La pauvreté aux USA : qui paie la crise
un article trouvé sur la toile avec plein de graphs qui éclaire que ” ce sont les Hispaniques et les Afro-Américaines qui ont supporté l’essentiel de l’augmentation de la pauvreté aux USA depuis le début de la crise (2007).”
Nous complétons notre papier de la semaine dernière sur la pauvreté aux USA.
Ce second papier suivra la méthode adoptée lors de la rédaction de son aîné.
Nous ferons un simple commentaire des données en introduisant chaque fois que cela est utile des remarques incises.
Ces remarques mettront en relief des problèmes qu’une simple analyse technique aurait occultés.
Nous avons retenu les derniers indicateurs pertinents des Historical Tables du Census traitant de la pauvreté pour nous préciser ce que la pauvreté peut nous apprendre de la crise.
La pauvreté par « groupes ethniques » permet de préciser qui paie le plus rudement la crise (A)
La ventilation des pauvres par classe d’âge permet de souligner que ce sont les personnes en âge de travailler qui semblent les plus atteintes par la montée de la pauvreté (B)
Il est alors logique d’examiner les relations entre activités économiques et pauvreté (C),
Cette dernière analyse permettra de mettre en relation la sous-accumulation du capital productif et la pauvreté aux USA. Ce sera notre conclusion qui inclura des remarques sur le devenir des classes moyennes et des classes inférieures.
Le seuil de pauvreté retenue est le seuil de 100 % du niveau de pauvreté. Il est dommage que le seuil de 125 % n’ait pas été retenu par le Census pour ces Historical Tables, ce seuil est beaucoup plus proche des mesures de la pauvreté utilisées en Europe.
A – Qui paie la crise.
L’existence de statistiques ethniques aux USA, la stratification sociale épousant les différences ethniques permettent à un observateur de préciser qui a le plus durement payé la crise.
Est-il nécessaire de le rappeler les emplois les moins bien payés et les plus ingrats sont occupés par des minorités blacks et hispaniques. Ce qui ne peut évidemment pas dire qu’il n’existe pas une pyramide des revenus parmi les minorités.
Les données quantitatives sont explicites : ce sont les Hispaniques et les Afro-Américaines qui ont supporté l’essentiel de l’augmentation de la pauvreté aux USA depuis le début de la crise (2007).
Il faut noter que les blancs, affectés fortement en 2007-2009 par la pauvreté, ont pu ensuite inverser la tendance, le nombre de pauvres blancs a reflué dès 2010 alors que ce nombre stagnait pour les Asiatiques et les Afro-Américains dès 2011 sous l’action des aides sociales.
C’est parmi les Hispaniques que ce sont recruté le plus grand nombre de pauvres. C’est aussi parmi les Hispaniques que l’évolution du nombre de pauvres n’a pas été stabilisée ou inversée.
La distribution du nombre de pauvres par groupes ethniques permet de mesurer la part des pauvres dans le total de la population représentée par chacun d’entre eux.
À ce titre, les groupes asiatiques et blancs paraissent peu affectés par les ravages de la pauvreté. Le pourcentage des blancs pauvres ou des Asiatiques pauvres n’a pas connu une forte augmentation. Ce sont les Afro-Américains et les Hispaniques qui ont subi le plus rudement l’augmentation de la pauvreté.
Ces données permettent d’esquisser une première série de thèses :
a) les Hispaniques et les Afro-Américains disposant d’emplois moins qualifiés et de formations inférieures, les classes moyennes et supérieures se trouvant plus représentées parmi les Asiatiques et les blancs, la crise a accru la paupérisation des couches inférieures de la société américaine (low 40) ;
b) les classes moyennes (40-80 ou 50-90) ont été peu affectées par la paupérisation en raison d’emplois plus qualifiés et moins exposés. Mais elles ont souffert dans leur pouvoir d’achat au mieux stagnant.
c) c’est évidemment tout le contraire pour le top ten dont les revenus bénéficient des détentions d’actifs financiers (action ou capital-argent) ou immobiliers, des cessions d’actifs, de la propriété directe des entreprises (revenu mixte) ou des revenus inhérents à la détention d’activités privilégiées (super-cadres).
