Iran : « Mahsa: larme sacrée, colère sacrée, violence sacrée. »
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Un camarade nous a fait parvenir une traduction rapide d’un texte en persan un peu remanié pour lecteurs non-iraniens.dndf
« Mahsa: larme sacrée, colère sacrée, violence sacrée. »
Avertissement
Tout d’abord, soulignons un point qui a son importance dans le contexte actuel: comme d’autres groupes en exil, nous avons par rapport à la situation iranienne, une présence qu’on pourrait, au mieux, qualifier de “secondaire” et “subordonnée”. Nous ne pouvons en aucun cas prétendre être dans l’immédiateté des choses et tenir entre nos mains le pouls de la société; en d’autres termes, il faut considérer notre propos, encore plus qu’auparavant, comme purement “consultatif” et simplement notre façon de participer aux luttes en cours.
Rappelons nous du bon camarade Lénine qui disait qu’un instant de lutte dans une situation révolutionnaire était équivalent à des jours, des mois quant à l’expérience du peuple; ou quelque chose dans cette veine.
En Iran, il suffirait que la vague de protestations actuelles soit suivie par une vague de grève pour qu’on entre dans une telle situation.
Juste au moment où le clown enturbanné et idiot qui fait ces jours-ci office de Président de la République islamique a pris la tribune de l’ONU (le 21 septembre 2022) pour la chaire de la mosquée de son village natal, et a commencé son effronté discours mensongers et plein d’invectives avec un verset du Coran, la mère de Mahsa, la jeune femme martyre de Saghez, assise à même le sol du cimetière, à côté d’un tas de terre qui recouvrait sa bien-aimée, tenant une belle photo de sa fille sur la poitrine, enfonçait ses doigts dans la terre sanglante du Kurdistan et en versait des poignées sur sa tête pour ne pas laisser seule sa chère fille, victime de ce terrible destin.
Des milliers de personnes étaient rassemblées et l’entouraient en ce moment de douleur et de détresse, et les femmes transcendées par le chagrin et la colère, ont enlevé leur hijab et l’ont brûlé pour que plus jamais ce signe de tyrannie médiévale ne règne sur leur vie.
C’est à ce moment là que le Président, idiot du village, affirme à la journaliste occidentale qui porte un fichu sur la tête que “les femmes iraniennes ont elles-mêmes, spontanément choisi le hijab” et que “le hijab de nos femmes fait partie de notre culture”.
Lorsque cet imbécile, à la suite de son discours, parle avec obscénité de justice et prétend que “la justice elle-même est enracinée dans une rationalité portée par la révélation”, sans s’en rendre compte, il proclame que “le désir d’établir la justice est un don divin dans l’existence de chacun, et une accumulation d’injustices met en mouvement les nations sous forme de révolutions populaires.”
Visiblement il ne voit pas à quel point le peuple iranien est en train de démontrer la justesse de son postulat … contre lui!
Ici, on ne va pas s’attarder sur les vagues successives d’une insurrection qui aujourd’hui frappe à la porte, ni de ses 40 ans d’aléas et d’histoire ; d’autres l’ont fait, mieux et peut-être de façon plus précise que l’on pourrait le faire; mais il y a des points qu’il ne faut pas négliger dans cet élan d’enthousiasme et d’espoir; surtout si l’on veut regarder la situation, non pas du point de vue d’une sorte de “liberté” métaphysique ou simplement en se plaçant dans la perspective des libertés individuelles et démocratiques à l’occidental, mais de l’évaluer du point de vue des travailleurs et leur sort.
Si nous le faisons, c’est aussi parce que dans l’insurrection de février 1979, nous avons expérimenté la “voix directe” [صراطالمستقیم terme coranique] de “l’unité de la parole” [principal slogan de Khomeiny qui a entraîné les foules contre le Shah] dans notre chair et notre sang
et surtout nous voyons à quelle sinistre combinaison tout ceci a abouti.
Dans de telles situations, il faut se méfier des prêts-à-penser évidents et essayer de réfléchir à contre-courant.
La République islamique n’est pas un gouvernement conventionnel comme un autre, qui soit arrivé au pouvoir, par exemple, à travers une consultation générale ou même par un coup d’État ou une révolution classique ; dans de telles situations, la question de la nature de l’Etat et du pouvoir en place apparaîtrait de façon plus simple et plus lisible; nous aurions par exemple un gouvernement, comme à l’époque du Shah, qui est arrivé au pouvoir par un coup d’État et en s’adossant à une répression sanglante; personne, sauf ceux de sa clique et sa dépendance n’aurait de doute quant à sa nature. Il répondait clairement aux intérêts de sa classe et des firmes américaines et voulait assurer le rôle du gendarme des USA dans le Golfe Persique. Ça serait un gouvernement fantoche qui se maintien au pouvoir grâce à l’armée, sa police politique (la SAVAK), ses conseillers militaires étrangers et ses experts en sécurité; il serait fondamentalement là pour répondre aux exigences structurelles et fonctionnelles du développement du capital international dans un pays dominé à un moment donné de son évolution.
Ou nous serions face à un État issu des révolutions bourgeoises du XIXe siècle, où la classe montante a pu écarter les anciennes classes au pouvoir – les grands propriétaires terriens, les seigneurs féodaux – et créer un État répondant aux besoins de l’instauration et du développement du capitalisme.
Dans de telles situations, nous serions confrontés à des séparations de classe claires et idéologiquement conformes à ces tracés de classe, dans lesquelles il serait aisé de distinguer la ligne de démarcation entre la révolution et la contre-révolution.
Mais ici, dans la situation présente de l’Iran, nous avons affaire à un État non-conventionnel qui a fondé essentiellement son pouvoir, compte tenu de la façon dont celui-ci s’est constitué, dans sa genèse et son développement, non pas sur des politiques de classe évidentes et claires, mais sur une idéologie qui a apparemment répondu aux besoins de la société à un certain stade de la lutte de classes; ce qui le rend particulièrement difficile à appréhender.
Le gouvernement de la République islamique et son appareil idéologique, et surtout la culture qui en a émergé avec sa stabilisation, ne répondait pas à un programme préétabli du clergé ou de la bourgeoisie dite “libérale”, mais lorsque la lutte des classes et la crise révolutionnaire ont culminé avec l’insurrection de février 1979 et que diverses forces sociales se sont mises m en mouvement pour renverser le régime détesté du Shah, on pouvait distinguer essentiellement trois courants politiques considérés comme représentants des catégories, couches et classes sociales qui se sont affrontées pour prendre la direction du mouvement populaire.
Premièrement, la bourgeoisie dite “libérale”, qui se trouvai en opposition avec le monopole du grand capital dite “compradore”, qui était entre les mains du Shah, de sa cour, sa famille et
ses fidèles. Elle se trouvait dans une position conflictuelle avec la grande bourgeoisie car en même temps qu’elle était dépendante de l’existence de ce capital, de ses infrastructures et ses circuits, elle était en opposition avec son monopole et sa mainmise exclusive sur la quasi-totalité de l’appareil productif. Son slogan, tout naturellement se résumait à combattre “la dictature du Shah”.
Pour elle, cette dictature signifiait en fait la dictature économique du grand capital qui ne permettait pas aux capitaux “domestiques” d’obtenir des conditions de croissance et de rentabilité satisfaisante. Cette bourgeoisie “nationale” n’a jamais eu l’intention de renverser le régime du Shah par la violence, mais a seulement exigé un léger recul par rapport aux positions économiques du capital monopoliste dominant. Ce courant politique ne pouvait prétendre à produire aucun programme spécifique à partir de ce qu’il était car toute croissance d’un capitalisme “national” ou de développement auto-centré était devenu impossible et caduque dans les conditions de la subsomption réelle au niveau international après la seconde guerre mondiale. Cette impossibilité faisait d’elle ce qu’elle était, c’est-à-dire effrayée par la révolution et les travailleurs en lutte; et bien sûr leurs représentants politiques en étaient bien conscients.
Le deuxième courant était mené par Khomeiny, le clergé Chiite et les grands commerçants du bazar. Khomeiny, depuis le soulèvement de 1963 (soulèvement du clergé traditionnel, des milieux du bazar et les grands propriétaires terriens qui, mené par Khomeyni et dirigé contre le Shah protestait contre les mesures de réformes agraires et des dispositions légales notamment en faveur du droit de vote des femmes … déjà !! ) était exilé à Najaf, ville Chiite en Irak; ce courant sera considéré plus tard, surtout après l’occupation de l’ambassade des États-Unis en Novembre 1979, comme “la ligne de l’Imam”. À partir de cette date, la direction du clergé, Khomeiny et les autres ayatollahs qui l’entouraient ont intégré cet événement et ont dû renforcer encore plus leur tendance anti-impérialiste de départ pour se conformer aux exigences populaires.
Ce courant religieux du clergé représentait le bazar et bien sûr eux-mêmes (qui, en tant que couche sociale, avaient traditionnellement un rôle économique important du fait de leurs propriétés foncières, les biens de mainmorte (vaghf), les donations, les impôts religieux ainsi que des intérêts commerciaux communs avec les commerçants). Les deux couches sociales étaient par ailleurs depuis toujours liées par des mariages et des liens de parenté.
On peut à grands traits définir ce courant comme la petite bourgeoisie traditionnelle aisée qui se trouvait en contradiction avec l’instauration et l’accélération des rapports de production capitalistes initiés et impulsés par la réforme agraire et surtout par ses expressions et aspects culturels, qui étaient considérés comme une sorte de modernisation hâtive et “à l’occidentale” minant et détruisant leur idéologie ancestrale qui au moins depuis plus de trois siècles cimentaient les rapports de propriété traditionnelle.
Depuis cette époque, nous avons été témoins des positions réactionnaires du clergé, de la culture islamiques en général, par rapport aux droits des femme; ces positions étant incompatibles avec la culture occidentale défendue par le régime du Shah, qui lui de son côté ne répondait qu’aux besoins du capital international; la politique des années 1950 et 1960 en Iran, suite à la “révolution blanche” de 1962 n’avait d’autre contenu que la destruction des rapports traditionnels, les structures qui les faisaient fonctionner et en même temps l’instauration et l’extension des rapports de production capitaliste.
À ce niveau, elle voulait que les femmes soient des sujets “libres” des restrictions traditionnelles (pour pouvoir travailler dans les bureaux et les usines) tout comme les serfs et les paysans pauvres qui perdant leur terre étaient obligés de se rendre dans les grandes villes pour trouver du travail dans les usines importées des industries de montage ou au sein des sociétés agro-industrielles; ces deux forces de travail “libérées” leur fournissant une main-d’œuvre bon marché.
Le troisième courant était le courant populaire, démocratique et laïque, composé de travailleurs urbains et ruraux et d’organisations aux idées de gauche ou communistes (essentiellement des marxiste-
léninistes) qui se considéraient comme appartenant à la classe ouvrière et qui tentaient d’adopter une ligne indépendante de défense des luttes immédiates des masses populaires et contre l’hégémonie des deux autres courants; ils militaient pour une République démocratique populaire.
L’existence de cette troisième ligne démocratique et radicale avant l’insurrection de 1979, le rôle qu’elle a joué dans le processus de l’insurrection elle-même, et surtout l’énorme développement des organes populaires de masses, exprimant l’auto-organisation spontanée du peuple, (comités révolutionnaires, conseils locaux, conseils dans les administrations et les usines) et la présence et l’activité des organisations marxistes, avaient tellement effrayé les deux autres courants qu’elle se sont trouvées obligés de former une alliance, et surtout d’entamer les négociations avec les généraux et les agents secrets US et d’autres gouvernements européens. Ces négociations sont aujourd’hui largement documentées: la situation iranienne était le contenu central discuté à la Conférence de la Guadeloupe entre les Etats-Unis, la France, les Allemands et les Britanniques en janvier 1979.
L’armée qui de son côté se préparait à lancer son coup de force pour sauver à nouveau le royaume des Pahlavi, a vu le véto des USA qui entre-temps avait obtenu les garanties nécessaires de la bourgeoisie libérale et du clergé, et qui a préféré avoir les religieux au pouvoir que de risquer d’affronter la gauche et les communistes à la tête d’une insurrection armée.
C’est ainsi que d’un seul coup, au milieu de manifestations monstres qui avaient lieu dans les grandes villes, l’armée qui jusque-là ne faisait que réprimer et tirer sur les gens, a été soudain considérée comme “le frère du peuple” et de la révolution et les manifestants sortis de nulle part mettaient des fleurs au bout de leur fusil. Khomeiny rentre en Iran et la galère commence.
Le clergé en s’appuyant sur son large système d’organisation (petits et grands clercs, étudiants des écoles coraniques, les mosquées et les lieux de culte…) a réussi progressivement à imposer ses slogans spécifiques et immédiatement après la prise du pouvoir, a appelé à la collecte des armes que les courants révolutionnaires et les peuples (arabe,kurde, turkmène …) ainsi que la gauche et les communistes avaient pu
récupérer en prenant le contrôle des casernes pendant les journées de combat de février 79 et lors du renversement du régime du Shah.
Au moment de son accession au pouvoir, ce clergé n’avait pas de plan précis si ce n’est de limiter le mouvement, d’empêcher la croissance de la vague révolutionnaire et d’essayer de la contenir.
Il voulait à tout prix remettre en fonction les rouages économiques : rétablir les échanges et sauver les contrats en cours, remettre de l’ordre dans les administrations, les villes, les quartiers, les bureaux et les usines… et surtout, ce qui lui semblait vital, mettre fin aux grèves qui paralysaient la production du pétrole et redémarrer son exportation.
Le clergé ne pouvait s’emparer du pouvoir politique et faire fonctionner la société sans produire, parallèlement à la progression de la vague révolutionnaire, son propre discours révolutionnaire. C’est ainsi que face et en contraste au discours laïc, populaire et communiste qui attirait de plus en plus les masses, il a créé tout un langage qui accaparait le potentiel révolutionnaire du discours de gauche et ses limites historiques – limites qui ne pouvaient être reconnues que plus tard, c’est-à-dire être pris au piège de la logique du capital, le maintien des usines et des emplois ouvriers, la division internationale du travail… l’effondrement de tout horizon socialiste… en un mot, la sortie des rapports de production capitalistes – et l’a intégrée dans les potentialités de la culture chiite. Il ne faut pas oublier que le chiisme a contrario du sunnisme est très performant sur le plan idéologique et peut répondre grâce à une structure d’autorité flexible, la notion d’ijtihad, à n’importe quelle situation sociale. Pour les chiites après l’occultation du douzième Imam c’est le mojtahed qui interprète la loi et représente la communauté; cette particularité permet à l’islam chiite de se greffer sur les besoins conjoncturels de la société et de jouer le moment venu, le rôle d’une alternative politique.
L’enjeu social et politique le plus important du mouvement islamique était que d’une part, il devait prendre en charge les nécessités de gestion de la reproduction de la société et, par conséquent, se conformer à l’articulation internationale de la région et au rôle qui lui était confié dans la division internationale du travail, et d’autre part, se montrer comme l’expression et l’organisateur des masses laborieuses qui se sont soulevées pour lutter contre cet ordre.
Mais tout cela ne constituait en aucun cas un programme pour aucun des prétendants au pouvoir, précisément parce qu’aucune des couches et classes qui participaient à ce mouvement n’était en mesure d’organiser un développement socio-économique capitaliste spécifique.
Dans cette situation de double impossibilité, c’étaient les religieux qui se trouvaient dans une situation où ils pouvaient mieux prendre en charge les contradictions provoquées par l’intégration de l’Iran dans le cycle international du capital, précisément parce qu’ils étaient, en tant que force sociale, la résultante de contradictions qui en même temps montraient les limites de la lutte des travailleurs ainsi que l’impossibilité d’un programme national pour la bourgeoisie.
Ils se sont retrouvés dans une position où ils devaient reconnaître pas à pas leurs propres intérêts en tant qu’Etat – un Etat dont par un jeu dialectique d’intégration et d’exclusion, ses membres et ses courants évoluaient à chaque instant – et les faire avancer dans la lutte politique.
C’est ainsi que le discours de l’islam politique, utilisé depuis longtemps au Moyen-Orient, a trouvé des caractéristiques et des accents irano-chiites particuliers et des concepts tels que “Ummat islamique”, “Mostaz’afin” (les affaiblis), “Justice islamique”, “Société Monothéiste sans classe”, “les Martyrs de l’islam”, le “Achoura de Hossein”, etc. ont vêtu des habits très politiques, matériels et fonctionnels afin de stabiliser la République islamique.
Petit à petit, la République Islamique fonde ses institutions et ses instances dirigeantes sur ce discours populaire et populiste. Dès le lendemain de l’insurrection, elle crée ses organes de répression et de souveraineté et réprime progressivement toutes les couches et classes qui avaient participé à la révolution et qui ne rentraient pas dans la moule. Il n’a fallu que deux semaines pour que les femmes, conscientes du danger dont cette force réactionnaire était porteuse, entrent en opposition à celle-ci et manifestent dans les rues de Téhéran leur refus du Hijab islamique tandis que la gauche en général y est restée plus ou moins indifférente et de ce fait porte pour toujours la marque indélébile de la honte de son inconscience; la gauche n’a pas compris à ce moment historique l’im
portance du hijab dans la structure qui se mettait en place. Elle était incapable de comprendre qu’il ne s’agissait pas seulement d’un voile comme accessoire féminin anodin, mais du symbole le plus évident qui lie les femmes et leurs familles à la République islamique et à la culture que porte ce pouvoir politique. Ce hijab signifie la soumission au pouvoir qui s’établit et s’impose à toute la société ; il signifie l’acceptation de toutes les lois juridiques et les rapports de propriété que ce pouvoir politique met en œuvre et qui, une fois développés s’imposent comme un rapport de production. Ce hijab est la manifestation la plus évidente qui permet de reconnaître les “siens” des “autres”.
Après quelques années de hauts et des bas de la lutte des classes, durant lesquelles des milliers de révolutionnaires, démocrates et communistes ont péri; ainsi que des hommes et des femmes,
appartenant aux minorités nationales et ethniques qui avaient fait flotter héroïquement le drapeau de la lutte dans toutes les régions du pays, ce gouvernement populiste, pour se débarrasser définitivement de ces protestations, a transformé des escarmouches militaires quotidiennes sur la frontière irakienne en guerre totale afin de briser les vagues de la révolution par une autre, de patriotisme et d’unité nationale.
Le résultat le plus important de cette guerre sanglante qui a duré huit ans, outre le sacrifice de centaines de milliers de travailleurs irakiens et iraniens, a été la stabilisation d’un système idéologique, organisé autour de la notion de Velayat du Faghih (la tutelle du théologien-juriste) et imprégné dans une culture politique basée sur l’autorité religieuse et politique du Guide suprême et s’appuyant sur sa force répressive spécifique (l’armée des Pasdarans de la Révolution et le Bassij).
Trente ans de lutte de classes avec ses flambées et ses rébellions ont fait que la République islamique et son Umma sont de plus en plus recroquevillés et fermés sur eux-même. Le dernier gouvernement (celui de Raïssi, boureau des prisons en 1987) se veut uniforme et exige une cohérence stricte autour de l’islam et tout y passe, des écoles et universités jusqu’à la médecine, l’économie et la banque et même le sport; les femmes iraniennes sont privés de stade et dans quasiment toutes les sports au niveau international les champions iraniens doivent refuser – bien entendu sous motif d’impréparation ou de blessure – de rencontrer les champions israéliens; d’où le nombre important de champions iraniens qui se sont sauvés du pays et participent au compétitions internationales sous d’autres drapeaux.
Tout doit être islamisé; et la façon la plus visible de témoigner son appartenance et sa soumission est le port du voile avec lequel la République Islamique s’est recouverte.
L’hypertrophie de l’Etat en Iran, le fait qu’il s’appuie exclusivement sur l’idéologie et la violence (Clergé + les écoles coraniques et les Pasdars, les Bassidjis et les forces militaires et de sécurité), le contrôle quasi exclusif qu’il a sur la vie économique grâce aux revenus pétroliers et à travers les entreprises étatiques, les fondations (Bonyad) religieuses et toutes sortes d’institutions commerciales autorisées sous des motifs fallacieux islamiques …en fait une force productive totale. C’est une affaire politique qui s’est directement plongée dans la vie économique et l’organise de part en part à sa façon et selon ses critères. Bien entendu tous les États ont un certain poids économique et des activités productives; il existe des entreprises où les Etats se constituent comme actionnaire majoritaire ou même des industries sous propriété étatique, mais la République islamique elle-même est devenue un rapport de production en raison de la façon dont elle s’est formée et a évolué ; elle est le point de départ et le point d’arrivée ; il détermine la propriété du capital et choisit la voie de sa croissance ; de A à Z. Mais elle n’est pas très performante dans cette tâche car c’est un État basé sur la rente pétrolière, ce qui rend cette existence plus difficile et improductive. Les gouvernements rentiers ne stimulent et n’encouragent pas l’activité économique, mais ils l’empoisonnent. Aucune loi “normale” de l’économie capitaliste ne fonctionne correctement sous les contraintes de l’économie rentière.
Les caractéristiques générales de l’économie rentière a atteint la soutane de ces messieurs et aucune prière ou incantation ne leur permet de s’en débarrasser.
Pour la République Islamique, le profit est fourni à l’avance sous forme de revenu, qui à son tour est simplement redistribué et joue un rôle très faible dans le cycle de la production ; les projets économiques ne sont que des prétextes pour allouer des capitaux et leur utilité ou leurs résultats économiques ne sont aucunement pris en compte ; la production de plus-value est quelque chose de tout à fait secondaire car déjà attribuée au moment de l’allocation du capital ; ils construisent d’énormes barrages, très souvent par des contractants privés des Pasdarans, puis constatent qu’il n’y avait pas de source d’eau suffisante; ou que le barrage en question entraîne des dommages irréparables à l’environnement! Peu importe! Un budget leur est accordé à partir des revenus pétroliers pour le détruire ; sans aucune étude ni enquête, ils construisent d’énormes conduites d’eau pour amener l’eau d’une région à une autre, où les grands propriétaires sont censés leur payer des rétributions soit en argent, soit sous forme d’achat de votes ; la motivation des décisions prises en lien avec la coopération et le développement est tout sauf la satisfaction des besoins de la société ; toutes les allocations budgétaires des différentes régions sont basées sur les intérêts politiques locaux ou nationaux du système ; le salaire des ouvriers et leur pouvoir d’achat ne jouent qu’un part minim dans la réalisation des produits, et pour cette raison, il est tout à fait déconnecté de l’accumulation ; pour le patron iranien c’est une dépense inutile qui doit être le moins possible, payée le plus tard possible ou, si possible, pas payée du tout ; toute importation vaut mieux que la production sur place car cela exige une technologie étrangère, une expertise étrangère et des pièces de rechange étrangères, ce qui rend le produit non compétitif… et mille autres caractéristiques.
La République islamique en raison de ces caractères basiques, c’est-à-dire son populisme inhérent qui l’a fait immergée dans la société et ses prétentions à englober la nation tout entière se trouve face à une sorte d'”incompatibilité” avec le capital international; les contradictions de ses fractions internes sont l’expression de cette incompatibilité. L’immense fragilité économique du pays dans le cadre de ces rapports fermées empêche le développement des relations capitalistes avec l’Occident et l’oblige à s’appuyer sur les puissances «orientales». Les efforts du Président, ces derniers temps pour activer les relations commerciales et de productives avec la Chine, la Russie et l’Inde, la signature de contrats secrets inégaux qui sont censés courir sur plusieurs décennies et ses supplications pour devenir membre du Pacte de Shanghai n’ont d’autre but que maintenir d’une manière ou d’une autre sa relation avec les infrastructures capitalistes mondiales.
