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Un jeune en colère: «je ne suis pas sorti pour l’huile et le sucre !»Merouane Korso , Maghreb Emergent, 10 Janvier 2011

Les clameurs des jeunes qui sont sortis un peu partout en Algérie pour crier leur “ras le bol” devant une vie sans lendemains s’estompent progressivement. A Tazmalt, en Kabylie, ou à Bab el Oued à Alger, comme à Chteibo à Oran, il y a eu de la “casse”, du pillage. Le gouvernement a répondu en faisant baisser le prix du sucre et de l’huile. Cela ne réduit pas la colère de Kheirredine, un jeune manifestant qui prend de revers la lecture officielle des évènements.

Le Show Room de Renault à Bab El Oued, complètement calciné, donne une idée de la violence de l’attaque de centaines de jeunes qui, dans la soirée de jeudi dernier, avaient pris possession de ce quartier de plus d’un million d’habitants. Le mouvement de révolte, parti dans la matinée de jeudi d’Oran s’est propagé, vendredi et samedi dans toutes les grandes et moyennes villes du pays, y compris celle du sud comme Ouargla et Béchar, puis les villages et quelques douars isolés, comme celui de Magtaa Kheira, près de Koléa.

Même le site de Hassi R’mel né autour de l’activité gazière a eu droit à sa nuit bleue. Mais pourquoi donc cette irruption de colère ? Le gouvernement a répondu sur le terrain du prix des produits de base ; l’huile et le sucre en particulier. Des jeunes qui ont participé aux heurts avec la police reprennent la parole avec le retour au calme. L’un d’eux, Kheiredine, étudiant en sciences politiques, proche des émeutiers parle pour ses amis : “Les jeunes sont sortis manifester leur colère contre leur mal vie, des perspectives d’avenir inexistantes, la hogra. Ils ne sont pas sortis pour protester contre la cherté de la vie, encore moins contre la hausse du sucre et de l’huile. Ils sont pour la plupart chômeurs, et vivent aux crochets de leurs parents, ils ne peuvent avoir un bon jugement de la situation économique du pays”. Kheirredine, qui est partisan de la poursuite de ces manifestations ajoute : “les jeunes protestent contre leurs mauvaises conditions de vie, le chômage, le népotisme et la Hogra. Comment trouver du travail dans ce pays si on n’a pas des connaissances bien placées”.

Pour ce jeune étudiant en 2é année “Sciences PO”, ”sortir dans la rue, et casser est le seul moyen d’expression que le pouvoir entend’’. ‘’Si tu marches, si tu défiles, on te tire dessus, on te matraque, on ne t’entendra jamais. Le pouvoir est comme çà, partout. Il n’entend que les clameurs de la rue’’. Emporté par sa colère, il lance encore, presque avec jubilation : ‘’regardez les manifestants des vieilles cités délabrées qui ont bloqué des routes et brûlé des pneus : ils ont tous été logés, leurs revendications entendues’’. Le résultat est là, pour lui “dans ce pays, il faut sortir dans la rue pour se faire entendre”. Et puis, “c’est pareil dans tous les pays arabes et maghrébins : les pouvoirs locaux n’entendent jamais les bruissements de la rue, ses clameurs oui !’’ Quant aux mesures prises par le gouvernement pour stopper la hausse des prix des produits incriminés (officiellement) par ces manifestants, elles ne profitent “qu’à leurs parents. Pour eux, la situation ne change pas”.

Place aux grèves ?

La contestation sociale a repris de plus belle en ce début 2011. Trois importants secteurs sont au bord de l’explosion. La santé, le transport maritime et l’habitat, qui risquent de connaître dans les prochains jours une paralysie totale.
Abder Bettache -Alger (Le Soir) –

