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Bernard Lyon est mort

Alain D. dans la vie quotidienne, Bernard Lyon dans « Théorie Communiste », est mort jeudi 13 janvier.

C’est une énorme part de l’âme (au sens latin de souffle)  de « Théorie Communiste » qui disparaît avec lui.

Débatteur infatigable et parfois fatiguant, Alain était aussi un bouillonnant brasseur d’idées et catalyseur de concepts, sans jamais s’éloigner du fil de la théorie.

Il nous manque déjà beaucoup !

 

La revue “Théorie Communiste” devrait publier l’ensemble des textes d’Alain sous la forme papier. En attendant, retrouvez en la plupart dans cette compilation de Libcom:
https://libcom.org/tags/bernard-lyon

 

Ci-dessous, un de ses textes les plus marquants, “Remarques à propos du communisme”, et quelques messages d’hommage glanés sur le net.

Remarques à propos du communisme (1996)

1.         La production ne constitue pas une sphère séparée des autres activités, elle est « absorbée » dans les rapports qui sont tous des rapports productifs. Absorbée veut dire que l’activité ne pose pas son résultat en face d’elle, que l’objectivation de l’activité est celle des rapports qui, pour être productifs, ne sont pas des « rapports de production ». Tous les rapports sont des rapports entre individus dont les singularités ne sont plus contingence, mais leur réalité relationnelle. Le communisme n’est pas un rapport de production, toutes les activités ne sont pas ramenées à une norme commune immanente à chacune d’entre elles (valeur, plus-value, surproduit en général).

2.         Pour chaque activité, les hommes se regroupent en réseaux. Ces réseaux sont différents. Ils peuvent avoir une base géographique, thématique, affective ; comme nous l’avons dit, ils englobent la production matérielle. Les réseaux ne sont pas des structure, c’est-à-dire qu’ils ne sont pas des « sujets » différents des hommes qui les forment, mais des moyens volontaires de décision et de pratique dans tous les domaines, ils sont la praxis même.

3.         L’élément central de la praxis est la palabre, à la fois préalable, concomitante et postérieure à toute action. La palabre est le mode de décision, de contrôle et de rectification de tous les actes, elle n’a pas de fin. Elle englobe toutes les activités et pour toutes les activités, on prend le temps d’aller au bout (provisoire) de la palabre. La palabre est connaissance du réel, action consciente, l’histoire consciente, c’est qu’on se met d’accord.

4.         Au sein d’un réseau, chacun est plus ou moins « personne-ressource » pour un aspect de l’activité de réseau. Le savoir et les compétences sont, par les personnes-ressources, diffusés dans le réseau. Ainsi, dans le réseau, la décision et l’exécution contiennent l’apprentissage et la recherche qui ne sont pas séparables de la palabre. Dans les réseaux, chacun est en permanence, et à son tour, celui qui totalise l’action du groupe, et par là de la communauté dans la palabre, la parole qui tourne incarne la communauté en actes.

5.         La recherche de la meilleure décision possible du maximum de points de vue possibles, la recherche de l’action réformable voire supprimable, n’obérant jamais l’avenir, est le souci constant de la palabre dans et entre les réseaux. Les conflits ne sont jamais des conflits d’intérêts, car il n’y a pas de situation antérieure à reproduire de par laquelle les conflits sont insolubles. Chaque individu participe à une multitude de réseaux, il constitue lui-même un réseau de réseaux, il n’y a pas de « réseaux publics » et de « réseaux privés », car tous sont « publics » et tous sont « informels ».

6.         Les réseaux sont en constante transformation, ils se diversifient, se fondent, s’étendent ou disparaissent en relation avec les tâches qu’on leur assigne. Les individus pratiquent le nomadisme entre les réseaux, ceux qu’ils trouvent existant pour une activité en cours et ceux qu’ils créent pour une activité nouvelle. Le réseau est un lieu et un moment aussi changeant que la vie des individus qui le forment.

