« Les pédés dans et contre le capital – De la constitution d’une identité sexuelle à la dernière restructuration »
Cet article est une première contribution de notre part aux discussions portant sur la question homosexuelle depuis un point de vue communiste ainsi que sur l’hypothèse communiste depuis un point de vue homosexuel. Avant de parler de la période contemporaine et de la place que l’homosexualité et la révolution y occupent, nous évoquerons le moment de la constitution de l’identité homosexuelle au travers des transformations du mode de production capitaliste du tournant du XXe siècle à la restructuration des années 1970. Comment, au cours de cette période historique du mouvement ouvrier, les homosexuels s’inscrivent dans et contre le capital, point de rencontre inédit entre homosexualité et communisme ? Enfin, comment cette convergence singulière a pu, dans certains cas, constituer à l’époque une préfiguration du cycle de luttes de classes actuel, appelant à la négation de l’identité ouvrière et au refus du travail ?
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Introduction : Marx à San Francisco
Cet article vise à poser les fondations d’une réflexion sur ce que pourrait être une perspective homosexuelle de la révolution comme communisation et sur ce que pourrait être une perspective communisatrice de l’homosexualité. S’il faut “laisser les systèmes aux grands improvisateurs”, alors ce texte ne répondra pas de manière exhaustive à la question de ce que doit ou peut être un “communisme queer”. Il assume cependant de se livrer à une certaine improvisation, sur les bases d’un système que d’autres ont établi avant lui. Mais il vise plus simplement et avant tout à encourager la rencontre entre deux perspectives théoriques qui en bénéficieraient grandement. D’une part, la théorie de la révolution comme communisation, prenant acte de la restructuration des années 1970 du mode de production capitaliste, énonce que le dépassement de celui-ci ne peut se faire que par l’abolition de l’État, des classes et de la valeur par un processus insurrectionnel qui ne souffre d’aucune période de transition. D’autre part, le marxisme queer1, issu de la rencontre fructueuse – et assez inattendue au vu des nombreux obstacles qui en obstruaient la voie – entre marxisme et théorie queer. Le marxisme queer procède généralement d’un double mouvement : celui de l’inscription des catégories de la théorie queer au sein du matérialisme historique – ce qui consiste à les historiciser en montrant leur intégration au sein du contexte historiquement spécifique du mode de production capitaliste –, et de la queerisation des catégories d’analyses du capitalisme afin d’y prendre en compte la question de la sexualité et du genre.
Si « la révolution doit émerger de la désunion du prolétariat, comme le seul processus capable de surmonter cette désunion »2, si elle doit donc émerger des segmentations de classe, nous voulons nous intéresser ici à celles basées sur l’identité sexuelle. L’objet de cette rencontre est ainsi de placer Marx à San Francisco3 : repartir du marxisme queer, surtout centré sur les États-Unis dans les textes sur lesquels nous nous appuyons, et montrer comment il peut enrichir le point de vue de la révolution comme communisation, en y prenant en compte la sexualité, de même que la théorie de la communisation peut enrichir le point de vue queer sur le mode de production capitaliste. On semble encore souvent considérer la dimension de la sexualité comme un ajout à la pensée de la totalité sociale capitaliste, même lorsque la sexualité n’est pas considérée comme un simple fait privé. Mais les identités sexuelles ne viennent pas, dans leur analyse, après ou avant le capital, à côté de lui, en supplément (comme peuvent l’énoncer des approches réductionnistes ou intersectionnelles). Elles émergent, et la question homosexuelle émerge elle aussi, de ce que l’on peut décrire comme deux contradictions fondamentales de la société dans laquelle nous vivons aujourd’hui : le genre et le capital. D’autre part, si l’identité homosexuelle est consubstantielle au capital et au genre, elle peut aussi être vue comme constitutive (1) des rapports de genre qui se développent à partir de son émergence (2) du rapport capital/travail. Nous allons ainsi rappeler comment le capitalisme a produit l’identité homosexuelle, comment il inscrit les homosexuel·les dans le capital, et comment les homosexuel·les se retournent contre lui depuis leur accès propre à la totalité.
L’approche en terme de réification du désir, double geste d’historicisation de Foucault et de Butler et de relecture queer critique de Marx et Lukács, se montre particulièrement féconde pour inaugurer cette rencontre entre communisation et homosexualité. Précisons néanmoins que ce texte se concentre tout particulièrement sur l’homosexualité masculine et que les autres identités sexuelles, notamment le lesbianisme, y seront ainsi assez peu évoquées. Mais le raisonnement qui y est exposé devrait pouvoir leur être transposé tout en soulevant d’autres problématiques parallèles. Nous espérons que cette amorce de réflexion sera discutée, critiquée et enrichie au sein du courant communisateur et au-delà, et contribuera à réinterroger plus largement la question de la sexualité dans nos espaces théoriques.
Les pédés dans le capital
« Il n’y avait pas d’anormaux quand l’homosexualité était la norme. »
Proust, Sodome et Gomorrhe.
Dans La Réification du désir, qui est désormais un classique du marxisme queer, Kevin Floyd prend notamment appui sur un article fondateur des études marxistes gays de John D’Emilio paru au début des années 19804. Ce texte réalise un tour de force théorique majeur : expliquer le développement de l’identité gay dans les sociétés industrielles occidentales par le développement du mode de production capitaliste et le bouleversement des formes de production et d’organisation sociale qu’il y a induit. Le geste d’historicisation de l’analyse queer de la société y est ainsi pleinement déployé, l’identité gay étant alors comprise comme un produit de cette structure historique et sociale spécifique qu’est le mode de production capitaliste. Il est en effet bien connu que l’identité homosexuelle, ainsi que l’homosexuel·le qui lui est afférent·e, est une catégorie éminemment moderne. Avant D’Emilio, on liait toutefois rarement directement et explicitement l’émergence de cette identité aux transformations sociales produites par le développement du MPC5. Ainsi, avant que celui-ci n’étende sa domination à toute la société, il n’y avait ni homosexuel·les ni identité homosexuelle. Il n’est pas nécessaire de préciser que des pratiques décrites aujourd’hui selon le vocable qui plaira le mieux aux lecteur·ices de ce texte (pratiques homosexuelles, homo-érotiques, etc.) préexistaient à cette identité, et pouvaient être condamnées/réprimées par la société sans que cela ne constitue une condamnation de l’invidu lui-même en tant qu’homosexuel·le dérogeant à une norme hétérosexuelle. La famille constituait alors une unité de production fondamentale des systèmes pré-capitalistes et enfermait ses membres à un niveau différent d’aujourd’hui au sein d’un système interdisant l’émergence de sexualités dissidentes. La famille comme unité de production autosuffisante, dont les membres produisent la majeure partie des biens qu’elle consomme, rendait précisément impossible toute vie hors d’elle. Au XIXe siècle, le capitalisme, en arrachant les futur·es prolétaires aux campagnes agricoles pour les pousser vers les villes industrielles, a détruit cette conception de la famille comme unité de production de base, la réduisant à ses attributs de lieu de solidarité, d’affectivité et de travail domestique (et ce malgré toute la violence, la discipline et la répression qui s’y déploient). La sexualité devint ainsi plus décorrélée de la reproduction qu’auparavant, les enfants n’étant plus des producteurs au service de la famille, et la reproduction générationnelle n’est donc plus une nécessité structurelle. Il devenait ainsi possible à la fois d’envisager d’exister hors de la famille d’un point de vue économique grâce au “travail libre”, et d’envisager d’autres formes de relations non centrées autour de la reproduction nucléaire. C’est ce qui permit l’émergence d’une identité homosexuelle, et donc d’individus homosexuel·les. Désormais capables de vivre par elleux-mêmes, iels ont vu leur désir homosexuel “se cristalliser en une identité personnelle” : « À la fin du XIXe siècle existait une classe d’hommes et de femmes reconnaissant leur attirance érotique pour les personnes de même sexe, qui considéraient cela comme une caractéristique les distinguant de la majorité et recherchaient des personnes qui leur soient semblables ». A partir de l’exclusion de ces individus du champ familial se développa une vie collective fondée sur leurs identités et où iels pouvaient les exprimer plus ou moins librement. Dès le début du XXe siècle, homosexuels et lesbiennes des milieux urbains avaient créé des espaces où se rencontrer en tant qu’homosexuels et lesbiennes. Mais l’émergence de cette identité est évidemment fortement médiée par les contradictions de classe, de race et de genre de l’époque. Par exemple, les homosexuels étaient semble-t-il plus nombreux que les lesbiennes, l’accès restreint des femmes au travail libre les rendant plus dépendantes économiquement aux hommes et à la cellule familiale.