Bien sûr, à la base de tout cela, on retrouve les limites auxquelles toute forme d’économie rentière est exposées. Mais en Iran, il y a un autre problème omniprésent qui découle de la nature de la République islamique. C’est une formation politique qui est elle-même devenue un rapport de production. En Iran, la République islamique n’est pas le représentant politique ou l’expression du rapport de production capitaliste, mais plutôt le rapport de production capitaliste lui-même. Il n’est pas comme les autres Etats conventionnels dans lesquels les représentants politiques représentent les rapports de production et, par conséquent se trouverait au-dessus des classes et séparé de la société. La République islamique est un État non-séparé qui n’accepte pas l’existence des classes et ne reflète donc pas leurs revendications et leurs luttes. Dans cette situation, son discours politique se veut inclusif et uniforme, recouvert d’un voile islamique.
Un État idéologique et non-séparé signifie que chaque effort et activité, dans n’importe quel domaine, culturel, civil, social ou économique, doit être connecté et lié au système, prendre sa place au sein de l’ordre social créé par cet État, y être reconnu, payer ses impôts religieux aux responsables de la charia et des hommes du pouvoir. Ici, nous n’avons pas affaire à des personnes libres qui sont liées les unes aux autres par leurs activités sociales ou économiques, mais elles seront autorisées à exercer telle ou telle activité sociale ou économique par et à cause de leur relation avec le pouvoir ; qu’il s’agisse d’une petite entreprise, d’une commerce ou d’un artisan.
Dans une telle société, il n’y a naturellement pas de classe capitaliste libre qui puisse faire aboutir un projet, contracter un emprunt auprès d’une banque sans l’approbation et l’autorisation de l’autorité légitime ou trouver un marché pour ses produits sans la présence et le soutien des Pasdarans. Il n’a aucune chance de se développer à moins qu’il ne fusionne d’une manière ou d’une autre avec la pieuvre que constitue le Velayat-é-Faqih.
Mais cette immersion dans la société n’empêche pas la lutte des classes et les revendications des couches différentes de la société, y compris la bourgeoisie, de la traverser. Cet état de fait est bien sûr dû au contrôle presque total de l’Etat sur l’économie, mais pas uniquement; en Iran, puisque le gouvernement est une forme politique qui s’est transformée en rapport de production, nous sommes face à une incohérence structurelle car, comme déjà décrit, la croissance socio-économique est contrecarrée à chaque pas par ces rapports obstrués ; Cette enveloppe s’avère de plus en plus incapable de les contenir.
Au cours des trente dernières années, cette croissance lente et souterraine a créé une société civile que la dictature du Shah et son militarisme débridé avaient empêchée. Des associations, organisations et syndicats, des maisons de métiers, des foyers… se sont créés et ont imposé leur existence à la République islamique. Il y a aussi une nouvelle génération constituée de descendants de responsables religieux ou militaires et de notables… dont leur père ont su privatiser par diverses ruses et procédés les propriétés collectives et étatiques en leur bénéfice (mainmise sur les ressources de l’Etat, confiscation directe des biens de la famille royale et des personnes aisées fuyant le pays, création de fondations et d’institutions sous prétexte d’intérêts publics et religieux, privatisations par “la vente aux proches et aux relatifs”, vols et détournements de fonds, tous sortes de dépenses et de commissions sous prétexte de contourner les sanctions, des myriades de structures dépendant du pouvoir …). Une partie de la propriété étatique est ainsi transformée en propriété privée qui a besoin de fonctionner comme du capital libre. Progressivement ceci provoque la séparation d’une couche de la classe dominante du corps de la République islamique et exige la liberté d’entreprendre et des relations avec l’Occident… Pour ce genre de rapport, il est nécessaire d’établir un État conventionnel au-dessus des classes. C’est un mode de développement pour qui l’intégration au processus de mondialisation du capital devient une nécessité fondamentale. (En plus, cela se produit dans une situation où le capitalisme mondialisé lui-même se trouve dans une crise grave et est à la recherche d’un nouvel ordre mondial).
Là encore, la République Islamique est en prise avec une crise évidente à cause des sanctions. Jusqu’à aujourd’hui, l’Etat était capable d’attirer des pans de la société comme le clergé et les fonctionnaires grâce à la redistribution de la rente pétrolière et d’extraire ses forces de répression des classes populaires, mais aujourd’hui la situation est telle qu’il ne peut même pas satisfaire ses propres troupes.
C’est dans cette situation que quelque chose se produit qui contrairement aux protestations revendicatives ou civiles du passé devient globale.
Mahsa est tuée. Ce meurtre cruel est perpétré sous prétexte d’un défaut de hijab règlementaire par une police spécifiquement constituée pour le faire respecter. Le problème dans ce cas précis c’est que ce gourdin de répression est frappé à la nuque de quelqu’un qui a suivi les règles du hijab obligatoire d’une manière courante chez la plupart des femmes et il n’y a vraiment aucune raison pour une telle peine. Les gens sont à juste titre en mesure de se demander, mais pourquoi ? Bon sang, mais que faudrait-il faire pour éviter la brutalité et la bestialité de ce régime ?
Et ils voient clairement que ce sort funeste peut arriver à n’importe laquelle des femmes et des filles de la société. Il n’y a plus aucune distinction. Tu n’as pas besoin d’être un opposant politique qui manifeste pour sa cause ou un militant de droit civil ou syndical, un travailleur qui réclame ses arriérés de salaire, ou un retraité dont les pensions ne suffisent plus à vivre, ou un agriculteur en faillite par manque d’eau, ou un épargnant qui a perdu tous ses biens dans une banque islamique bidon ou un fonctionnaire dont sa paie ne suffit plus à vivre…
Aucune de ces catégories sociales ne peuvent expliquer cette attitude violente ; il n’y a plus d’échappatoire pour être à l’abri de la morsure de ce dragon. Cette personne peut être ouvrière ou femme au foyer, étudiante ou employée, pauvre ou riche, du nord ou du sud, kurde ou turque… il suffit d’être une femme pour être haïe par la République islamique et exposée à sa violence; mais pas une femme au sens physique ou biologique du terme; femme d’après la définition que la République islamique a établi pour elle au niveau social avec toutes les obligations, contraintes, devoirs, attentes et limitations qui découlent de ce rôle. Une définition qui est à la base d’une pensée religieuse spécifique et des relations sociales fondées sur elle, dont l’ensemble du système en tire sa légitimité dans chacun de ses aspects.
Ce qui depuis longtemps était considéré comme une obstacle à la vague révolutionnaire et une impasse véritable à l’essor des luttes c’est-à-dire la segmentation et l’isolement des motivations parcellaires (syndicales, professionnelles, raciales, ethniques, confessionnels, religieuse), motivations qui étaient fermées sur elles-mêmes, et pour cette même raison, ne pouvaient fournir la convergence nécessaire à une véritable vague révolutionnaire, a été détruite par les fidèles mercenaires du régime et a désigné la contradiction de genre comme le point d’intersection de toutes les discriminations qui imprègnent la société et a ouvert la voie à une transformation révolutionnaire.
Si le slogan « Femme, Vie, Liberté » est devenu le slogan de cette vague révolutionnaire, ce n’est pas seulement à cause de la signification du nom de Mahsa en kurde, mais c’est fondamentalement parce que ce mot constitue le général dont tous les particuliers réclamaient pour enfin réaliser leur convergence.
Oui, les femmes sont la vie, non seulement dans le sens où elles sont les partenaires des hommes pour gagner les moyens de subsistance de leur vie; elles sont elles-mêmes la vie. La vie émane d’elles, s’épanouit et se dessine autour d’elles ; les femmes, au sens de reproductrices de la population, sont au centre des sociétés et sont le point de départ de tous les processus de production. Tout revient aux femmes et au rôle social qui leur est assigné. La République Islamique a tellement bien bien compris le sens et le poids de cette assignation qu’elle l’a transformée en droit de propriété dont le hijab en est le titre (de propriété).
Tous les devoirs et les contraintes imposés aux femmes dans la République islamique ont pris ainsi la couleur de la captivité qui devient de plus en plus dure et lourde, au point de leur barrer toute respiration. Pour cette culture islamique, la femme n’est pas seulement sous la domination de l’homme, elle est
considérée comme sa possession, devant être protégée de tout regard extérieur. Ces devoirs et contraintes sociaux ne doivent pas être compris sous un concept qui les réduit à des cas distincts et des points de droit, tels que le hijab obligatoire, l’organisation de son respect stricte, la promotion de sa nécessité “culturelle” ou légale, légiférer sur les relations sociales avec les hommes, le choix d’un époux et le mariage, les devoirs conjugaux , la grossesse et l’avortement, la contraception, la maternité, le travail domestique, le divorce, l’héritage… . Chacun d’eux ne doit pas être compris dans un sens isolé et autonome, dans un sens “juridique” qui pourrait être sujet à des corrections ou des réformes. Ils forment un tout qui englobe l’Etat dans sa totalité.
Ce hijab est l’expression de l’appartenance et de la soumission à une culture à part entière, et c’est la manifestation la plus évidente, la plus extérieure de la chaîne de relations que cette docte religieuse déploie dans tous les domaines et dont elle en tire sa légitimité politique et sociale. Ce hijab est une norme idéologique qui leur permet de distinguer les familles chiites des étrangers; pas seulement dans la rue mais dans toutes les sphères sociales. Si votre femme respecte son hijab, alors il est possible de commercer avec vous ou de vous embaucher ou de se lier avec votre famille, de vous accepter comme gendre; ensuite, il suffit que vous vous trouviez quelques connaissances communes pour constituer un réseau qui deviendra votre capital social.
Le hijab pour la République islamique est une culture en soi, qui est devenue le drapeau de cette communauté.
Le clergé Chiite, il y a quarante ans a su écarter ses rivaux laïcs et de gauche et prendre le pouvoir politique en s’alliant à la bourgeoisie libérale, en empêchant un soulèvement armé de masses qui allait bouleverser les rapports capitalistes du temps du Shah et ouvrir un nouvel horizon pour les travailleurs; aujourd’hui quelque chose à fait bouger la société toute entière.
Le meurtre de Mahsa et l’étincelle qu’il a provoqué parmi les femmes des classes «moyennes», mais aussi dans la jeunesse en général, les étudiantes, les lycéeness, les écolières, les professeurs et les enseignants … a mis le feu aujourd’hui dans toutes les couches de la société. Deux semaines de manifestations dans presque tous le pays ont réveillé toutes les autres revendications et mobilisé toutes les catégories sociales.
Mahsa est l’image d’une femme qui montre toute l’ampleur de la vie, une ligne de lumière qui traverse verticalement toutes les strates de la société. Cette étincelle, qui a jailli de son voile, alla jeter le feu sur tout le corps de cet ordre social qui y était enveloppé. Cette flamme a atteint aujourd’hui leur soutane…
En ce moment sensible et historique, où des filles et des femmes au courage inégalé et aux initiatives audacieuses, aux côtés de leurs jeunes frères, prolétaires pauvres écrasés sous la misère quotidienne, affrontent le diable, les ouvriers des grandes entreprises, tout en se montrant solidaires avec ces luttes, semblent hésiter à entrer de façon indépendante dans la lutte en déclenchant des grèves qui pourraient paralyser le régime. Leur position est tout à fait compréhensible. Ils considèrent l’expérience d’il y a 40 ans, où en pleine révolution les couches supérieures de la société ont préféré négocier avec les puissances occidentales et ont vaincu une insurrection qui allait ouvrir de nouveaux horizons; ils ont vu leur organisation en conseil être infiltrée et supplantée par des conseils islamiques bidons et in fine Ils ont été témoins de la prise du pouvoir d’un ordre qu’ils ont dû combattre pendant plus de quarante ans. Ils ont vécu cet échec dans leur chair et leur sang; ils savent très bien combien ce combat peut leur coûter cher.
Les prolétaires et les travailleurs qui rejoignent la lutte dans l’obscurité de la nuit savent que leur subsistance, la leur et celle de leur famille dépend du travail journalier car ils commencent chaque jour en dessous de zéro et n’ont aucune réserve. Ceux qui ont un emploi, même temporaire, doivent garantir ce travail pour rendre leur vie simplement possible, et ceux qui n’ont rien et sont au chômage doivent assurer leur subsistance de quelque manière que ce soit. De plus, nos travailleurs savent que dans la situation actuelle, ce mouvement peut difficilement aller plus loin que la formation d’un Etat laïc, un État bourgeois conventionnel, et ce sont encore eux qui doivent vendre leur force de travail aux capitalistes non-religieux et laïcs, nationaux ou étrangers.
Chacun comprend que les protestations actuelles ne peuvent mener à l’étape suivante de la lutte et casser le carcan de la République islamique sans leur présence indépendante sous forme de grève. C’est dans cette luttes de classes que pourraient s’épanouir d’autres possibilités, des interactions nouvelles et qui sait, de nouveaux horizons pour les travailleurs iraniens.
C’est le point nœudal de notre situation. Une situation qui place, pour une fois, les ouvriers et les travailleurs dans la position privilégiée de déterminer leur destin. Ceux qui produisent toute la richesse de la société ont atteint aujourd’hui ce statut exceptionnel. Cette décision leur appartient.
Les ouvriers qui fréquentent depuis de nombreuses années, les milieux intellectuels et les livres, qui s’en sont nourris et surtout dans leur lutte quotidienne gagnent en maturité, se trouvent, tant sur le plan quantitatif que qualitatif, dans des conditions intellectuelles leur permettant de décider, par eux-mêmes sur la marche à suivre.
Habib Saï
Andisheh va Peykar (Pensée et combat)
29 septembre 2022
P.S: La grève de certaines unités de production dans les industries pétrolières a commencé le 10 octobre 2022.
Note de bas de page sur l’Etat non-separé qui renvoie au bouquin “de la politique en Iran” a été omise.
1 Voir: De la politique en Iran, Théo Cosme, Ed. Senonevero, Marseille, Nov.2010
« Extrait de Tristan Leoni, La Révolution iranienne. Notes sur l’islam, les femmes et le prolétariat, Entremonde, 2019, p. 2013-214 »
Révolte des Iraniennes contre l’imposition du voile en mars 1979
https://ddt21.noblogs.org/?page_id=3478
Un camarade à Téhéran nous a envoyé ce petit rapport sur les événements d’hier :
Manifestation d’avocats sur la place Argentine (quartiers Nord de Téhéran), manifestations importantes à Molavi et Naziabad (centre et Sud de la ville), manifestations dans toutes les universités, en particulier à l’université de Téhéran, manifestations dans plusieurs quartiers de Téhéran et également manifestations dans de nombreuses villes. La déroulement actuel des démonstrations, au moins d’après ce que je peux voir ça se passe comme ceci :
Un appel central est lancé de quelque part qui peut être connu ou pas. Cet appel est une sorte de signe et donc peu importe qui en en est à l’origine. Les rassemblements commencent généralement entre 12h00 et 1h00 dans les universités, suivies de de sit-in, puis deviennent des manifestations. Pendant ces heures, les agents du régime s’occupent de les perturber,de réprimer et d’arrêter les gens. Dans la soirée d’autres manifestations se déclenchent qui vont se poursuivre jusqu’au tard dans la nuit. Dans ces intervalles, la force et la capacité à supprimer du régime diminuent. Puis nous avons quelques jours de silence relatif et de nouveau les manifestations reprennent. Cette forme de manifestations dispersées et sporadiques a été très réussie et a très bien pu maintenir le moral des manifestants.
3 points à signaler :
1) Les arrestations ne servent pas à grand chose car de tout part de nouvelles forces rejoignent le mouvement.
2) Il n’y a absolument aucun conflit à l’extérieur du pays autour du drapeau, du type de slogans ou d’affrontements générationnels (du genre que la BBC induit en faisant intervenir trois jeunes gens critiquant leur aînés [depuis de longue date la chaîne BBC Persian est considérée par les iraniens comme un soutien discret de la République islamique]). Comme tout autre mouvement, la jeunesse et en particulier les étudiants constituent les forces motrices (de toutes les classes et couches sociales), mais dans les manifestations elles-mêmes, on trouve des personnes de tous âges et générations.
3) il me semble que la préoccupation essentielle est la question de l’organisation. C’est la faiblesse que j’évoquais précédemment. Les masses populaires ont dépassé le stade de l’expansion du mouvement et de sa transformation en un mouvement national, mais en même temps, elles ne forment pas leurs propres instances organisationnelles. Ceci peut être très dangereux. Répéter une tactique tous les jours sans réfléchir à la façon de la faire évoluer étape par étape peut être problématique.
« Féministes françaises et « sorcières iraniennes » en mars 1979 »
« Les quelques notes ici présentées devaient à l’origine être utilisées pour rédiger la quatrième partie du livre La Révolution iranienne. Notes sur l’islam, les femmes et le prolétariat (Entremonde, 2019, 264 pages). Cette partie a, pour diverses raisons, été abandonnée, et n’en subsiste que le chapitre sur Michel Foucault ; elle devait être consacrée à la réception en France des événements iraniens de 1978-1979, en particulier au sein de la gauche, de l’extrême gauche et des mouvements anarchiste et féministe. Je reproduis ici les lignes consacrées aux réactions des féministes françaises devant la révolte des femmes iraniennes opposées à l’imposition du port du voile. Il s’agit, je le rappelle, de notes de travail prises en 2018 au fil de lectures : livrées telles quelles – mis à part des reformulations lorsque le style était excessivement télégraphique et des renvois vers les pages du livre –, non exhaustives par définition, elles pourraient donner des idées, ouvrir des pistes pour des réflexions ou d’autres recherches… »
https://ddt21.noblogs.org/?p=3487
Extraits en traduc DeepL
Notes sur les soulèvements iraniens
« des grèves peu orthodoxes pour des temps peu orthodoxes. »
« La conception orthodoxe (historiquement conventionnelle) de la grève générale – qui ne peut intégrer les travailleurs temporaires et précaires (plus de 90 % de la main-d’œuvre iranienne) ou reconnaître la légitimité des revendications des chômeurs, des femmes au foyer, des immigrants sans papiers et autres – ne s’applique plus à la situation actuelle. Jusqu’à présent, la fécondité contagieuse du mouvement s’est exprimée de multiples façons : des chômeurs bloquant les routes, des lycéennes quittant les salles de classe, ainsi que des grèves de travailleurs de projets pétroliers. Ce sont des grèves peu orthodoxes pour des temps peu orthodoxes.
On pouvait déjà entrevoir une grève humaine encore naissante lors des précédentes vagues de lutte en Iran – par exemple, la grève des travailleurs du pétrole en 2021 et le mouvement des enseignants en 2022. Cela dit, alors qu’auparavant, les travailleurs de l’industrie pétrolière iranienne se mettaient en grève tout en recevant des déclarations de soutien de la part de divers groupes sociaux (autres syndicats et travailleurs précaires, mouvement des femmes et féministes, retraités, chauffeurs routiers, enseignants et infirmières), ce sont maintenant les travailleurs du pétrole qui se sont mis en grève en solidarité avec le soulèvement de Zhina et les potentiels révolutionnaires qu’il recèle. Ce passage, d’une simplicité trompeuse, des déclarations aux pratiques de solidarité indique déjà l’une des façons dont le soulèvement actuel marque une rupture fondamentale avec les vagues précédentes de lutte et de protestation : suivant l’exemple de Teachers Who Seek Justice, qui a répondu au meurtre de Zhina par une déclaration intitulée “C’est le début de la fin”, les travailleurs du pétrole iraniens défilent actuellement dans les rues en déclarant que “c’est l’année du sang”.
Ces appels à la défiance, à la grève et au refus sont désormais si répandus que le désir d’un retrait collectif de la participation à la reproduction de l’ordre établi est sur le bout de la langue de chacun. »
https://www.e-flux.com/notes/498605/tomorrow-was-shahrivar-1401-notes-on-the-iranian-uprisings
A propos de Masha
Si je commente le texte d’Habib (H), je ne peux cependant parler ici des luttes actuelles en Iran (octobre 2022) qu’à partir du peu qui en est transmis dans la presse française.
Deux extraits du texte d’H comme point de départ
« Ce qui depuis longtemps était considéré comme un obstacle à la vague révolutionnaire et une impasse véritable à l’essor des luttes c’est-à-dire la segmentation et l’isolement des motivations parcellaires (syndicales, professionnelles, raciales, ethniques, confessionnelles, religieuses), motivations qui étaient fermées sur elles-mêmes, et pour cette même raison, ne pouvait fournir la convergence nécessaire à une véritable vague révolutionnaire, a été détruite par les fidèles mercenaires du régime et a désigné la contradiction de genre comme le point d’intersection de toutes les discriminations qui imprègnent la société et a ouvert la voie à une transformation révolutionnaire. »
[Cela me semble le cœur du texte]
«En Iran, il suffirait que la vague de protestations actuelles soit suivie par une vague de grèves pour qu’on entre dans une telle situation. » [« une telle situation » ?, c’est-à-dire « révolutionnaire » ; comme le sous-entend la référence à Lénine dans le paragraphe précédent]
Cependant, en conclusion, cette perspective est plus ou moins tempérée :
« De plus, nos [est-ce que ce « nos » est une dérive de la traduction ?, nda] travailleurs savent que dans la situation actuelle ce mouvement peut difficilement aller plus loin que la formation d’un Etat laïc, un Etat bourgeois conventionnel et ce sont encore eux qui doivent vendre leur force de travail aux capitalistes non-religieux et laïcs, nationaux ou étrangers. » Mais : « … c’est dans cette lutte de classes que pourraient s’épanouir d’autres possibilités, (…) de nouveaux horizons pour les travailleurs iraniens. (…) Une situation qui place, pour une fois, les ouvriers et les travailleurs dans la position privilégiée de déterminer leur destin. » Le dernier paragraphe laisse perplexe sur cette capacité à « déterminer leur destin » du fait de leur maturité intellectuelle acquise par leur « fréquentation des milieux intellectuels et des livres ». Comme si les « milieux intellectuels » n’étaient pas ceux-là mêmes qui font que le mouvement comme l’écrit H « peut difficilement aller plus loin que la formation d’un Etat laïc, un Etat bourgeois conventionnel. » et ils feront tout pour que ça en reste là.
Sans remonter aux origines de la République islamique, il faut, je pense, considérer depuis le début des années 1990, les innombrables révoltes, émeutes, grèves, manifestations, comme un unique mouvement dont la nature politique des rapports de classes en Iran donne l’unité. Unique mouvement dans la mesure où tout se résout toujours dans les contradictions et les blocages inhérents, pour chaque classe ou fractions de classe (chacune pouvant, tour à tour y trouver des privilèges), à la nature de cet Etat immergé dans la société et devenu lui-même la conjonction des rapports de production qui le traversent. C’est sa faiblesse, il peut être attaqué de toutes parts, mais aussi sa force : attaquer d’un côté, il trouve un soutien de l’autre.