Nous n’insistons pas ici sur le fait que le premier schéma indique que la montée de la pauvreté est antérieure à la crise. Nous y revenons tout de suite.
B – Les classes d’âge
L’examen de la pauvreté par grandes classes d’âges permet de faire apparaître d’autres réalités.
Le nombre d’enfants pauvres de moins de 18 ans montre que la croissance de la pauvreté a fortement affecté la jeunesse américaine depuis 2007. Avec les jeunes, ce sont les 18-64 ans qui paraissent avoir fourni les gros bataillons de nouveaux pauvres. Ce dernier groupe d’âge se confond avec la population en âge de travailler.
Les enfants se trouvant le plus souvent sous la tutelle de personne encore active, la croissance de la population des jeunes pauvres s’explique donc par la dégradation de l’emploi des personnes en âge de travailler (18-64 ans). Cette dégradation est beaucoup plus nette sur la population en âge de travailler que pour les jeunes de moins de 18 ans.
Ce constat est parfaitement vérifié par le faible nombre de pauvres de plus de 64 ans.
Les effets paupérisant de la crise affectent donc très durement la population en âge de travailler qui est directement impactée par la crise.
La persistance de la pauvreté après 2000 et sa croissance constante après 2000 s’expliquent par une poche de sous-emploi qu’illustre la chute du taux d’activité de la population en âge de travailler qui lui est contemporain.
En ce sens la crise n’a fait qu’accentuer une tendance ancienne de l’économie américaine consécutive à la chute du taux d’investissement productif et aux effets des gains de productivité sur les besoins de main-d’œuvre. Ces gains de productivité ont réduit la croissance de la demande de travail, car le taux d’investissement productif en baisse augmentait insuffisamment le stock de capital productif alors que la population en âge de travailler continuait d’augmenter.
La ventilation du total des pauvres par classes d’âges et en pourcentage permet de confirmer notre analyse.
La baisse de la part des personnes âges s’explique par le fait que les personnes âgées ne subissent pas plus la pression d’un monde du travail dégradé faute d’investissement productif suffisant.
À l’inverse, la part des personnes pauvres trouvant en âge de travailler pointe du doigt les médiocres conditions de reproduction du capital productif aux USA. Et il est logique dans de telles conditions que les enfants des personnes en âge d’en faire (18-64 ans) suivent le sort de leurs parents.
On notera encore que c’est à partir des années 1996-1997 que la population en âge de travailler connaît un accroissement ininterrompu de la part des pauvres qu’elle représente. C’est le signe évident que l’analyse que nous proposons est recevable. La chute du taux d’investissement a fini par impacter le niveau de pauvreté au tournant des années 2000 parce que la croissance de la population demandant du travail a excédé les capacités d’absorption des entreprises américaines. La chute du taux d’activité de la population en âge de travailler marche donc de conserve avec la montée de la pauvreté.
Il va sans le dire que l’économie d’endettement mise en place dans les dix ans précédant la crise a évité une explosion de la pauvreté et une dégradation du taux d’activité qui auraient du se manifester plus fortement entre la seconde moitié des années 90 et la crise de 2007. La reprise à crédit n’a pas pu empêcher la chute du taux d’activité de la population en âge de travailler, mais elle a amorti par les dépenses sociales la croissance de la pauvreté qui en son absence aurait explosé.
Il y a aux USA une dégradation générale des besoins d’emploi affectant d’abord les plus fragiles des Américains : les « blacks » et les Hispaniques. Si l’on se demande contre qui a joué la productivité la réponse et simple : la productivité a accru le nombre des pauvres en dégradant leurs conditions de travail (emploi, salaire, temps de travail), la dégradation de la situation salariale des classes moyennes relève elle d’un partage de la valeur ajoutée trop favorable aux classes aisées et riches et trop défavorables à l’investissement productif.
B – Pauvreté et travail.
L’examen du travail des pauvres indiquent que c’est une dégradation des conditions d’emploi qui est à la source de la montée de la pauvreté.
