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Gloubi-Boulga

Réponse aux Notes critiques de Peter Vener sur En catimini

« Il est difficile d’attraper un chat noir dans une pièce sombre, surtout lorsqu’il n’y est pas. »
Proverbe chinois

C’est très certainement le fait d’être vénère de son passé mal digéré qui crée chez Peter une certaine confusion et il ne faut pas lui en tenir rigueur : il semble qu’En catimini ait réveillé de vieux démons toujours prêts à hanter ses lectures. Il en résulte une certaine mauvaise foi et une incohérence argumentative promptes à déformer les propos du livre tout en nourrissant un exposé riche en réflexions et références. Celui-ci, loin d’être inintéressant, conduit Mister Vénère à tirer très tôt des conclusions hasardeuses (paradoxe même de son texte), pour ne pas dire insultantes : les auteurs de ce livre seraient de sombres citoyenno-léninistes ! On ne peut que frissonner devant cette double insulte mêlant avec audace modernité et archaïsme. Après s’être assuré de dévoiler la vraie nature des auteurs des textes de présentation de l’ouvrage En catimini, Piteux Vénère se charge de tout décortiquer sans méthode pour en extraire le noyau cancéreux et démasquer les complotistes qui chercheraient à « emballer la vieille camelote dans du féministe modernisé ».[print_link]

Peter et ses notes partent du principe qu’En catimini pose les RZ comme modèle et prolongent l’erreur tout au long du texte. Il aurait sans aucun doute été intéressant de discuter plus avant des deux axes principaux du livre En catimini, à savoir : l’expérience des Rote Zora, et la question de l’organisation. L’essentiel des Notes critiques contourne ces deux thèmes pour ne s’orienter que vers des questions annexes. Partant du postulat que le lecteur est trop con — car trop jeune ? — pour comprendre par lui-même, ces Notes critiques lui offrent les sous-titres et le sous-texte caché sans lesquels il lui serait impossible de saisir En catimini. Et pour cela, le professeur Vénère sert une recette simple et éprouvée : la mise hors contexte des propos, l’allusion et le détournement. Ainsi cette critique rend impossible toute discussion. Cependant, considérant qu’on ne pouvait pas laisser passer un certain nombre de points déformés, et considérant également la méthode employée comme de la crapulerie intellectuelle, il nous a semblé nécessaire d’y répondre, le plus succinctement possible.

En premier lieu, il est dit dans le livre que les RZ ne sont pas une organisation centralisée. Mais Piètre Vénère prétend débusquer les contradictions du bouquin et pose comme une évidence un centralisme dont il apporte enfin l’unique preuve à la page 36 de sa brochure : leur journal (neuf numéros en onze ans) était fait entre plusieurs cellules de différentes villes d’Allemagne, et ils n’ont pas pensé qu’il était bon d’organiser, avant chaque parution, de grandes sauteries les rassemblant tous. En effet, vu le monde que ça drainait, ça n’aurait pas été des plus discrets. C’est donc en comité plus restreint que les textes étaient rassemblés puis dispatchés pour des discussions dans chaque cellule avant la sortie du journal. Si cette méthode n’est pas une preuve indiscutable de centralisme , elle est d’abord la réponse à des questions de sécurité. La nécessité de cloisonnement peut être débattue mais il ne nous est apporté ici aucun élément qui permettrait d’avancer sur la question difficile et toujours nécessaire de l’alliance entre impératifs de sécurité et horizontalité au sein du groupe. Et comme dans l’ensemble de la critique, aucune proposition ni perspective n’est avancée.

Mais voilà, cet élément suffit pour tracer une autoroute et avancer d’amalgame en amalgame : l’organisation centralisée des RZ (et donc forcément selon Pitre Vénère des Rote Zora) les assimile à la RAF, et puis à l’ensemble des groupes armés allemands de l’époque tous mis dans le même sac, pour aller jusqu’au Parti communiste allemand, le KPD. La boucle est bouclée, le paquet bien ficelé et propulsés d’En catimini au Komintern, nous voilà tombés dans les griffes de Staline. En une équation simple, les liens sont ainsi résumés :
En catimini = Rote Zora = RZ = RAF = KPD = Komintern = Staline
Il est alors plus facile de s’attarder sur la RAF, de faire des tartines sur le KPD, et même de rappeler le rôle des sbires de Staline en 36. Salopes de Rote Zora ! Elles ont quasiment exécuté les libertaires espagnols !

Autre point : il est reproché au livre En catimini l’insuffisance de ses analyses historiques. Si on peut reconnaître de telles critiques, il n’est pas nécessaire pour autant de prendre ces lacunes pour des silences coupables comme le fait bruyamment le Péteur Vénère. Son inverse prolixité noie le poisson, pour mieux le passer au mixeur d’une histoire pimentée.

Troisième point : Peter le Veinard estime qu’En catimini évacue la question des positions anti-impérialistes des Rote Zora (et des autres groupes de l’époque) et s’en fait ainsi le méchant complice et promoteur. Or si le sujet n’est pas occulté, le livre n’en fait pas non plus l’éloge. La critique de l’anti-impérialisme est nécessaire, évidemment. Que nous ne l’ayons pas faite dans En catimini peut être perçu comme une insuffisance du livre. Nous avons cependant fait le choix de ne pas nous contenter d’une critique approximative et  n’avons donc que très peu abordé la question : le thème nécessite une analyse plus ample que ce que cet ouvrage permettait de faire — et les Notes critiques qui n’en dénoncent que quelques écueils le prouvent. La critique de l’anti-impérialisme n’est pas des idéologies qu’on retourne d’un revers de manche. S’il fallait juste la dénoncer davantage pour démontrer notre pureté politique, c’était sans intérêt. Elle nécessite de s’y atteler plus sérieusement et on ne peut se satisfaire de quelques exemples pour achever une idéologie qui a imprégné ces décennies.