D’Emilio note assez rapidement que la société bourgeoise produit une réaction idéologique à l’émergence des identités homosexuelles : « les définitions idéologiques de ce qu’était un comportement homosexuel changeaient. Les médecins développaient des théories sur l’homosexualité, la décrivant comme un état, quelque chose d’inhérent à une personne et faisant partie de sa “nature” ». Il est en fait assez insatisfaisant de décrire ceci comme une simple réaction idéologique de la bourgeoisie : ce mouvement est en réalité le signe, et le résultat concret, d’un phénomène fondamental et plus abstrait liant fortement capital, genre et sexualité à partir de l’émergence de ces identités homosexuelles : le désir sexuel réifié par le capital6.
Lukács définit dans Histoire et conscience de classe la réification comme « le fait qu’un rapport, une relation entre personnes prend le caractère d’une chose et, de cette façon, d’une “objectivité illusoire” qui […] dissimule toute trace de son essence fondamentale : la relation entre hommes »7. À ce titre, elle renvoie donc à une forme de “méprise sur les relations sociales”, mais le concept de réification a une extension bien plus large que cela, qui émerge de ce qu’il vise à décrire. L’extension de la marchandise (et de son abstraction) à toute la société, conjuguée à la rationalisation et au raffinement technique du procès de production (l’exemple paradigmatique étant la chaîne de montages), fait que l’éclatement de ce dernier en de multiples parcelles sur lesquelles le prolétaire n’a plus de prise se retrouve dans la subjectivité de ce dernier. Ses capacités se voient ainsi isolées les unes des autres et soumises à une évaluation rationnelle et quantitative tandis que tout phénomène doit s’incarner en “un fait calculable et prévisible”8. La réification est donc aussi le reflet d’un appauvrissement de la vie sociale et de la vie individuelle, réduite à une conscience passive qui ne peut concevoir seule la réalité des rapports sociaux. L’accès à la totalité des rapports sociaux est porté chez Lukács par le prolétariat en tant que classe : l’apparence “figée” dans la conscience des relations sociales ne peut être niée que collectivement, quand le prolétariat “se comprend comme sujet et objet du capital” (objet par la vente de sa force de travail au capital, mais sujet par sa place de producteur de marchandises qui lui permet de le renverser).
Le concept de réification recouvre ainsi un spectre d’applications très large, ce qui lui a souvent été reproché9. La potentielle absence d’historicité qui en découle, c’est-à-dire l’application de la réification à une multitude de contextes sans tenir compte de son caractère historiquement spécifique lié au MPC et à ses développements, est souvent pointée du doigt. Néanmoins, la relecture du concept à travers la théorie queer, en examinant la réification du désir sexuel, permet de lui donner une historicité : voilà une première rencontre bienheureuse entre théorie queer et marxisme depuis la théorie queer. La réification du désir désigne ainsi la manière dont le processus de réification s’est appliqué aux désirs sexuels à partir du début du XXe siècle et a ainsi provoqué la constitution de rôle sexuels constitués dans des identités homo- et hétérosexuelles que nous avons décrites auparavant. Le mode de production capitaliste subit en effet des transformations fondamentales à cette époque marquée par un développement intensif de la subsomption réelle du procès de travail. Au lieu d’agir au niveau formel en augmentant la durée de la journée de travail par exemple, la classe capitaliste agit directement sur l’organisation du procès de travail pour augmenter la plus-value extraite. L’exemple paradigmatique de cette époque est évidemment le taylorisme puis le fordisme : division du travail accrue, parcellisation du procès de travail, chaîne de montage, standardisation. Ce processus demande une rationalisation accrue du procès de travail : la réification, qui désigne alors un rapport humain médié par la marchandise. Cette parcellisation en tâches simples constitue une « expropriation systémique de la capacité technique » qui voit les travailleur·ses perdre la main sur leur travail ainsi que l’émergence de savoir qui « réifient les capacités corporelles » afin d’optimiser quantitativement la capacité de travail des prolétaires. C’est sur le caractère objectivant et disciplinaire d’un savoir historiquement et socialement situé que se rencontrent ici de manière évidente Lukács (pour le marxisme) et Foucault (pour la critique queer). Cette séparation des capacités corporelles les unes des autres (réification), qui coïncide ainsi avec la séparation des prolétaires de leur conditions initiales de reproduction (dorénavant médiées par la marchandise)10, entraîne en effet l’isolement du désir sexuel comme capacité particulière du corps, qui peut alors être réifié (et donc soumis au savoir objectivant, qui discipline les corps, dont parle Foucault) comme les autres capacités dont il a été singularisé. Au niveau épistémologique, le paradigme du genre pré-XXe siècle était le dualisme physiologique virilité (manhood) / féminité (womanhood) caractérisé par la possession masculine par l’homme d’une énergie sexuelle potentiellement explosive qu’il s’agirait de dominer pour la concentrer sur la reproduction, ce qui était étroitement lié aux impératifs de l’époque de formation et de reproduction d’une force de travail à exploiter11. Le corps actif sexuellement de l’homme, sujet de désir, le dédie alors naturellement à la vie active et publique, tandis que la femme, objet de désir, est assignée à l’existence domestique et privée. Au sein du corps masculin coexistent donc normalité (maîtrise du désir) et pathologie (non-maîtrise des pulsions), qui sont constituées physiologiquement et corporellement. La réification du désir sexuel modifie profondément cette épistémologie et ces rôles genrés. On passe ainsi d’un régime de savoir de corps cloisonnés, où le corps masculin est le seul à posséder une énergie sexuelle qu’il doit parvenir à maîtriser, à un régime de corps classifiés, où les hommes et les femmes sont sujets et objets de désir. C’est la capacité du corps masculin à devenir objet de désir qui peut permettre d’établir l’existence de sujets masculins désirants des hommes, des homosexuels, sur la base de cette capacité particulière qu’est devenu le désir sexuel.