La proportion des pauvres ayant un travail ne cesse de baisser après 1997 et s’accentue avec la crise. Ce chiffre permet de soutenir une seconde thèse, la croissance de la pauvreté augmente après cette date, car le nombre de pauvres augmente inversement avec le nombre croissant de pauvres dépourvus d’emploi. C’est parfaitement logique avec la chute lente du taux d’activité de la population en âge de travailler.
Si l’on examine la proportion des pauvres travaillant à temps plein, on se rend compte que ce taux chute à son tour après 1997. Un emploi à temps plein épargne les travailleurs de la pauvreté.
Comment expliquer alors que la part des pauvres ayant un travail chute plus vite que la part des pauvres ayant un travail à temps plein. La réponse coule de source : la part du total des pauvres représentée par les gens ayant un travail baisse moins vite que la part des pauvres travaillant à temps plein pour une simple raison : le travail à temps partiel est moins rémunérateur.
Nous voilà donc armés pour pointer du doigt les deux grandes causes de la pauvreté aux USA ; la chute du taux d’activité pour les personnes pauvres sans emploi, une répartition du travail défavorable à des millions d’Américains pauvres ne travaillant pas assez.
À l’inverse, les populations détentrices d’un emploi à temps plein ne sont pas très affectées par la pauvreté. On peut traduire cette tendance en terme social aisément : pour une fraction importante des minorités afro-américaines, inactivités, chômage ou mal emploi, pour les populations mieux intégrées au marché du travail faible paupérisation à condition de travailler à temps plein.
Si l’on s’interroge sur cette évolution, le sous-investissement est au cœur de la chute du taux d’activité et d’un emploi partagé dans des conditions économiquement dégradées et dégradantes par les classes inférieures.
Les impacts du sous-investissement sur le reste de la population active sont plus complexes. Ils nous conduisent en effet jusqu’au cœur d’une croissance dans les déséquilibres dont nous ne ferons pas l’analyse ici : c’est la croissance patrimonialisée dans l’endettement général dont nous avons traité ailleurs à plusieurs reprises. Elle est l’expression de la captation de part toujours plus importante de la valeur ajoutée annuelle (hors amortissement) par le top ten et de la montée des inégalités de revenu. Son résultat ultime est le triomphe de groupes réduits à vocation rentière dont la rapacité induit un sous-investissement productif consubstantiel à leur enrichissement.
Ce dernier graphique vérifie nos extrapolations. La part des travailleurs pauvres dans le total des travailleurs a bien augmenté avec la crise, mais cette augmentation n’est pas très forte, elle s’avère moins sensible que durant la récession de 1991.
La part des travailleurs pauvres travaillant à temps plein reste très faible sur longue période. La détention d’un travail à temps plein est un puissant bouclier contre la pauvreté.
Il n’en va plus de même quand on examine la part des travailleurs pauvres travaillant à temps partiel dans le total des travailleurs pauvres. La crise a fortement augmenté cette part qui retrouve son étiage de 1991 après en 2009.
Ce sont parmi les minorités afro-américaines et hispaniques que se recrute le gros de ces travailleurs qui sont pauvres en dépit d’une activité salariée pas assez rémunératrice faute d’offrir des heures de travail en quantité suffisante.
Mais c’est la croissance de la part des Américains inactifs depuis un an et se trouvant sous le seuil de la pauvreté qui est la plus intéressante. Cette dernière catégorie est en effet un sas entre la population active et la population qui finira par sortir du décompte de la population active. Elle mesure donc une transition entre la population active et la population inactive ou entre le taux d’activité de la population en âge de travailler et le taux d’inactivité de cette même population.
La croissance de la part des Américains inactifs depuis un an et se trouvant sous le seuil de pauvreté permet de montrer que la croissance de la pauvreté aux USA est directement corrélée à la chute du taux d’activité de la population en âge de travailler sous l’action de l’effet répulsif du marché de l’emploi sur des millions d’Américains.