La nouveauté par rapport à 2009 ou à 2019 (je passe sur tout ce qui s’est passé entre les deux), c’est que toutes les classes (y compris des fractions des classes dominantes et même au niveau des instances dirigeantes la lutte doit être à couteaux tirés), fractions et couches sont mise simultanément en mouvement. Ce même texte laisse de côté la composante régionale du soulèvement ; très fort au Balouchistan et au Kurdistan, ainsi que la grande violence de la répression dans ces zones. Le texte de H n’évoque pas ce qui, à mon avis, est fondamental dans cette simultanéité actuelle : l’extrême misère pécuniaire, alimentaire, sanitaire (le Covid a fait des ravages) dans laquelle est, plus ou moins, plongée l’immense majorité de la population. En mai 2022, le gouvernement met fin aux subventions sur le prix du pain, les manifestants attaquent des bases des milices islamiques bassidji (5 morts), au même moment l’effondrement d’une tour à Abadan (19 morts) provoque de nouvelles émeutes contre le régime et la corruption. A partir de juin les manifestations qui ont trait à la survie sont quotidiennes à Téhéran. C’est dans ce contexte qu’il faut situer ce qu’il se passe à la suite du meurtre de Mahsa. L’Etat ne contrôle plus rien sur les prix à l’exportation, sur ses importations, ses subventions aux produits, son budget, ses crédits, ses emprunts. Tout le système fonctionnant comme économie rentière est bloqué, là où toute activité pouvait devenir rente la manne ne circule plus. Déjà les émeutes de 2019 sur les tarifs des carburants avaient vu les attaques des banques et des institutions religieuses et la classe ouvrière y participer de façon diluée et dispersée dans le « peuple ». Puis le Corona est arrivé, l’inflation explose et la monnaie s’effondre, dans les manifestations qui en juillet 2020 suivent la confirmation de la condamnation à mort de trois personnes suite aux émeutes de 2019, les personnes les plus susceptibles d’être touchées n’avaient rien à perdre. En Août 2020, sur 80 millions d’habitants, 60 millions ont besoin d’aide pour survivre surtout dans les villes du Sud (on estime actuellement à 14 millions de personnes ceux qui vivent à la périphérie des villes, c’est incontournable quand on parle de la classe ouvrière et / ou du prolétariat en Iran où nous avons une étrange relation entre baisse du chômage et augmentation de la population inactive).
Tout cela demeurerait de pures généralités si ce n’était pas investi et mis en forme par ce qui a mis le feu à toute la plaine et donné son sens à cette « convergence » qui n’est pas nécessairement une unité (si un soulèvement devient global, ce n’est pas en étant une somme). Le texte de H oscille souvent entre un soulèvement de « toute la société » tout en évoquant, avec moins d’insistance, les conflits potentiels ou inhérents à ce « soulèvement général ». La contradiction de genre serait la cristallisation de ce « général », mais H donne comme contenu de cette cristallisation une substantialisation des femmes : « la femme c’est la vie ». Cela nous expliquerait pourquoi la contradiction de genre peut unifier la révolte de toutes les classes, couches et fractions de classes. Outre la substantialisation des femmes cela n’articule pas la contradiction femmes / hommes dans les contradictions de classes (et vice-versa), ça devient une sorte de primat anthropologique, mais, surtout, par là-même, ça laisse dans l’ombre la raison spécifique de cette cristallisation en Iran aujourd’hui.
Pour que la contradiction de genre soit la cristallisation de toutes les contradictions (à un moment), il faudrait que la situation des femmes en Iran ne soit pas l’opposition à une situation spécifique (« archaïque ») représentée par le voile. C’est-à-dire devienne autre chose, à partir d’elle, que la lutte contre la République islamique. Il faudrait que cette contradiction de genre s’articule pour être telle (contradiction) à l’exploitation. C’est cette liaison pratique qui fait la contradiction. C’est-à-dire que la lutte féminine ne porte pas sur une forme particulière d’oppression (le voile, une série d’interdictions et de confinements) mais sur ce qui fait que des personnes sont désignées et assignées comme « femmes ». Ce qui ne peut pas aller à l’intérieur même d’une insurrection contre l’exploitation sans un conflit entre les hommes et les femmes (tous les comptes, un jour ou l’autre se règleront). Présentement en Iran, leur « libération » les femmes s’en chargent et c’est très bien, mais cela demeure à l’intérieur de la contradiction et du rapport entre les hommes et les femmes, cela demeure à l’intérieur de la contradiction de genre. Le pouvoir islamique n’est qu’une forme particulière de l’oppression des femmes qui comme particularité s’oppose à la généralité actuelle de cette oppression qui est la forme occidentale vécue, à raison, comme celle de l’individu isolé, libre, responsable de lui-même, etc. (voir TC 26, pp. 144-146). On ne peut que soutenir le rejet de cette forme particulière, mais c’est la « forme occidentale » qui s’impose à toutes les contestations à partir des situations dites « archaïques » et même, en « Occident », comme la référence idéale à atteindre (voir metoo).
Je ne pense pas qu’il y ait aujourd’hui en Iran de globalisation des contradictions autre que politiquement au travers de ce que j’appelais dans le petit livre le « parti idéologique » dont les classes moyennes sont la représentation, cela du fait même de la nature de l’adversaire qui piège toutes les contradictions et toutes les luttes. Une globalisation n’est pas une « convergence », elle n’est pas une somme, mais la présence dans chaque lutte des autres et de leur raison d’être spécifique dans une sorte de « causalité structurelle » (causalité dans une structure ou pour reprendre l’expression de Marx dans une « totalité organique », c’est une question essentielle que j’ai beaucoup de mal à cerner). En outre sur cette question de ce qu’est une « conjoncture » j’ai du mal à la distinguer de la notion d’ « unité de rupture ». Tous les éléments d’une société se tiennent, mais tous ne sont pas également habités par la dynamique du mode de production et corollairement par la contradiction portant son dépassement à moins de tout subsumer sous une « théorie générale » de l’aliénation. Le problème réside dans le fait que si la logique sous-jacente, essentielle, des rapports de production finit toujours par faire valoir sa cause déterminante, ce n’est jamais dans ses propres termes (et c’est normal de par les métamorphoses nécessaires des rapports de production)
Le féminisme est la pierre de touche de ce que j’appelais dans le petit livre sur l’Iran la « parti idéologique » centré sur les classes moyennes mais qui en raison de la nature même de l’Etat en Iran est susceptible de structurer toutes les oppositions y compris ouvrières (il ne faut pas oublier toutes les fractures internes de cette classe ouvrière d’ores et déjà divisée quant à sa « participation » à ce « parti »).
« Le parti idéologique de la liberté qu’il serait insuffisant de ramener aux intérêts immédiats des classes moyennes a des bases solides dans les transformations survenues dans la société iranienne. Cela signifie que momentanément il peut se présenter comme l’expression générale des intérêts de la société renvoyant tous les autres intérêts de classe à un statut d’intérêt strictement particulier sans autre perspective que cette particularité (nous soulignons maintenant). » (p.140). H dit bien que c’est « toute la société qui est dans le soulèvement », mais qui tient la possible expression de la totalité et en quels termes ?
« La condition du succès de ce parti idéologique réside, aux deux extrêmes, d’une part, dans sa capacité à représenter une alternative crédible pour une partie de la bourgeoisie, ce qui est fort possible, tant les divisions de la classe bourgeoise sont fortes, la possibilité même d’entrainer une partie de la bourgeoisie qui ne tient sa fonction bourgeoise non individuellement mais de son appartenance à une bureaucratie d’Etat ou semi-étatique et dont les éléments se rêvent en “vrais bourgeois” est également un processus envisageable ; d’autre part, dans sa capacité à mobiliser la classe ouvrière en la coupant des “déshérités” et de tous ceux qui survivent à la marge. Il est très probable que dans une période où les grèves ouvrières se multiplient contre des patrons (privés ou non) qui ne remplissent plus leur fonction, une “économie ouverte”, “libérée des favoritismes” et qui ne “dilapident pas l’argent de la rente pétrolière” puisse exprimer avec succès les limites de ces luttes ouvrières sur le salaire et l’emploi. » (pp.146-147). Il faut faire attention de ne pas réduire la lutte des femmes à une simple nécessité du « parti idéologique », c’est aussi une lutte qui a sa signification, ses intérêts, motivations propres.
Il faut partir de la contradiction globale, celle qui colore et donne sens à toutes les autres et à tous les affrontements, dans cette contradiction globale (globalisante) les luttes ouvrières sont prises dans un piège. On peut trouver très positif que la lutte de cette classe ouvrière formelle du pétrole qui tient les leviers du pouvoir soit sortie de son corporatisme strictement revendicatif (grèves de juin 2021, cependant quand les grèves s’étendent en juillet la relance provient de la sous-traitance dans le secteur), mais son passage au politique est celui de la lutte contre une certaine forme d’Etat qui trouve sa solution dans une « réforme de l’Etat ». En outre, cette réforme ne peut que signifier sa coupure (peut-être violente) avec l’immense masse du prolétariat informel qui peut, après être descendu dans la rue, redevenir des bataillons de la « contre-révolution ». Quand cette infime fraction formelle de la classe ouvrière entre dans le mouvement (sous la forme de la grève, impossible pour l’immense majorité du prolétariat en Iran) avec ses revendications matérielles propres, exprimées maintenant en termes immédiatement politiques, il y a fort à craindre, dans les caractéristiques actuelles du soulèvement, que celles-ci soient englobées, retravaillées, traduites dans les termes de l’enjeu politique dans lequel les contradictions sociales se sont construites en Iran et dont le « parti idéologique » détient la clé.
Il existe une grande partie de la population iranienne dont on ne parle jamais, sans le soutien (même passif) de laquelle le renversement du shah n’aurait pas été possible et sans lequel le renversement de la République islamique ne l’est pas : la petite paysannerie (les exploitations de moins de 10 ha sont omniprésentes en Iran). La simple pression de cette masse paysanne, en dehors même de son éventuelle activité directe dans le soulèvement joue sur son devenir d’un double point de vue : exode rural et surpopulation ; solidarités et constitution d’une identité de pauvre non purement capitaliste. Son soutien à la République islamique est chancelant mais la fin de celle-ci serait pour elle son arrêt de mort.
« Pour les paysans, comme pour de nombreux “déshérités” urbains, modernisation et démocratie riment avec disparités grandissantes entre les classes, avec la fin de tout ce que pouvait représenter de protection la préservation même largement artificielle des valeurs traditionnelles. Là s’enracine un rejet culturel du réformisme “hypocrite” et “occidentalisé”. La dynamique démocratique, dans des catégories sociales encore fortement imprégnées de l’holisme rural, est une insupportable dépossession sociale et culturelle, d’autant plus qu’elle s’accompagne du rôle croissant des femmes dans la société rurale. » (p.135). Toute perspective de lutte en Iran, même strictement urbaine et ouvrière est tributaire du poids de cet environnement, la question paysanne est posée à l’intérieur même des luttes ouvrières.
Tout le discours démocratique et culturel sonne creux aux oreilles de cette population.
Enfin, on ne peut pas apprécier les luttes de classes actuellement en Iran en dehors du contexte géopolitique. Partout la lutte des classes est surdéterminée par la crise de la mondialisation américaine (voir le texte Ukraine 2022). Cette surdétermination est une caractéristique interne, constitutive, des luttes.
Dans la subsomption réelle du travail sous le capital, toutes les guerres opposent non seulement deux ennemis poursuivant des buts antagoniques, mais surtout deux ennemis constitués et construits par la polarisation d’une même contradiction, chacun en représentant un pôle et chacun ayant en lui-même l’existence et la nécessité de l’autre.
Actuellement, depuis la crise de 2008, celle du mode de production tel que restructuré dans les années 1970-1980, la contradiction à résoudre mondialement est celle de la déconnexion entre la valorisation du capital et la reproduction de la force de travail qui était le principe même de la mondialisation de l’accumulation. Il s’agit de réarticuler mondialement l’accumulation du capital et la reproduction de la force de travail globale.
Si nous considérons la déconnexion comme l’essence et la dynamique de la mondialisation de ces trente dernières années c’est alors un monde qui est entré en crise et doit se renouveler. Ce monde était celui de la mondialisation américaine.
Crise de la mondialisation américaine : cette crise se fixe au niveau mondial sur deux kystes principaux : la Russie et la Chine et, sur un troisième, au niveau régional : l’Iran. Il faut remarquer que dans ces trois cas, l’Etat domine l’économie et n’a pas accédé à l’existence d’Etat séparé. Dans l’affrontement Etats-Unis (Occident) / Russie mais aussi Iran, Turquie, etc. ; Chine, encore à un autre niveau, se jouent les solutions possibles à la reconfiguration mondiale de l’exploitation. Aucun Etat (aucun protagoniste) ne représente un seul terme mais en chacun un terme joue le rôle de dominante de la relation.
C’est la contradiction de la mondialisation comme totalité qui produit la particularisation nationale de ses termes. Les termes de l’affrontement ne sont pas sui generis, c’est par la nature de la totalité que les termes sont particularisés
Pour l’Iran, il s’agit d’être un terme face à l’Occident de la cristallisation des pôles de la contradiction dans laquelle s’est enlisée la mondialisation et par là, au travers de toutes les alliances possibles, se ressourcer en jouant dans le grand jeu de la reconfiguration mondiale de l’accumulation capitaliste.
La crise de la mondialisation se mue partout (centre et périphérie) en crise politique mais, si la « restructuration » ne peut passer que par la lutte des classes, les classes dominantes dans des pays comme l’Iran ont la capacité de préempter sous la forme nation (souveraineté, populisme, citoyenneté), la « politique » du prolétariat et des classes moyennes qui leur est opposée, malgré – et au travers – tous les conflits.
Si l’on peut trouver une « perspective » dans la convergence actuelle, c’est bien dans cette convergence qu’on la trouve, mais non en elle-même, en tant que telle, mais en ce qu’en tant que convergence, elle peut faire advenir, à l’intérieur d’elle-même, tous les conflits (et Dieu reconnaîtra les siens).
Ce commentaire ne répond pas au précédent mais à une demande d’infos:
Le mouvement ne s’affaiblit pas. On assiste aux manifestations locales et très mobiles en attendant des appels de manifestations plus generales lancés par “les jeunes du quartier de … “.
Le mouvement étudiant a pris le relais et dans quasiment toutes les grandes villes et même des villes plus petites les universités et les facs sont en grève et en manifestation journalière. En général les manifs commencent à l’extérieur des bâtiments officiels et puis se répandent par petit comité dans divers quartiers des villes. Le régime a essayé de créer des endroits pour la discussion avec les protestataires mais à chaque fois leur représentant a été humilié et insulté. En même temps ils n’ont pas cessé d’arrêter les étudiants; les listes des étudiants arrêtés ou disparus s’allongent tous les jours. On parle de milliers de personnes emprisonnées.
En plus, comme vous le savez on est en pleine cérémonies des quarante jours des gens qui ont été tués au début du soulèvement. Chez les chiites après la mort de quelqu’un au troisième jour, au 7e jour et au 40e jour il y a des cérémonies. Donc les manifestants importantes de l’ordre de plusieurs milliers de personnes se sont déplacéses vers les cimetières, à l’extérieur des villes.
La semaine dernière dans plusieurs villes il y a eu de grandes marches et manifestations des gens qui allaient, malgré le blocage des routes, vers les cimetières où ces jeunes sont enterrés.
Des villes comme Karadj à 40 km de Téhéran ou Foulad Shahr (Ville d’acier) aux alentours d’Ispahan qui était construite pour loger les ouvriers de l’usine de Sidérurgie d’Ispahan et qui reste une ville industrielle، ont vu de grands rassemblements qui se sont terminés dans une bagarre avec les forces de l’ordre.
Le Kurdistan et le Baloutchistan constituent des régions où l’affrontement est journalier. Avant hier, à khark (Baloutchistan) ils ont encore une fois tirer sur la foule et il y a plus de 16 tués dont plusieurs enfants.
On a vu que les forces de la repression ont tellement de difficulté en Iran qu’ils ont fait entrer des groupes entier de jeunes Afghans qui étaient membres d’une milice appartenant à l’armée des Pasdarans qui s’appelle Fatémioun (d’après les disciples de Fatima, fille du Prophète); ils sont plus de 15000 personnes et ont déjà combattu en Syrie pour le compte de la République islamique; en fait se sont des mercenaires qui pour quelques centaines de dollars par moi mettent leur vie en danger en tuant les opposants.
Ils ont été vus, preuve à l’appui, au moment de leur arrivée à l’aéroport de façon très officielle, avec passeport et visa.
Aussi, dans la répression au sud de l’Iran (Khouzestan) on avait déjà vu en 2020 des Arabes irakiens faisant partie de Hashd-ol-shâabi participer à la répression des manifestations. Ces jours-ci on les revoit encore participer aux côtés des bassidji et des forces de l’ordre dans la répression au sud du pays.
Hier, deux-cents vingt parlementaires iraniens ont signé une lettre demandant aux forces de l’ordre de “châtier” par le “ghéssâs” (vengeance islamique) tous les manifestants arrêtés dans le soulèvement en cours. Ils les qualifient d'”ennemis de Dieu” passibles de la peine de mort. Ils y ont écrit que défendre le guide suprême est “plus important que défendre la vie de l’Imâm caché”.
Hier dans une manifestation contre le régime à l’étranger (Bruxelles) un slogan a été entendu qui montre une série d’évolution:
Au début des manifestations ponctuelles en Iran nous entendions très souvent ce slogan :
“N’ayez pas peur! N’ayez pas peur ! Nous sommes tous ensemble !”
Après quelques semaines ce slogan a changé d’interlocuteur :
“Ayez peur ! Ayez peur! Nous sommes tous ensemble !”
Pour devenir :
“Ayez peur ! Ayez peur! Les femmes sont toutes ensemble !”
La semaine dernière un tract a été collé dans les rues de Téhéran d’un groupe s’appelant “Ceux qui sèment [cultivent, répandent] du soleil”. Ce groupe qui a été récemment constitué résume assez bien les revendications générales de la frange “progressiste” des protestataires.
Voici une traduction rapide de ce texte :
“Pourquoi nous ne voulons pas le renversement du régime, tout en étant des révolutionnaires ?
Nous ne sommes pas des subversifs car renverser la République islamique ne nous suffit pas. Nous voulons que si la République islamique est renversée les femmes et les hommes soient égaux. Que les gens puissent vraiment décider par eux-mêmes des questions qui les concernent. La propriété privée doit être abolie et les travailleurs doivent bénéficier de leur propre travail. La crise de l’eau doit être résolue et l’eau des villes et régions défavorisées ne doit pas être donnée aux villes riches. La répartition des richesses doit être équitable dans toutes les régions du pays. Les personnes non-persanes doivent pouvoir apprendre et enseigner dans leur propre langue. Personne ne devrait être exclue de la société en raison de son orientation ou de son identité sexuelle. Les universités devraient être dirigées par des étudiants, des professeurs et des employés. Le service militaire ne doit pas être obligatoire et être soldat ne soit pas une profession. Que les forêts ne soient pas pillées. Que les quais d’embarquations illégaux [dans les mains de l’armée des Pasdarans] soient fermés. Personne ne devrait être forcé de transporter sur son dos du carburant ou des marchandises [dans les régions frontalières beaucoup de jeunes et d’adultes sont devenus, par la misère, des transporteurs de carburant vers l’étranger ou des marchandises manufacturières vers l’Iran] et être abattu à cause de cela. Les enfants ne devraient pas être forcés de travailler, les enfants devraient être des enfants et profiter de leur enfance. L’éducation, la santé et un logement convenable et gratuit doivent être accessibles à tous. Les retraités doivent pouvoir vivre confortablement. Les enseignants et les élèves dirigeraient les écoles. Nous ne voulons pas être pauvres. Que les mains des 1% de riches soient écourtées de la vie des 90% de pauvres. Et nous avons bien d’autres rêves que nous ne pouvons réaliser tant que nous n’avons pas renversé la République islamique. Le renversement de la République islamique est une condition nécessaire pour réaliser les souhaits de la majorité du peuple, mais ce n’est pas une condition suffisante. Pour cette raison, nous ne sommes pas des subversifs, nous sommes des révolutionnaires, car la révolution signifie le renversement de l’ordre dominant oppressif et le changement radical au profit de la majorité des travailleurs.
Ceux qui sèment [cultivent, répandent] du soleil
Bonne journée
Habib
Nouvelles du 12/11/2022
transmis par le cde du texte « Mahsa: larme sacrée, colère sacrée, violence sacrée. »
« nous ne descendrons pas dans la rue les mains vides »
Voici la traduction rapide d’un appel lancé par “les jeunes des quartiers de Rasht [Capitale régionale de Guilan, ville importante au nord du pays, 700.000 habitants]. Cet appel montre une tactique très innovante entre de petits rassemblements ponctuels qui, en fait constituent le liant avec les manifestations plus importantes dans les grandes villes. Aussi, il est à noter que l’appel mentionne “la défense légitime du peuple”. Ce qui constitue en fait l’acceptation de la violence légitime.
Habib
“Appel public pour le vendredi 11 et le samedi 12 novembre 2022
Appel n°10 des jeunes des quartiers de Rasht
Que la paix soit avec tous les Iraniens épris de liberté, en particulier les gens qui n’ont pas peur de briser les interdits à Rasht.
Depuis plus de 50 jours, nous crions à l’unisson “Mort à la République islamique” dans tout le pays, et nous nous rassemblons dans les rues en exposant nos poitrines et notre sang aux balles brûlantes des mercenaires de ce gouvernement fasciste. Cela fait plus de 50 jours que les mercenaires au solde d’Ali Khamenei nous prouvent chaque jour et de plus en plus qu’il n’y a pas d’autre voie pour la liberté que son renversement et celui de son gouvernement mensonger.
Compatriotes épris de liberté, le chemin que nous avons commencé est le seul moyen de salut pour nous et les générations futures. À l’heure actuelle, l’appareil de propagande du gouvernement corrompu de la République islamique essaie de nous décourager et nous détourner de notre chemin en diffusant de fausses nouvelles, mais le fait est qu’à mesure que nous avançons, de jour en jour, notre pouvoir augmente et se sont eux, les mercenaires de la républiques islamiques qui perdent de plus en plus de leur capacité à résister à notre unité et à notre solidarité.
Aujourd’hui, l’appareil de répression du gouvernement anti-iranien de la République islamique se trouve affaibli face au peuple épris de liberté. Ils sont obligés d’utiliser les méthodes les plus brutales et les plus violentes pour réprimer les luttes révolutionnaires, mais pourtant, tout l’Iran, sans distinction d’ethnie, de race ou de langue, crie pour sa liberté. Ce Zahak [personnage mythologique du “livre des Rois” qui était un souverain avec deux serpents sur les épaules qui se nourrissait en mangeant la cervelle des jeunes gens et qui a été in fine défait par un forgeron appelé Kaveh] de notre temps pensait qu’en faisant traverser les frontières sacrées de notre pays, par ses milices et mercenaires étrangers, il pourrait faire taire notre cri de liberté, mais non seulement ces étrangers dodus et bien-nourris n’avaient pas la capacité d’affronter la fière jeunesse iranienne, mais cette décision a surtout révélé le manque d’effectifs de l’appareil répressif de la République islamique mais aussi sa faiblesse opérationnelle.
Courageux compatriotes, maintenant que nous nous trouvons tout proche de la liberté, nous sommes condamnés à poursuivre le combat et à extraire cette tumeur cancéreuse qu’est la République Islamique qui s’est enracinée dans nos territoires, notre sol et nos fleuves. Par conséquent, sur la lancée de ces luttes pour la liberté, nous vous informons que nous prévoyons d’organiser de grands rassemblements révolutionnaires dans les rues de Rasht le vendredi 11 et le samedi 12 novembre, et de combattre ce régime cruel avec le mot d’ordre de ” A Mort la République Islamique” et de nous soulèver ainsi contre ce régime tyran et corrompu. Nous demandons aux autres combattants de la liberté, habitants d’autres villes et villages de notre province Guilan, où les conditions nécessaires pour organiser ce type de rassemblements ne sont pas réunies, de choisir les rues de Rasht comme bastion de notre lutte commune. Nous demandons également aux habitants des autres grandes villes de la province et de tout le pays d’organiser leurs rassemblements révolutionnaires en coordination avec les habitants de Rasht.
Il convient de noter que ce genre d’appels au rassemblement pour des jours spécifiques ne signifie pas qu’on va arrêter de manifester les autres jours de la semaine dans nos rues; le but de ce genre d’appel généraux est de privilégier des rassemblements plus importants lors des dates marquantes du mouvement.