Le régime de savoir devient ainsi psychanalytique. Tout comme les mathématiques semblent être le savoir de la réification par excellence pour Lukács12 (le “pur calcul”), la psychanalyse est le savoir de la réification du désir13 : « La psychanalyse constitue un moment charnière dans le dispositif de la sexualité précisément parce qu’elle normalise et universalise le pathologique [nous soulignons] ». Le désir n’est plus la propriété physiologique de l’homme, il est « scientifiquement abstrait, dissocié, retiré du corps masculin pour devenir la condition de possibilité de la saturation de tous les corps ». La pathologie provient alors, dans le discours psychanalytique, de la cellule familiale qui, bien que n’étant plus une unité productive de base, conserve une importance fondamentale pour le MPC et l’hétérosexualité. Le régime psychanalytique se manifeste au niveau du genre par le passage à un nouveau dualisme : masculinité (masculinity) / féminité (feminity), chaque genre devant se constituer autour de la matrice sexuelle en expulsant le désir envers le même genre, soit l’homosexualité. Cette “performance de renoncement” constitue alors la genèse du genre défini en termes de mélancolie dans la pensée queer contemporaine, ce qui permet ainsi de l’historiciser. La mélancolie désigne « ce qui est perdu sans que l’on ne puisse identifier clairement l’objet de la perte et en faire le deuil »14. Ici, ce qui est perdu, c’est le désir pour le même genre, le désir homosexuel (et, chez Floyd, cette perte « présuppose un désir sexuel réifié »), afin de constituer la matrice hétérosexuelle. L’hétérosexualité est rendue ainsi consubstantielle à la contradiction hommes/femmes, aux rapports de genre de notre société.
Mais comment se réalisent ces nouveaux rôles de genre ? L’homme masculin fait face à deux nouveaux défis par rapport à l’homme viril : d’une part, il doit afficher son hétérosexualité15, sa normalité, mais d’autre part il ne peut plus le faire comme l’homme dont la virilité s’exprimait à travers la production et le travail qualifié sur laquelle il avait encore une certaine marge de manœuvre. C’est ici que le mode de production capitaliste entre à nouveau en jeu. Une autre caractéristique de l’époque du début de la subsomption réelle (fordisme) est l’importance de plus en plus croissante de la consommation dans le procès d’accumulation. C’est d’abord au sein de la classe moyenne blanche (au début du XXe siècle) que se développe la réalisation de la masculinité et de la féminité dans la consommation (avant d’être étendue, en Occident, à tout le champ social jusqu’au prolétariat, à partir des années 1950), les hommes y occupant souvent des emplois de bureau qui sont coupés de l’industrie et de l’image de l’ouvrier-artisan “viril” et qui leur donnent les moyens d’entrer dans la consommation et les loisirs. C’est en effet désormais hors du travail que se réalise la masculinité, l’homme investissant même l’espace domestique (par les travaux d’entretiens par exemple), pourtant fondamentalement féminin durant le paradigme de genre précédent.
L’analyse queer de la réification permet à Floyd de montrer :
- que la réification n’est pas un phénomène anhistorique et informe mais bien une abstraction dont il s’agit de montrer comment les manifestations concrètes sont médiées par le capital et les tendances historiques d’accumulation ;
- et de manière corollaire, qu’il y a des devenirs émancipateurs à la réification, et que celle-ci en est la condition de possibilité.
Lukács, focalisé sur le “moment subjectif de la réification”, considère celle-ci comme figeant la conscience et l’apparence des rapports sociaux, mais l’analyse des identités sexuelles comme produit de la réification du désir sexuel montre qu’elle engendre également des possibilité de libération de par la place occupée par l’homosexualité au sein de la reproduction du système capitaliste et hétérosexuel. L’identité homosexuelle ne peut se comprendre que comme part de la totalité, comme consubstantielle au capital. Nous devons critiquer ceux qui pensent le capital sans l’homosexualité tout comme ceux qui croient pouvoir penser l’homosexualité sans le capital. Ainsi, de manière simultanée, c’est par l’homosexualité que l’on peut voir que la réification ne produit pas une conscience passive mais des possibilités de libération, des lignes de fuites incarnées par la prolifération d’une multiplicité d’identités à partir desquelles l’accès à la totalité est incarné de multiples manières. Il n’est pas question de dire que l’homosexualité serait “subversive” par essence, elle ne l’est (s’il faut employer ce mot) qu’en vertu de la position “renégate” des prolétaires homosexuel·les dans la reproduction du capital, position variant historiquement et toujours- déjà médiée par d’autres déterminations (race, genre). L’un des aspects propres de cette place dans le capital est l’aspiration queer à la totalité qui émerge depuis le processus de réification du désir sexuel.
Nous ne sommes rien, soyons tout ! L’aspiration queer à la totalité
« [C]omportement politique correct dans sa confrontation avec l’objet social : dans la société et en même temps contre elle ; en tant que partie qui saisit théoriquement la totalité parce qu’elle lutte pour la détruire dans la pratique réelle ; et comme moment vital de tout ce qui existe, et donc pouvoir absolu de décision sur sa survie […] face au capital comme rapport social. »
Mario Tronti, Ouvriers et capital.
La pensée de la totalité se constitue en opposition aux tendances de fragmentation et d’atomisation du capital. Elle cherche ainsi à affirmer qu’il y a une source à cet isolement “ontologique et épistémique”16, le capital. Cela permet ainsi de penser la société comme une totalité de relations sociales dont on cherche à explorer les médiations entre les différents moments qui ne sont alors plus inspectés isolément. L’aspiration à la totalité désigne le fait que la conscience de classe du prolétariat est spécifique non en ce qu’elle « s’éveille et grandit par la connaissance de la situation commune et des intérêts communs »17 mais en ce que dans ce processus même de sortie de l’immédiateté (et donc du fragment, de l’isolement) le prolétariat « dirige son intention vers la totalité de la société »18. Ce mouvement ne peut s’arrêter à un niveau “d’immédiateté supérieure”, il est constamment porté vers la totalité, contre le capital.
La condition de possibilité d’une aspiration queer à la totalité réside pratiquement dans l’existence de formations sociales concrètes qui voient leur émergence médiée par le mode de production capitaliste. D’Emilio note que, dès les années 1920, une vie sociale homosexuelle et lesbienne assez active se développe aux États-Unis, notamment au sein de la classe moyenne. L’existence de formations sociales homosexuelles (parlons- en au pluriel, parce que tout comme il n’y a pas la communauté LGBT, il n’y a pas la formation sociale homosexuelle) se généralise à partir des années 1950 à tous les segments de la vie sociale ; de fait, les homosexuel·les deviennent de plus en plus nombreux·ses, à la grande horreur du régime hétérosexuel. Aux États-Unis19, ce phénomène a lieu durant la Seconde Guerre mondiale, qui a vu des millions d’hommes et de femmes échapper matériellement et socialement à l’emprise des liens familiaux20. C’est sur cette base que se consolident les formations sociales homosexuelles d’après-guerre, plus importantes que jamais et soumises à une intense politique d’État homophobe, depuis lesquelles s’affirmeront les différents mouvements de libération gays de la seconde moitié du XXe siècle.
Chez Lukács, l’aspiration à la totalité est une caractéristique du prolétariat. C’est le prolétariat en tant que classe qui, par la praxis collective, prend conscience de son rôle de sujet et d’objet au regard du capital et peut renverser la réification à l’œuvre dans le mode de production capitaliste en s’extirpant des consciences individuelles “figées” des relations sociales. De la même manière, au sein de l’opéraïsme, le prolétariat est le seul à accéder à la totalité à partir de son point de vue partial et partiel émergeant de sa position dans et contre le capital : « Sur la base du capital, la totalité ne peut être comprise que par sa partie adverse. La connaissance est liée à la lutte. Et connaît vraiment celui qui hait vraiment. La raison pour laquelle la classe ouvrière peut savoir et posséder la totalité du capital, est la suivante : en tant que capital, elle va jusqu’à être son propre ennemi »21.
