaire à l’intérieur des frontières grecques. En même temps, on lit et on diffuse les « conneries » de la communisation et d’autres choses.

  13. Anonyme
    30/10/2024 à 14:31 | #13

    Tous ces commentaires me donnent à penser que nous n’avons pas trop de réflexion sur la fonction de la théorie communiste*

    * à commencer par cet attelage quasi paradoxal

    Sa supposée “solitude” (selon Bruno Astarian) est nécessaire au théoricien, dans l’échange muet tant avec ses amis qu’avec ses concurrents et ennemis (Cioran), gage de son indépendance de critique et de création ouverte au présent (rien de ça chez nos bordiguistes attardés).

    50 ans et plus d’absence de “situation révolutionnaire” ont renversé le débat théorique sur la tête : pour qui agissent ceux qui s’en mêlent, d’autres qu’eux-mêmes (cf Andreas ci- dessus) ? Non, les polémiques ne sont pas toujours indispensables ni fructueuses, et ne font souvent qu’alimenter l’autosatisfaction d’un milieu fier de sa radicalité radicale (en soi).

    Le mérite de RS – et dieu sait que je ne l’ai pas épargné -, est de tenir cet examen de conscience de façon libre, dans la limite évidemment de ses positions irréductibles (prolétarisme absolu, écologisme interdit, “la nature ne fait rien”), au point d’affirmer, quand le communisme comme après-capitalisme est hors d’horizon, que le “communisme on s’en fout” (interview Lola).

    Mais dieu soit loué, arrêter de se prendre pour le cœur de la problématique de dépassement du capital.

  14. R.S.
    04/11/2024 à 15:58 | #14

    Salut
    Tant qu’il ne s’agit que de se prendre pour “le coeur de la problématique”, si la chose arrivait, c’est pas bien grave, plus grave serait de se prendre pour le coeur de l’effectivité du dépassement.
    Quant à la “solitude de la théorie”, il va falloir y revenir. Comme si l’origine sociale des “théoriciens” n’avaient aucune incidence, aucun effet sur leur production et la nature même de la théorie. La théorie communiste aurait l’immense privilège d’échapper au “matérialisme historique” (qu’elle a elle-même découvert; les choses se mettant en boucle ça devient compliqué)
    En ce qui concerne le commentaire d’Andreas, il relève quelque chose d’important: avec la résurgence actuelle de la nation, il se pourrait qu’apparaisse des rencontres politiques inattendues.
    R.S.

  15. Anonyme
    06/11/2024 à 15:46 | #15

    Sur “la problématique du dépassement”, c’est en fait ce que je voulais dire…

    Sur l’individualité du théoricien, je pense qu’il y a des choses intéressantes à glaner chez Sève, autour de la notion de “biographie”, qu’il avait déjà abordées en 1967 dans Marxisme et théorie de la personnalité.

    Voir “Pour une science de la biographie”

    https://editionssociales.fr/catalogue/pour-une-science-de-la-biographie/

  16. Liste de lecture
    08/11/2024 à 07:22 | #16

    @cesu songxi
    Salut,

    J’ai un peu lâché certains débats sur la valeur. Faut lire quoi de Heinrich et Brunhoff ? J’ai vu beaucoup de néocommunisateurs mettre en avant Heinrich il y a quelques années, y a-t-il eu des critiques intéressantes également ?

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