Comme tous les rassemblements récents, nous ne descendrons pas dans la rue les mains vides et nous considérons qu’il est de notre droit de nous défendre de façon légitime contre les mercenaires de Khamenei.
Avec notre lutte, le soleil de la liberté brillera à nouveau sur la patrie.
Jeunes des quartiers de Rasht,
19 Abân 1401 [10 novembre 2022]
Nouvelles du 16/11/2022
« Je suis à Téhéran, la capitale de l’Iran. Les sidérurgistes iraniens ont également rejoint les grèves nationales contre le régime des mollahs. »
https://twitter.com/BehdinEran
https://twitter.com/i/status/1592516612003082240
15 nov.
« Des grèves nationales ont commencé dans l’une des plus grandes entreprises sidérurgiques d’Iran (Zob »
https://twitter.com/PartyofDonkeys
« Les ouvriers du pétrole en Iran sortent. Énormément de courage. Incroyablement significatif »
https://twitter.com/omid9
https://twitter.com/i/status/1592540008635928577
Nouvelles du 18/11/2022
Il serait significatif de commencer ce fil d’info avec une nouvelle qui en surprendrait plus d’un et qui n’aurait pas été concevable il y a seulement quelques mois.
Hier le 17 novembre 2022 dans la ville de Khomeyni-shahr la foule a mis le feu à la maison natale du fondateur de la République islamique l’Imam Khomeyni. Cette maison est bien entendu située dans la ville de Khomeyn, du côté d’Ispahan dans le centre du pays. C’est une ville très religieuse avec plus de 500 000 habitants dont un bon nombre des forces de l’ordre en sont originaires et qui n’avaient pas jusqu’ici participé au soulèvement.
Il fallait bien mettre un point d’honneur aux deux mois de soulèvement et de protestation héroïque en Iran. Au troisième jour de grève et de manifestation appelée à l’occasion de l’anniversaire du “massacre d’Aban” survenu en novembre 2019 au cours des manifestations au sujet de l’augmentation du prix de l’essence et qui a entraîné d’après les données officielles plus de 1500 morts, des milliers de personnes sont sorties pour lancer des slogans hostiles au régime et ont finit par incendier la maison de l’Imam. Tout de suite après cet événement une rumeur a couru, que la prochaine cible serait le mausolée de l’imam qui se trouve à proximité de Téhéran et qui est aujourd’hui considéré comme un lieu de pèlerinage des chiites.
Revenons à ce qui nous intéresse le plus
Il semblerait qu’un mouvement de grève chez les ouvriers des plateformes pétrolières est en train de s’installer; hier (16 novembre) on a entendu qu’à côté des sidérurgistes d’Ispahan, une partie des ouvriers des plateformes d’Assalouyé (Pars du Sud, gisement offshore très important de gaz naturel -apparemment premier mondial- appelé aussi North Field ou South Pars situé à cheval entre les eaux territoriales de l’Iran et du Qatar dans le golfe Persique) qui construisent et développent les installations exploitées au sud de l’Iran par plusieurs pays dont l’Iran, le Quatar et l’Irak) sont également entrés en grève.
À ce jour, on avait reçu des vidéos et des prises de vue individuelles montrant des ouvriers menaçant le régime de leur grève s’il n’arrêtait pas la répression générale des protestataires et s’il ne libérait pas les prisonniers politiques. Ces ouvriers étaient allés jusqu’à menacer de détruire “tout ce qu’on a déjà construit”, ce qui avait entraîné un renforcement des dispositifs sécuritaires sur le site.
Aujourd’hui une partie de ces ouvriers, probablement les contractuels ou ceux qu’on appelle “sur projet” ont déclenché une grève. On ne connaît pas encore précisément les motivations de cette action; même si le but de l’opération semble évidemment d’accompagner le soulèvement en cours, mais très probablement, ils ne vont pas mettre au premier plan ces motivations politiques pour ne pas aggraver la pression qu’ils subissent quotidiennement. Jusqu’à maintenant au niveau global les revendications étaient très corporatives.
Il serait intéressant de voir les premières publications de ses ouvriers sur leur compte Telegram pour mieux comprendre leurs revendications avant ce mois de septembre et le soulèvement en cours.
Habib
Source: publications du compte Télégramme du Conseil de l’Organisation des Protestations des Ouvriers Contractuels du Pétrole (COPOCP) qui a été inauguré début juillet 2021 à l’occasion des grèves pour l’obtention du plan 20/10 (20 jours de travail 10 jours de repos).
Voici une traduction (automatique, ameliorée) de leur première déclaration de grève:
“Déclaration des travailleurs contractuels du pétrole au sein des raffineries, des industries pétrochimiques et les centrales électriques.
Par la présente, nous déclarons que nous allons déclencher une grève nationale pour poursuivre nos revendications.
Nous, travailleurs contractuels du pétrole œuvrant dans les raffineries, la pétrochimie et les centrales électriques, protestons contre le bas niveau des salaires, la réduction quotidienne de notre pouvoir d’achat et le non-respect des promesses faites auparavant. Comme déjà annoncé, nous reprenons nos grèves et rassemblements, cette fois-ci de façon généralisée et nationale devant chaque centre de production. Nous poursuivrons ainsi nos revendications maintes fois répétées. À cet égard, le 29 Khordad (19 juin 2021) nos collègues “de projet” [des ouvriers engagés sur la base de la réalisation d’un projet, qui est en général un segment d’un plan beaucoup plus vaste découpé en projets distincts; très souvent ces projets sont confiés à des boîtes privées appartenant soit aux Pasdarans soit aux responsables politiques ou leur proches] de la société Farab de la centrale électrique de Bidkhoun se sont mis en grève pour réclamer une augmentation des salaires et exiger 20 jours de travail et 10 jours de congé, ce qu’on appelle le plan vingt-dix, et ils quittèrent en masse les centres de production pour rentrer chez eux. Ces ouvriers ont annoncé qu’ils ne reprendraient pas le travail tant que leurs revendications n’auraient pas été satisfaites.
Vous devez considérer cette grève comme un avertissement ; elle se poursuivra pendant une semaine, et le 9 juillet, nous allons rejoindre les rangs de nos collègues officiels qui ont annoncé une journée de protestation à cette date.
Tout au long de cette semaine de mobilisation, nous essayerons de prendre une décision collective en nous rassemblant sur nos lieux de travail et en faisant entendre notre voix par nos collègues à travers le pays.
Voici nos revendications:
– Le salaire de tout ouvrier travaillant dans le pétrole ne doit pas être inférieur à 12 millions de Tomans, et le niveau général des salaires doit être augmenté de façon immédiate; le niveau des salaires doit être indexé sur les prix des marchandises et être réévalué au fur et à mesure que les prix augmentent.
– En outre, les niveaux de salaire des autres catégories de travailleurs devraient être basés sur l’accord avec leurs représentants élus.
– Le retard dans les paiements de salaires doit être considéré comme un crime et un vol flagrant. À la fin de chaque mois, les salaires doivent être versés à temps.
– Nous nous opposons au travail temporaire et contractuel et exigeons que les patrons et les sociétés de sous-traitance ne soient plus admis dans l’industrie du pétrole de sorte que nous puissions bénéficier de la sécurité de l’emploi et que tous les contrats de travail deviennent permanents. Nous exigeons l’interdiction des licenciements.
– Les lois esclavagistes des zones économiques spéciales, qui créent une séparation entre nous et les autres travailleurs de la société, et selon lesquelles les employeurs sont libres d’attaquer nos vies et nos moyens de subsistance, doivent être annulées immédiatement.
– Nous voulons que notre environnement de travail soit sécurisé. Actuellement, il ressemble à une bombe à retardement. On doit faire face aux terribles incendies, chutes de hauteur, nuisances sonores dues à l’explosion de produits pétroliers, inhalation de substances toxiques et chimiques; en plus des conditions de santé et de cliniques non standard, font des ravages sur nous tous les jours et ont causé de nombreuses blessures physiques et mentales aux travailleurs. Travailler dans la chaleur atroce de l’été et le manque d’équipement de conditionnement d’air et de climatiseurs standard a multiplié par cent la pression du travail. L’industrie pétrolière est un grand secteur rentable de la société. Nos centres de travail doivent être sécurisés et dotés des normes environnementales les plus élevées. Dans l’industrie pétrolière, des fonds suffisants devraient être alloués pour sécuriser les environnements de travail et équiper les centres de travail des installations de climatisation et de chauffage, ainsi que d’autres dispositifs nécessaires dans la mesure requise, en élevant la norme sanitaire dans les dortoirs et les lieux publics tels que les toilettes et les salles de bains, etc.
– Nous, les travailleurs du pétrole, en avons assez des pressions sécuritaires dans nos environnements de travail et il faut mettre fin à cette situation. C’est notre droit le plus absolu de nous organiser, de nous rassembler et de protester.
– En conclusion, nous déclarons notre ferme soutien à nos collègues officiels de Naft (pétrole) qui ont annoncé que si leurs demandes ne sont pas satisfaites , ils manifestent le 9 juillet et un appel dans ce sens est déjà lancé.
Les revendications listées sont les revendications de tous les travailleurs du pétrole, y compris nos collègues officiels. En outre, ces collègues s’opposent à la manière d’augmenter les salaires en 1400, qui est en fait une atteinte à leur vie et à leurs moyens de subsistance, l’imposition de lourdes taxes sur leurs salaires et la non-application de l’article 10, et par conséquent, la suppression de certains de leurs avantages salariaux. L’objectif de la protestation des collègues officiels comme nous, les travailleurs contractuels, est la question des salaires et de son inadéquation avec nos frais de subsistance; l’augmentation soudaine des prix au niveau des biens de consommation et le logement, la privation d’assurances de base, le manque de l’éducation gratuite pour tous, … ont rendu la vie difficile pour nous ainsi que pour tous les membres de la société. Nous voulons la réalisation de ces droits fondamentaux.
Une vie humaine décente est le droit de chacun d’entre nous.
Conseil pour l’organisation des manifestations des travailleurs contractuels du pétrole
30 juin 2021″
Nouvelles du 20 novembre
Bilan de 3 jours de luttes en Iran
Pendant les 3 jours des manifestations à la mémoire du massacre de novembre 2019, qui correspondent au 60ème jour du soulèvement de Mahsa, on a été témoin du développement de grèves des commerçants et la généralisation des occupations et manifestations des étudiants et des lycéens ainsi que le commencement de la grève dans certaines industries notamment la Sidérurgie d’Ispahan qui est, semble-t-il la plus grande usine de Sidérurgie au Moyen Orient et chez les contractuels du gaz. Beaucoup de petites villes de 50 à 100 mille habitants sont entrées dans le mouvement. Les médias ont compté plus de 200 villes, grandes et petites et même des villages dont on ne connaissait pas le nom font partie du mouvement. Dans beaucoup de ces endroits, les manifestants ont mis le feu aux bacs poubelle, ont fait descendre les drapeaux de la RI et les ont brûlés en lançant des slogans.
– pour la deuxième fois sous la RI les bazars des villes importantes ainsi que les quartiers commerçants ont entamé une grève et ont baissé leur rideau. Il faut savoir que les commerçants souffrent de plus en plus du monopole commercial exercé par les sociétés en rapport avec le “QG exécutif des ordres de l’Imam” ou “Siège de l’application de l’ordre de l’imam Khomeiny” qui tient toutes les ficelles des affaires dans le pays. Il est, comme tous les bonyad (fondation) religieux et les forces armées (Armée des Pasdarans), dispensé de l’impôt. Ils ont soit disant l’autorisation signée de Khomeiny qui est considéré comme révélation divine. A contrario les bazaris privés se sont vus imposés lourdement, ce qui les poussent dans la contestation.
– Aussi, le bazar traditionnel a beaucoup évolué et se doit de démontrer une solidarité avec les gens, qui constituent le gros de leur clientèle. A Téhéran, Ispahan, Shiraz, Tabriz, Hamedan, … toutes les villes grandes et petites de Baloutchistan et du Kurdistan… malgré les communiqués menaçants des chambres de commerce, les rideaux des marchands étaient tirés et toute la journée une ambiance de ville morte y régnait… Jusqu’à dans la soirée où les rassemblements ponctuels commencent. Les gens sortent peu à peu et commencent à se retrouver dans les quartiers.
Avant – Hier, 18 novembre on a entendu qu’à Téhéran les manifestations de deux quartiers se sont jointes. Si cette information est fiable on irait vers la formation des manifestations monstres dont l’Iran en 1979 en a été un précurseur.
-Ça fait des semaines que suite aux protestations et manifestations au Kurdistan et au Baloutchistan le régime a commencé une répression féroce et constante de la population. Mais depuis quelques jours en réaction à la montée des vagues de protestations, le régime a intensifié sa réponse répressive à Saghez et à Mahabad ; hier, le 19 novembre, cette répression a atteint un niveau jamais vu ;
En particulier à Mahabad où dans la soirée la population est sortie massivement dans les rues qui étaient désertées pendant la journée à cause de la grève des commerçants. Les slogans les plus radicaux contre le régime et en particulier dénonçant ceux qui collaborent étaient lancés.
Les forces de l’ordre, beaucoup plus nombreuses et équipées que d’habitude (des témoins sur place témoignent de l’arrivée des colonnes de véhicules de transport de troupes avant les événements d’hier soir) ont attaqué la population qui, de son côté, a monté des barricades pour faire face. On assistait réellement à des scènes de guerre civile. Pendant des heures, le bruit ininterrompu des mitrailleuses et des explosions s’est fait entendre et il y avait des colonnes de feu et de fumée à chaque coin de rue. Des hélicoptères volant à basse altitude ainsi que des drones ont été utilisés contre les gens.
A cette heure on ne connaît pas le nombre de victimes.
Un slogan en particulier c’est retenti dans la nuit noire : “Kurdistan Kurdistan, l’œil et la lumière de l’Iran!”
– L’effondrement de la devise
L’échec des négociations avec les Américains et les Européens sur la question nucléaire (qui semble s’éloigner de plus en plus avec le mouvement populaire), la possibilité d’autres sanctions européennes, la victoire relative des républicains dans les élections midterm aux États-Unis, ont fait fortement baisser la devise iranienne. Raïssi, le président de la République actuel qui avait promis un dollar à 5000 Tomans quand le dollar était effectivement à 8000 (sous le gouvernement de Rohani) doit faire face aujourd’hui à 1 dollar qui s’approche de la ligne des 40.000 ce qui entraîne mécaniquement une perte effroyable du pouvoir d’achat et des économies de la population. Il faut ajouter à ces raisons de la baisse du devise iranien le fait que le marché des capitaux s’est effondré car de grandes quantités de capital sont en train de quitter le pays; ceci est causé par l’incertitude économique qui règne sur les marchés mais aussi la fuite des capitaux qui a été entamée depuis deux mois dont un des signes est la mise en vente aux prix sacrifiés des villas et des appartements de luxe de la haute société iranienne. On parle des ventes à moins 50 % du prix du marché; les responsables de la République islamique et leur famille sont massivement en train de transférer de l’argent à l’étranger pour acquérir des biens immobiliers et d’investir dans les marchés et aussi de déplacer leur famille et préparer leur départ à eux, notamment par le biais d’achat d’appartement en Turquie, en Espagne et en Grèce où l’achat d’un appartement à plus de 600000 € les fait bénéficier d’un visa de séjour qui pourrait plus tard faire évoluer leur statut vers l’obtention de la nationalité.
La chute de la devise a eu aussi des conséquences importantes sur le marché de l’immobilier et de la construction automobile. Toutes les transactions en cours ont été stoppées à cause de ces instabilités.
Les grèves dans l’industrie qui semblent beaucoup plus importantes que ce qu’on entend dans les médias ont eu également de conséquences très importantes sur le ralentissement de l’économie.
-La répression féroce de la République islamique sur les ouvriers, leur arrestation préventive, l’arrestation de toutes les meneurs des mouvements politiques ou corporatifs et l’attitude sécuritaire adoptée rend très difficile le déclenchement des grèves; la République islamique a réussi à décapiter les têtes de toutes les protestations au niveau des usines…
Les ouvriers sont obligés donc de trouver des voies détournées pour “se mettre en grève” de façon pratique et technique, sans le proclamer de manière ouverte.Par exemple on assiste à des vagues de sabotages sur les machines, sur les camions ou sur les bus pour arrêter effectivement le travail ou créer des blocages dans la chaîne de fourniture des pièces et accessoires de travail; ainsi l’ouvrier peut toujours cesser le travail à cause d’une impossibilité matérielle sans se trouver arrêté pour motif de grève. Ce type d’arrêt de travail est devenu très fréquent en Iran.
– – – – – – – –
Si j’essaie de vous donner un maximum d’informations “sous-cutanées”, c’est pour vous permettre de saisir l’ambiance générale du mouvement actuel au-delà des informations plus ou moins officielles qui tôt ou tard arriveraient à vos oreilles ; que ça soit de la part des médias officiels du régime ou d’autres qui se trouvent essentiellement à l’étranger et qui sont directement ou indirectement sous influence occidentale et en général pour la royauté devenue “républicaine” et démocrate ces jours ci.
Pour ce qui est des réseaux sociaux, on doit les différencier car on y trouve de tout.
Par exemple, sur les réseaux sociaux on a entendu une technique intéressante pour couper la vidéo surveillance dans les villes au moment des manifestations de rue. Un technicien de réseau électrique expliquait que si, avant les manifestations, à une heure très précise les gens arrêtaient ensemble leur consommation d’énergie à la maison, le régulateur automatique du système ferait baisser le niveau de production. Après quelques minutes, les gens devraient remettre les appareils en route. Ceci va créer une coupure d’électricité dans beaucoup d’endroits car il faut remettre en route le système manuellement ce qui pourrait prendre quelques heures durant lesquelles les manifestants ne seront pas filmés et reconnus par les forces de l’ordre.
– Selon un camarade Baloutch résidant à Londres, qui est resté très proche de sa communauté, au deuxième jour de l’anniversaire du massacre d’Aban (novembre 2019), les femmes du Baloutchistan sont descendues dans la rue.
Deux clips ont été diffusés depuis Kanarak et Zahedan, qui montrent que les femmes ont joué un rôle de premier plan dans les manifestations de rue. Un signe qui ne trompe pas : cette fois-ci la manifestation est organisée un mardi et non pas un vendredi (jours de mosquée et de prière collective), le lieu de leur manifestation aussi est la rue et non plus la mosquée. Ce mouvement de protestation des femmes pour la vie et la liberté, est très significatif car il repose sur une certaine indépendance par rapport à la religion et à la tradition. Elles sont sorties des espaces du vendredi et de la mosquée qui étaient censés les “protéger”. On sent une nouvelle force et une dynamique de contestation au Baloutchistan parmi les femmes, qui remettent en cause profondément le hijab obligatoire, mais pas seulement. Elles brisent le monopole masculin de l’espace public et elles transgressent l’espace exclusif qui leur était réservé.
Ces protestations donnent un nouveau contenu social au mouvement au Baloutchistan et établissent une relation entre les protestations et l’ensemble du mouvement des femmes, de la vie et de la liberté à travers l’Iran. Jusqu’ici les manifestations à Zahedan et d’autres villes de la région, malgré les slogans hostiles à la RI étaient basés sur un sentiment de vengeance “tribale”; car il s’agissait de punir le gradé violeur de la fille de quinze ans et comme les responsables de l’État ne faisait rien pour l’amender, c’était le peuple qui s’en chargeait. Mais cette manifestation change la donne et pourrait être le point de départ d’une nouvelle vie dans cette province.
Il ne faut pas non plus se faire trop d’illusion. Le processus de leur libération se heurte à beaucoup d’obstacles et d’hostilité. Il faudrait que le cri de liberté du mouvement des femmes qu’on entend de tout côté en Iran vienne à la rescousse des femmes et des filles Balloutch pour leur permettre de se libérer de la domination archaïque de la tradition et de la religion.
La voix féminine de cette révolution ne cesse de gronder dans tous les rassemblements et de toutes les manifestations.
– Dans une interview radiodiffusée par une station à l’étranger, une jeune fille de 18 ans qui parlait de l’intérieur du pays, expliquait la stratégie du mouvement en disant que “le régime et ses blogueurs essaient de normaliser la situation, il faut les ignorer et poursuivre nos buts principaux ; pour les rassemblements dispersés dans la ville, il faut que chacun soit dans son quartier, là où il connaît la disposition des lieux, les gens… Il pourrait mieux se défendre en cas d’attaque ; nous sommes dans le premier stade de la révolution. Il ne faut pas désespérer. Dans la deuxième phase les manifestations deviendront massives et par millions pour finir dans une troisième phase qui serait la prise du pouvoir.
Nous sommes encore dans la première phase, juste en train de passer à la deuxième.
Aussi, je dois dire que cette révolution est, comme la révolution française basée sur l’idée et pas sur une idéologie comme la révolution de 79 chez nous ou la révolution d’octobre. Une telle révolution qui cherche à réaliser une idée n’a pas besoin d’un chef ou d’une force de direction précise. Tous les gens qui à un moment se trouve meneur du mouvement, dès qu’ils se retournent de l’idée poursuivie, serait immédiatement rejeté.”
L’animateur n’a pas pû s’empêcher de lui demander avec stupeur “excusez-moi vous avez réellement 18 ans” ?!
– dans une réunion d’où une vidéo a fuité, un des chefs Bassidji, Pouyane Hosseinpour, adjoint de direction de l’organisation de l’espace virtuel”, connu pour ses exploits contre le mouvement, racontait avec étonnement à ses collègues sa journée. Il expliquait avec forces de détails ce qui l’avait impressionné; il disait que “maintenant les gens n’ont plus peur et ils résistent! À l’inverse des dernières fois où après quelques bagarres ils s’enfuyaient et qu’il nous suffisait 10 minutes pour disperser un rassemblement dans la rue, aujourd’hui on peut y passer des heures sans forcément réussir. C’est la nouvelle stratégie de l’ennemi. Aujourd’hui on était dans la rue Zahir-ol-islam à l’intersection de Saadi, à part le rassemblement dans la rue, on avait les habitants aussi sur le dos ; si dans la rue il y avait 30 bâtiments, de tous les 30 on nous balançait des trucs, si chaque bâtiment avait 4 étages, de chaque étage on était pris pour cible; on nous a balancé des pierres mais aussi tout ce qu’on peut imaginer, des pots de fleurs, des barriques, des chaises même des bancs .. un de nos collègues a reçu un fer à repasser !!! Vous avez vu les films qu’on a montrés. Ça n’a rien à voir, maintenant ils n’ont plus peur, ils résistent!
– Dans la journée, au moins à Téhéran, de plus en plus les femmes et les filles se montrent fièrement sans le hijab accompagnées des sourires complices et encourageants des passants.
– la vente des bombes de peinture aux jeunes de moins de 30 ans a été interdite !
Habib
Bonjour, si tu publies autre chose tu peux me l’envoyer s’il te plait? J’ai beaucoup apprécié ce texte. Solidarité totale
Bonjour Yannis
ton commentaire a été transmis au camarade
Nouvelles du 25 novembre
Le pouvoir iranien vient de procéder à une nouvelle nomination: le gouverneur de Téhéran a été limogé et se trouve remplacé par un ancien général de l’armée des Pasdarans de la révolution. Ceci est un signe fort de l’essor du mouvement de protestation qui oblige le régime à prendre des mesures encore plus radicales.