Mais Floyd note que l’aspiration à la totalité de Lukács demeure en réalité une “entreprise inachevée”. Les mouvements de libération gays, les mouvements féministes, etc. ont montré qu’il peut y avoir différents points de vue sur la totalité. Le concept d’une aspiration queer à la totalité représente un point de convergence en réalité assez naturel entre pensée queer et marxisme : le marxisme est une pensée de la totalité qui se focalise sur la “connexion” entre les différents moments de la totalité et est une critique des discours “particularisants” et de la différenciation sociale (décrite ici en termes de réification). Mais si la pensée queer émerge de cette différenciation sociale, elle est aussi une critique des discours “particularisants” qui privatisent la sexualité et la renvoient à une partie déterminée du champ social alors que celle-ci l’envahit entièrement. La pensée queer est donc une forme de pensée de la totalité également, émergeant depuis un point de vue queer particulier sur celle-ci. Cela n’empêche toutefois pas à la pensée queer de posséder en son sein une forme de “critique immanente” envers cette “pulsion généralisatrice” parfois aveugle à d’autres dynamiques sociales (classe, race, genre), d’où la rencontre possible entre marxisme et pensée queer : le marxisme queer. Le cadre communisateur nous permet de nous rendre compte que l’aspiration à la totalité est sans aucun doute médiée par le cycle de luttes dans lequel elle s’inscrit : il est ainsi peu étonnant de voir Histoire et conscience de classe faire, en pleine période programmatique22, du prolétariat le sujet collectif à unifier pour renverser la réification. Et c’est bien la figure de l’ouvrier masculin, blanc et hétérosexuel qui est le sujet universel autour duquel se construit l’identité ouvrière comme socle du mouvement ouvrier. C’est pour cela que Floyd décèle au sein des concepts marxiens de Lukács des “présupposés hétéronormatifs”, notamment dans sa dénonciation de la déshumanisation provoquée par la réification.
Ce qu’exprime aujourd’hui la présence de différentes aspirations à la totalité (comme le féminisme ou les mouvements homosexuels) n’est plus ni moins que la segmentation contemporaine de la classe ouvrière : « La totalité, c’est-à-dire la polarisation de la société en classes, n’est pas présente dans chaque segment ni dans leur possible addition momentanée, elle est leur segmentation elle-même en ce qu’elle suit et n’existe que dans les linéaments, les ruptures et les découpages de la reproduction du capital dans laquelle le prolétariat ne trouve plus aucune confirmation de lui-même. Son unité, car unité il y a, lui est étrangère, pour lui-même n’existe que l’immédiateté de la segmentation »23. Et le fait que ces aspirations s’exprimant hors du sujet universel du fordisme (blanc, masculin, hétérosexuel) montent en puissance lors de la restructuration du MPC des années 1970 (mouvements féministes, mouvements homosexuels, mouvements anti-racistes), alors même que le programmatisme laisse place à un nouveau cycle de luttes (celui dans lequel on est encore actuellement), n’est pas étonnant car il ne s’agit pas d’un “accident de l’histoire”. Le programmatisme ne pouvait autoriser les homosexuels à porter leurs revendications au sein du mouvement ouvrier sans compromettre la pureté de la classe (on peut clairement parler ici d’homophobie du mouvement ouvrier), de la même manière que les luttes et revendications féministes étaient rarement prises en compte dans la théorie et la pratique révolutionnaires de l’époque :
Le programmatisme en tant que théorie et pratique historiquement définies de la lutte des classes est le dépassement du capital comme contradiction en procès par la libération du travail et l’affirmation du prolétariat. Et quand, quelques fois, il était question des femmes, leur émancipation consistait à être naturellement, gaiement et volontairement mères et tout aussi librement travailleuses. La résolution de la contradiction entre les hommes et les femmes était réellement évacuée vers un avenir post-révolutionnaire et indéfini par la configuration de la contradiction entre les classes mais aussi par celle de la contradiction entre les genres, car le travail et la population demeuraient, après la révolution, plus que jamais la principale force productive et en conséquence les femmes demeuraient des femmes. Les luttes de femmes demeuraient prises dans le paradoxe de l’affirmation de l’identité féminine et de la revendication de l’indépendance et de l’égalité avec les hommes (sur la base de la reconnaissance de cette identité).24
Ce n’est alors qu’avec la fin du programmatisme que l’aspiration queer à la totalité – qui est ainsi toujours médiée historiquement par le développement du mode de production capitaliste, à la fois par la nécessité d’avoir une identité et des formations sociales sur lesquelles s’appuyer mais aussi par la possibilité de constituer des luttes spécifiquement homosexuelles contre le capital – peut s’exprimer de manière pratique et théorique, c’est-à-dire que les pédés peuvent se retourner contre le capital depuis leur position de pédés.
Les pédés contre le capital
« Le capitalisme a rendu l’identité gay possible. Maintenant, nous devons détruire le capitalisme. »
L’aspiration queer (ou homosexuelle) à la totalité a ainsi défini historiquement la condition de possibilité de constituer un mouvement politique gay à partir des formations sociales homosexuelles. Il n’est pas le lieu ici de refaire l’histoire des mouvements de libération gays pour lesquels 1968 aura été, comme pour le mouvement ouvrier, un tournant majeur. De même, nous ne porterons guère d’intérêt aux mouvements homophiles pré-68, largement critiqués depuis la perspective “universalisante” de l’homosexualité des mouvements homosexuels plus révolutionnaires, aux États-Unis comme en Europe. L’objet de cette partie est ainsi de se concentrer sur l’intervalle entre Mai et la restructuration suivant la défaite ouvrière, puisque c’est au sein de celle-ci qu’ont jailli les mouvements révolutionnaires homosexuels dans le monde occidental. On veut ici réinscrire la pensée révolutionnaire gay post-68 dans le contexte de la vague révolutionnaire de cette époque et de la restructuration qui l’a suivi et montrer ainsi comment cette pensée a préfiguré également le cycle de luttes actuel grâce à son point de vue queer sur la totalité. Communisation et pensée queer se rencontrent à nouveau cette fois-ci au niveau de la médiation des identités sexuelles par les cycles d’accumulation du MPC.
Ainsi, de même que « dans sa spécificité, la lutte féminine est la condition sine qua non du dépassement de la lutte de classe programmatique »25, la lutte homosexuelle – les luttes queer plus généralement – occupe historiquement la même position. Si Théorie Communiste affirme ainsi qu’une « étude méticuleuse des mouvements révolutionnaires révélerait certainement que l’activité des femmes dans ces mouvements participe de l’impossibilité du programmatisme dans ses propres termes, de ses contradictions et de son dépassement », il en est évidemment de même pour les mouvements gays, dont les critiques de l’époque à l’encontre du mouvement ouvrier (et les liens avec le mouvement féministe) sont désormais bien connues.