On ne sera pas surpris de noter l’augmentation du nombre des Américains inactifs depuis un se trouvant sous le seuil de pauvreté augmente dès la fin des années 90. C’est le moment ou le taux d’activité de la population en âge de travailler chute pour ne plus remonter
À partir de 2000, la croissance des Américains exclut du marché du travail augmente avec le chute du taux d’activité de la population en âge de travailler. La crise amplifie ce phénomène , les indemnités chômage et les amortisseurs sociaux évitent que la pauvreté des chômeurs inactifs depuis un an explose. La stabilisation de la part des Américains inactifs depuis un an vivant sous le seuil de pauvreté dissimule les effets ravageurs de la chute accélérée du taux d’activité de la population en âge de travailler. En prenant la part des Américains inactifs depuis plus 2 ou trois ans, la part des Américains privés de travail depuis le début de la crise et devenu pauvre aurait explosé. Elle aurait été le fidèle reflet du reflux de millions d’Américains de la population active.
Nous retrouvons une dimension que les Powerty Historical Tables du Census occultent : la part grandissante des Américains chassés du marché du travail qui sombrent dans la pauvreté. Pour eux un emploi n’a plus rien de protecteur.
Conclusion
L’examen de la pauvreté aux USA montre que ce sont les classes les plus pauvres de la population qui ont payé le plus lourd tribut à la crise. Il ne fait aucun doute que dans le partage toujours plus inégal du revenu entre les Américains – amplifié par la crise – ce sont ces populations qui ont perdu le plus.
Ce sont elles qui sont le plus exclues du marché du travail, les plus affectées par les temps partiels et les moins bien rémunérées. Ce sont aussi elles qui subissent de plein fouet la dégradation du marché du travail liée à l’insuffisance des investissements productifs aux USA. La sous-accumulation du travail s’est soldée par la montée de temps partiel générateur de pauvreté, alors que les emplois à temps plein génèrent encore fort peu de pauvres.
Par extension, les données de ce papier indiquent que les classes moyennes – à dominante blanche ou asiatique – sont moins impactées par la crise. L’accroissement du revenu du top ten, la stagnation des salaires réels laissent à penser que les classes moyennes sont entrées dans une longue période de stagnation de leur pouvoir d’achat, ponctué pour une fraction réduite d’entre elles par une sortie du marché du travail pouvant être l’antichambre d’une entrée en pauvreté.
Les classes inférieures de la société américaine subissent donc de plein fouet les effets négatifs d’un sous-investissement américain vieux de trente ans. La pauvreté qui les affecte est un mixte de chômage de masse – en partie invisible en raison de la sortie de la population active d’une partie des travailleurs américains – et de temps partiel contraint et/ou mal payé. Pour ce groupe, la paupérisation est dure sans être absolue : la société américaine est encore trop riche pour qu’une paupérisation absolue soit très largement constatée.
Pour les classes moyennes commence une longue période de stagnation de leur pouvoir d’achat et de paupérisation relative. Cette paupérisation relative est d’autant plus forte que la progression du revenu du top ten n’a pas été interrompue par la crise.
La norme de consommation des Américains aisés et riches va donc s’accroître alors que les classes moyennes vont avoir de plus en plus de mal à assurer leur train de vie. Cela promet aux pays de grandes difficultés politiques.
Pour les classes inférieures, la crise se traduit par des conditions de vie plus difficiles, pour les classes moyennes par des restrictions croissantes.
Ces deux tendances devraient s’avérer durables. Dopée par l’endettement général, la croissance des 10 années précédant la crise était artificielle, la croissance actuelle – toujours à crédit – peut au mieux céder la place à une croissance modeste. Il s’ensuit que sur fond de rivalités autour de la répartition des revenus et d’investissement insuffisant, les gains de productivité continueront de peser négativement sur les classes inférieures et d’être accaparés par le top ten qui n’en laissera que des miettes aux classes moyennes.
Les classes moyennes américaines qui ont vécu la décennie précédant la crise dans une ivresse consumériste et patrimoniale se trouvent confrontées à la fin de la croissance qui avait entretenu cette ivresse. Leur déclin relatif est donc annoncé.
Onubre Einz.
Nous faisons une simple étude de la pauvreté aux USA.
Notre papier veillera a toujours exprimer les données en chiffres absolus et en pourcentage afin donner une interprétation exagérée de chiffres trop souvent cités hors de tout contexte.
Pour une fois, notre papier ne sera ni long ni compliqué. Il complétera utilement les données sur le chômage récemment publiées en donnant à l’analyse de la crise plus de chair.
