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Indignations occidentales, révolutions arabes et mouvements des classes moyennes partout ailleurs…

trouvé sur le blog « Restructuration sans fin »

http://restrusansfin.canalblog.com/
BAST (Brésil, Afrique du Sud, Turquie) ?

Ces quelques notes comparatives ne prétendent certes pas à l’exhaustivité (nous avons par exemple laissé de côté la question religieuse), ni à l’exactitude scientifique mais cherchent à faire un ou deux rapprochements dans un cadre un tant soit peu précis, à rebours des raccourcis paresseux entre indignations occidentales, révolutions arabes et mouvements des classes moyennes partout ailleurs…

Modernité et autres archaïsmes

 Hybridation et intégration ségrégative

 Si on peut définir comme legs historique commun à ces trois pays, l’hybridation qui y caractérise encore largement le mode de production capitaliste, c’est à dire la coexistence de divers modes d’exploitation -des persistances esclavagistes (« 25 000 à 45 000 Brésiliens travaillent dans des conditions analogues à l’esclavage » selon un rapport de l’OIT), ultra-informelles ( les mineurs clandestins en Afrique du Sud) ou semi-féodales ( au Kurdistan Turque notamment) jusqu’au salariat classique- il serait hasardeux de penser qu’il n’y a là que des vieilleries absolues en voie de disparition dans un mouvement d’homogénéisation inévitable, qui pourtant se délite depuis ses bastions occidentaux. « L’accumulation du capital a pour condition vitale la dissolution progressive et continue des formations précapitalistes » (Rosa Luxembourg   L’accumulation du capital livre II), disait-on au début du siècle dernier, mais on sait que par la suite, c’est plutôt une coexistence sous l’égide de l’Etat qui a caractérisé les pays de l’hémisphère sud et même l’émergence la plus spectaculaire doit beaucoup à l’articulation entre secteurs modernes et arriérés.

La réduction massive de la pauvreté de cette dernière décennie n’a d’ailleurs pas consisté en un véritable saut qualitatif, c’est à dire le dépassement de cette dynamique d’interférence entre types d’extraction de plus-value qui semble, au contraire, s’incarner dans l’alliance hégémonique (PTistas et oligarchie, BEEple et bourgeoisie blanche) ou le conflit (bourgeoisies verte et kémaliste) entre classes dominantes nouvelles et anciennes, qu’elles qu’aient été par ailleurs les promesses de renouveau faites par les uns ou les autres.

On explique souvent cette constance de l’intrication entre modernité et archaïsmes divers chez les émergents par le colonialisme, la dépendance, bref le fait que le capitalisme y a été introduit de l’extérieur (tout comme l’Etat fut un « legs allogène » dans certains pays africains) et n’était donc pas le produit de contradictions internes et de l’essor d’une bourgeoisie autochtone. Or, cette analyse classique semble un peu lapidaire pour expliquer les trajectoires historiques originales des BAST.

Ainsi, dans la première phase developpementiste, si les similitudes entre le kémalisme et ce qu’on a appelé le « gétulisme », du nom de Gétulio Vargas qui dirigeait le Brésil dans les années 30, sont nombreuses ( Réformisme autoritaire, politique de substitution aux importations et nationalo-corporatisme), ces volontarismes dans le développement d’un capitalisme « endogène », voisins semi-fascisants des divers socialismes du tiers-monde, partagèrent aussi, dans une certaine mesure, avec l’apartheid, «l’allogénisation» et/ou le massacre des « indigènes » puis la marginalisation de large pans de population, comme modalité de « compromis social ». Ce que l’on a appelé la « soupape amazonienne » au Brésil, l’alliance entre bourgeoisie et classe ouvrière blanches en Afrique du sud ou l’appropriation de terres et de postes après le génocide des arméniens et l’expulsion des grecs en Turquie, furent trois moments fondateurs de ce qu’on peut nommer, faute de mieux, l’intégration ségrégative, autre versant de l’hybridation dont la postérité, relative et bien entendu très différente selon les pays, permet d’éclairer certains enjeux actuels.

L’ethnicisation

Il y a bien sûr continuité dans l’instrumentalisation politique des questions ethniques, que ce soit dans l’unanimisme qui masque mal le poids du racisme et l’ethnocide rampant au Brésil, la propagande anti-immigrés de l’ANC en Afrique du Sud et ses effets (les pogroms anti-zimbabwéens de 2008) ou le petit jeu, symbolique notamment, avec les questions Kurdes, Alevis, Arméniennes voire juives (Cf. les actuelles théories du complot) en Turquie. Il en va de même pour « l’enjeu mémoriel », qu’il s’agisse de déni (refus de reconnaître le génocide arménien), de sur-commémoration (l’ANC et la lutte anti-apartheid Cf. aussi les bisbilles actuelles autour de presque feu Mandela) ou de restructurations urbaines (le « nous refaisons l’histoire » d’Erdogan et sa « réinvention de la tradition » ottomane ou, dans un autre genre, la rénovation marketing des centres-villes brésiliens[1]).