Pour Théorie Communiste, le surtravail présuppose et construit, dans les sociétés de classe, la division entre travailleur·ses et non-travailleur·ses mais aussi la division genrée. Dans les sociétés pré-capitalistes, le rapport entre travail et surtravail n’est pas contradictoire. La meilleure manière d’y augmenter le surtravail, c’est d’augmenter la principale force productive : la population. De là découle le genre : la construction du groupe social “des femmes” (et “des hommes”) et la construction sociale d’une division sexuelle biologique de l’espèce humaine. Les rapports de genre sont consubstantiels à chaque mode de production en ce qu’ils permettent l’appropriation de surtravail. Mais, au sein du MPC, une double contradiction se loge dans le surtravail : celle entre travailleur·ses et non-travailleur·ses (déjà existante dans les modes de production précédents), et celle entre surtravail et travail nécessaire. Le MPC tend en effet à réduire le plus possible le travail nécessaire pour maximiser la part de surtravail. Mais comme il ne crée du surtravail qu’en mettant « en mouvement du travail nécessaire, c’est-à-dire en procédant à l’échange avec l’ouvrier », il doit à la fois augmenter le travail tout en réduisant le travail nécessaire. Vaincre la limite que représente la journée de travail pour créer davantage de travail peut se faire en augmentant la population, c’est-à-dire en additionnant de plus en plus de journées de travail en parallèle. Or, cela crée en retour plus de travail nécessaire : le MPC a donc pour « dynamique de créer du travail nécessaire pour l’abolir ». C’est ainsi le premier mode de production à avoir « un problème avec le travail et l’augmentation de la population comme “principale force productive” ». C’est alors ici que, pour TC, la distinction de genre devient une contradiction, et peut se poser comme telle. Et c’est en comprenant le salaire en tant que “valeur de la reproduction de la force de travail”, qui produit lui-même l’antagonisme homme/femme par le “rapport de dépendance” dans lequel se trouve la femme, que l’on peut arriver à une théorie non programmatique de la lutte de classes. C’est donc à partir d’une des segmentations du MPC, depuis le point de vue féministe, l’aspiration féministe à la totalité, que l’on y parvient. TC y parvient également en considérant que le travail dit féminin post-restructuration, flexible et précaire, est le modèle sur lequel se structure de manière plus générale l’emploi après la restructuration. Il y a ici, comme dans les mouvements homosexuels d’antan, préfiguration des caractères généraux du cycle de luttes suivant26 à partir d’une position particulière, celle des femmes dans le MPC post-restructuration. Terminons sur l’appel à se garder d’une “anthropologie des origines” du genre que l’on peut étendre à l’oppression des homosexuel·les : on sera bien en peine de trouver le premier qui a pensé à traiter l’autre de pédé ou d’autre chose, que ce soit avant ou après le début de la société marchande. Mais pour l’homosexualité, le problème de l’origine est d’une certaine manière plus simple : l’identité homosexuelle est consubstantielle au mode de production capitaliste. Et ceci précisément parce que, comme exposé ci-avant, « le vrai point de départ de la compréhension » des rapports de genre « est le point où la question peut apparaître parce qu’elle apparaît comme une question, ce point c’est le mode de production capitaliste : son rapport contradictoire au travail et à la population ». Il faut cependant préciser ici que la matrice hétérosexuelle (ou l’hétérosexualité) étant constitutive des rapports de genre – l’homosexualité émergeant des deux contradictions que sont le capital et le genre –, on ne peut faire l’économie de sa prise en compte dans une théorie non programmatique de la révolution comme communisation. S’il est vrai que « dans le cours des luttes, c’est la contradiction entre hommes et femmes, parce que son terrain spécifique est la reproduction (avec tout ce que ce terrain comporte : essentiellement la séparation entre public et privé qui est alors nécessairement mise en jeu) qui permet de franchir le pas au-delà de la limite parce que ce n’est plus seulement de luttes entre classes dont il est question mais de leur existence même », il est d’autant plus vrai qu’on ne peut penser à tout cela sans poser cette question en termes de remise en cause explicite de l’hétérosexualité.
Historiquement, la lutte homosexuelle représente donc un dépassement du programmatisme. Et les cris d’orfraie des hérauts de l’identité ouvrière en décomposition de l’époque (PCF, LCR, LO) face à la présence de pédés et de lesbiennes défilant en tant que pédés et lesbiennes lors des manifestations du 1er mai (1971 notamment) sont certes d’abord un réflexe homophobe classique, issu des grandes heures du mouvement ouvrier, mais leur véhémence est aussi le symbole de l’impossibilité de plus en plus chronique à affirmer et à réaliser la politique phare du programmatisme : l’unité de la classe. Le mouvement ouvrier est mort et qu’importe si c’est “l’individualisme petit-bourgeois” des homosexuels qui l’a tué ; c’est en tout cas en partie en croyant de la sorte que le programmatisme bientôt à bout de souffle se console et croit pouvoir conjurer sa fin. En réalité, une partie de la critique homosexuelle radicale de l’époque (radicale parce qu’inscrite historiquement au sein du mouvement communiste), portée par une époque intense d’attaques contre tous les segments de la totalité – luttes de classe, luttes de femmes, luttes quotidiennes, etc. –, inscrite dans la segmentation du MPC et entraînée par l’aspiration queer à la totalité, a déjà pris acte de la fin du programmatisme et préfigure le cycle de luttes suivant. Il existe certes des tentatives de queeriser le programmatisme, de reformer l’unité de la classe ouvrière en la proclamant depuis un point de vue queer : « L’homosexualité ouverte permet permet d’unifier la classe ouvrière parce que nous offrons aux hétéros un modèle d’hommes qui se soutiennent mutuellement sur le plan émotionnel et physique – des moyens de résister à la corvée abrutissante des lieux de travail capitalistes »27. Cette position, sorte de miroir du programmatisme, vise à le sauver “par le bas” : tous les segments de la classe ouvrière doivent s’unir pour affirmer la puissance de la classe et permettre la transcroissance des luttes en les faisant converger. Sur quelle base ? Le plus souvent : sur celle de ces appels plutôt vains qui ne prennent pas les segmentations de la classe pour ce qu’elles sont. Ces incantations à la convergence se retrouvent encore aujourd’hui dans les débris du mouvement ouvrier. Ce n’est donc pas chez les pédés programmatistes – de l’extrême-gauche à la social-démocratie – que l’on peut trouver, en 1970 comme aujourd’hui, quoi que ce soit d’intéressant : le déploiement le plus clair de l’aspiration queer à la totalité comme préfiguration du cycle de luttes à venir après la défaite ouvrière de Mai.
Il y a des tendances théoriques qui inscrivent les luttes homosexuelles en tant que luttes homosexuelles, leur donnent leurs spécificités en tant que luttes homosexuelles tout en les inscrivant clairement en relation avec l’abolition des classes et la révolution. Bref, des tendances qui tendent déjà à poser une théorie non programmatique des luttes de classes depuis un point de vue homosexuel.
S’appropriant les réflexions de Camatte autour de la communauté matérielle du capital et de la communauté humaine (Gemeinwesen) qui doit y mettre fin, Mieli y intègre la question des rapports entre genre, homosexualité et hétérosexualité. À une époque où l’on ne s’intéresse plus seulement au procès de production mais également de plus en plus à la reproduction du capital, Camatte croit percevoir, à l’aube de la restructuration du MPC, que le capital a dépassé la loi de la valeur et s’est établi en communauté matérielle en s’autonomisant. Cela signifie plus concrètement que, pour Camatte, le capital peut réaliser l’opération A – A’ sans avoir nécessairement besoin du procès de production (il en a même, selon lui, de moins en moins besoin). Il n’est plus seulement valeur en procès, il est lui-même devenu capital en procès, « il n’a plus besoin de se rapporter à sa propre matérialité pour acquérir une réalité »28 et devient “représentation” qui peut alors réaliser sa domination réelle sur toute la société, et plus seulement sur le procès de production. De plus, l’être humain n’échappe pas à cette subsomption de toute la société par le capital. Le capital “domestique” l’homme : après l’avoir “analysé-disséqué-parcellisé”29 (on peut faire un lien ici avec le processus de réification), il le reconstruit à son image. Toute activité humaine devient activité du capital, l’humain devient membre de la communauté matérielle du capital. Cela met fin aux antagonismes de classes en ne laissant subsister qu’une « classe universelle, ensemble d’hommes et de femmes prolétarisés, ensemble d’esclaves du capital ». La fin du despotisme du capital est réalisée par la constitution d’une communauté humaine véritable. Le communisme n’est alors plus définit en opposition au MPC, mais comme un dehors total à notre monde et comme une réconciliation avec la nature : « En un mot il ne doit pas être envisagé en opposition à quelque chose, car il s’agit de sortir de toute dialectique qui ramènerait tôt ou tard l’antagonisme un instant refoulé. Ce dont il est question c’est de l’être des hommes et des femmes et de leur rapport à la totalité du monde vivant implanté sur notre planète qu’on ne peut pas concevoir comme appropriation, comme le pensait Marx, mais comme jouissance. Aussi mieux vaut-il remplacer communisme par communauté humaine »30.