Nous traiterons de quelques questions essentielles de manière incise afin de rester focaliser sur la question du développement de la pauvreté aux USA. Ces questions concernent les relations entre pauvreté et le cycle économique, la nature de la crise – grande récession ou dépression – ou encore l’interaction entre taux d’activité de la population en âge de travailler et montée de la pauvreté depuis les années 2000.
Nous ferons enfin quelques remarques – encore très prudentes – sur l’impact de la crise sur les classes moyennes.
A – Les statistiques de la pauvreté aux USA
Les données brutes de la pauvreté aux USA montrent que la pauvreté n’a fait qu’augmenter depuis le début de la crise : de 39,8 Mn en 2006, le nombre des pauvres a atteint les 46,4 Md d’Américains fin 2012.
Chaque année, les USA ont compté en moyenne 1,3 million de pauvres supplémentaire. Dans les faits , l’explosion de la pauvreté se limite aux années 2007-2008, le nombre de pauvres est stabilisé aux alentours de 46,3 Mn dès 2009.
Il semble que la stabilité du nombre de pauvres après 2009 soit un phénomène durable tranchant avec les évolutions de la pauvreté consécutive aux récessions antérieures.
Après la récession de 1982, le nombre de pauvres baisse lentement en connaissant une série de paliers : 33 Mn (84-85), 32 Mn (86-87); Le recul de la pauvreté est plus rapide après la récession de 1990-91. La récession de 2001 est à part, le nombre de pauvres est tendanciellement à la hausse après 2001 à l’exception d’une année.
La poche de sous-emploi caractérisée par une baisse du taux d’activité semble s’être accompagnée d’une augmentation tendancielle du nombre de pauvres aux USA dont la progression est stabilisée depuis 2008.
Les données brutes de la pauvreté exprimées en pourcentage permettent de compléter utilement nos premières remarques.
Plusieurs constats se dégagent de ce second graphique.
Les pics de pauvreté aux USA ont été sensiblement les mêmes durant les différentes récessions. Ils culminent chaque fois à 15 % du total de la population américaine. La crise actuelle n’est une exception qu’en raison de la durée du pic de pauvreté qui ne retombe pas depuis 2009.
Contrairement aux autres récessions, le taux de pauvreté n’a pas baisse après la crise du millenium, ce taux est ascendant depuis 2000 à l’exception d’une année.
Lors des deux dernières récessions, les pics des taux de pauvreté avaient connu une chute sensible entre 1983 et 1989 ou entre 1993 et 2000.
Pauvreté et chute du taux d’activité semblent avoir marché de conserve pour augmenter la pauvreté aux USA, que cette pauvreté s’exprime en valeur ou en taux.
L’intervention de l’État fédéral n’a réussi qu’à stabiliser le taux de pauvreté et la croissance quantitative des pauvres qu’en finançant massivement les amortisseurs sociaux. Sans cette intervention sensible dès 2009, le nombre de pauvres aurait revêtu des proportions plus considérables reflétant la chute rapide du taux d’activité de la population en âge de travailler ; ce dernier est en effet passé de 67 % à 63 % du total de la population en âge de travailler entre 2007 et aujourd’hui.
À partir de 2000, il semble que la chute du taux d’investissement, la substitution des services à l’industrie, la place des USA dans la division internationale du travail aient généré un phénomène de pauvreté croissante dont la contrepartie exacte est la chute du taux d’activité de la population en âge de travailler qui atteint un pic dans la seconde moitie des années 90. Après cette date, la croissance génère une pauvreté croissante autant qu’une invisible poche de sous-emploi.
À ce titre, la pauvreté trahirait les insuffisances de l’accumulation du capital aux USA. Elle serait annonciatrice de la crise de 2008 qui résulte de la sous-accumulation historique de capital productif aux USA.
Les taux de pauvreté permettent d’apporter des éléments nouveaux sur le niveau de la pauvreté dans le pays. Le Census propose deux seuils de pauvreté : les Américains sont étiquetés pauvres quand leur revenu est inférieur à 100 du seuil de pauvreté ou quand il est inférieur à 125 % du seuil de pauvreté. Le Seuil de 125 % présente l’avantage de rendre comparables les estimations de la pauvreté aux USA ou en Europe.