Les dockers de la capitale, qui jusque-là ont observé trois journées de grève, promettent de renouer avec la contestation dès cette semaine. Le syndicat des paramédicaux affilié à la fédération UGTA, a décidé de croiser avec la tutelle. Un préavis de grève a été voté à l’unanimité des cadres syndicaux, lors d’une réunion qui s’est tenue mercredi dernier, sous l’égide la Fédération nationale des travailleurs de la santé. Il a été déposé hier. Ce recours au débrayage est «la conséquence directe de la sourde oreille du premier responsable de la santé aux doléances des paramédicaux». Cet appel à la grève, selon les représentants des travailleurs, fait suite à «la lenteur dans l’élaboration du statut particulier et autre régime indemnitaire», alors que le ministre de tutelle n’a cessé d’annoncer en grande pompe «une revalorisation imminente des salaires des travailleurs de la santé». Des propos auxquels les syndicalistes du secteur ne croient nullement, ce qui les a poussés à décider le recours à la grève. Pour rappel, conformément à la loi et à l’accord conclu lors de la bipartite de septembre 2006 entre le gouvernement et la Centrale syndicale, les augmentations salariales dans le secteur de la Fonction publique devraient intervenir suivant un processus et des échéanciers bien précis. Il s’agit, en premier lieu, de finaliser les négociations entre le partenaire social et l’employeur sur la question du statut particulier, avant d’aborder la dernière ligne droite, à savoir le régime indemnitaire. Sept statuts particuliers encadrent les travailleurs de la santé. On cite notamment les statuts de l’enseignant-chercheur hospitalo- universitaire, des fonctionnaires appartenant au corps des administrateurs des services de santé, des psychologues de la santé publique, des fonctionnaires appartenant aux corps des praticiens médicaux généralistes de santé publique, des fonctionnaires appartenant aux corps des praticiens médicaux spécialistes de santé publique, et des physiciens médicaux de santé publique.

Détermination des dockers
La grève au port d’Alger s’est poursuivie jeudi dernier pour la troisième journée consécutive. La rencontre entre les grévistes et la direction n’a rien apporté de nouveau ; une autre, qualifiée de «dernière chance», est attendue pour cette semaine. Hier, les dockers ont repris partiellement le travail, tout en promettant de renouer avec la protestation. Le trafic de marchandises a connu, hier, une forte perturbation et ce, malgré une légère reprise. L’activité au niveau des môles 3, 4, 5 et 7 était totalement à l’arrêt. En revanche, au niveau des quais 1 et 2, le service était assuré normalement. Selon les grévistes, quelque 900 dockers ont observé la grève alors que du côté du syndicat, on parle d’une centaine de grévistes. Il faut préciser que le syndicat d’entreprise n’adhère nullement à la démarche des protestataires, qu’il qualifie d’acte isolé et inattendu, et qu’il refuse d’approuver. Pour lui il est, en effet, impensable de revenir sur un accord passé entre le syndicat et la direction de l’EPAL. Mais les grévistes ne veulent rien entendre. Leur détermination était grande.

Par ailleurs, on indique que le secteur de l’urbanisme n’est pas en reste de toutes ces perturbations qui connaît le monde du travail. Selon des indiscrétions syndicales, le désaccord profond entre les syndicalistes du secteur affiliés à la Fédération de l’urbanisme et de l’habitat pourrait déboucher sur un bras de fer aux conséquences incalculables. En effet, les mêmes sources ajoutent que les multiples doléances exprimées par les représentants des travailleurs n’ont trouvé aucune suite favorable auprès du premier responsable du secteur. Le spectre d’une paralysie du secteur plane. Nourredine Moussa pourrait faire face à une première épreuve sociale depuis sa nomination à la tête du département de l’habitat .
A. B.

LEs classes moyennes et la classe politique pour relayer les émeutes
El Watan, 9 janvier 2011
Alger, samedi matin. Lendemain d’un week-end particulièrement houleux à la suite des émeutes qui ont ébranlé tout le pays, la capitale en premier. Retour sur les traces de pneus brûlés et des magasins défoncés, à Bab El Oued, Oued Ouchayeh, Bachjarah, El Harrach et autre Bordj El Kiffan, pour ne citer que ces quartiers. Pour prendre le pouls de la rue, voir où en est ce fulgurant souffle juvénile.
Un calme précaire semble régner, souverain, sur la ville. C’est vrai que c’est le prolongement du week-end. Mais Alger semble nettement moins animée que d’habitude. En témoignent les commerces qui ont baissé rideau sur certaines artères, par prudence. Les services de voirie ont été mobilisés au pas de charge pour effacer les stigmates des émeutes. Ici, on s’affaire à racler les traces des pneus ; là, on s’échine à remplacer des panneaux de signalisation routière saccagés. Devant certaines boulangeries, à Bab El Oued et ailleurs, c’est la queue pour une baguette de pain. Devant certaines stations d’essence aussi.
La ville reprend son souffle. Les gens, leurs esprits. Quelques colonnes de fumée s’élèvent dans le ciel, à l’autre bout de la baie. Mais rien de spectaculaire.
Nous essayons surtout de lire dans ces jacqueries le sens qu’elles se sont donné
. Nous tentons d’en déceler les slogans, les mots d’ordre arborés, les pancartes brandies. Octobre 1988 avait son fameux «Bab El Oued Echouhada». Les émeutes du printemps noir leur «pouvoir assassin» et le tonitruant «Ulac smah ulah» (pas de pardon).
Les manifs des démocrates au début des années 1990 leur fougueux «Djazaïr horra dimocratia» (Algérie libre et démocratique). Qu’en est-il de la révolte de janvier 2011 ?