Ce maintien de stratégies plus ou moins accentuées d’éthnicisation correspond bien sûr aussi à une bonne vieille nécessité économique[2], notamment comme instrument de segmentation (le maintien de la division tribale des tâches dans les mines sud-africaines)  ou au contraire d’unification de la force de travail (les lois de « protectionnisme de la main d’œuvre » dans celles du Brésil). Le caractère auto-entretenu des identités ethniques peut également participer d’une sorte de « cercle  vertueux » du maintien de l’ordre urbain. Ainsi dans le cas d’Istanbul : « Les exclus, les Alevis, les Kurdes, se trouvent dans l’obligation de forger des identités minoritaires exclusives et conflictuelles, de revendiquer et par là d’affirmer et d’affiner leurs particularismes (…) Ainsi si les affirmations identitaires exclusives et conflictuelles ne sont pas un prétexte, elles sont pour le moins une conséquence des conflits pour le partage des territoires périurbains. » (Stéphane Yerasimos Istanbul, approche géopolitique d’une mégapole) Or, ce sont ces minorités qui constituent l’écrasante majorité des effectifs des organisations marxistes-léninistes turques[3] (sans parler du PKK), combattantes ou non, dont la criminalisation s’est perpétuée sans discontinuer du CHP à l’AKP et s’accélère après l’expulsion de la place Taksim, et ce, sans provoquer le moindre haussement de sourcil citoyen.

La question de la séparation ethnique et du racisme, centrale historiquement l’est donc toujours autant socialement puisque chaque lutte contient son dépassement, comme scission entretenue d’en haut et modalité d’organisation par en bas, et chaque défaite sa perpétuation voire son aggravation.

Persistances et convergence

C’est notamment pour cela que parler d’émergence d’une société civile, au sens d’une instance de médiation et de neutralisation supposant une relative homogénéité sociale, sans prendre en compte cet usage de la question ethnique de même que la fonction klepto-clientéliste des formations politiques, syndicales ou du système médiatique, les formes « criminelles » et criminalisées de conflictualité sociale ( ce qu’on a appelé « la guerre civile non déclarée » au Brésil mais aussi en Afrique du Sud, « pays le plus violent au monde », l’assise populaire de l’extrême gauche Turque et la répression « anti-terroriste » extrêmement brutale qu’elle subie Cf. l’écrasement des grèves de la faim dans les prisons en 2001) et la sécession massive de la bourgeoisie et des classes moyennes qui en découle ( prolifération des « gated communities »), c’est prendre ses désirs citoyens pour la réalité. Par contre si on parle de société civile au sens classique[4], dans laquelle, au contraire, la cohésion des uns est encore largement corrélée à la marginalisation des autres, on est effectivement à un tournant alors qu’une série de modernisations périlleuses, restructuration à petit pas du vieux modèle, est engagée et que se profile une crise provoquée tout à la fois par le reflux de capitaux étrangers et les mouvements récents (voir plus loin).

L’interclassisme qui a caractérisé les mouvements à Istanbul comme à Rio, symbolisée par la participation massive des fascistes (« loups gris ») et des kémalistes purs et durs aux événements en Turquie comme celle d’une partie de la droite et de l’extrême droite au Brésil, de même que certains pillages opportunistes qui ont marqué le début des manifestations, indique à sa manière une certaine croisée des chemins. Les persistances dans l’émergence contiennent en effet à la fois le risque d’une renforcement des différents types « d’alliances excluantes » ( ce à quoi travaillent d’arrache-pied actuellement Zuma et Erdogan)  fondées sur des rétractions identitaires ( ethniques et religieuses) ou des communautés d’intérêt circonstancielles ( le compromis néo-libéral et ses suites) tout comme la possibilité d’une convergence d’un genre nouveau, telle qu’elle s’est esquissée en Afrique du sud, entre luttes des townships, grèves des mineurs puis des ouvriers agricoles, qui viendrait au contraire faire exploser l’équilibre fondé sur la production réciproque entre modernité et archaïsmes.