Nous pourrions reprendre, terme pour terme, les remarques sur les évolutions de courbes du graphique précédent – ce serait sans intérêt.
Il nous paraît plus intéressant de mesurer les écarts de niveaux de pauvreté que matérialise notre graphique.
Retenir le seuil de 125 % du niveau de pauvreté, c’est augmenter de 5 % en moyenne le niveau de pauvreté aux USA entre 1980 et 2012.
Qui plus est, c’est aussi rappelé qu’au moment des pics de pauvreté des récessions, c’est toujours 20 % de la population qui se trouve appauvrie, soit un américain sur 5.
Durant la période intermédiaire entre la crise du millénium (2000) et la crise présente, on voit que la pauvreté n’a fait que s’accroître, passant de 15,6 % de la population totale à près de 20 % aujourd’hui.
Distribuer des crédits immobiliers Subprime et Alt A vers le bas de l’échelle sociale après 2000, c’était inévitablement aller vers une crise immobilière et financière. La titrisation a permis de conduire le système financier vers la catastrophe dans l’irresponsabilité générale.
Mais si nous en revenons à notre graphique, avec des niveaux de pauvreté restant proche de 20 % du total de la population américaine, la capacité de consommation d’une fraction non négligeable de la population américaine est durablement réduite.
Certes, les pauvres ne disposent pas d’un revenu important et d’une forte capacité de consommation, mais le gonflement rapide de leur nombre et la part du total de la population qu’il représente font que la persistance de hauts niveaux de pauvreté affecte nécessairement le moteur de la reprise constitué par le low 80-90 de la population américaine.
Il est difficile de déterminer quelle part des classes moyennes a pu rejoindre la pauvreté ou s’en rapprocher sous l’action des difficultés économiques (chômage, temps partiel, sortie de la population active ) dégradant l’emploi de 15 % de la population américaine en âge de travailler. Nous reviendrons sur cette difficile question dans un prochain post.
Les personnes américaines vivant dans la très grande pauvreté – une très grande pauvreté comparable par nombre de côtés à celle du tiers-monde – ont connu elle aussi une augmentation sensible de leur importance. Il n’est pas nécessaire d’en dire plus.
B – Récession ou dépression
La persistance de la pauvreté et d’un marché du travail sinistré, une reprise toujours à crédit nous ont fait pencher depuis longtemps vers l’idée que cette crise est une dépression. Une dépression est une crise brutale résultant de déséquilibres anciens et nombreux rendant une reprise de l’économie longue et incertaine.
Les chiffres de l’endettement public, une relance à crédit financée par les artifices de la FED et du Trésor, les opérations de QE gonflant la valeur des patrimoines financiers et immobiliers ; tous ces éléments nous conduisent à soutenir que la crise durera. Et la persistance d’une pauvreté incompressible semble confirmer cette thèse. Comme le chômage réel, une croissance pauvre en emploi, mais riche en pauvres, paraît indiquer l’existence d’une dépression longue .
Mais, c’est le croisement des allocataires du programme des Food Stamps et du nombre de pauvres qui plaide clairement en faveur de la thèse d’une dépression toujours en cours.
Il ne faut pas confondre les aides alimentaires avec le programme des Food Stamps qui n’existent plus depuis longtemps. Le programme alimentaire peut aider les élèves des cantines scolaires, des personnes âgées, des familles monoparentales, des personnes seules : ce n’est plus la soupe populaire !!! C’est une très bonne mesure des difficultés rencontrées par des millions d’Américains pauvres ou économiquement fragiles. Mais on ne saurait tenir pour strictement équivalent le nombre d’allocataires des programmes alimentaires du SNAP et le nombre de pauvres.
Il est assez intéressant de noter qu’entre 1980 et 2000, le programme d’aide alimentaire américain épouse les évolutions du nombre de pauvres. Et que le nombre de pauvres épouse celui de la conjoncture économique.