Quatrième point : il est reproché aux RZ leur participation au détournement d’avion sur Entebbe et à la prise d’otages de l’OPEP à Vienne, et aux auteurs d’En catimini leur prétendue complaisance. Si deux allemands morts sur le tarmac d’Entebbe faisaient vraisemblablement partie d’une cellule RZ, jamais ces actions n’ont été revendiquées par le groupe. On ne peut, d’un côté, reprocher aux RZ de signer leurs actions d’un sigle, et de l’autre, reprocher à l’organisation des actions non décidées collectivement. Fallait-il que chaque personne en réfère à l’ensemble des cellules avant de faire une action indépendamment d’elles ? Les RZ devaient-ils chapeauter et donner leur accord à chacun des actes commis par les personnes qui les composent ? Bien heureusement cela est impossible, a fortiori lorsqu’on s’organise en nombre. Poser face à cela les cercles affinitaires comme axiome — mentionnés dans les Notes critiques mais jamais définis — ne résout en aucune façon la question des liens entre choix collectifs et actions individuelles, sauf à penser que le collectif n’aurait d’autre sens que l’opportunisme pratique du nombre. En tout cas, après Entebbe, une vive polémique a eu lieu dans toute la mouvance et les RZ ne s’en sont pas épargnées.

Cinquième point et pas des moindres, le rapport entre démocratie et dictature. Le sujet est vaste et complexe, et l’arrogant Pater Vénère croit le résoudre en quelques pages… Ça laisse rêveur. En plus, il ne cesse de biaiser le débat en déformant sans problème les propos d’En catimini. Par exemple, il nous fait ridiculeusement la leçon sur le libéralisme à cause de l’emploi de l’expression « État libéral » qui n’est pourtant que la reprise de la désignation officielle de l’époque… Il va même jusqu’à inventer des propos de toute pièce : En catimini déplorerait dans les dispositifs législatifs sécuritaires mis en place par l’État un « viol de l’esprit des lois » démocratiques… ou encore classerait le KPD « dans la catégorie antifascisme sans plus » ! Parlons-nous bien du même livre ? Il se persuade également que, sous prétexte de la dénonciation de dispositifs législatifs coercitifs renforcés, En catimini regrette et pleure une démocratie idéale, pure… Il faut vraiment lire l’histoire à travers des verres brouillés pour penser qu’il n’y a que les citoyennistes pour s’intéresser aux processus répressifs. C’est faire totale abstraction de la dialectique des luttes… ou faire preuve d’une mauvaise foi sans borne. Et quand le petit vénère sous-entend que les auteurs du bouquin en arriveraient à négliger les spécificités du nazisme, en particulier en matière de solution finale, les bras nous en tombent ! Où puise-t-il tout ce courage pour sortir de telles énormités ?

Et puis on sombre dans le burlesque quand, par exemple, il critique l’emploi du mot « marge » : dans En catimini il est en effet dit que sous le gouvernement SPD, aucune marge à l’ordre démocratique n’est tolérée, dans le sens où une sévère répression s’abat sur ceux et celles qui refusent de s’intégrer aux cadres institutionnels. Et Peter Venin de s’offusquer, et nous de nous esclaffer, lorsqu’il donne comme exemple de la tolérance de marges l’intégration des syndicats. Nous sommes d’accord sur le fait que la démocratie allemande a largement intégré les oppositions. Et ce, très tôt, puisque c’est une des caractéristiques de la social-démocratie allemande. Mais prendre l’exemple de l’existence de comités quadripartites et la participation des syndicats à la prise de décision, ou encore les cours d’éducation sexuelle pour preuves de la tolérance de « marges », nous avons le sentiment de ne pas parler de la même chose. N’est-ce pas pourtant lorsque la pression sociale est la plus forte qu’il est essentiel pour l’État de circonscrire « les marges » (dans le sens de ce qui se situe en dehors du jeu démocratique) et d’utiliser notamment les syndicats comme médiateurs ?

Finalement, ce cours d’histoire au ton professoral, et sa succession de sentences infondées posées comme des vérités, a la fâcheuse tendance de nous emmerder. Cette manière dogmatique d’aborder le débat, ou plutôt de poser des ruptures, est bien plus problématique que le choix de signer des actions par un sigle. Ce qui manque le plus dans ces Notes critiques c’est la critique, précisément. Par contre, de déformation, d’interprétation, de suspicion, son étrange texte ne manque pas. Nous regrettons enfin cette manie rupturiste qui, puisqu’elle nie toute possibilité de débat, rend difficile toute création d’intelligence collective.

En introduction d’En catimini, il était dit concernant les Rote Zora : « Si nos positions peuvent parfois diverger, nous savons reconnaître nos camarades ». Il ne s’agit donc pas de poser les Rote Zora comme des modèles mais de puiser dans leurs expériences. L’enjeu est de répondre à notre nécessité d’organisation… hors des Organisations.

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