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La multiplication des conflits sociaux menace la stabilité de la Chine

Le drame d’un patron tué par ses employés licenciés vendredi 24 juillet illustre la détermination des ouvriers chinois à ne plus se laisser faire face aux injustices

Chen Guojun était arrivé à l’usine dans sa berline noire, entouré de ses cadres. Il se croyait intouchable. Employé du groupe privé pékinois Jianlong Steel, il était pressenti pour prendre la direction de l’usine d’État Tonghua Iron And Steel, basée dans la ville de Tonghua, dans la province de Jilin (nord-est). Sa société, qui détenait jusqu’alors 49 % de l’usine depuis 2005, avait déjà opéré de nombreux licenciements mais n’avait jamais voulu devenir majoritaire en raison de la mauvaise santé financière de l’usine, préférant laisser l’État régler les dépenses courantes.[print_link]

Pour la première fois depuis des années, elle avait pourtant enregistré des bénéfices en juin, à hauteur de 42,7 millions de yuans (4,3 millions d’euros). « Les employés, dont nombre d’entre eux sont actionnaires, étaient sur le point d’empocher des gains financiers avec la hausse continue du prix de l’acier », a expliqué un policier dénommé Wang au très officiel quotidien chinois de langue anglaise China Daily .

Toute l’usine se mobilise
Retournement de situation le 22 juillet : les ouvriers apprennent que Jianlong Steel a signé le rachat des parts de leur usine et va bientôt en détenir 65 %. Ce mouvement les prive d’une partie de leurs revenus et les place face à une nouvelle direction. Une manifestation s’organise et toute l’usine, soit 30 000 ouvriers, y participe. Ils se plaignent également du salaire de leur futur patron, estimé à 3 millions de yuans (307 000 €) par an, alors que certains ouvriers ne touchent que 200 yuans (20,50 €) par mois.

La future direction accepte de rencontrer leurs représentants vendredi 24 juillet. « Chen a alors annoncé que la plupart d’entre eux seraient licenciés dans trois jours, poursuit le policier. La foule a explosé de colère lorsqu’il annonce que le nombre d’employés serait réduit de 30 000 à 5 000 », leur demandant de reprendre le travail immédiatement… Battu à mort, Chen Guojun mourra le soir même. Trois jours après, le groupe Jianlong Steel annonce l’annulation définitive du rachat de l’usine.

Ce type de violence extrême reste très rare en Chine. Des patrons sont parfois séquestrés en cas de salaires impayés ou lors d’annonce de licenciements massifs, mais pas frappés à mort. Les événements du Jilin illustrent cependant un changement profond de l’attitude des ouvriers vis-à-vis de leurs patrons, les relations n’ayant cessé de se dégrader depuis la fin des années 1990.

30 millions d’ouvriers licenciés par l’Etat
Face aux restructurations de l’intégralité de ses entreprises afin de les rentabiliser, l’État chinois a licencié près de 30 millions d’ouvriers. Les litiges liés au travail se multiplient. Selon l’ONG China Labour Bulletin, basée à Hong Kong, le comité d’arbitrage des contentieux professionnels a accepté 350 000 cas impliquant 650 000 travailleurs en 2007, 693 000 cas pour 1,2 million d’employés en 2008, après l’entrée en vigueur de la loi sur le contrat de travail le 1er août 2008. Les employés n’acceptent plus passivement les diktats de certains de leurs patrons.

Même si dans la majorité des cas, les autorités se rangent du côté des employeurs, les conflits sociaux évoluent et le dialogue change parfois de nature en faveur des ouvriers. Shenzhen, « l’usine du monde », près de Hong Kong, est ainsi devenu un lieu d’expérimentation sociale. « La municipalité cherche à atteindre une certaine harmonie dans la ville en négociant et se montre beaucoup plus tolérante qu’ailleurs en Chine, où les grèves sont souvent violemment réprimées », analyse Geoffrey Crothall, du China Labour Bulletin. En mai 2009, le ministère des ressources humaines et de la sécurité sociale a annoncé de son côté que ses antennes ont aidé 6,98 millions de travailleurs à récupérer 8,33 milliards de yuans (854 millions d’euros) d’arriérés de salaire. Il n’a en revanche pas précisé combien restent impayés.
Tristan DE BOURBON, à Pékin

29/07/2009 20:00Lacroix.com

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