Camatte estime que la période de la domination formelle est caractérisée par des rôles sociaux fixés par le procès de valorisation du capital (« L’Etat devait contraindre tous les sujets à respecter cette normalité fondée sur l’étalon lequel permettait l’échelle des valeurs de la société. La loi de la valeur emprisonnait les hommes, les contraignait à des stéréotypes, fixait leur mode d’être ») mais que la subsomption de la société par le capital signifie également la subsomption des déviations à la norme par celui-ci. Il n’arrive ainsi pas à saisir la nature des mouvements féministes et homosexuels de l’époque, considérant que « la dissolution de la conscience que l’on peut percevoir au travers des manifestations comme celles du MLF, du FHAR, de l’anti-psychiatrie […] ne correspond pas à la manifestation simultanée d’une conscience révolutionnaire mais témoigne seulement de la fin de la société bourgeoise fondée sur la valeur, sur un étalon fixe, ce qui se répercutait à tous les niveaux de la vie des hommes ». L’édifice théorique de Camatte devient à partir d’ici très simple puisque tous ces mouvements vont pouvoir être dénoncés comme des “rackets”. Voilà l’unité de tous par-delà la séparation tant rêvée, réalisée ici au profit du capital. Cependant, Mieli, s’il reprend l’idée d’une communauté humaine libérée du despotisme du capital, voit au contraire l’homosexualité comme un moyen d’y parvenir. La question du genre et de la sexualité n’est pas réglée aussi expéditivement que chez Camatte31. Le dualisme hétérosexualité/homosexualité est inscrit au coeur du fonctionnement de la société, son premier terme étant la Norme par laquelle le capital se perpétue. En érigeant le désir homosexuel comme universel, on ne peut expliquer la puissance de cette Norme que par la répression de ce désir présent en chaque individu. D’un côté, le désir homosexuel est donc reprimé, mais de l’autre il acquiert une importance fondamentale pour le capital en ce qu’il est aussi sublimé. La sublimation désigne une déviation de la pulsion sexuelle mise au service d’une activité sociale. Pour Mieli, la sublimation du désir homosexuel se réalise au sein du travail :
Il suffit d’aller au bureau ou à l’usine pour s’apercevoir immédiatement à quel point l’atmosphère abrutissante du lieu de travail est emprunte d’homosexualité réprimée et sublimée. Les “camarades” de travail qui respecte rigoureusement, comme le veut le capital, le tabou anti-homosexuel, se font baiser huit heures par jour […], ils s’exhibent dans un mouvement de rivalité devant les femmes, ils s’entendent entre hommes, ils se cognent dessus, et ils travaillent. Aussi font-ils le jeu, pardon, le travail du capital et établissent-ils une fausse solidarité entre hommes, une solidarité négative qui les opposent aux femmes et les opposent les uns aux autres dans une optique frustrée […] de rivalité, de concurrence pour savoir qui est le plus dur, le plus viril, le plus brutal, le moins baisé au milieu du “baisodrome général”.32
Non seulement le désir homosexuel est sublimé au sein du travail, mais la répression de ce désir assure la domination du capital sur les individus. La libération du désir homosexuel permet alors de créer une « solidarité nouvelle et authentique entre hommes et femmes » pour abolir le travail. Ce sont ces réflexions sur l’abolition du travail qui permettent d’inscrire Mieli dans ce que l’on nomme “préfiguration du cycle de luttes actuel”. La question du refus du travail, qui annonce une conception communisatrice de la révolution, est posée à travers le désir homosexuel. Et peut-être que le mouvement ouvrier ne voulait pas des homosexuel·les en ce qu’iels représentaient une menace pour la défense du Travail au nom de la classe ouvrière (l’homosexualité n’était-elle pas « une tradition étrangère à la classe ouvrière » ?). En fait, on retrouve ici sans doute l’argument en rapport avec TC que l’on essayait de développer précédemment : si l’on veut penser que le surtravail présuppose la construction sociale de rôles genrés, alors on doit affirmer qu’il présuppose aussi la construction sociale de sexualités. Mais on ne peut pas l’omettre, en faire un simple détail qui découlerait de l’antagonisme de genre puisque, au contraire, l’hétérosexualité est aussi constitutive du rapport de genre hommes/femmes. Et elle est même ici constitutive du rapport capital/travail !
Affiche homophobe lors du mouvement contre le mariage pour tous.