7.         Il n’y a pas de super réseau englobant l’ensemble des réseaux, chaque réseau peut, pour une action particulière, s’unifier avec d’autres réseaux pour avoir une action au niveau mondial. Cela est de toute façon constamment nécessaire pour saisir le devenir de chaque action locale ou sectorielle. La possibilité qu’un réseau se spécialise dans l’universel (grandes orientations) peut être envisagée dans le mouvement de diversification même, cette spécialisation se faisant dans la fermeture sur soi et son problème. Dès lors, ce problème, bien qu’il soit celui de tous, peut être traité comme celui de des autres, que le réseau tend alors à gérer. Mais cette possibilité est normale, elle est une tension à l’universel, le nomadisme et les attraits seront toujours là pour finir par dissoudre ces réseaux qui sont un aspect permanent de la totalisation, et sont réabsorbés par d’autres réseaux en permanence. C’est aussi ainsi que le communisme existe, se totalise et se projette.

8.         Le communisme n’est pas une « société », les relations ne se séparent pas des individus en relation, leurs relations les réunissent sans constituer par là même leur séparation en tant que lien social. Les individus ne baignent pas dans le « social », il n’y a pas d’individu moyen appartenant à la communauté, communauté dont l’existence indépendante en tant que société signifierait sa division en classes, et sa représentation par la classe dominante, ou sa cristallisation dans un réseau de réseaux.

9.         Avec le communisme cesse d’exister le sens de l’histoire, qui était le sens de l’histoire du capital en tant que mouvement d’accumulation. Le « progrès » a été le mode programmatique de reprise du sens du capital en tant que développement des forces productives. Loin d’être libération des forces productives, le communisme les abolit et absorbe la production dans les rapports individuels, l’histoire consciente n’est pas un sens conscient de l’histoire, une main visible au lieu de la main invisible.

10.      Chaque activité a son but en soi, toute production vise un besoin, et c’est ce besoin qui est satisfait. Les hommes se communiquent leurs produits dans la réciprocité, il n’y a ni échange ni don, les hommes se communiquent leurs produits pour s’entraider, pour se faire plaisir. Ils ne reçoivent pas les produits pour les « consommer », mais pour réaliser le but de leur production, c’est-à-dire eux-mêmes dans leurs rapports aux autres. Avec le communisme, l’individu est le but même, il réalise la substance des produits même s’ils disparaissent à ce moment.

11.      Les relations interindividuelles ne sont pas une somme de contrats, c’est dans leur forme immédiate et concrète qu’existe le communisme comme totalisation non sociétale.

12.      Il y a maîtrise de l’ensemble des implications de toutes les actions sur la nature, ce qui signifie la réalisation de ce qui sous-tend les revendications écologiques par l’abolition de la nature, en tant que pendant de la société elle-même abolie. Il n’y a, de nouveau, plus que le corps inorganique de l’homme, partie prenante du communisme, corps inorganique qui est les relations entre individus, objectivité de ces relations.

13.      La production par chacun de sa vie individuelle et transindividuelle implique immédiatement la production des êtres humains dans une démographie intégrant le corps inorganique. Cela permet d’anticiper sur une harmonieuse occupation du globe.

L’absorption de la production dans les rapports produit la fin de l’explosion numérique des hommes et produit la frugalité, le communisme ignore la famine et l’obésité, les forces productives déchaînées du capital n’existent plus, la palabre prend son temps.

14.      Les révolutions permanentes du procès de travail capitaliste entrainent une transformation accélérée de tous les rapports et de toutes leurs incarnations matérielles. Tendanciellement, il devient impossible de « vivre avec son temps », du fait de l’obsolescence tout aussi accélérée des objets et des modes d’être dans le cadre d’une uniformisation toujours plus poussée. Le communisme, nouveau mode de production de la vie, est totale diversification, fin de toute norme, mais il est fin du « développement », tranquillité et solidité, nomadisme et polyglottie, réflexion et sagesse.

15.      Les réseaux sont des groupes humains. Ils concernent tous les aspects de la vie, les sentiments qui caractérisent les relations des hommes sont : l’amour, l’amitié, l’estime, la compassion. Les relations sont de réciprocité, rien ne les commande que la reconnaissance de soi dans l’autre comme individu unique.

16.      La science devenue force productive est abolie avec toutes les forces productives, la connaissance dialectique par les hommes d’eux-mêmes, de leur monde et de la praxis qui les unit n’est plus science.

17.      L’histoire du communisme est mémoire des individus. Il y a des descendants et des lignées hypercomplexes du fait de la polyandrie et de la polygynie très répandus. Après la révolution communiste, il n’y a plus de société.