Modernisation et autres complications

 

Ouverture et continuité

 On peut ici encore faire quelques rapprochements récapitulatifs sur la voie qui a mené à l’essor économique tant vanté.Ainsi, après leur phase autarcique de la première moitié du Xxeme siècle, les trois pays ont connu des ouvertures progressives et surtout contrariées à de nouveaux investissements étrangers dans les années 60/70. Les « eldorados » brésiliens et sud-africains devinrent vite un piége pour l’industrie automobile internationale ( voir Forces of Labor de Beverly J. Silver partiellement traduit dans Echanges), alors qu’à la même période, la Turquie connaissait ses « années d’ingouvernabilité » (nombreuses grèves ouvrières mais aussi lutte armée de l’extrême gauche). En réaction, on assistaà un revival ( coup d’Etat en 80 en Turquie et au Brésil) puis un reflux prétorien ou ségrégationniste, face à une combativité soutenue ( retour à la démocratie en 84/85, abandon de l’apartheid en 89, avec comme seule et tardive exception le putsch de 97 en Turquie), qui a tout de même ouvert la voie à la libéralisation des années 90, menée, comme un peu partout ailleurs, sous le signe du « post » (-gétulisme /-apartheid/-kémalisme)  par des hommes et des organisations issus directement des luttes précédentes ( PT, ANC) ou ayant été longtemps réprimés (la branche Iskenderpasha de la confrérie Nakshibendi dont sont issus tous les dirigeants de l’AKP).

La conversion d’un Cardoso, ancien théoricien critique de la dépendance, aux privatisations et à la discipline financière, d’un Mandela à l’économie de marché ou de l’islamo-conservateur Erbakan, mentor d’Erdogan, à la priorité de l’adhésion à l’U.E., furent ainsi les incarnations parallèles de ce tournant économique et des forces politiques (et bientôt sociales) nouvelles qui le portèrent. Cette libéralisation fut pour ainsi dire couronné par sa crise, en 98 et en 2001, qui mena les trois pays à choisir, sur les conseils du FMI, le ciblage de l’inflation et tout ce qui va avec, comme axe de politique monétaire. Conséquence, si la désinflation a réussi, le Brésil et la Turquie n’en gardent pas moins encore aujourd’hui les taux d’intérêts les plus élevés au monde. Ce n’est pas un point de détail puisque cela correspond dans le même temps à l’importance de logiques rentières (obligataire –Brésil-, foncière -ibid. et Turquie-) modernisées, dont on trouve aussi une illustration dans la hausse constante des inégalités qui a accompagné le développement plus ou moins ambitieux de politiques redistributives (comme on dit au Brésil : « moins de pauvres mais plus de milliardaires »). Et on a bien sûr là un des facteurs principaux de mécontentement de classes moyennes, sur qui, du fait des mécanismes d’échappement garantis aux riches et de l’importance du secteur informel, repose une grande partie de la pression fiscale, sans qu’elles perçoivent en retour d’amélioration des services publics, d’où la dénonciation des pharaonismes footballistiques ou néo-ottomans.

Si, contrairement à d’autres pays en développement, la rente ne s’est pas subordonnée toute activité économique, la continuité oligarchique contribue effectivement au fourvoiement dans la financiarisation, le gigantisme des projets d’infrastructures (stades, ponts, barrages hydro-électriques, etc.) ou la « reprimarisation » (surimportance des secteurs agricoles et miniers) d’une « émergence » à mi-chemin[5]. Et c’est le premier effet des luttes récentes que d’en intensifier la crise larvée.

Crise et restructuration  

Ainsi, le chahut provoqué par les vagues intentions de la Réserve Fédérale américaine de réduire ses apports massifs de liquidité l’année prochaine et les conséquences immédiates que cela a eu sur les monnaies ( 19 des 24 monnaies émergentes ont immédiatement baissées par rapport au dollar et les baisses les plus spectaculaires ont concerné le Rand sud-africain, la lire Turque et le Real Brésilien), et les taux d’intérêts des dettes des pays dit du « sud », si il n’est sûrement pas une redite des crises de la dette précédente ( la « dollarisation » a largement reculé) indique toutefois que la dépendance aux capitaux étrangers n’est pas non plus qu’un vieux souvenir, même pour de supposés « miracles ». Or la remontée, due au renchérissement des importations, d’une inflation jusqu’ici jugulée ne fait et fera que souligner les faiblesses de l’essor précèdent (chômage en hausse – qui atteint, selon certaines estimations jusqu’à 37% en Afrique du Sud-, endettement des nouvelles classes moyennes, etc.…) et compliquer les modernisations engagées dont on peut dire, pour faire très bref, qu’elles visent à reconfigurer l’opposition ville/campagne (« Le fondement de toute division du travail évoluée, médiatisée par l’échange de marchandises, est la séparation de la ville et de la campagne. On peut dire que toute l’histoire économique de la société se résume dans cette opposition (…). » Marx Le Capital).