Beaucoup d’observateurs ont comparé cette nomination à celle
du Colonel Général Azhari le 5 novembre 1978, quelques mois avant
l’insurrection de février 79 et le renversement du Shah. A l’époque, Azhari,
face aux manifestations monstres qui prenaient place à Téhéran avait dit dans
un discours que sur 4 millions et demi d’habitants de Téhéran on a eu des
manifestations qui au maximum rassemblaient quelques 200000 personnes; et il a
commencé son petit calcul de pourcentage pour minimiser la chose et dire que le
mouvement ne pouvait pas aller plus loin; c’est très exactement ce que
M.Hadad-Adel, père de la belle-fille de Khamenei et à ce titre membre très
influent de la RI vient de déclarer. La biographie de ce monsieur peut, à elle
seule, transcrire la hiérarchie du pouvoir en Iran et ce qu’un peu
d’opportunisme peut réaliser dans une telle structure : ancien président du
Parlement, ancien président et membre actuel de l’Assemblée consultative
islamique, mais aussi directeur de l’académie de langue et de littérature
persane, membre du haut conseil à la révolution culturelle et membre du Conseil
de discernement, membre du conseil d’administration des dizaines d’organismes
et de fondations différents… Notons au passage qu’un tel cheminement n’a rien
d’exceptionnel sous la République islamique ; des gens qui faisaient partie des
soldats de la révolution ou même carrément des voyous qui se sont mis au
service du clergé sont aujourd’hui à la tête de toutes les organismes
politiques mais aussi économiques et militaires du pouvoir) ;
Donc Haddad -Adel a de son côté, a estimé que le nombre des
manifestants ne dépassait jamais les 200000 et qu’il ne fallait pas s’inquiéter
plus que ça !
On se demande d’où ils sortent précisément ce chiffre ?! Ça doit être une sorte de seuil d’alerte enseignée dans les écoles militaires de jadis et … coranique d’aujourd’hui !
Ces déclarations des responsables du régime, surtout la
nomination d’un chef militaire à Téhéran sont signe d’un durcissement de leur
politique de répression.
Cet élément est lié au fait que, de plus en plus, les
soutiens du régime parmi la population sont en train de le lâcher. C’est la
fameuse « couche grise » de la société qui manque encore dans les
manifestations, mais on commence à les apercevoir en train de rejoindre le rang
des contestataires.
A cet égard une déclaration semble digne d’intérêt :
Il s’agit des paroles d’un ancien membre de l’armée des
Pasdarans M. Peykari-Shouchtari Ahmad qui, au moment de la révolution de 79
avait une quinzaine d’années et a participé avec ses 2 frères à la guerre
irano-irakienne; il est aujourd’hui outré par l’attitude du régime et fait
partie de cette vague de mécontentement qu’on entend monter parmi les soutiens
du régime. Ça permet de comprendre la position des “honnêtes gens” de
bonne foi qui ont participé au renversement du régime du Shah et qui
aujourd’hui se trouvent devant un régime impopulaire qui les a trahis.
-On entend de plus en plus des appels envers l’armée pour
qu’elle se mobilise afin de contrecarrer la répression des Pasdarans et des Bassidjis.
Parmi beaucoup de personnes qui comparent la situation
actuelle à l’époque du Shah, l’armée est considérée comme une force patriote,
politiquement neutre, qui est là pour défendre la nation et l’intégrité territoriale
du pays. Sous cette répression féroce qui s’est abattue sur l’Iran en
particulier au Kurdistan et à Baloutchistan, on entend parmi la population des
appels lancés vers l’armée leur demandant d’intervenir pour les défendre.
Voici ce que leur disait hier une mère kurde visiblement à
bout :
“Vous avez l’expérience de la
guerre, vous avez eu une formation de soldat ; en face de ces gens il n’y a que
des jeunes de 15 et 16 ans, sans arme, sans expérience, qui ne connaissent rien
à la guerre. Ils n’ont que des pierres pour se défendre. C’est votre
responsabilité de les défendre.
Qu’est-ce que vous attendez, mes frères? Vous attendez qu’ils
nous suppriment tous ?
L’armée des Pasdarans nous frappe, les bassidjis nous frappent,
l’armée de Hashd-ol- châabi nous frappe, les Fatimiouns nous frappent et notre
armée est là sans rien faire, c’est ça notre douleur.”
– Depuis plusieurs semaines, les politiciens du régime et les
gradés de l’armée des Pasdarans ont intensifié propagande anti-kurde et
anti-Baloutch en les traitant d’indépendantistes aux mains des étrangers ;
Parallèlement aux “agitations” actuelles au Kurdistan et au
Baloutchistan, elle a profité de la situation pour bombarder lundi 21 novembre,
les positions des organisations kurdes qui se trouvent dans le territoire
irakien, notamment le siège de la direction de Kumala (Force de gauche laïque
originaire du Kurdistan, assez puissante) ainsi que l’hôpital et les quartiers
résidentiels du parti démocrate du Kurdistan d’Iran. Durant ces attaques
aériennes, 3 missiles ont été tirés ainsi que des “drones
suicidaires”.
– A ce jour on compte plus de 110 journalistes emprisonnés et
la République islamique cherche à condamner 21 d’entre eux à la peine capitale.
– Avant-hier après-midi (21 nov) l’équipe de football de
l’Iran a fait son entrée dans la compétition du mondial du foot à Qatar et a
subi une lourde défaite face à l’Angleterre.
Le rapport de la République islamique avec ses sportifs de
premier rang, qui ont l’occasion de se montrer sur la scène internationale, est
assez complexe et contradictoire. Ces sportifs qui sont en général pourris et
gâtés par le régime doivent se comporter à l’étranger comme l’expression de la
gloire et de la force de la République islamique. Les responsables des
fédérations différentes sont en général des gens (anciens sportifs ou non) tout
à fait sur la ligne politique du régime et qui, malgré la marque de la pierre
de prière qu’ils ont sur le front (pour dire qu’ils passent des heures entières
à prier !!) n’ont rien à faire avec la religion. Ils doivent se montrer très
pratiquants et absolument sur la ligne du guide pour pouvoir accéder à ces
postes de responsabilité avec tous les avantages qui en découlent.
On a vu, depuis le meurtre de Mahsa et les contestations qu’il
a provoquées voit quelques championnes
iraniennes à l’étranger enlever subrepticement leur hijab à un moment de la
compétition et puis quand elles rentrent (si elles ne se débrouillent pas pour
rester à l’étranger) elles disent qu’elles l’ont un moment oublié. A cet égard,
le cas d’Elnaz Rekabien (Championne du monde en escalade), a fait pas mal de
bruit fin septembre dans les médias ou récemment encore on a vu que l’équipe
féminine de basketball toute entière a enlevé son hijab au moment de la photo
officielle; le responsable de fédération de boxe féminin de son côté s’est
réfugié à l’étranger et n’est plus entré en Iran. Il a dénoncé la façon dont
les champions envoyés à l’étranger sont traités: Ils doivent laisser des
cautions très importantes et s’engager à respecter les critères de la
République islamique; ils sont pendant tout leur voyage suivis et surveillés
par des “accompagnateurs” qui n’ont aucune qualification sportif ou
médicale mais font partie de la police politique. Ils sont gardés à l’écart des
autres équipes nationales et du monde extérieur. En plus, leur famille
se trouve en situation d’otage au cas où leur enfant se montre trop expressif.
Pour revenir au mondial de Qatar, cet événement a introduit à
sa marge quelques incidents et effets qui semblent intéressant d’examiner.
Les joueurs du foot de l’équipe de l’Iran avant le début du
match, au moment de leur présentation sur le terrain, ont refusé de chanter l’hymne
national du pays. Ils sont restés silencieux avec des visages tirés tout le
long de la diffusion de l’hymne iranien. Les médias étrangers ont fait beaucoup
de bruit sur cette marque de protestation tout en montrant des gens, parmi les
spectateurs, qui brandissaient des pancartes hostiles à la RI et des drapeaux
avec l’emblème de la royauté en signe de protestations. Ils ont même lancé des
slogans à la 24e minute du match en hommage au 24 ans de Mahsa. Il est à noter
que ces gens-là étaient essentiellement des supporters du fils du Shah, venus
des États-Unis ou de l’Europe car ils sont les seuls à avoir les moyens de se
déplacer à Qatar et de se payer les billets.
Quand on connaît le parcours médiatique de l’équipe du foot
de l’Iran ces dernières semaines on ne peut s’empêcher d’être étonné de
l’hypocrisie dont les joueurs ont fait preuve ; quelques jours avant cette date,
toute l’équipe était reçue par le Président de la République en personne et
avait courbé l’échine en formulant des messages à l’égard du guide qui ferait
trembler de rage n’importe quel opposant.
Et quelques jours plus tard, ils sont capables de se montrer « en opposition » avec la politique de répression du régime en observant le silence pendant la diffusion de l’hymne national. Si c’est gars ne sont pas champions du monde du foot ils peuvent très certainement concourir pour le championnat de l’hypocrisie !
A leur décharge, il faut préciser qu’ils ont toutes leurs familles en Iran en situation d’otage.
Donc la synthèse pratique de ces deux tendances (la soumission au régime et la solidarité avec le peuple) s’est concrétisée dans le refus de chanter l’hymne national. Ils ont montré de cettefaçon un minimum de solidarité envers les gens qui subissent la répression mais le niveau de la haine à l’intérieur est tel que ce genre de tergiversation n’est plus toléré ; ce qui s’est passé dans le pays à la suite de la défaite de l’équipe était incroyable. C’est peut-être la première fois qu’on voit les gens fêter la défaite de leur équipe nationale ; des Iraniens qui sont en général très footeux et derrière leur équipe nationale, cette fois-ci se sont montrés tout à fait contents et satisfaits de leur défaite ; on a vu même des drapeaux de l’Angleterre tenus par des jeunes montés derrière leur copain sur les motos traversant les rues de Téhéran et d’autres villes. Pour les Iraniens, la défaite de leur équipe nationale est une victoire du camp des protestataires. Ils ont dansé dans la rue à l’occasion de la défaite de leur équipe tout en brandissant le drapeau de leur adversaire du jour.
– De son côté le régime Qatari a collaboré activement avec les agents de la RI et la police politique du régime tenait à l’écart du stadium ceux qui visiblement étaient venus manifester leur colère face à un régime qui deux jours auparavant avait tué des enfants au Kurdistan. Même les journalistes des médias iraniens à l’étranger, qui sont bien entendu financés
par l’Arabie Saoudite comme “Iran international” n’ont pas eu accès aux événements.
– Il est à noter que la chaîne Al-Jazeera appartenant au Qatar, à l’inverse des autres chaînes d’information en langue anglaise ou persane n’ont toujours pas évoqué les événements récents de l’Iran.
Toutes ces fêtes après la défaite, se sont terminées dans des rassemblements avec des slogans hostiles au régime et à Khamenei.
La joie du peuple était une vengeance à l’égard de l’attitude “cul entre deux chaises” de l’équipe nationale qui est maintenant appelée par paronymie “team Mollas” (équipe des curés au lieu de “team Melli” (équipe nationale).
Depuis la semaine dernière où une répression féroce s’est abattue sur le Kurdistan (à Mahabad, Saghez, boukan, Marivan, Sanandaj…) ou d’autres villes kurdes située à Kermanshah comme Djavanroud (40.000 h), dans toutes les manifestations ponctuelles des autres villes et quartiers la référence au combat de cette région est constante. La structure des slogans dans chaque ville reprend son propre nom qui s’ajoute au mot “Kurdistan”. Par exemple, à Karadj qui se trouve à une quarantaine de kilomètres de Téhéran, ils entonnent “De Karaj au Kurdistan, on donne notre vie pour l’Iran“; ou “de Dashti au Kurdistan…“. Dashti est une petite ville rurale de 5000 habitants du Province de Hormozgan au sud du pays; (cette région borde sur presque mille kilomètres le Golfe Persique dont fait partie le
détroit de Hormuz.)
– Des slogans en solidarité avec le Kurdistan fleurissent dans toutes les protestations : “Mahabad, Kurdistan, modèle partout pour l’Iran”.
– Dans toutes les manifestations et protestations c’est la voix des femmes qui domine, même en pleine nuit ce qui était plus rare il y a quelques semaines.
– La rumeur dit que durant ces 72 dernières heures “l’unité spéciale de la protection du guide” (Yegane sar-ollah), qui fait partie de l’armée des gardiens de la révolution et qui compte quelques 12000 personnes dans ces rangs a dû déplacer Khamenei 4 fois et l’installer dans différentes résidences à Téhéran ou ses alentours par peur d’être attaquée par la foule.
– Dans des petites villes de Baloutchistan et du Kurdistan, très souvent après les manifs, les cortèges attaquent les sièges des forces de l’ordre. On a vu le 21 novembre à Kamyaran une ville à 60 km au sud de Sanandaj avec quelque 70 000 habitants les manifestants attaquer le siège des Bassidjis.
Habib
le 28/11/2022
« A Ispahan , des militants rapportent que des camionneurs du quartier de Shapour ont lancé une grève. Des camionneurs de Bandar Abbas, dans le sud de l’Iran, ont été vus poursuivre leur grève pour une deuxième journée consécutive…
Des camionneurs d’autres régions du pays ont rejoint les grèves.
Dans la province d’Ispahan, les camionneurs de la mine d’or de Mooteh ont cessé de travailler et se sont mis en grève. À Marand, dans le nord-ouest de l’Iran, des camionneurs ont également rejoint les grèves. À Kashan, dans le centre de l’Iran, les habitants signalent que des routes autrement encombrées de camions sont vides depuis le matin. Dans la province de Téhéran, la route Téhéran-Bumehen était vide. Dans la province de Qazvin, les camionneurs ont refusé d’aller travailler. Et à Karaj, les camionneurs ont cessé de travailler et ont organisé des rassemblements de protestation…
Dans d’autres informations parues samedi, des informations indiquent qu’environ 4 000 travailleurs de la célèbre aciérie d’Ispahan ont débrayé et se sont mis en grève. Des grèves ont également été signalées par des travailleurs à Téhéran et à Alvand (province de Qazvin). »
https://english.mojahedin.org/news/live-report-iran-uprising-expands-to-more-cities-as-college-students-continue-protests/
Nouvelles du 23 au 28 Novembre 2022
Le bruit de fond des manifestations et protestations dans toutes les grandes villes de l’Iran continue.
Suite à la publication de l’appel à la grève par l’union des camionneurs et les conducteurs de camions, les travailleurs de plusieurs usines industrielles et automobiles ont aussi cessé de travailler et se sont mis en grève. Cet appel invite à un arrêt de travail de 10 jours.
La grève des camionneurs qui était relancée samedi 26 novembre s’est poursuivie dimanche et elle est bien partie pour être quasiment généralisée. On voyait de temps en temps des conducteurs de camion et des chauffeurs disant qu’ils étaient en grève et qui appelaient leur collègues à faire de même, mais c’était en général sans succès et restait assez limitée. La grève de cette semaine semble pourtant réellement avoir pris. Elle est suivie sur plusieurs axes routiers importants.
Dimanche matin à 7h30 un conducteur de camion a pris une vidéo montrant la route qu’il est en train de parcourir à toute vitesse vers le nord du pays. Cette route qui normalement est bondée de camions et de véhicules était entièrement vide et déserté ; il disait que ça fait plus d’une heure qu’il est en train de conduire, ni devant ni derrière lui il n’y a ni voiture ni camion et il s’inquiétait réellement de ce qui allait lui arriver car il n’avait pas suivi le mot d’ordre de la grève.
Un autre conducteur disait que l’État leur avait envoyé un message précisant que dans les ports les marchandises sont arrivées et il faut qu’ils aillent les chercher; ils avaient reçu également des bons de réduction pour du gasoil supplémentaire. Il répondait en direct que “vous n’avez qu’à envoyer vos footballeurs et vos parlementaires chercher ces marchandises, nous, on n’y va pas!
D’un autre côté le domino des grèves ouvrières qui avaient commencé au cours du dernier mois dans l’industrie pétrolière ont atteint l’industrie sidérurgique et d’autres secteurs notamment l’industrie automobile…
Voici quelques exemples des mouvements et grèves dans les usines en Iran durant la semaine dernière. Il semblerait que ces grèves soient beaucoup plus importantes que ce qu’en général apparaissent dans les médias. N’oublions pas que le régime fait tout pour empêcher ces grèves (menaces, arrestations, chantages…) ou à la rigueur d’empêcher les nouvelles et des informations les concernant de sortir dans les médias. Commençons par une grève des ouvrières :
-le mardi 24 novembre, les travailleurs de la “Cruz Auto Parts Company”, premier producteur des pièces et fournitures pour l’industrie automobile, (créée en 1983) avec plus de 12000 ouvriers, dont 70% de femmes, se sont à nouveau mis en grève et ont défilé dans les locaux de l’usine pour protester contre l’indifférence de l’employeur à leurs revendications. Déjà une première fois, le 19 Novembre 2022, ils étaient mis en grève pendant trois jours réclamant une augmentation de salaire, l’arrêt immédiat des retards de paiement des salaires et la modification [et le respect] des tours dans l’attribution des heures supplémentaires.
Les conditions de travail des ces ouvrières sont extrêmement difficiles, comparable à de l’esclavage moderne : 10 heures de travail debout par jour et l’interdiction d’utiliser le téléphone pendant ce temps; L’employeur n’embauche que des femmes célibataires et celles qui se marient sont passibles de licenciement.
Dans le texte qui annonce ce mouvement on peut lire: “Sous le règne du régime islamique, non seulement les femmes n’ont aucune visibilité et existence politique, leur existence sociale a été réduite à une machine de reproduction sociale … au nom de l’honneur du père, du frère et des partenaires; ces conditions font également d’elles une force de travail bon marché et obéissante renforçant les rangs des ouvriers précaires.”
Ce n’est pas pour rien que leur voix retentit, la plus forte dans les cortèges et les protestations.
Le même jour, les grèves ont commencé dans l’usine “Bahman motors” de Ghazvin, un constructeur de véhicules lourds, mais aussi sous-traitant et constructeur de pièces d’automobile pour “Iran-Khodrow” (principal producteur d’automobiles en Iran). Ce groupe industriel a été créé en 1952 sous le nom de “Khalij Co.” en construisant des petits véhicules à trois roues. En 1971 suite à un accord avec Mazda, le constructeur japonais, change de nom pour s’appeler “Mazda Iran”. En 1993, la société entre en bourse fondée en 1968 sous le Shah. (Il est à noter que dans l’intervalle 1979-1989 la bourse de Téhéran était restée inactive par la domination quasi exclusive du secteur public et le manque de demande de capitaux. C’est seulement en 1989 et les privatisations d’entreprises nationales qu’on assiste à une revitalisation de la bourse.)
En 1999, le Holding du groupe Bahman est créé en continuant de travailler avec Mazda et avec Mitsubishi depuis 2005 en mettant en place une chaîne de montage; ils produisent aujourd’hui des minibus, des camionnettes, des vans, des ambulances… Depuis 2009, ils sont aussi présents dans l’industrie pétrolière, du gaz et de la pétrochimie (production de goudron). Le principal actionnaire et propriétaire de cette société holding est depuis 2016 le groupé “Cruise”. L’entreprise compte plus de 4000 ouvriers.
Depuis le 22 novembre les ouvriers de l’unité de Ghazvin sont en grève pour des revendications touchant les conditions de travail, la classification des emplois, l’augmentation et l’unification des salaires dans tout le groupe et dans toutes les unités de production, contre l’obligation d’effectuer des heures supplémentaires et de travailler les jours de congés hebdomadaires, la prise en compte de la pénibilité du travail.
Selon les ouvriers, avant l’arrivée du nouveau propriétaire en 2016, la pénibilité du travail était prise en compte pour les ouvriers et leur permettait de partir à la retraite avec 20 ans d’expérience professionnelle. Mais ces dernières années, la pénibilité a été retirée des dispositions légales et les travailleurs doivent travailler pendant 30 ans pour prendre leur retraite. Alors que leur travail est légalement considéré comme l’un des emplois difficiles et comportant des risques pour la santé.
Le principal slogan entendu est “Nous exigeons nos droits, nous ne voulons plus de promesses!”
Apparemment dans un premier temps la direction a fait un geste en leur versant un petit pécule, suite auquel on pouvait entendre parmi les slogans: “Nous ne voulons pas de chantage. Nous exigeons nos droits!”
– Les travailleurs des entreprises industrielles de siderurgie d’Ispahan (Zob-Ahn_Esfahan), Sarma-Afrin_Alvand (réfrigération d’Alvand), Constructeur d’auto Moratab (Khodrosazi_Mortab), Constructeur d’auto Seif (Seif Khodro), les appareils ménagers Pars à Ghazvin (Lovazm_Khangi_Pars_Ghazvin) se sont mis en grève dans la continuité de la grève des commerçants et ouvriers de différentes provinces à partir du novembre.
un mot sur chacune de ces grèves :
-A l’usine de sidérurgie d’Ispahan, les employés ont entamé leur grève aujourd’hui en arrêtant le travail. Zob Ahan est une société mère de quatre mille employés, qui travaille dans la production d’acier de construction et de rails. A un moment les forces de l’ordre ont fermé la porte d’entrée de l’usine la nuit pour empêcher les ouvriers d’entrer sur le site. Mais ils ont pu finalement entrer et par la suite, se sont les ouvriers qui ont condamné les portes pour ne pas laisser entrer les agents du régime.
-Grève à l’entreprise Sarma Afarin (réfrigération et climatisation): Les travailleurs de la ville industrielle de Sarma Afarin à Alborz ont également rejoint la grève nationale ce 26 novembre dans la ville industrielle d’Alvand. Les travailleurs de cette entreprise ont scandé le slogan “Criez travailleurs, criez pour vos droits” pour protester contre le bas niveau des salaires et se sont rassemblés dans les locaux de l’usine. Sarma Afarin est une entreprise du secteur de la climatisation qui a démarré son activité il y a un demi-siècle.
-Grève au complexe sidérurgique de Bafaq: Les soudeurs du complexe sidérurgique de Bafaq (Folad Abuyi) se sont également mis en grève pour protester contre le non-respect des mesures de sécurité. L’élément déclencheur était une explosion au sein du complexe qui a entraîné la mort de deux de leurs collègues: la veille, le vendredi 25 novembre, une fuite de gaz et l’explosion d’une capsule dans le projet de fer spongieux de cette entreprise avait causé la mort de deux ouvriers et des blessures graves sur un autre ouvrier.
-Grève à l’usine Seif Khodro: Les ouvriers de l’usine Saif Khodro se sont mis en grève le samedi 25 nov. “Saif Khodro Company” est l’une des sociétés satellites de “Frico Holding”. Cette société est également propriétaire de l’entreprise industrielle de production Moratab, qui s’est jointe à la grève depuis la semaine dernière.
-Les ouvriers de l’entreprise industrielle Moratab se sont mis en grève pour protester contre le non-paiement des salaires depuis 9 mois et ont organisé un rassemblement devant l’entreprise. Selon le rapport de sources “Iranwire”, les travailleurs de “Moratab Automobile Company” ont cessé de travailler et se sont rassemblés devant l’entrée de l’entreprise depuis le 19 novembre, pour protester contre leur “paiement des salaires et traitements” qui a été retardé pendant des mois.
Moratab Automobile Company a opéré sous le nom de marque “Land Rover Factories” jusqu’à la révolution de 1979. “Ahrar Institute” est le principal actionnaire de la société depuis 1996 avec 61,1% des actions. En 2001, cette société a signé un contrat avec la société sud-coréenne Sangyong pour produire la voiture “Muso”. En 2016, les parts de Moratab Group ont été rachetées par Seif Khodro, après deux ans de fermeture.
-En 1985, la Société Nirou Moharekeh (force motrice) a été créée avec l’investissement de l’Iran Industries Development and Modernization Organization, sous le nom de Nirou Moharekeh et la Compagnie de construction de motocycles de l’Iran, dans le but de produire des moteurs de moto à essence et à engrenages. Actuellement, l’activité principale de l’entreprise est la conception, l’assemblage et la production de boîtes de vitesses de la famille Peugeot et de pièces de huit autres types de boîtes de vitesses, qui sont principalement utilisées dans les produits Iran Khodro. Depuis jeudi 24 novembre, les travailleurs de la société, située dans la ville industrielle d’Alborz à Ghazvin, se sont mis en grève et se sont rassemblés pour protester contre le manque de traitement de leurs problèmes. Il s’agit de la septième grève liée aux constructeurs automobiles.