Le thème de la cherté de la vie semble revenir comme un leitmotiv pour expliquer ces émeutes et leur donner du contenu, que résume parfaitement ce slogan qui a été scandé : «Rahoum zadou fezzit ouessokar, echaâb rahou habet ikassar !» (Ils ont augmenté l’huile et le sucre, le peuple est décidé à en découdre). Pourtant, cela ne semble pas faire consensus. Nombre de citoyens interrogés, qu’ils soient acteurs de ces soulèvements ou simples observateurs, estiment que la majorité des insurgés ont jailli spontanément, les uns poussés effectivement par le ras-le-bol, la misère sociale et la mal vie, d’autres agissant par mimétisme.

Mais pas de tract, ni de banderole, ni de pancarte, ni de charte écrite.
Devant le lycée Okba, à Bab El Oued, des jeunes s’amusent à placarder des affichettes sur un mur. Renseignement pris, il s’avère que cela n’a rien à voir avec les émeutes. C’est juste pour annoncer l’ouverture d’une nouvelle école de formation privée. Indice révélateur à ce propos : nous avons essayé de trouver trace de quelques graffitis sur les murs des quartiers d’Alger récemment embrasés. Il n’y en avait que pour «el harga», Italia, le Mouloudia et l’USMA, mais aucun mot sur les récentes manifs. Quand on sait l’importance des murs comme supports d’expression, on peut mesurer le «blanc» laissé par ce soulèvement en termes de contenus.
Rétrospectivement, on se souvient que même Octobre 1988, sur la foi de nombreux témoignages, n’avait pas immédiatement brandi de revendications politiques. Il a fallu puiser dans l’immense réservoir des luttes sociales et politiques qui ont jalonné les années 1980, depuis le printemps berbère, pour donner un contenu politique à Octobre 1988 et l’habiller d’une plateforme de revendications. Celle-ci trouvait son ancrage dans les traditions militantes héritées du MCB, du FFS, du PAGS, de la LADDH et autres sigles de la mouvance démocratique tapie dans la clandestinité. «Aujourd’hui, quand on voit l’état de l’université, on mesure la régression et l’appauvrissement du terreau politique alors que dans les années 1980, l’université connaissait une effervescence militante exceptionnelle qui a alimenté Octobre 1988», analyse un enseignant rencontré à Bab El Oued. Pour lui, il serait présomptueux, voire démagogique, de prêter au mouvement actuel des revendications «sophistiquées».
à la recherche de la société civile
Selon lui, même les raisons avancées, centrées autour de «la cherté de la vie» ont été ajoutées après coup. «C’est vrai que la cherté de la vie est insoutenable. Mais les jeunes manifestants, eux, n’ont rien dit de tel. C’est vous, la presse, qui avez inventé ces slogans.» Et un de ses collègues de renchérir : «Cela nécessite un profond travail d’encadrement mettant à contribution tout un tissu d’associations, de partis politiques et de syndicats.» Un troisième de faire remarquer : «On ne dit pas que ce mouvement n’est pas légitime. Simplement, nous ne sommes pas d’accord avec la manière.» Et son acolyte de lancer : «Nous, nous sommes dans un syndicat d’enseignants et nous militons pour nos droits par ce canal. Nous avons de petits acquis, mais nous préférons la voie pacifique traditionnelle. Il faut revenir à ces canaux de lutte qui sont le baromètre d’une société civile forte.» Justement, et c’est là que le bât blesse, le verrouillage du champ politique, associatif et syndical rendant problématique toute action citoyenne «encadrée» et «canalisée», le recours à la violence à l’état brut devient presque une fatalité. Interrogé sur ses propres attentes de ce mouvement, un jeune, dans les 18 ans, qui a pris part aux émeutes de Bab El Oued, témoigne : «Moi je vous le dis franchement, ce qui nous fait agir, c’est l’attitude de la police. Hier, un groupe de flics en civil sont venus ici et on les a chassés.» Le jeune évoque au passage le cas de certains «pilleurs professionnels» qui «profitent de la situation pour racketter les gens et vider les magasins». Mais l’on aurait évidemment tort de généraliser en réduisant cette lame de fond à un autre «chahut de gamins». Si le séisme social qui vient d’ébranler la maison Algérie a été brut, spontané et radical dans son expression, un cri sourdant du plus profond de l’injustice sociale qui accable la population, ne s’embarrassant pas trop des discours et des formules de rhétorique, force est de constater que trois jours après la tempête, des voix commencent à s’élever pour injecter des idées, des revendications écrites, du contenu politique à l’intérieur de ce magma de colère. Jusqu’ici, les classes moyennes semblaient se conduire en spectatrices.
Peut-être que cette semaine sera annonciatrice d’une nouvelle phase dans le mouvement… ou que l’heure sera à la capitalisation citoyenne de ce tsunami.
Des initiatives citoyennes sont d’ores et déjà en train d’être lancées dans ce sens. C’est ainsi que le Comité citoyen intercommunal de Aïn Benian-Staouéli vient d’être créé pour accompagner ce souffle. Sous le titre «Pour une alternative citoyenne et populaire», un premier communiqué de ce comité vient d’être rendu public sur facebook. «La rage de notre jeunesse exprime le ras-le-bol de tout un peuple à qui le pouvoir n’a laissé que la harga, la zatla et le suicide», s’indignent les rédacteurs du communiqué, avant d’appeler à un rassemblement pacifique ce dimanche à 16h, sur la place des Dauphins à Staouéli. «Certains font la morale aux jeunes manifestants en les traitant de casseurs et de voyous. Pourquoi tous ces augustes citoyens ne descendent-ils pas dans la rue pour montrer l’exemple ?», lâche un membre du comité de Aïn Benian.
Les classes moyennes et la classe politique savent, désormais, ce qu’ils ont à faire s’ils veulent transformer cet hiver impétueux en printemps démocratique…
Mustapha Benfodil