Messages sur le net

Farewell to a comrade…

“Les relations sont de réciprocité, rien ne les commande que la reconnaissance de soi dans l’autre comme individu unique. […] L’histoire du communisme est mémoire des individus. […] Après la révolution communiste, il n’y a plus de société.”– TC #13   P.

https://ahuehuete.substack.com/p/17tesis?utm_campaign=post&utm_medium=email&fbclid=IwAR005-RN0Qi4T3LCwYGSY_zof5QiMeVSeOKenruZHGFOb_Fv4GhS_nSYIQw

Grande tristesse de la disparition d’Alain-Bernard Lyon de “Théorie Communiste”, un camarade qui n’a cessé de se tenir aux bords les plus tranchants de la théorie de la communisation, qu’il aura aidé à porter à ses plus belles conséquences, avec rigueur et passion.

Mes pensées aussi à tous ceux qui l’ont connu et qui partagent cette tristesse.    A.C.

Farewell to a comrade…

Le camarade Alain, Bernard Lyon pour ses cdes de la revue « Théorie Communiste » est décédé.

Je redonne une de ces interventions du 11 novembre 2015 où il parlait de l’ouvrage: “La cigarette sans cravate. »

https://www.mixcloud.com/offen…/la-cigarette-sans-cravate

Communisation.

J’apprends avec grande tristesse la disparition du camarade Bernard Lyon (“vieux Alain”) de la revue Théorie Communiste. Je me souviens de son dégoût heureux dans le désaccord, main levée en l’air, criant “booooon!” et secouant des boucles blanches, yeux exorbités. Je me souviens de ses récits de kibboutz, c’était son récit d’erreur de jeunesse. Mais quand il parlait des orangeraies, ça sonnait pas l’erreur de jeunesse du tout.

Je me souviens aussi de cette phrase de lui sur la mort, rapportée par Alain Corne et qu’il m’a souvent répétée :

“dans le communisme, quand un individu meurt, c’est une catastrophe absolue, une perte absolue”

C’est pas le communisme encore, mais c’est quand même la vérité un peu cette phrase.   L.G.

Cher R.

J’ai été informé par J. de la disparition de ton ami Alain.

Je garde de lui le souvenir d’un camarade passionné par l’échange et le débat, et donc de ces rares moments de vie où un collectif s’élève jusqu’au concept.   K.

« Dans le communisme qui ne s’est pas encore réalisé mais qui reste une certitude scientifique, on reconquiert l’identité de l’individu et de son destin avec celle de l’espèce, après avoir détruit à l’intérieur de celle-ci toutes les frontières constituées par la famille, la race et la nation. Avec cette victoire prend fin toute crainte de la mort personnelle et alors seulement dispa­raît tout culte du vivant et du mort – la société s’étant organi­sée pour la première fois sur le bien-être, la joie et la réduction au minimum rationnel de la douleur, de la souffrance et du sacrifice – parce que tout caractère mystérieux et sinistre a été ôté au déroulement harmonieux de la succession des gé­nérations, condition naturelle de la prospérité de l’espèce. »  Bordiga     J.

« Sortir du capitalisme »

Analyse critique du populisme

Une analyse du populisme degôche (Mélenchon), keynésien, « patriote » et interclassiste, et de droite (Marine Le Pen) – avec Alain de Théorie Communiste.

Avec une analyse du populisme degôche comme successeur du « programmatisme » (ouvriérisme), s’achevant au cours des années 1970 du fait d’une crise du fordisme et d’une restructuration du capitalisme, et au « démocratisme radical » (altermondialisme), s’achevant au cours des années 2000 du fait d’un regain de crise du capitalisme mondial en 2008, forme nouvelle mais récupérant des éléments de ces cycles de luttes. L’émission s’achève sur une définition de la communisation comme théorie et comme processus historique [1 heure].

http://sortirducapitalisme.fr/emissions/207-analyse-critique-du-populisme?fbclid=IwAR3KWioM-dLvh9fjumSXpuraw3xz1b6MoqYs9DMCfltN14-AQURO-pyxoPY

 

 

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  1. pepe
    17/01/2022 à 13:28 | #1

    Pour les anciens du GCL d’Aix en Provence, Alain fut notre porte d’entrée à T.C., en 79. Un maïeuticien de génie!

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