-Aujourd’hui, 28 novembre, ça fait trois jours que la grève des camionneurs et des chauffeurs routiers a commencé. Les vidéos et prises de vue sur la grève que les camionneurs et chauffeurs ont diffusées sur les réseaux sociaux montrent que durant ces trois jours, la grève est suivie dans les villes de Ghazvin, région de Shahpur à Ispahan, sur l’axe routier Bouméhen vers Téhéran, Kermanshah et Bandar Abbas, Kashan, vers la frontière Bashmaq de Marivan, Marand et environs, Shiraz et la mine d’or Mouté d’Ispahan.
Dans le passé, chaque fois qu’il y avait un murmure de grève parmi les conducteurs, le gouvernement précédent tentait de diviser les grévistes en promettant un supplément de carburant. Maintenant, dans un message “Texto” aux camionneurs et aux chauffeurs, il leur a promis du carburant supplémentaire, mais cela n’a pas pu arrêter la grève. Il convient de noter que le problème des camionneurs et des chauffeurs n’est pas seulement le manque de quota de carburant, mais d’autres problèmes tels que la commission de fret élevée perçue par les intermédiaires souvent “désignés” par le pouvoir, le problème dite de “la tonne au kilomètre” (il s’agit d’une réglementation complexe pour calculer les salaires perçus par les chauffeurs) et l’augmentation du prix des pièces de rechange et des pneus affectent également leurs conditions de vie.
-Parallèlement aux chauffeurs de camions, les chauffeurs des bus (transport Intercités) aussi ont entamé leur grève. Le 22 novembre dans le terminal Akbar-Abad de Téhéran des centaines de personnes ont marché dans la rue et manifesté avec ces slogans:
Puis ils sont revenus dans la grande halle du terminal et ont continué leur slogan qui s’amplifie dans cet espace: Soutien! soutien! Ô Conducteur digne, soutien soutien!
-A mort dictateur !
Après quelques heures l’unité spéciale des forces de l’ordre (yegane vijeh) est intervenue et a arrêté nombre de personnes.
À cet ensemble de grèves, il convient d’ajouter le cri de protestation de retraités, des enseignants et des étudiants :
-Un groupe de retraités s’est réuni devant le bureau de la Caisse de retraite de la rue Mirdamad à Téhéran le 26 novembre et a exigé une augmentation de leur pension mensuelle. Les retraités présents à ce rassemblement syndical disent : “Pourquoi, malgré le fait que l’augmentation de salaire approuvée par le Conseil supérieur du travail pour les retraités des autres secteurs est de 38 %, notre pension mensuelle n’a augmenté que de dix pour cent.” Nous exigeons une augmentation légale de nos salaires mensuels.”
Selon eux, c’est un droit des retraités d’avoir une pension décente en rapport avec le taux d’inflation. Ces retraités protestent également contre d’autres insuffisances telles que : “leur traitement médical, l’assurance complémentaire et autres services sociaux” et ils attendent de la direction de gestion des fonds qu’ils agissent pour répondre à ces revendications..
-210 enseignants et professeurs d’université ont écrit une lettre aux responsables politiques réclamant la libération des étudiants arrêtés et emprisonnés.
-Le 26 novembre les étudiants de l’université industrielle d’Ispahan ont fait une manifestation qu’on pourrait qualifier de monstre en proportion du monde universitaire. Des milliers de personnes sont sortis de leur université avec les slogans hostiles au régime. Ce, malgré toutes les menaces qu’ils subissent et les arrestations dont ils font l’objet.
-Les étudiants de l’université Kharazmi de Karaj ont de leur côté continué leur grève et manifesté en lançant “On n’a pas subi des morts pour nous réconcilier maintenant et soutenir ce guide assassin!”
-La lutte des peuples Baloutch et Kurdes
Ce vendredi 25 novembre à Zahedan, il y a eu encore une grande manifestation qui a été suivie cette fois-ci par une répression terrible. Il y a eu également des manifestations dans les villes Tchahbahar, Khash, Saravan, Iranshahr et Taftan.
Il faut constater que ce vendredi, on a vu pour la première fois une manifestation monstre telle que l’insurrection de 79 nous en avait habituée à Zahedan (700.000h; capitale de la province de Sistan-et-Baloutchistan,) des dizaines de milliers de personnes avec des slogans hostiles au régime iranien ont marché dans les rues et ont démontré leur solidarité avec les villes kurdes qui subissent depuis une dizaine de jours une répression des plus dures. Les slogans sont devenus de plus en plus radicaux : aujourd’hui on a entendu “les Kurdes et les Baloutch sont des frères et assoiffés du sang du guide !”
Les forces de l’ordre ont réagi en ouvrant le feu sur les manifestants en tuant au minimum 4 personnes et en blessant des dizaines d’autres. À cet instant nous ne connaissons pas le nombre exact de victimes.
Les forces de l’ordre n’ont pas hésité à arrêter les ambulances qui transportaient les blessés pour procéder à l’arrestation des blessés.
La présence des femmes dans la manifestation était remarquable. Elles ont rejoint les manifestants après la prière de vendredi.
La RI traite les deux peuples kurde et Baloutch avec une violence décuplée, elle ne tergiverse pas dans la montée de celle-ci et ne respecte aucune proportionnalité ; tout de suite elle use des armes de guerre, des fusils mitraillettes, et des munitions létales. On a mentionné l’utilisation de mitrailleuses lourdes appelées Doushka de construction russe.
-À Bouchehr, au sud du pays, les familles des tués empêchent les forces de l’ordre de s’accaparer le corps des victimes. Elles se débrouillent pour les récupérer et les préserver dans la glace pour les enterrer à l’occasion d’une cérémonie qui, elle aussi, se transformerait en une manifestation contre le régime. Hier soir, un de ces enterrements (pour Shomal khadivar) s’est déroulé à Bouchehr et a été l’occasion d’un rassemblement de contestation.
L’état d’esprit des forces de l’ordre
-Un signe important qui montre la réalité des pertes de soutien de la République islamique et des hésitations au sein des forces de l’ordre ainsi qu’auprès de la population qui d’habitude soutenait le guide est que lui-même a dû s’y coller le 26 novembre devant une assemblée de bassiji. Il a commencé son discours avec une phrase qui en dit long sur son état d’esprit. Il faut savoir que derrière son fauteuil, de là où il prononce ses discours, il y a toujours un verset de Coran, écrit avec une très belle calligraphie. Il est de notoriété public que c’est lui-même qui le choisit minutieusement à l’occasion de chaque discours et qui en général donne le contenu du discours. On peut le considérer comme une sorte de titre du discours.
Hier le 26 novembre ce verset ainsi que celui cité dans ce discours faisaient référence à celui révélé à Mohamed, le prophète, après la défaite de la guerre d’Ohod et qui dit “Ne vous découragez pas et ne vous affligez pas, et vous serez plus fort si vous êtes croyants.” (Verset 139 du sourate Alé-Omran).
Les bassiji dans la salle lui répondaient en s’appropriant un des slogans des protestations “N’ayez pas peur! N’ayez pas peur! On est tous ensemble !
Si on avait besoin d’une preuve démontrant que la peur a changé de camp, on est bien servi !
-L’enregistrement sonore de la réunion de Bassij du 15 novembre 2022:
Un groupe de hacker nommé black Reward qui avait déjà publié des documents sur le nucléaire iranien a de nouveau frappé en publiant un enregistrement sonore d’une réunion des bassij qui se déroulait entre le Patron des forces de Basij, Ghasem Ghoreyshi avec les représentants des médias de Bassij, des Pasdarans et autres agences gouvernementales. Cet enregistrement qui dure plus de 2h30, nous montre l’état d’esprit des forces de l’ordre face au soulèvement actuel. Voici quelques points évoqués :
1- ils avouent clairement que les grèves des commerçants dans les journées du 15, 16 et 17 novembre étaient beaucoup plus suivies que ce qui a été annoncées par les médias. D’après leur estimation, entre 70 et 100 % du pays était en grève et ont participé aux protestations. Cette grève et fermeture de magasins ont été suivies dans 24 provinces du pays.
2-ils ont avoué qu’ils n’ont pas pu “ramasser” [maîtriser] les protestations et que les forces de l’ordre perdent de plus en plus leur moral; d’ailleurs c’est la raison pour laquelle Khamenei à plusieurs reprises leur avait demandés de ne pas désespérer et de continuer à croire dans leur mission.
3- Les conclusions des services de renseignement démontrent une défaite cuisante sur le plan des médias et que le personnel de NAJA (LES FORCES DE L’ORDRE DE LA RÉPUBLIQUE ISLAMIQUE) s’est affaibli. Une des personnes présentes a précisé que : “comment voulez-vous qu’avec 7 ou 8 millions de tomans [équivalent de 230$] de salaire nous ne perdions pas notre motivation? Pour des gens qui sont 24 heures sur 24 dans les rues, ce n’est pas suffisant. Le guide a bien précisé qu’il faut soutenir la motivation des forces armées et faire attention à leur conditions de vie donc Commandant, il faut faire quelque chose”.
4-Aussi dans leur rapport, ils ont évoqué la multiplicité des actes contre les religieux, qui sont victimes d’insultes et des “vols de turban” par les jeunes. Ils ont également parlé des attaques contre les sièges de bassiji et les bureaux des parlementaires dans les provinces sur lesquels on lance régulièrement des cocktails Molotov.
La politique et le foot
Pratiquement au même moment où les forces de l’ordre étaient en train de réprimer le peuple Baloutch et le peuple Kurde, pendant la coupe du monde de football, l’équipe iranienne a gagné son deuxième match devant le Pays de Galles.
Conformément à la réaction hostile de la population au moment de la défaite de l’Iran dans son premier match, cette fois-ci, les gens ne sont pas sortis de leur maison pour fêter dans la rue cette victoire. Les grands axes de grandes villes comme Téhéran, Mashhad et autres … sont restés désespérément vides et on a vu seulement les agents du régime brandir des drapeaux et faire du bruit soi-disant pour fêter la victoire devant les caméras de la télé publique. C’était un spectacle de joie populaire tellement en carton-pâte que ça en devient affligeant.
Parfois les forces de l’ordre habillées en Robocop ne se sont même pas données la peine de se changer en civil et ils faisaient soi-disant la fête avec un drapeau dans une main et le gourdin dans l’autre !
On a vu même des religieux enturbannés encerclés de leurs fidèles en liesse, distribuer des sucreries justifiant du coup le sobriquet de “Team Molla” utilisé par la population.
A Téhéran, dans le quartier de Sadeghieh les fêtards/forces de l’ordre étaient accueillis par les slogans “indigne ! indigne !” des protestataires.
Dans ce domaine non plus, la République islamique n’a rien inventé; c’est une pratique courante des régimes autoritaires d’utiliser le football comme moyen de propagande ou de diversion.
-À l’occasion de la victoire de l’équipe iranienne dans le mondial de foot, le patron du pouvoir judiciaire a déclaré qu’ils vont procéder à l’examen des dossiers des personnes arrêtées pour des motifs mineurs en vue de leur libération.
Deux jours plus tard, on a entendu que “pour fêter la victoire de l’équipe de l’Iran au mondial du foot”, ils avaient libéré plus de 600 personnes arrêtées à l’occasion du soulèvement. La RI a mis beaucoup de moyens dans sa propagande pour détourner l’attention des contestation en cours. Ils n’ont pas hésité à envoyer au Qatar des dizaines de personnes, membres de Bassij ou même parlementaires ou d’autres responsables politiques. Qatar de son côté à entièrement collaboré dans la répression des spectateurs opposants au régime. Les documents produits par le groupe hacker Black Reward ont démontré que c’était un plan préparé de longue date pour profiter de cette occasion. Apparemment ils ont dû dépenser quelque 4000 dollars par personne pour les envoyer brandir le drapeau iranien et comme on l’a déjà dit la police qatarienne a collaboré de manière active avec les forces de sécurité iranienne. La rumeur dit que cette collaboration a été obtenue contre certaines privilèges accordés au Qatar dans l’exploitation des plateformes pétrolier Pars-Sud.
Si jamais à l’occasion du prochain match avec les États-Unis l’Iran arrive à les battre, ils vont tout faire pour créer une diversion.
Il est intéressant de noter que parmi les spectateurs du Camp iranien ont pouvait distinguer non seulement les responsables de bassij, des parlementaires et des responsables des forces de l’ordre déguisées en supporters avec sur leurs joues les couleurs du drapeau iranien et portant des drapeaux et soufflant dans leur trompette, mais aussi des femmes sans hijab! En particulier une dame blonde a attirée l’attention du public car elle était présente et identifiée au moment de la cérémonie pour “le martyr de Soleimani.”
Quand il s’agit de propagande politique, la République islamique, non seulement peut soutenir l’accès des femmes dans les stades (ce qui est tout à fait interdit en Iran) mais encore elle est capable de s’asseoir sur ses principes sur le hijab. Même Khamenei dans son discours, a soutenu l’équipe de l’Iran et les footballeurs qui restent fidèle à la cause de l’Islam !!
Les nouvelles d’Iran du 30 novembre au 5 décembre 2022
Trois jours de mobilisation
Comme vous êtes certainement au courant, une autre série de trois jours de protestations, manifestations et grèves a été lancée en Iran pour le 5, 6, et 7 décembre. On ne sait pas exactement par quel miracle ces appels arrivent à s’organiser ensemble et de définir des actions communes dans des centaines de villes et villages différents.
Les séries de trois jours de mobilisation doivent être considérées comme le point apogée d’un ensemble d’actions et de mouvements qui font suite aux appels ponctuels des quartiers. Ces appels qui sont lancés à intervalles irrégulièrs, de sorte qu’on ne puisse définir un schéma par avance, sont le fait des jeunes des quartiers d’une ville qui serait relayé par d’autres quartiers et par d’autres villes pour s’agglutiner et devenir un appel national. Une fois les dates fixées, les jeunes s’activent pour les préparer. Il s’agit de passer l’information par tous moyens imaginables : flyers imprimés qu’on distribue ou qu’on jette du toit de l’immeuble sur la foule,manuscrits individuels qu’on met sous les portes des voisins ou sous les essuies glaces des voitures, inscription murale ou sur le mobilier urbain, manifestations ponctuelles par petits groupes, la nuit, dans les quartiers résidentiels, en lançant des slogans par le toit des immeubles… Cette fois ci, dans au moins 30 villes les jeunes sont sortis et ont manifesté pour demander à tout le monde de participer à ces trois journées de mobilisation.
Les universités aussi peuvent être un point de relais pour les information, les étudiants à travers les groupes informels existants entre les universités propagent l’appel et le jour du rendez-vous, elles sont un point de départ pour les protestations. Ça commence en général par un rassemblement devant le bâtiment d’un faculté puis une fois que le cortège a fait le tour du domaine universitaire tout en se renforçant, il s’écoule dans les artères de la ville et vont vers les quartiers; les quartiers qui, de leur côté ont parfois déjà entamé leur rassemblement de protestation vont parfois se rejoindre entre eux, de façon prémédité ou pas, pour converger vers une manifestation plus importante au niveau d’un arrondissement ou parfois aller vers le centre de la ville, vers les places centrales …. qui en général se termine par une dispersion violente des forces de l’ordre; ces contestations testent chaque fois leur portée. C’est en fin de compte, dans ces affrontements et l’équilibre des forces, chaque fois créée, que la question du pouvoir politique va se régler.
Quand ces petits cours d’eau vont se rejoindre et devenir une rivière puis un fleuve, des torrents d’eau vont s’abattre sur les lieux de pouvoir, vers le siège de la radio-télé publique, vers les ministères et les quartiers du guide…
Il semblerait d’ailleurs que la première journée ait été couronnée de succès. Non seulement les commerçants et ceux qui ont pignon sur rue ont respecté le mot d’ordre de la ville morte, mais même chez les fonctionnaires la grève a été assez suivie.
Malgré les difficultés de connexion internet les nouvelles de plus de cent villes sont sorties dans lesquelles de 50 à 100% des commerces étaient fermées et ont suivi le mot d’ordre de la grève.
-Selon des rapports reçus, environ cinq cents des ouvriers de Mahshahr Petrochemical Tanks and Terminal Company ont cessé leur travail depuis dimanche 4 décembre.
Ces ouvriers s’occupent du chargement des produits pétrochimiques pour l’exportation ainsi que de la réception des fournitures nécessaires aux fonctionnement des complexes. Ces travailleurs sont embauchés par des sociétés contractuelles dans les unités d’extraction du gaz chez South Pars et d’autres pétrochimies. Leur revendications sont: l’augmentation des salaires, droit aux primes d’exploitation, le rejet des discriminations ; Mise en œuvre de la classification des emplois et bénéficier des mêmes conditions salariales que leurs collègues officiels.
-Un appel est lancé pour une grève générale dans l’industrie minière du pays. Nous étions informés de l’occupation et la mise à l’arrêt d’une exploitation minière de l’or au moment des journées de protestations au Baloutchistan. Mais, nous n’avons pas encore de précisions au sujet de ce dernier appel.
-Ces trois jours de mobilisation coïncident aussi avec la grève des camionneurs, des routiers et des chauffeurs de bus qui s’étend de jour en jour. Le terminal frontalier de Soumar à Kermanshah aussi a rejoint la grève
.-Le 30 novembre était officiellement “la journée de l’infirmière/er”. A cet occasion, les infirmières et les infirmiers de l’hôpital Imam à Téhéran se sont rassemblés et ont précisé qu’en solidarité avec les 3 jours de mobilisation et les contestation en cours, elles/ils ne célèbrent pas cette journée.
-Les même jour, 30 novembre, les agriculteurs de l’est et l’ouest d’Ispahan ont organisé un rassemblement dans la place Pazou pour protester contre la pénurie d’eau.
-De leur côté, les ouvriers contractuels de pétrole, du gaz et de la pétrochimie ont exprimé leur solidarité avec ces journées de lutte.
Voici leur déclaration datée du 4 décembre 2022:
“Le conseil d’organisation des protestations des travailleurs contractuels du pétrole soutient l’appel à trois jours de protestation entre le 5 et le 7 décembre 2022
Des appels à manifester ont été lancés pour trois jours de mobilisation du 14 Azar au 16 Azar [5 au 7 décembre]
Les enseignants, le personnel médical et les médecins, les camionneurs, les commerçants et les boutiquiers du bazar et les habitants de différentes villes ont exprimé leur solidarité avec cet appel.
Il s’agit d’une protestation contre la répression, les arrestations qui se poursuivent et les tirs nourris qui ciblent les protestataires, contre les peines de mort que l’appareil judiciaire n’hésite pas à prononcer à l’égard de nos jeunes et des personnes qui n’ont rien fait d’autre que de souffrir. En fait, c’est une répression contre nous tous, écrasés que nous sommes par la pauvreté, le dénuement et l’insécurité. Voilà pourquoi nous protestons.
Ils attaquent les écoles et condamnent nos enfants comme «مفسد فیالارض» “corrupteur sur la terre” [expression juridique islamique qui correspond au péché capital et condamne l’accusé à la peine de mort] ils tuent des enfants, des hommes et des femmes, ils tirent sur Kianpour Falak qui n’avait que 10 ans et ses parents dans la voiture, et des dizaines de milliers d’autres se trouvent sous les verrous. Des personnes qui ont des droits légitimes et des revendications justes, qui ont été arrêtées et emprisonnées et de lourdes peines leur ont été infligées.
Nous, les contractuels du projet pétrolier, à côté de tout le peuple du pays, soutenons ces trois jours de protestation.
Tous les ouvriers arrêtés, les enseignants détenus, les étudiants emprisonnés et les dizaines de milliers de personnes arrêtées récemment doivent être libérés.
Les décrets de condamnation à la peine capitale doivent être annulés et rejetés.
Pour nous, les gens, il n’y a pas d’autre moyen que la lutte unitaire pour défendre nos vies.
Nous avons tous le même slogan : Femmes, Vie, Liberté!”
Source: https://t.me/shoranaft
La police des mœurs
-Il y a quelques jours, le procureur général Jaffar Montazeri a prononcé devant les reporters la possibilité de revenir sur la question du hijab mais il a précisé que c’était une investigation qui allait prendre 15 jours. Entre-temps, il semblerait que la police des mœurs a été démantelée. Les médias occidentaux ont largement diffusé cette nouvelle sans qu’on soit encore certain de sa vérité. Il faut comprendre que même si cette mesure est vraie, en fait la RI ne fait qu’officialiser un fait déjà en cours, car les membres de cette police étaient déjà affectés aux tâches de répression directe et avaient intégré les forces de l’ordre. La question du Hijab est autrement centrale pour la RI et Khameni peut difficilement avaler cette “coupe de poison”. (Khomeyni avait appelé le cessez le feu avec les irakiens “la coupe de poison” qu’il avait dû boire pour sauver les intérêts supérieurs de l’islam.)
L’Art de la Révolution
C’est tout un art de garder vivace la flamme de la révolution; un processus qui peut durer des mois et même plus; il ne s’agit pas d’une rébellion instantanée dont le régime au pouvoir pourrait venir à bout par une répression soudaine et féroce; il s’agit d’une véritable révolution dont la mémoire collective des Iraniens garde encore la trace: une année de lutte en 78-79 qui a abouti au renversement du régime du Shah et de sa fuite de l’Iran.
C’est un mouvement qui se construit à son propre rythme et pour ce faire, le peuple iranien est en train de montrer une détermination, une patience et une intelligence des mouvements sans égale; c’est comme si un chef d’orchestre expérimenté faisait intervenir les différents corps musicaux pour en sortir in fine une symphonie grandiose. On est certes loin d’une musicalité parfaite qui serait la révolution telle que nous l’imaginons et l’espérons mais néanmoins, on ne peut qu’apprécier le courage sans limite de ces jeunes femmes ou hommes qui défient, les mains vides, une des forces armées les plus sauvages qui puissent exister. Quelle que soit la forme que prendrait la stabilisation de ce mouvement complexe, il est vrai qu’aujourd’hui les forces vitales de la société iranienne font tout pour aller vers un avenir meilleur et se débarrasser de ce régime. Personne ne semble chercher une garantie dans l’action qu’il mène, puisque chaque action individuelle peut finir dans le sang, mais on a parfois l’impression qu’une cause supérieure les anime, une cause qui dépasserait les destins individuels et qui prendrait la forme d’une société idéale utopique même si tout le monde insiste pour dire qu’il ne veut qu’une vie quotidienne sans histoire et harmonieuse.
Quoi qu’il en soit, la flamme de la révolution est restée vivace depuis presque trois mois et tous les gens interviennent dans la sauvegarde et le renforcement de cette lumière : entre les cris de protestation quasi-quotidiens qui s’élèvent des universités, des lycées et même des écoles, parmi une jeunesse qui, malgré tant d’arrestations et de répression n’arrête pas de réclamer ses propres revendications mais aussi de faire écho aux protestations de toute la société, et les rassemblements et manifestations ponctuels dans les quartiers qui se relaient toute la nuit et qui, des fois, se rejoignent et qui se terminent dans des feux de joie animés par les slogans de renversement de la totalité de ce régime oppresseur … la lutte continue et le mouvement s’étend.