Algérie : un 5e mort dans les émeutes, au moins 800 blessés

Algerie Focus, 9 janvier 2011
Le bilan des violences en Algérie s’est alourdi ce dimanche à cinq morts. Un chauffeur de taxi de 65 ans est décédé après avoir inhalé des gaz lacrymogènes lors de heurts entre forces de l’ordre et manifestants à Annaba, selon une source hospitalière. La veille au soir, un jeune homme a été tué par balle dans la région de Tiaret, à 340 km à l’ouest d’Alger, alors que trois personnes étaient déjà décédées depuis le début des émeutes, le 5 janvier.

Plus tôt dans la journée de dimanche, le ministère de l’Intérieur avait considéré que la page des violences était «tournée», tout en reconnaissant des «incidents» «à Boumerdès, Béjaïa et Tlemcen».

Un millier de personnes interpellées
Selon le gouvernement, quelque 800 personnes ont été blessées, dont 763 policiers, dans les émeutes contre la cherté de la vie qui secouent le pays depuis une semaine. Par ailleurs, un millier de manifestants ont été arrêtés. Selon le site d’informations Dernières nouvelles d’Algérie, ils risquent de lourdes peines de prison pour vol, destruction des biens de l’Etat ou encore pour attroupement illégal.

Samedi, le gouvernement a par ailleurs répondu dans l’urgence à la contestation par des mesures destinées à juguler la hausse des prix. Mais dimanche, les émeutes ont repris dans certaines villes d’après le site d’information Tout sur l’Algérie, qui évoquait des affrontements entre manifestants et forces de l’ordre à Bejaïa, dans les villes balnéaires de Tichy, Aokas et Souk-El-Tenine, et dans la ville d’El-Kseur.

Reprise des affrontements à Tizi Ouzou
Le site Dernières nouvelles d’Algérie affirmait, pour sa part, que les affrontements avaient repris dimanche à Tizi Ouzou, en Kabylie. «C’est vers 13h30 que de jeunes manifestants ont installé des barricades de fortune au milieu de la chaussée sur l’avenue principale de la ville des Genêts, écrit un journaliste. Les brigades anti-émeutes, installées dans l’ancien siège de la gendarmerie, ont réagi énergiquement pour dissuader les manifestants d’enclencher les hostilités. Une première grenade de gaz lacrymogènes est le prélude aux affrontements. En un temps record, la Grand-Rue est transformée en un véritable champ de bataille. Les commerces ont baissé rideau tandis que les établissements publics n’ont pas du tout ouvert de la journée, pourtant jour ouvrable.»

A Alger en revanche, les habitants tentaient dimanche de reprendre une vie normale. Les commerces avaient rouvert et le trafic ferroviaire, interrompu depuis jeudi, avait repris au départ de la capitale et dans le reste du pays. Mais la ville gardait encore les stigmates des violences. «Les dégâts sont immenses», a estimé le ministre de l’Intérieur, citant des dégradations visant des banques, des boutiques de téléphonie, d’informatique, de montres, de vêtements, des concessionnaires automobiles et des bâtiments publics.

(Leparisien.fr)

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  1. 11/01/2011 à 02:18 | #1

    Lu sur le blog d’El Watan :
    Que faire en face d’un mur ? S’adosser contre ou le casser.

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