On peut en distinguer trois qui s’interpénètrent et concernent au même titre les trois pays : la métropolisation/gentrification des villes, avec une mise au pas des zones d’habitats informels (Favelas, Townships, Gecekondus) déjà plus ou moins entamée ( la « réussite » des Unités Policières de Pacification au Brésil, la branchouillisation progressive du centre-ville de Johannesburg[6] ou la destruction du quartier de Sulukule et la vente des biens fonciers de l’Etat à Istanbul) auquel correspond en écho la lancinante question d’une réforme agraire jamais réalisée ( L’ANC avait par exemple prévue de transférer 30% des terres agricoles à des Noirs pour 2014, pour l’instant seul 7% ont changé de mains, idem au Brésil où les indiens attendent toujours les 10% de terre qui leurs avaient été promis) et pourtant inévitable après 50 ans d’un exode rural massif et du fait aussi de la nécessaire restructuration du secteur agricole exportiste issu des « révolutions vertes » menées dans les années 70 ( en Turquie notamment avec le déclin de certains vieux secteurs et leur conséquence : « Le surplus de main d’œuvre dégagé par la mutation agraire et agricole ne sera le bienvenu ni en Turquie, ni en Europe »[7], Cf. aussi la menace de délocalisation des fermes après les grèves en Afrique du Sud), à cela s’ajoute dans le même mouvement les velléités de réduction d’un secteur informel qui emploie environ 30% de la main d’œuvre et qui supposera des réformes en profondeur du marché du travail et l’attaque de certains secteurs protégés (les tentatives de réforme de la CLT -Consolidação das Leis Trabalhistas – ou de « l’impôt syndical », héritages du corporatisme « gétuliste » au Brésil, Cf. aussi le rapport de l’OCDE sur la Turquie cité dans D’arbres et de Raki ou les problèmes posés actuellement par la surenchère dans la recomposition syndicale en Afrique du Sud).

Ainsi le bon vieux tryptique crise, luttes et restructuration n’est d’ores et déjà plus dans la période actuelle, une exclusivité occidentale et là encore, c’est la question des convergences nord-sud qui prend une allure nouvelle…

A suivre, in fine, la suite de la série « Acquis, hoquets, accalmie ? »


[1] « Il faut discuter le sens de ces politiques de « revitalisation » du patrimoine culturel à

la capitale de Paraíba, l’insoutenable légèreté du rapport entre mémoire et marketing

lorsque les images véhiculées par les médias montrent la Place réformée, les

façades peintes aux couleurs vibrantes, les monuments « vivants » rénovés pour des

fins culturelles et institutionnelles, une mémoire supposée collective replacée,

resignifiée pour la consommation culturelle et cohabitant avec des usages qui

renforcentdes ségrégations socio-spatiales d’habitants stigmatisés à cause

de leur pauvreté, de la prostitution, de la précarité de l’infrastructure urbaine et qui

vivent dans l’insécurité. »Jovanka Baracuhy C. Scocuglia Processus de réhabilitation urbaine et gentrification au Brésil :les cas de Recife et João Pessoa

[2] « La naissance, la restructuration et la disparition incessante de groupes ethniques sont un précieux élément de souplesse dans le fonctionnement de la machine économique. » Balibar &Wallerstein Race, nation, classe  Cf. aussi Lipietz (avant qu’il se lance dans sa piteuse carrière politique) : « Le modèle Brésilien, loin de se réduire à un régime excluant exploitant de manière homogène un prolétariat famélique pour le seul profit de nouvelles classes moyennes internes et externes, présente une incroyable variété de sous-régime d’accumulation utilisant toutes les différenciations interrégionales, sexuelles et bien entendue raciales, insérés à la fois dans l’ancienne et la nouvelle division du travail. » Le fordisme périphérique

[3] Du Sentier lumineux péruvien au naxalites indiens, le maoïsme moderne, expression de la révolte de couches paysannes et d’exclus urbains (indiens, adivasis et dalits) mais parfois aussi de fractions petites-bourgeoises marginalisées, renforce souvent en retour, volontairement ou non, l’ethnicisation de la question sociale.

[4] « Posez certains degrés de développement de la production, du commerce, de la consommation, et vous aurez telle forme de constitution sociale, telle organisation de la famille, des ordres ou des classes, en un mot telle société civile. » Marx Lettre à Anenkov

[5] Si la rente n’explique pas tout, on peut remarquer qu’elle sera probablement un enjeu centrale des années à venir, avec la disparition de plusieurs marges de manœuvre ( baisse du prix des matières premières, normalisation urbaine ou fin des rentes de situation syndicales et politiques dans les secteurs miniers).

[6] « Dans le centre-ville, où aucun blanc ne se risquait à pied il y a peu, de peur de se faire agresser, il est désormais possible de flâner en découvrant nouveaux cafés et boutiques branchées. Ce ne sont souvent que des enclaves. Mais ces niches qui tendent à se multiplier, offrent un renouveau salutaire à une ville transformée en no man’s land après la fin de l’apartheid. » A Johannesburg, l’insécurité laisse une petite place à la mixité in Libération du 13/07

[7] Stéphane de Tapia L’agriculture turque face au défi de l’adhésion à l’Union Européenne

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