Ce parcours a forcément ses moments forts et ses moments faibles et il faut bien pouvoir les gérer pour qu’il ne s’essouffle pas, qu’il ne tourne pas en guerre d’usure avec la machine de répression étatique qui est là, payée et nourrie pour ces moments; même si trois mois de lutte incessante a montré les faiblesses, les points de décomposition de cet appareil, nous ne devons pas oublier que nous avons affaire à un État et qu’il possède des ressources illimitées donc il serait vain de penser le défaire sur le plan militaire. La preuve c’est la demande que vient de formuler la République islamique auprès de ses alliés russes pour qu’ils interviennent dans la répression du mouvement. Il est indéniable que la Russie depuis l’époque soviétique, depuis Makhno et Cronstadt, et puis les pays de l’Est et plus récemment en Syrie a maintes fois démontré sa capacité de répression. Surtout que récemment la République islamique est devenue partenaire et partie prenante dans la guerre avec l’Ukraine et qui ne cesse de s’enorgueillir de ses industries militaires, ses drones et ses missiles. L’Iran, par la force des choses et notamment les sanctions de toute sorte, a développé une capacité remarquable de “Reverse Engineering” qui le rend capable de fabriquer des engins militaires sophistiqués à condition que les Américains aient eu la gentillesse, auparavant, de leur balancer quelques uns sur la figure ! L’Iran depuis des dizaines d’années, a fait travailler ses meilleurs ingénieurs sur de tel projet et a démontré une certaine efficacité dans la guerre d’Ukraine, même si les petits moteurs d’engins qui équipent leur drone font tellement de bruit que les forces ukrainiennes, l’élément de surprise passé, arrivent assez facilement à les détecter et les cibler. l’Iran qui, apparemment a vendu quelque 4500 drones à la Russie et aussi un nombre inconnu de missiles, a aujourd’hui besoin de l’expertise russo-soviétique de renseignement et de contre-espionnage pour rétablir la chape de plomb adorée dans les deux contrés. Pour ce qui est de la sécurité informatique, c’est la Chine, avec son plan d’un internet “national”, qui est l’allié privilégié de la RI.
Stratégie de la peur et son renversement
-Une des stratégies utilisée en dernier recours par les forces de sécurité du régime c’est ce qu’ils appellent Al-Nasro-men-al-ra’ab (Victoire par la frayeur). Ils ne cessent de fomenter des manigances qui sont censées faire peur à la population. On avait vu les cortèges d’engins militaires et de véhicules blindés avec sur chacun, un Pasdar sorti du toit derrière sa mitrailleuse, faire des tours dans la ville sans destination particulière.
Déjà, à Ispahan, il y a quelques années et depuis, de temps à autre, devant la résistance des femmes à porter le voile, ils avaient balancé de l’acide aux visages des femmes qui ne le portaient pas correctement.
En ce moment, face à un mouvement étudiant sans précédent, ils n’ont rien trouvé de mieux à faire que d’empoisonner les étudiants pour les tenir éloignés des protestations dans les jours déterminants à venir. Ainsi au sein de 4 universités importantes, les étudiants sont intoxiqués à grande échelle après avoir mangé à la cantine. Rien qu’à l’Université de Téhéran, il y a eu plus de 160 étudiants malades avant que la nouvelle ne s’ébruite et les autres soient avertis.
Et pourtant, cette stratégie de la peur, de façon tout à fait spontanée, est en train de se répandre dans le propre camp de la République Islamique:
-Les signataires de la fameuse lettre ouverte des 210 parlementaires qui avaient réclamé la peine de mort pour les jeunes arrêtés pendant ces événements ont, un par un, démenti avoir signé cette lettre et en fait ils sont revenus sur leur signature.
-Il est notoire qu’à part le patron des Pasdarans, M. Salami qui tous les trois ou quatre jours a la lourde tâche de défendre le régime et de se réjouir des victoires obtenues contre les “contestataires manipulés par les forces occidentales”, ce qui par ailleurs est très risible et même comique, tous les autres commandants des Pasdarans se sont faufilés dans leur trou de souris et n’ouvrent plus leur bouche. Personne n’entend ces jours-ci M. Mohsen Rezaï, M. Rahim Safavi, M. Aziz jafari … pourtant habituellement si bavards et prolixes, parler des “troubles” comme ils aiment bien nommer la vague de protestation. Même les membres du premier cercle autour de M. Khamenei gardent le silence; Et même on entend par ci par là, surtout dans les provinces, les Mollas commencer à critiquer la façon dont le pays est dirigé.
Un régime qui, depuis l’arrivée du Virus Corona nous a raconté des histoires fantaisistes les plus folles, -malheureusement avec des conséquences désastreuses- qui a d’abord prétendu qu’il ne comporte aucun risque, puis a interdit l’arrivée des vaccins en soupçonnant qu’il est fabriqué par les occidentaux “pour tuer les iraniens”, puis en affirmant haut et fort que Corona n’a aucune force devant le pouvoir de l’islam et que rien ne peut résister à l’islam…de sorte qu’ils avaient interdit le port du masque dans les mosquées et ils allaient jusqu’à lécher les autels et les tombeaux religieux pour démontrer leur confiance en le pouvoir de l’islam, ou quand le nombre de morts a démontré l’impuissance de leur croyance face à l’épidémie ils ont prétendu que la médecine islamique du bon docteur-Ayatollah Tabrizian qui prescrivait de s’introduire par derrière un coton imbibé de l’huile de Violette est efficace et puis enfin après avoir interdit la livraison des vaccins américains et anglais se sont mis à créer leur propre vaccin qui en fait n’était qu’un prétexte pour allouer un milliard de dollars au “Siège exécutif du commandement de l’imam” et à l’armée des Pasdarans pour qu’ils fabriquent eux-mêmes ce vaccin … qui n’était autre que les vaccins importés de la Chine et de la Russie sur lesquels ils collaient leur propre étiquettes en persan …
(Oui, nous avons un régime malicieux qui, si ce n’est le nombre de morts accumulés, peut fournir l’occasion d’une franche rigolade entre amis.)
Un tel régime, qui a tant dénigré le port du masque est devenu, aujourd’hui, par peur de la population très assidu dans l’observation de cette mesure d’hygiène. On a vu à l’occasion du dernier discours télévisuel du guide suprême devant une parterre de Bassiji, qu’hommes et femmes, toutes et tous sans exception, portaient leur masque pour ne pas être reconnus! D’un seul coup le Corona a pris une importance jamais égalée.
-C’est bien la première fois qu’on peut rencontrer des Mollas du régime – si on arrive à les rencontrer, puisqu’ ils ne se montrent plus dans l’espace public- on verra qu’ils portent, eux aussi, de grands masques pour ne pas être reconnus.
-Le plus risible ce sont les photos que les Bassijis affichent maintenant sur leur compte de réseaux sociaux (Twitter, Instagram et autres Facebook). Les photos des filles et des garçons pro-régimes ou membres de leur armée cybersécurité, entièrement couverte par leur masque et aussi des lunettes de soleil de sorte qu’il est impossible de distinguer leur visage.
En somme, ils sont devenus les champions de la lutte contre l’épidémie, mais l’épidémie à laquelle, cette fois-ci, ils ont affaire, ce n’est pas du genre à s’arrêter devant un masque … ni d’ailleurs devant une balle !
Toumaj
-Il y a quelques jours, c’était aussi l’anniversaire de Toumaj Salehi, un rappeur qui a percé par la force lyrique de ses poèmes qui sont devenus parfois des slogans du soulèvement, surtout parmi les jeunes.
Quelques mois avant le commencement du soulèvement il avait chanté une chanson prémonitoire dans laquelle il disait aux responsables et agents de la RI de se procurer un trou de souris pour se cacher car la fin est proche. Les agents du régime ont pu l’arrêter après une traque de plus de deux mois.
Il est aujourd’hui en prison, sous la torture en attente des délibérations du pouvoir judiciaire. Sa condamnation à une peine très lourde est plus que probable.
-Les luttes des peuples Kurdes et Baloutch continuent de plus belle. Les Baloutch en particulier sont dans la rue tous les vendredis. C’est un rituel qui s’est mis en place : Après la prière de vendredi, les hommes commencent à former des cortèges qui est immédiatement rejoint par les femmes ; et ceci dans toutes les villes importantes de la province, de Zahedan à Saravan en passant par Khash, Tchahbahar, Zahak, Iranshahr …
Un des slogans : “Nous ne voulons pas d’un État tueur d’enfants !”
Le régime, comme d’habitude, a utilisé le seul langage qu’il connaît c’est à dire la violence brute.
Instantanés de luttes:
-Les pancartes suspendues des ponts pour piétons sur les grandes autoroutes ou les artères à grande vitesse…
-les slogans et les tags sur les murs,
Les petits flyers qu’on balance par les hauteurs ou qu’on place la nuit sous les essuies glaces des voitures.
-les slogans sur les billets de banque
-Les cocktails Molotov ou les troue-routes préparés à la maison pour les altercation avec les forces de l’ordre
-Déchirer ensemble tout en filmant la photo du guide des livres scolaires
-Haranguer l’enseignant ou le prof qui veut continuer son cours comme si de rien n’était.
-Produire des autocollants contre le régime et les fixer sur le mobilier urbain.
-Les jeunes filles qui marchent seule, en contre sens au milieu les embouteillages tenant haut une pancarte dénonçant le régime.
-Des slogans la nuit des fenêtres ou sur les toits.
Un nouveau slogan s’est répandu : “Si nous résistons nous allons être victorieux, si nous reculons on va être la Corée du Nord”.
Les milliers de créations artistiques, danse, performance théâtrale, dessin, collage, calligraphie, poésie, chanson, musiques, clips, dessins animés,.. qui pouvait imaginer ce peuple aussi talentueux!
Les gens inventent tous les jours de nouvelles façons de lutter et de s’exprimer contre ce pouvoir oppresseur.
Quoi qu’il arrive à la suite de ce soulèvement, la page semble définitivement tournée.
Habib
5/12/2022
Anecdote significative
C’était très tard dans la soirée du 29 vers 1h du matin quand pour la deuxième fois la population est descendue dans la rue à l’occasion de la défaite de l’équipe du foot de l’Iran face, cette fois-ci, aux États-Unis. On n’a jamais vu, de mémoire de footeux, fête plus joyeuse pour la perte de son équipe nationale !! Les rues des grandes villes étaient bondées par les voitures klaxonnant et les motos et les gens qui marchaient dans les trottoirs en donnant des slogans contre la République islamique. On aurait dit qu’on est sur les Champs-Élysées en 1998 quand la France avait gagné la coupe du monde, avec cette différence que maintenant ce n’était plus seulement dans une seule avenue mais quasiment tout le centre des villes qui était en liesse.
Dans les ensembles résidentielles (comme au cité Ekbatan à Téhéran) ou les bâtiments bordent tout autour des places et que d’habitude les gens dans la nuit se mettent à lancer des slogans qui se répètent à l’infini dans cette espèce d’amphithéâtre architectural, la joie et les cris de bonheur se mélangeaient aux slogans et c’était une ambiance de folie. Il faut savoir que le match à l’heure locale de l’Iran était à 22h30 donc on est à peu près vers 1h du matin que ce fiesta a démarré et duré des heures.
Sur les réseaux sociaux on a pu voir des vidéos publiant cette marée de joie dans les différentes quartiers surtout au centre de Téhéran à Zanjan, de Ghazvin à Neyshabour …
Un des conducteurs, bloqué dans la circulation où tout le monde klaxonnait et criait par les fenêtres abaissées, a prononcé deux mots succincts, si significatifs et délicieux par sa brièveté qu’il faut vraiment l’immortaliser: il a dit par la fenêtre de sa voiture : “akhound par”! (Le curé s’envole) ce qui a fait éclater de rire tous les gens qui étaient à côté de lui. Ça remonte au temps immémoriaux de notre enfance où un jeu existait pour occuper les enfants de 3 à 4 ans lors des soirées où les parents voulaient avoir un peu de tranquillité. Ce jeu s’appelle “kalagh par” (le corbeau vole). Ça consiste à ce que les enfants assis en rond sur le tapis, mettent ensemble leur index sur un point au centre de ce cercle; un enfant, en général un peu plus grand, qui mène le jeu, tire son doigt vers lui même tour en disant “kalagh par”et il soulève son doigt pour mimer l’envol de l’oiseau. Les autres enfants, s’ils sont attentifs, doivent suivre ce mouvement et glisser leur doigt vers eux même, et puis le soulever … et on continue en disant les trucs qui sont censés voler et les enfants font ce geste répétitif jusqu’à ce qu’il dit quelque chose qui ne vole pas, du genre “la maison vole”; et si un enfant continue dans sa geste répétitif, et soulève le doigt, il a perdu et sort du cercle.
Là donc, on a entendu crier Akhound (curé) par (s’envole) et tout le monde a soulevé le doigt. Ça veut dire “le curé s’envole!” .
Pour un enfant de l’Iran ces deux mots ont un pouvoir de dérision succulent !!
Habib
Nouvelles d’Iran du 5 décembre au 10 décembre 2022
Un rapport assez détaillé d’une agence de presse en relation avec l’organisation de la défense des droits de l’homme nous donne un bilan du mouvement qui résume assez bien la situation iranienne :
le soulèvement qui a commencé après la mort de Mahsa dans un centre de détention de la “police morale” de Téhéran, ne s’est pas limité à la question du Hijab et a rapidement visé tous les fondements idéologiques du L’ORDRE (Nezam) dominant, si bien qu’entre le 17 septembre et le 7 décembre 2022, la population, notamment les lycéennes/ lycéens, les étudiantes/étudiants ont organisé des rassemblements de protestation dans au moins 31 provinces, 161 villes et 143 centres universitaires avec le slogan central ” Vie, Femmes, Liberté !” et en montrant leur opposition au fonctionnement, aux lois et à la structure même de la République islamique. Dès le début, le gouvernement n’a rien fait d’autre que se lancer dans une répression sévère des manifestants, par tout ce qu’il a comme forces de l’ordre : la Police et son “unité spéciale”, IRGC (Corps des Gardiens de la République islamique) et les Bassidji. Ils ont attaqué les manifestants en utilisant divers moyens de répression, tels que des gaz lacrymogènes, des fusils de chasse (à grenailles), des armes à feu et armes de guerre, des mitraillettes et même des mitrailleuses lourdes. On décompte jusqu’au 10 décembre 481 morts dont 68 enfants. Des estimations montrent également que plus de 18 000 personnes ont été arrêtées, dont 605 étudiants et 61 professionnels des médias. Ces chiffres sont en rapport à l’étendue des protestations : en l’espace de 82 jours, pas moins de 540 manifestations ont eu lieu dans 160 villes d’Iran. Cette statistique ne comprend que les rassemblements où le nombre de manifestants dépassait les 30 personnes ; En outre, les étudiants de 143 centres universitaires ont organisé 615 rassemblements d’étudiants au cours de la même période.
Comme déjà mentionné, un des moyens les plus utilisés pour crier sa colère est effectivement de la crier par la fenêtre ou sur le toit. Ce sont les manifestations nocturnes et les slogans, tout en gardant la ligne générale de “A mort dictateur!”, “A Mort Khamenei!”… peuvent différer de ville à ville ou de quartier à quartier. Suite à la forte présence des forces de sécurité dans les rues, à la répression sévère et aux arrestations généralisées, les manifestants se sont débrouillés pour inventer des façons nouvelles et différentes de protester. C’est parmi ces méthodes que le chant nocturne des slogans et des chansons a été généralisé surtout dans les complexes résidentiels. Là aussi, il faut souligner le rôle central des femmes. La chanson “barayé” (Pour) de Shervin Hajipour est très souvent chantée dans la nuit et pendant le rassemblement nocturne dans les dortoirs des étudiants. Cependant, les forces de sécurité ont tenté de réprimer ceux qui participent à ce genre de protestation en étant présent dans les quartiers et en semant la terreur parmi les gens.
Une autre caractéristique notable du soulèvement actuel est la participation du Bazar et des corporations de commerçants au mouvement de grève à côté des travailleurs, ouvriers ou employés. L’Organisation des droits de l’homme affirme que la grève des commerçants était principalement concentrée dans les régions du nord-ouest et du sud-est du pays, bien que certaines parties du Bazar de Téhéran, qui est le cœur de l’approvisionnement et de la distribution en Iran, aient été également touchées par la grève et ce, malgré leur relation traditionnelle avec le pouvoir. Sur la base de ce rapport, au total, les bazari et les commerçants de 53 villes se sont mis en grève; en moyenne entre 70 et 100% des boutiques étaient fermées. par ailleurs nous savons qu’ils ont été menacés de poursuite judiciaire ; parfois l’annonce de leur poursuite est placardée sur le rideau du magasin avec le No du dossier. Le lendemain des trois jours de mobilisation, nombre de commerçants ont vu leur compte bancaire bloqué.
Les grèves dans l’enseignement (université ou lycée) et chez les employés (unités de production ou de services) se sont déroulés pendant ces 82 jours dans 33 villes avec 110 rassemblements sur le lieu du travail ou dans les classes et 43 établissements en arrêt de travail dans 14 villes en milieu d’études ou de travail.
Des ouvriers d’usine, notamment des ouvriers de centres pétroliers à Assaluyeh, des ouvriers de la société de raffinage de pétrole d’Abadan, de la Sidérurgie d’Ispahan, de l’entreprise de production de pneus Iran-Tire, des camionneurs, des enseignants et des avocats faisaient également partie des gens qui ont participé à la grève et ont cessé de travailler.
Le gouvernement iranien a pris des mesures pour briser les grèves ou les empêcher, notamment le conseil d’organisation des manifestations des travailleurs contractuels du pétrole avait annoncé l’arrestation de plus de 250 travailleurs pendant les jours de grève les 10, 11 et 12 octobre dernier. Depuis, à chaque annonce de gréve, les meneurs connus sont arrêtés;
Récemment le régime a attaqué un rassemblement d’avocats; il a aussi procédé au paiement des arriérés de salaire des chauffeurs et des retraités pour mettre fin ou empêcher la grève. ًAussi, pour empêcher les informations de circuler il crée de graves perturbations sur Internet et ”filtre” les plateformes telles qu’Instagram et WhatsApp.
Malgré toutes les pressions et les arrestations arbitraires le soulèvement continue de plus belle.
On a entendu que sur ordre direct d’Ali Khamenei, une personnalité publique nommé Ali Daei a été arrêté. Il s’agit d’un ancien footballeur très aimé de la population car il s’est toujours tenu à côté du peuple.
Selon des témoins oculaires, Ali Daei a été arrêté par le gouvernement parce qu’il avait fermé ses magasins pendant trois jours. Il semblerait que l’ordre d’arrêter Ali Daei ait été émis par Khamenei en personne et qu’il aurait directement communiqué cet ordre aux forces de sécurité. Cette arrestation aura de graves conséquences pour le gouvernement de la République islamique.
Les manifestations de vendredi continuent à Zahédan!
Encore une fois les gens ont manifesté à Zahédan Baloutchistan après la prière de Vendredi et Ie régime comme d’habitude a utilisé le seul langage qu’il connaît c’est à dire la violence brute. Les villes de Chabahar, Khash, Zahak, Iranshahr…ont également été la scène de mouvements similaires.
A Zahak les femmes, voilées, criaient :
” je vais tuer, tuer, celui qui a tué mon frère!”
“voyeur c’est toi ! Pute c’est toi ! La femme libre c’est moi!”
A mort Dictateur !
”Avec voile, Sans voile, nous irons vers la révolution!”
Il faut mentionner un personnage très important qui se trouve, bien malgré lui, au centre des évènements du Baloutchistan surtout à Zahédan. Il s’agit d’un haut membre du clergé Sunnite M. Abdoul- Hamid, qui s’occupe des prêches de Vendredi. C’est lui qui faisait la prêche le vendredi où il y a eu une grande manifestation après le viol d’une fille de 15 ans par un gradé des forces de l’ordre. Manifestation qui a entraîné la mort de plus de cent personnes.
Abdol-Hamid s’inquiétait la semaine dernière du sort des personnes arrêtées et notamment des gens qui la semaine d’avant étaient blessés et qui étaient transportés à l’hôpital dans des ambulances quand les forces de l’ordre avaient bloqué les véhicules et procéder à leur arrestation. Il s’est trouvé donc à la pointe de la contestation même si, en tant que représentant religieux des sunnites, pendant des dizaines d’années il a collaboré avec le régime. Le soulèvement actuel l’oblige à ”se radicaliser” et la population qui le respecte en tant qu’autorité religieuse attend de lui un langage plus direct et contre Khamenei.
Abdol-Hamid a dit au cours de son dernier discours qu’”il faut que la punition soit proportionnelle à l’acte délictueux commis; face à quelqu’un qui a juste tenu un bâton dans la main ou balancé une pierre, on ne vas pas le considérer comme “Mohareb” (en guerre contre Dieu). C’est dur et disproportionné. (les Moharebs sont condamnés à mort). Je crains pour beaucoup de nos juges le jour de la résurrection. Celui qui donne ces sentences n’a pas peur du feu de l’enfer ?”
De son côté, le pouvoir en place ne veut pas sévir contre quelqu’un qui représente quand même l’Islam. Quand, paraît-il, les Pasdarans ont demandé l’autorisation de l’arrêter auprès de Khamenei, il leur a refusé en précisant qu’il faut le discréditer. Ils ont commencé depuis à répandre dans les médias les positions anciennes et forcément réactionnaires d’Abdol-Hamid sur la question des femmes dans l’Islam et leur rôle mais aussi le fait qu’il pratique lui-même la polygamie.
Le corp d’un des jeunes tués pendant le événements de la Semaine dernière, Hamed Salahshour, qui avait été enterré à la hâte par les forces de l’ordre dans un autre village que son village natale Izeh et où toute sa famille réside, a été déterré par sa famille et transporté à Izeh pour être enterré pendant une cérémonie en présence de tous les habitants. Cette cérémonie a été le point de départ des protestations et rassemblements importants à Izeh.
Deux autres villes, Anzali et Arak (pour la mort de Mehran Samak) ont connu des manifestations à l’occasion de cérémonies du 3ème et du 40ème jour de plusieurs personnes tuées lors des événements récents. Des agents du régime ont essayé de bloquer la route qui allait au cimetière au moment de l’enterrement de Mehran, mais sans succès.
Les slogans étaient :
“Libérez les prisonniers politiques!”
“Pour chaque personne tuée, mille autres se soulèvent !”
“L’iranien préfère mourir au lieu d’accepter l’humiliation !”
“Mort à Khamenei !”
La journée de l’étudiant.
Depuis presque soixante-dix ans, en Iran, le Seize du mois d’Azar est considéré comme la journée des étudiants. C’est ce jour là qu’on glorifie le mouvement étudiant iranien qui en 1953, juste quatre mois après le coup d’État américain qui a remis le Shah (Mohammad-reza Pahlavi) au pouvoir a fait une démonstration de sa volonté révolutionnaire contre ce régime inféodé aux occidentaux. En ce jour “glorieux” le Shah avait invité le vice-président américain Nixon, pour remercier les services secrets US de leur coup d’Etat. C’était également le jour de la reprise des relations diplomatiques avec la Grande Bretagne; relations qui étaient rompues par le gouvernement de Mossadegh, le premier ministre iranien qui a nationalisé le pétrole.
Les étudiants se sont rebellés contre cette visite et ont manifesté leur colère. L’armée du Shah, qui en avait pris l’habitude, n’a pas hésité à tirer dans la foule, à tuer trois étudiants et blesser des dizaines d’autres. SHARIAT-RAZAVI, GHAND-TCHI, et BOZORG-NIA sont depuis lors considérés comme les héros du mouvement estudiantin.
Tout ceci n’à pas empêché Nixon de recevoir le lendemain le doctorat honoris causa de Droit de l’Université de Téhéran.
Tout ce passé révolutionnaire oblige le régime de la République islamique à honorer cette journée. Pourtant il est de notoriété publique que les 3 étudiants tombés à cette occasion étaient des laïcs nationalistes sinon communistes.