Mieli fait également une démonstration claire de la présence d’aspiration féministes et homosexuelles à la totalité à cette époque en énonçant que « seul le point de vue des femmes et des gays, et surtout des lesbiennes, peut révéler le lien très important qui existe entre leur subordination et la subordination sociale ». Mais cette pensée est oscillante, et elle retourne parfois vers les restes du programmatisme. D’autre part, on en arrive pas à une conception de la révolution comme communisation puisque Mieli s’inscrit principalement dans une conception camattienne de la révolution comme réalisation d’une communauté humaine. On peut réinscrire cette pensée dans le contexte de déclin de la conception programmatique de la révolution en classant les réflexions théoriques de Camatte et de Mieli dans le champ des pensées de l’humanisme du “refus du travail”33 qu’évoque TC de manière critique. Si dans le cycle de luttes précédent le prolétariat possédait un « rapport à lui- même, une identité prolétarienne qui se trouv[ait] confirmée dans la reproduction du capital »34, la restructuration a rendu ce rapport impossible. Il ne peut plus y avoir d’affirmation de la classe contre le capital portée par cette identité ouvrière confirmée dans la reproduction : agir en tant que classe devient une limite pour la classe. Certain·es y ont vu le signe que la lutte de classes – quand elle existe encore dans leur édifice théorique ! – n’émerge pas ou plus de la contradiction capital/travail (il en est ici de la théorie de l’échappement du capital et de sa constitution en communauté matérielle qui met fin à la société bourgeoise considérée comme un vulgaire antagonisme entre classes), mais qu’autre chose “intervient” dans la lutte, lui donne quelque chose sur quoi se fonder, sur quoi fonder la négation du prolétariat (qui prend la place de son affirmation) et lui donner un contenu positif, maintenant que l’identité et le mouvement ouvriers ne sont plus : l’Humanité. Certes, comme il y a chez Camatte et Mieli la tentative de penser la déshumanisation et la communauté de manière non-humaniste3536, l’Humanité dont il est question dans la citation suivante chez TC prend ici les traits de la communauté (humaine, en l’occurrence) :
Cette intervention, cette présence, c’est l’increvable Humanité qui toujours saura renaître de ses cendres. Nous reconnaissons notre vieille ennemie, l’Humanité, qui sait si bien renaître de ses cendres, car elle naît de la question même qui structure chaque cycle de luttes : comment une classe peut abolir les classes ? Elle naît de l’apparente aporie à laquelle la lutte de classe est confrontée, elle en naît et se présente comme la solution, chaque fois changeante, qui élimine le problème à partir de lui-même. Cette résurrection sera dans le programmatisme l’humanité du Travail, dans la crise du programmatisme, l’humanité du « refus du travail », dans l’abandon des classes, l’humanité de l’Humanité, et maintenant l’humanité de la remise en cause par le prolétariat de son existence comme classe.37
Ainsi, on n’a pas encore totalement atteint une conception non programmatiste de la lutte de classes : la rupture dans la théorie de la révolution n’a pas encore eu lieu en ce qui concerne l’homosexualité révolutionnaire, mais sa potentialité est présente ici. Potentialité présente d’une part dans le questionnement queer sur le refus et l’abolition du travail mais aussi dans le questionnement sur l’homosexualité en général. De plus, toute conception d’un programmatisme gay est critiqué par cette perspective, qu’on retrouve également chez Hocquenghem. L’époque du FHAR est certes d’abord celle de la critique du mouvement ouvrier, et donc du programmatisme. Coup sur coup, il est énoncé qu’« il y a toujours quelque chose qui ne va pas entre le désir et la révolution »38 et qu’il faut « renoncer aux rêves de réconciliation entre les détenteurs officiels de la révolution et l’expression du désir ». Aucun désir d’unité de la classe, laquelle représentait une instance répressive. Le mouvement homosexuel, par son caractère intrinsèquement marginal, remet en cause le fonctionnement traditionnel du mouvement ouvrier de masse fondé sur le rapport entre la représentation du prolétariat et les masses prolétariennes. Pour autant, comme énoncé précédemment, il existe une certaine forme de programmatisme gay qui s’occupe certes d’une question marginale, mais qui la porte à la manière (massive) du vieux mouvement ouvrier. Les critiques homosexuelles du programmatisme exposées impliquent déjà celle du programmatisme homosexuel (ce qui n’est pas le cas de toute critique homosexuelle du programmatisme), mais certaines réflexions sont des critiques spécifiques de cette forme spécifique de conception de la révolution. Très tôt, l’homosexualité comme identité est répudiée au profit du désir homosexuel comme ensemble “d’expressions plurielles”39. L’arme du programmatisme, l’identité, n’est pas convoquée ici, puisque le désir homosexuel reste un “découpage arbitraire dans un flux ininterrompu et polyvoque”40. Chez Hocquenghem comme chez Mieli (malgré toutes leurs divergences), dans les premières années des mouvements homosexuels post-68, l’homosexualité révolutionnaire (à cette époque, l’association va de soi) est une manière d’abolir les identités sexuelles, homme/femme et hétéro/homo, en s’inscrivant en opposition avec le capital. « L’homosexualité était un point de vue à partir duquel la civilisation apparaissait à renverser ». Ce ne devait pas être la reterritorialisation sur l’identité et/ou le capital qu’elle pourra devenir à la suite de la restructuration et qui fera l’objet de leurs critiques, qui sortent ainsi du champ de ce texte. Oserons-nous dire qu’on commençait à penser alors que les pédés, agissant en tant que pédés, devaient abolir l’homosexualité, le genre et les classes ? Cela semble en tout cas constituer un point de départ pour une théorie homosexuelle de la révolution comme communisation. Le refus de l’identité, que ce soit l’homosexualité ou l’identité ouvrière, est bien une manière de préfigurer le cycle de luttes actuel.
Conclusion : l’homosexuel⸱le, l’usine et la société
L’homosexuel·le est un être de la subsomption réelle. Émergeant de la tendance à la différenciation sociale du capital (réification du désir), son identité constitue et est constituée par un régime de savoir historiquement spécifique. Rejeté hors de la norme hétérosexuelle consubstantielle aux rapports de genre (masculin/féminin), il ne lui reste qu’une forme d’ingratitude à l’égard du capital : se retourner contre ce qui a permis l’émergence de formations sociales homosexuelles. Les mouvements de libération gay se sont constitués à partir de cette situation historiquement spécifique : depuis des formations qui développent une aspiration queer à la totalité en réponse à la réification du désir sexuel. Les mouvements homosexuels révolutionnaires émergent dans la période suivant la défaite de Mai et précédant la restructuration qui survient nécessairement après la défaite ouvrière. Ils sont alors les témoins et les acteurs de la décomposition du programmatisme. Témoins de l’homophobie d’un mouvement ouvrier qui s’essouffle et acteurs par la critique théorique et pratique qu’ils lui portent. Néanmoins, on peut noter la présence, à l’époque et encore aujourd’hui, d’un programmatisme homosexuel, qui vise à réaliser l’unité de la classe par la “convergence des luttes” en intégrant au vieux mouvement ouvrier de nouveaux segments. Ce programmatisme est arrivé trop tard pour sauver le mouvement ouvrier, et ne pouvait de toute manière pas arriver à temps.
Ce texte ne vise qu’à poser les fondements d’une théorie non programmatique de l’homosexualité, et d’une théorie homosexuelle de la communisation. Nous pensons que la rencontre amorcée sur des points d’accroche (périodisation du MPC, pensée de la totalité et de ses segmentations) entre pensée queer et théorie de la communisation peut se révéler intéressante comme base pour mener à bien ce projet. Il y a encore bien des points qui méritent d’être soumis à la lecture croisée qu’on a essayé d’esquisser ici. D’abord, la période suivant la dernière restructuration doit être expliquée en s’appuyant sur les concepts développés dans ce texte. L’histoire tragique de l’homosexualité et des homosexuel·les de cette période est connue, mais les approches visant à parler de “l’intégration de l’homosexualité” au capital, à la société marchande, au pouvoir, etc. paraissent insatisfaisantes. Qu’est-ce qui n’est pas “intégré” au capital, au juste ? De même, la lecture de cette période proposée par K. Floyd dans La Réification du désir, en termes de néolibéralisme, mériterait d’être remplacée par une approche communisatrice. Si la contradiction entre le prolétariat et le capital se situe désormais au niveau de leur reproduction, de “leur implication réciproque”, alors il est crucial d’analyser les rapports entre capital et homosexuel·les, ainsi qu’entre capital et homosexualité, en partant de la place contemporaine des homosexuel·les dans le procès de reproduction. Ensuite, la question de l’insurrection est évidemment des plus pertinentes. Il est certain que la révolution sexuelle reste à venir41. Si la question du genre est cruciale dans l’insurrection42, la question de la sexualité l’est donc aussi. On peut d’ores et déjà penser qu’un événement qui s’attaque au dualisme privé/public, constitutif de la séparation de la société entre hétérosexualité et homosexualité, peut troubler les identités sexuelles (cela reste encore à l’état de piste de réflexion). Et dès lors que le trouble se dissipe, le retour de la normalité43 – marchande et hétérosexuelle – est en bonne voie.
La construction de la question homosexuelle dans la théorie de la révolution ne pourra se faire qu’en gardant à l’esprit que « dire qu’il ne peut y avoir de révolution comme communisation sans abolition des hommes et des femmes [et donc du régime hétérosexuel], ne veut pas dire que puisque la révolution ne peut plus être que communisation la question sera donc résolue. Cela signifie que la révolution comme communisation peut aller à l’échec. La révolution comme communisation est le processus social permettant de parvenir à la situation où la distinction entre les sexes n’a plus de pertinence sociale, mais il ne faut pas confondre la construction de la question dans la révolution comme communisation et la nécessité de sa résolution »44.