Tout change après la crise du millénium : le nombre d’allocataires du programme alimentaire et le nombre de pauvres se rapprochent au point de se confondre en 2012. La conjoncture en apparence plus favorable – il y a croissance – ne se traduit plus par un recul de la pauvreté, mais par une affirmation simultanée de difficultés alimentaires et d’une croissance des pauvres en valeur absolue et en pourcentage.
Si nous allons plus loin, il apparaît aussi qu’une économie d’endettement généralisé peut bien faire du PIB avant (1998-2006) et après la crise (2009-2013), mais elle est dans les faits incapables de faire de l’emploi. C’est tout le caractère artificiel de la croissance dans les déséquilibres que les chiffres de la pauvreté et des difficultés alimentaires de la population illustrent avant et après la crise. Nous trouvons là une nouvelle expression de la sous-accumulation de capital productif aux USA et du caractère artificiel de la croissance, caractère artificiel s’affirmant bien avant la crise de 2008.
La croissance entretenue à crédit par l’État fédéral ne réussit guère mieux que la croissance dans l’endettement de tous les acteurs économiques privés d’avant la crise. C’est ce qu’indique la situation de la pauvreté, de l’alimentation et de de l’emploi réel qui n’est pas corrigée par un dumping économique généralisé. Les problèmes d’accumulation du capital ne trouvent pas leur solution dans des artifices de l’endettement privé et public.
Le niveau persistant de pauvreté et les difficultés alimentaires semblent indiquer que la crise est une dépression durable qui vient de loin et va se poursuivre encore longtemps. Elle s’est amorcée au tournant des années 2000, a incubé jusqu’en 2007 et a révélé ensuite tout son potentiel de nuisance. Ce potentiel de nuisance ne semble pas épuisé.
Depuis la fin des années 90, La décorrélation de la croissance de la pauvreté et du taux d’activité de la population en âge de travailler du cycle récession-expansion plaide aussi en faveur de l’idée d’une entrée dans un cycle dépressif très long de la croissance américaine.
Notre dernier graphique montre que cette crise semble affecter de manière continue une masse croissante d’Américains . En effet, la stabilisation du nombre des pauvres à dater de 2009 n’a aucune conséquence positive sur la croissance des allocataires des aides alimentaires.
C’est une nouvelle pierre dans le jardin de la consommation du Low 90 des ménages affectée par la détérioration de l’emploi, la stagnation des revenus salariaux réels et la montée de la pauvreté. Ce second moteur de la croissance – le premier étant celui du top ten – n’est pas prêt de redémarrer et de stimuler efficacement l’économie.
Et la politique de gonflement des patrimoines par les opérations de QE de la FED n’y changera rien.
Ce que trahit la croissance plus rapide du nombre des allocataires en comparaison du nombre de pauvres est le fait que nombre de familles américaines rencontrent des problèmes économiques sans pour autant devenir pauvres au sens du Census.
Ces personnes ne sont plus toutes issues des cohortes ordinaires de pauvres. Elles sont le produit de la crise – c’est pour cela que leur nombre d’accroît si vite. Il s’agit pour une part d’entre elles de membres des classes moyennes qui ont été directement touchées par le chômage, les temps de travail contraint ou le retrait de la population active.
Il existe donc à côté de la croissance des pauvres pénalisant la consommation des classes inférieures, une masse de nouveaux pauvres ou de gens en difficulté économique qui sont issus des classes moyennes. C’est cette exclusion et la stagnation des salaires qui rendent une reprise véritable pour l’instant douteuse.
La crise dure donc, le Krach brutal de l’économie de 2008 a bien été métamorphosé en Krach lent par les déficits publics ; la sortie de crise n’est pas encore à l’ordre du jour, contrairement à ce que laisse entendre les chiffres d’une croissance toujours dépendante du crédit fédéral.
Onubre Einz.
http://www.zerohedge.com/news/2014-11-06/90-year-old-ww2-veteran-faces-60-days-jail-feeding-homeless
Floride :Un homme âgé de 90 ans, vétéran de la 2ème Guerre Mondiale surpris à porter de la nourriture à des SDF en compagnie de 2 clergy-men risque 60 jours de prison et 500dollars d’amende.
Article intéressant avec liens sur la criminalisation des SDF et de ceux et celles qui leur apportent de l’aide.