- Nous faisons aussi appel à la fin de ce texte à des pensées antérieures à ce marxisme queer – celles des courants homosexuels révolutionnaires français et italiens (Hocquenghem, Mieli) – mais qui peuvent en partager des caractéristiques. ↩︎
- M. Gonzalez, “La communisation et l’abolition du genre”, https://agitationautonome.wordpress.com/2022/05/13/la-communisation-et-labolition-du-genre/ ↩︎
- M. Tronti, “Marx à Détroit”, Ouvriers et capital, Ed. Entremonde, 2016. ↩︎
- J. D’Emilio, “Capitalisme et identité gaie”, Terrains & Travaux, 2022 (traduction : A.G. Argy). ↩︎
- Dans le travail de Foucault, penseur de l’historicité de l’homosexualité par excellence, le mode de production capitaliste est cependant toujours présent en toile de fond, d’où la rencontre possible entre le marxisme et ce dernier dans le livre de Floyd. ↩︎
- K. Floyd, La Réification du désir, Ed. Amsterdam, 2013. ↩︎
- G. Lukács, Histoire et conscience de classe, p. 110, Ed. de Minuit, 1960 cité dans Collectif, La Réification : Histoire et actualité d’un concept critique, Ed. La Dispute, 2014. ↩︎
- Collectif, op. cit. ↩︎
- Il faut ainsi, comme le rappelle Floyd, faire attention à ne pas réifier la réification ! ↩︎
- Endnotes, Histoire de la séparation, Sans Soleil, 2024. ↩︎
- Par ailleurs, Floyd note que ce discours sur le genre et la sexualité était « l’expression de profondes angoisses face au chaos social provoqué par l’essor et la crise de l’industrialisation du capital. » ↩︎
- Collectif, op. cit. ↩︎
- Ce n’est pas pour rien que la psychanalyse fut une cible centrale de tous les mouvements de libération gays. ↩︎
- H. Bentouhami, Judith Butler : Race, genre et mélancolie, p. 14. ↩︎
- Il est assez frappant de voir les exemples de ce comportement dans les passages d’Hemingway cités par Floyd : les comportements “homo-érotiques” de la période de la virilité, pas encore marqués du sceau de l’infamie, sont d’un coup jugés homosexuels et à ce titre inacceptables par les protagonistes qui ne peuvent s’y adoner que dans un cadre qui leur rappelle cette période pré-XXe siècle : « lorsque son ami Bill Gorton fait à Jake la remarque, durant leur excursion en Espagne, “Tu es un sacré brave type et je t’aime plus que personne au monde”, il se sent obligé d’ajouter : “Je ne pourrais pas te dire cela à New York. On me prendrait pour une tante.” » (K. Floyd, op. cit., p. 128). ↩︎
- K. Floyd, op. cit, p. 15. ↩︎
- G. Lukács, op. cit., p. 216. ↩︎
- Ibid. (cité par Floyd) ↩︎
- Il serait sans doute intéressant de faire l’histoire de la réification du désir sexuel dans le Monde, et notamment au sein de l’Europe en ce qui concerne l’étude des sociétés occidentales. Nous pouvons d’ores et déjà dire qu’en vertu des dynamiques du MPC, les dynamiques de la réification du désir sont assez similaires dans leurs principes. Les temporalités et modes d’apparition concrets de cette abstraction varient sans doute néanmoins. Reste que, dans les années 1950, on peut considérer que la situation des formations homosexuelles est en première approximation analogue dans tout l’Occident. ↩︎
- Cf. John D’Emilio, op. cit., qui renvoie également à ses autres travaux (comme Sexual Communities : The Making of a Homosexual Minority in the United States, 1940-1970). ↩︎
- M. Tronti, op. cit., p. 21. ↩︎
- Cycle de luttes pré-restructuration des années 1970 : le prolétariat doit gagner en puissance à travers le mouvement ouvrier et ses organisations et s’affirmer en tant que classe, autour d’un programme et d’une identité ouvrière, pour parvenir au socialisme. ↩︎
- Théorie Communiste n°20, Théorie de l’écart. ↩︎
- Théorie Communiste n°24, La Conjoncture. ↩︎
- Théorie Communiste n°23, Franchir le pas. ↩︎
- TC note la présence “massive” de femmes lors du mouvement des chômeur·ses et précaires de 1998 et le contenu particulier, celui du “renversement historiquement de la définition réciproque entre chômage et emploi salarié” (caractéristique du cycle de luttes précédent), qui lui est associé. ↩︎
- “Open Faggotry Works to Unify the Working Class”, https://pinko.online/pinko-2/open-faggotry ↩︎
- J. Camatte, L’échappement du capital, Invariance série III, 1977. ↩︎
- J. Camatte, Errance de l’humanité, Invariance série II, 1973. ↩︎
- J. Camatte, Marx et la Gemeinwesen, Invariance série III, 1976. ↩︎
- Sur le débat Mieli/Camatte, cf. “Mario Mieli épouse Jacques Camatte”, Trou Noir n°1. Notons que Camatte est parfois capable de faire preuve d’une formidable réflexivité lorsqu’il s’adresse à Mieli : « Et maintenant je plaide coupable. Il est clair que tout ceci, qui n’est pas une critique mais une affirmation de ce que je suis et ce dans mon élancement vers toi, part de mon affirmation hétérosexuelle exaltée du fait que je suis follement amoureux, démesurément, anachroniquement, d’une femme qui est belle comme une éternité et qui m’a fait profondément ressentir que le temps est invention des hommes incapables d’aimer ». ↩︎
- M. Mieli, Éléments de critique homosexuelle, Ed. Epel, p. 346. ↩︎
- Théorie Communiste n°21, Karl Marx et la fin de la philosophie allemande. ↩︎
- TC n°20, op. cit. ↩︎
- Endnotes, ”La passion du communisme”, https://lundi.am/La-passion-du-communisme ↩︎
- Ce que Mieli lui même le rappelle : « Par “nature” humaine je n’entends rien de défini, d’établi, d’immuable et d’absolu, ni même de caché, car je n’ai aucune idée précise quant à savoir si elle se trouve quelque part dans des dessous, naturellement. Je considère la “nature” humaine au sens matérialiste, en devenir, c’est-à-dire en relation avec le moment historique, avec le contexte socio-environnemental et avec le développement de la dialectique économique et sexuelle » (pp. 158-159). ↩︎
- TC n°21, op. cit. ↩︎
- G. Hocquenghem, Le Désir homosexuel, p. 157. ↩︎
- Q. Dubois, V. Petit, “Hocquenghem, réflexions sur la défaite homosexuelle”, Lundi Matin, https://lundi.am/Ces-deux-interventions-ont-ete-donnees-le-lundi-16-aout-dans-le-cadre-des ↩︎
- G. Hocquenghem, op. cit., p. 24. ↩︎
- M. Fox, “What Was Sexual Liberalism ?”, Pinko n°3, https://pinko.online/pinko-3/sexual-liberalism ↩︎
- “Women In Uprising : The Oaxaca Commune, the State, and Reproductive Labor”, LIES n°1, https://www.liesjournal.net/volume1-09-womeninuprising.html ↩︎
- TC n°23, op. cit. ↩︎
- Ibid. ↩︎
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