Néanmoins le régime se voit dans l’obligation de fêter cet évènement.
Cette année, ils avaient prévu d’envoyer des émissaires du gouvernement dans les universités pour discuter avec les étudiants. Surtout que Khamenei s’est récemment étonné de voir si peu d’enthousiasme chez les responsables de l’ORDRE à défendre les victoires inestimables de la révolution sur les puissances occidentales.
Mais tout ceci était sans compter avec le soulèvement de Mahsa qui a renversé la table. Une grande partie des cérémonies et discours ont été tout simplement annulés, notamment celui du ministre de l’enseignement supérieur qui devait se tenir dans l’université Amir-Kabir. La grève des étudiants était tellement suivie que la porte-parole de l’association des étudiants musulmans a montré les salles et les couloirs entièrement vides de l’université pour expliquer l’annulation de la cérémonie et du discours du ministre.
Le maire de Téhéran M.Ali-reza Zakani pour ne pas prendre de risque avait amené avec lui sa petite armée de Bassiji pour l’applaudir, de sorte que même les étudiants membre de l’association islamique n’ont pas pu entrer dans la salle. M. Zakani, fort de ses activités “anti-corruption” quand il était jadis parlementaire et président de la commission de l’article 40 qui est censé lutter contre les pratiques mafieux du pouvoir, a commencé à discourir sur son glorieux passé d’Eliot Ness en criant qu’on arrête les voleurs, les corrupteurs… Quand une voix féminine (encore une fois!) a crié “c’est vous le voleur! C’est toi le voleur!” … ce qui n’à pas manqué de perturber complètement le programme et Zakani en sortant de la salle, dans l’enceinte de l’université à été accueilli par les slogans hostiles des étudiants qui l’attendaient.
Habib
10 décembre 22
Nouvelles d’Iran du 11 au 15 décembre 2022
-Mercredi 7 décembre c’était aussi le jour où des milliers de personnes sont allées, à la tombée de la nuit, vers la place Shahyad ou Azadi actuelle.
Des groupes de gens éparpillés sur les trottoirs mais aussi des milliers dans leur voiture. Embouteillage de plusieurs km vers la place avec, au centre, ce monument énorme caché dans le noir. La place Azadi c’est un peu l’équivalent de l’Etoile à Paris. Les responsables politiques, que ce soit sous le Shah ou sous la RI sont très fiers de ce monument, représentant l’Iran “moderne” qui est tout le temps illuminé. Là, la contradiction est évidente entre les feux allumés des voitures qui font des rubans de lumière colorée tracée sur le boulevard et le noir de la place qui absorbe comme un trou noir toute cette lumière.
A la fin, les forces de l’ordre ont dispersé, en tirant des coups de feu, la foule qui entourait le monument, au centre de la place, et qui lançait des slogans. Ils ont remis les lumières vers 23h30.
-Ce même jour, le 7 décembre, on a vu, comme quasiment tous les soirs, des rassemblements de protestation un peu partout surtout dans la capitale. Un des plus remarquables était celui du quartier Gohar-Dasht à Karaj; les manifestants, à un moment d’une soirée ponctuée de bagarres et de poursuites avec les forces de l’ordre, ont monté une grande barricade de feu bloquant la rue pour empêcher l’avancée des forces de l’ordre.
-Cette semaine, sur le plan diplomatique aussi on a été témoin d’un certain nombre de changements, au niveau de la politique extérieure des pays de la région. Trois éléments, d’importance inégale, témoignent de l’isolement relatif de la République islamique même par rapport à ses alliés traditionnels.
*Vladimir Poutine, jeudi 13 octobre, en marge du “sommet de la conférence pour l’interaction et les mesures de confiance en Asie (CICA)” qui se tenait au Kazakhstan, à proposé au président turc Erdogan, lors d’un échange télévisé, de lancer un projet de création d’un “hub gazier” passant par la Turquie pour faciliter les exportations du gaz vers l’Europe. Ce que le ministre du budget et des Finances de la Turquie a accueilli de façon très favorable. Noureddine Nabati qui est le ministre en question, dans une discussion avec le site “arabe news” a dit que la Turquie, compte tenu de sa position géographique, est au centre de la création d’un hub d’énergie entre la Russie, l’Iran et l’Arabie Saoudite.
Apparemment ils veulent pouvoir remplacer Nord Stream par ce hub d’énergie et rendre plus facile le transit à travers la mer noire.
*Parallèlement à cette affaire, une autre information attire l’attention: la Turquie a décidé de créer une station télévision en langue persane.
*La rencontre du Président chinois (Xi Jinping) avec le gouvernement saoudien en Arabie saoudite et les chefs du Conseil de coopération du golfe a provoqué beaucoup de turbulences au sein du pouvoir iranien. A l’issue de cette rencontre, les deux pays ont publié une déclaration commune qui est jugée par les Iraniens comme une atteinte à leur intégrité territoriale. D’un autre côté la déclaration à condamné dans des termes feutrés la façon dont l’Iran conduit sa politique dans la région et désire que son allié iranien respecte la stabilité qui y règne notamment en s’abstenant d’intervenir dans la politique intérieure des pays voisins. Aussi, la déclaration condamne la politique de l’Iran par rapport au programme nucléaire et insiste sur la nécessité de la collaboration de la RI avec les autorités de l’agence internationale de l’énergie atomique.
Il va sans dire que cette déclaration a provoqué une explosion de nouvelles et de commentaires à l’intérieur et à l’extérieur du pays. C’est un choc politique pour les responsables de la politique étrangère de l’Iran car l’alliance avec la Chine constitue la base même de la coopération organisée et en développement entre les deux pays et de la part de l’Iran est considérée comme faisant partie sa “réflexion stratégique pour le 21e siècle.”
L’ambassadeur de Chine à Téhéran a été convoqué au ministère des Affaires étrangères à Téhéran pour que la Chine soit officiellement notifiée de la protestation de l’Iran contre la signature de la déclaration finale de cette rencontre.
-Les dates de la prochaine série de manifestations ont été fixées : les 19,20,21 décembre 22. D’importantes activités sont organisées dès le milieu de la semaine dernière pour préparer le succès de ces mobilisations de protestation et de grèves. Les activités telles que nous les avons déjà décrites, comme les rassemblements ponctuels dans les quartiers, les slogans criés par les fenêtres et les toits des immeubles, les manifestations ponctuelles dans les universités, la distribution des tracts et de flyers, des graffitis sur les murs, etc.
Il est à noter qu’on entend ici et là, surtout de la part des groupes qu’on peut qualifier “de gauche”, des critiques sur le sens qui a été attribué au mot d’ordre de “grève générale”; mot d’ordre qui est largement repris dans les appels. L’ennui c’est qu’apparemment on confond la grève générale au sens de l’arrêt total de toute activité dans le pays avec le fait même de la fermeture des bazars et des boutiques de commerçants dans les villes. C’est vrai que chaque fois, pendant les séries de 3 jours de mobilisation, nous avons vu essentiellement cette grève suivie chez les bazaris et les commerçants, même si ponctuellement elles ont été accompagnées par des journée de grève chez les ouvriers ou les camionneurs. Ce qui faisait qu’on avait des opérations de “villes mortes” qui, à part l’effet symbolique de souligner la solidarité avec le mouvement général de protestation a effectivement des aspects négatifs non-négligeables, notamment le fait que les manifestants et les protestataires qui se trouvaient dans la rue étaient isolés et facilement repérables par les forces de l’ordre. Dans ces moments en particulier, le fait même d’être présent dans la rue vous qualifie comme protestataire et vous rend susceptible d’être identifié et arrêté. De surcroît, ce genre de fermeture de magasin n’a en effet, rien à voir avec le pouvoir de nuisances que pourrait avoir une grève dans les secteurs de production et de distribution.
Un autre aspect négatif à mentionner c’est le “sentiment de travail accompli” que ce genre de grève peut procurer aux personnes concernées; ça peut avoir un effet démobilisateur car c’est comme si on disait aux gens “aujourd’hui ne faites rien, restez à la maison”.
Et dans ce cas, qui va faire la révolution ?
Il faut donc être très attentif à ce slogan et l’utiliser de façon réfléchie pour mobiliser non seulement le bazar, les commerçants et les boutiques, mais également les camionneurs, les chauffeurs de bus, les conducteurs de camion et surtout les ouvriers de l’industrie et les employés des services.
Il nous reste maintenant à surveiller la suite des évènements pour évaluer l’influence de ce genre de critique sur le choix des tactiques et des moyens, qui seront l’œuvre des groupements de jeunes de quartier qui en général sont à l’origine de ces appels.
-Nous avions déjà mentionné les manifestations au Baloutchistan et notamment à Zahedan, le vendredi 9 décembre, en réaction à la pendaison de Mohsen Shekari, la première personne exécutée par le régime après 75 jours de détention suite aux événements actuels.
Courant cette manifestation, à part les slogans maintenant devenus traditionnels de “À mort bassiji! “À mort khamenei!” , il y a eu un événement particulier qui mérite d’être souligné:
Les manifestations que, cette fois-ci, avaient commencé dans deux quartiers différents de la ville, se sont rejoints dans une ambiance de fête et les gens ont lancé ensemble le slogan suivant:
“C’est notre dernier message, si tu exécutes les jeunes, ça sera l’insurrection!”
-On avait entendu beaucoup de témoignages de violence faite aux femmes de la part des forces de l’ordre de la République islamique; des violences à glacer le sang; mais faute de source officielle et sans confirmation, il était difficile de les mentionner comme un fait. Voilà que The Guardian confirme ces pratiques horribles.
Voici un compte rendu de ce reportage repris par “Le Temps”:
“Selon le témoignage de la jeune opposante rapporté par le médecin anonyme, elle participait à une manifestation lorsqu’un groupe d’une dizaine d’agents de sécurité l’a encerclée et lui a tiré dans les parties génitales et les cuisses. Le praticien estime que les femmes sont ciblées d’une manière différente par volonté de « détruire leur beauté » .
Un avis partagé par un autre médecin de Karaj, une ville proche de Téhéran, pour qui les forces de sécurité « tirent sur le visage et les parties intimes du corps des femmes parce qu’ils ont un complexe d’infériorité. Et ils veulent se débarrasser de leurs complexes sexuels en faisant du mal à ces jeunes. »
Des gardes devant les hôpitaux
Les zones visées par ces tirs peuvent être difficiles à déterminer du fait de la dispersion des grenailles. Ce type de munition « est conçu pour la chasse et n’a sa place dans aucune action légale ou légitime de police », souligne Brian Castner, spécialiste des armes et des opérations militaires à Amnesty International. Un rapport fait aussi état d’utilisation de balles dites « slugs », des munitions lourdes normalement utilisées pour le gros gibier.
Pour un spécialiste britannique de la chirurgie faciale interrogé par The Guardian, les images récupérées auprès des médecins iraniens montrent des blessures oculaires résultant de tirs à bout portant « directement dans les yeux » et certaines suggèrent que les manifestants « auraient été maintenus ou immobiles et qu’ils n’auraient pas eu la capacité de bouger la tête » . Les manifestants déclarés ne sont pas les seuls victimes: de simples passants sont aussi pris pour cibles.
D’autres éléments montrent qu’il s’agit d’une stratégie du pouvoir en place. La surveillance dans les hôpitaux a par exemple été renforcée par les autorités. Un médecin de la ville de Shiraz (centre-sud du pays) affirme qu’un nouveau garde de sécurité a été posté à l’entrée du service d’ophtalmologie d’urgence à la fin du mois dernier.
Avec les menaces qui pèsent sur les médecins, difficile pour les manifestants de se faire soigner. Une professionnelle déclare ainsi qu’elle retire parfois toutes lumières éteintes les plombs de métal ou de plastique pour ne pas être repérée. S’ajoute à cela la honte pour certaines manifestantes d’aller à l’hôpital. Traités à domicile, ces blessés qui auraient pu survivre décèdent parfois faute de soins ou d’un traitement adéquat.”
Ces témoignages confirment donc ce qui avait déjà été rapporté sur les réseaux sociaux notamment une en particulier, qui semblait incroyable:
Une voix masculine racontait son histoire entrecoupé par ses sanglots:
Sa fiancée est arrêtée par les forces de l’ordre, vêtues en civil, durant une manifestation. Après quelques jours, elle est rentrée à la maison dans un état effroyable. Elle avait des blessures partout sur le visage et sur le corps. Ses vêtements étaient imbibés de sang, on lui avait tiré des dizaines de balles de plomb (grenailles) sur le corps, les seins, le ventre et en particulier sur le vagin. Elle a raconté qu’elle avait été violée par plusieurs personnes et puis on lui avait tiré dessus par un fusil de chasse.
Le couple a demandé l’aide d’un médecin ami, mais la femme a refusé, par pudeur, de montrer ses parties intimes à un homme étranger.
Les saignements s’aggravant, ils se sont déplacés à l’ hôpital. D’abord, les médecins ont refusé de la recevoir par crainte des forces de sécurité jusqu’à ce qu’une infirmière accepte finalement de la prendre en charge. Mais la gravité des blessures étaient telle qu’elle n’a rien pu faire et la femme est décédée.
Aujourd’hui, des dizaines de jeunes filles et garçons sont disparus ou arrêtés par les forces de l’ordre de la République islamique. Il y en a de qui on n’a aucune nouvelle depuis plus de 2 mois; personne ne sait ce qu’ils sont en train d’endurer. Il semble que la République islamique, n’ayant pas de moyens suffisant pour attirer de nouveaux recrues dans ses forces de l’ordre, a dégoté une prime exceptionnelle pour les appâter ; elle leur accorde comme rétribution, le droit de traiter les protestataires arrêtés comme des prises de guerre sur lesquels ils ont le droit de vie et de mort et avec lesquelles ils peuvent assouvir leur complexe les plus sadiques.
-La RI vient d’être exclue de la commission de la condition de la femme de l’ONU (CSW) par une votation au Conseil économique et social de l’ONU.
Cette Commission est le principal organe intergouvernemental mondial dédié exclusivement à la promotion de l’égalité des sexes et de l’autonomisation des femmes.
C’est la première fois qu’un pays se trouve exclu de cette commission. Elle a été votée malgré le vote négatif de ses alliés, essentiellement la Russie et la Chine. La résolution présentée par les Etats Unis a obtenu une majorité absolue.
La représentante des USA a appelé la présence de la RI dans cette commission comme “une marque indélébile de la honte” sur l’ONU.
C’est apparemment une décision inattendue, surtout le vote majoritaire de 29 pays pour l’exclusion et 8 seulement contre; (avec 16 abstention). Ces huit pays sont: la Russie, la Chine, la Syrie, le Pakistan, la Bolivie, le Kazakhstan, le Nicaragua, le Niger, l’Oman, le Zimbabwe.
C’était aussi l’occasion d’affirmer que la présence de l’Iran depuis 4 ans dans cette commission n’a en rien amélioré la situation des femmes en Iran, qui depuis 40 ans n’a fait qu’empirer. Le discours convenu du représentant iranien était plus qu’hypocrite en soulignant “le rang élevé de la femme dans la culture islamique” et des bobards du même genre qui, vu la réalité vécue par les femmes en Iran ces jours ci, devenait rageant.
Depuis 2021, la RI a accéléré cette remise en cause. Ils ont arrêté la distribution gratuite de tous les moyens de contraception parmi la population, ils ont créé toutes sortes de difficultés relatives à l’examen prénatal, pour la vasectomie et la ligature des trompes, qui seront désormais prises en charge par le secteur privé et ne sont plus couvertes par la sécurité sociale.
Khamenei en 2012 avait déjà décidé l’abandon des contrôles de naissances et assigné l’objectif de doubler la population du pays pour atteindre 150 millions d’habitants. Apparemment, ils ont besoin de plus d’ouvriers à 150 dollars et des soldats pour leur prétention stratégique dans la région. Plus récemment, la RI a annoncé l’interdiction pour les médecins et les sages-femmes de pratiquer des tests de dépistage des anomalies foetales. Dorénavant c’est la justice qui doit en décider. La loi en question, qui s’appelle ironiquement “protection de la famille et le renouvellement de la population” a été officialisé le 16 avril 2022.
Toutes ses lois et dispositions légales font que l’Iran devrait être reconnu comme champion de la négation des droits des femmes.
-Pour ne pas finir sur cette note triste, mentionnons deux appels de lutte et de protestation:
-235 personnes, faisant partie des militants de droits des femmes, de l’Association des écrivains iraniens, de corporations diverses, des enseignants, des retraités, des mères et des familles de Khavarans [cimetière des militants de gauche exécutés entre 1982 et 1989] , des artistes, des poètes et d’autres militants sociaux et civils ont rédigé une déclaration condamnant l’exécution des Baloutches et des Kurdes mais aussi celles de “Mohsen Shekari”, de “Majidreza Rahnavard”. Ils ont également protesté contre les jugements de “guerre contre Dieu” prononcés par les juges qui valent condamnation à mort pour les manifestants du soulèvement “Femme, Vie, Liberté”. Ils ont demandé de mettre un terme à ces ordres “d’exécution” réactionnaires, sans aucune raison ni motif.
“L’exécution et le meurtre par le gouvernement de Mohsen Shekari et Majidreza Rahnavard, deux des manifestants du soulèvement “Femmes, vie, liberté” dans la matinée du 8 et 11 décembre, n’est qu’une des tactiques du gouvernement pour faire taire les personnes qui en ont assez du gouvernement répressif de la République islamique, qui descendent chaque jour dans la rue, les mains vides, et s’unissent contre l’oppression imposée à leur société.”
Partout dans les villes, des citoyens courageux affichent clairement leur protestation en accrochant à une petite pancarte sur laquelle est inscrite le nom des exécutés, une petite corde de pendaison, symbolisant la pratique de la République islamique.
-Et voici la dernière déclaration des jeunes de quartiers de Marivan (Kurdistan) datée du 14 décembre 2022
“Ne soyons pas affligés, organisons-nous !
Nous nous approchons du quatrième mois de l’insurrection de Jina. Dès le premier jour, les médias et l’opposition de droite ont délibérément tenté de montrer que la révolution est finie et ils ont répandu des rumeurs d’évasion des chefs de gouvernement et de responsables ; Il ne s’agit que de faux espoirs, ils ont essayé de lancer des appels virtuels et sans fondement pour marginaliser la nécessité de l’organisation par le bas. La lutte continue et avec le temps, elle s’est organisée et un large éventail de jeunes révolutionnaires locaux se sont rassemblés en réseaux et en groupes indépendants de quelques personnes. Les nombreux rapports des activités pratiques que nous recevons de la part de ces révolutionnaires ainsi que l’évolution du processus d’organisation populaire de classe dans les universités, les écoles, les usines, etc. nous encouragent sur le chemin de la victoire de la révolution avec encore plus de force et d’espoir. Il faut, face à la force matérielle et organisée des oppresseurs que nous affrontons sur le terrain, amener la force organisée et matérielle des masses laborieuses et frayer ainsi, la voie à l’avancée de la révolution “Femme, Vie, Liberté”. En plus de la volonté et du courage révolutionnaires, la victoire de la révolution exige une organisation révolutionnaire par en bas. La Révolution est la fête des opprimés. Vive la révolution!
Organisation de masse/direction ouvrière
Organisation, l’organisation/solution des travailleurs
Un groupe de jeunes révolutionnaires des quartiers de Marivan
Mercredi 23 décembre 1401″
-On vient d’apprendre qu’une partie des employés du métro (essentiellement la vente des tickets de transport) de Téhéran a entamé une grève de deux jours depuis hier le 14 décembre et se sont rassemblés devant le siège de l’établissement qui le gère en signe de protestation. Leurs revendications principales sont les suivantes:
Le non-paiement du salaire du mois dernier, des contrats de travail stables, (en effet, depuis la fin de l’année dernière, leur contrat a été modifié pour devenir des CDD d’un mois, ce qui fait que l’employeur peut les virer quand il le désire), la demande d’une assurance complémentaire, la reconnaissance de la pénibilité et la nocivité de leur travail, des vêtements de travail adéquats … Beaucoup de ces ouvriers ont plus de 10 ans d’ancienneté.
Habib
15 décembre 22
Mahsa: lágrima sagrada, ira sagrada, violencia sagrada
https://panfletossubversivos.blogspot.com/2022/12/iran-mahsa-lagrima-sagrada-ira-sagrada.html
Revueltas en Irán
https://boletinlaovejanegra.blogspot.com/2022/12/revueltas-en-iran.html
(artículo basado en Säi, Dauvé/Nesic, Leoni y TC)
Deux messages du « Conseil d’organisation des protestations ouvrières du pétrole »
https://www.operaicontro.it/2022/12/19/iran-dalla-lotta-di-strada-agli-scioperi-operai/
Traduit avec DeepL.
Premier message – 16 décembre 2022
Nous appelons à rejoindre les journées de protestation annoncées et à préparer des grèves nationales.
Les collègues de Naft ont appelé à de grands rassemblements dans tout le pays le 17 décembre. En outre, les collègues des raffineries de pétrole ont appelé à la grève les 24, 25 et 26 décembre. D’autre part, de nombreuses universités et de nombreux jeunes et étudiants révolutionnaires ont été appelés à des grèves, des manifestations et des marches de protestation pour les 18-20 décembre.
Le conseil d’organisation des manifestations des travailleurs contractuels du pétrole doit rejoindre tous les travailleurs permanents et contractuels et certains travailleurs contractuels du pétrole dans tous les secteurs et centres pétroliers, y compris les raffineries de pétrole, les secteurs pétrochimiques, de forage, de transport et de carburant. Se joindre à ces protestations est une étape importante pour amener le plus grand nombre possible de travailleurs sur le terrain dans tous les centres pétroliers et préparer des grèves nationales dans divers secteurs de l’industrie pétrolière.
Il convient de mentionner que nous, en tant que conseil d’organisation des protestations des travailleurs contractuels du pétrole, avons mis l’accent, dans notre dernière déclaration, sur la grève nationale comme une réponse forte aux exécutions et à la répression et pour défendre nos moyens de subsistance et notre dignité. Dans la déclaration (voir https://www.operaicontro.it/2022/12/14/iran-in-campo-gli-operai-del-settore-petrolifero/), nous avons demandé à tous les collègues de tous les départements de communiquer activement avec nous afin que nous puissions planifier notre grève nationale le plus rapidement possible. Nous avons reçu des réponses encourageantes. Le point commun de tous ces commentaires est qu’il y a des protestations partout et que tout le monde souhaite exprimer sa protestation contre cette situation. Dans le même temps, des amis ont souligné les trois problèmes suivants :
1- Les amis ont souligné que la tendance à la protestation est élevée et, se référant au manque de cohésion de groupe parmi les travailleurs sur le lieu de travail, ils ont demandé au conseil d’organisation d’appeler à la grève et à la protestation et, dans ses avis, chaque section a été spécifiquement nommée et invitée à se joindre à la protestation.
2- Friends a écrit que les travailleurs veulent protester depuis longtemps, mais que le problème est de ne pas avoir la sécurité de l’emploi et de s’inquiéter d’être licencié.
3- Certains amis ont exprimé leur inquiétude quant au fait qu’il existe des filières créées par les agents de sécurité eux-mêmes et ont demandé au conseil d’organisation de dénoncer le vol et le détournement de pétrole pour gagner plus de confiance [point peu clair, semble faire référence au détournement ou au vol de pétrole organisé et géré par les administrateurs des unités d’extraction et de raffinage, note du traducteur].
Le conseil d’organisation considère que les considérations de tous ces amis sont fondées, et en réponse aux amis du premier groupe, comme nous l’avons dit, une large participation à ces protestations nous permet de préparer plus facilement des grèves nationales.
Le problème est que le manque de sécurité de l’emploi est réel. Mais le maintien du statu quo ne signifie pas le maintien de la sécurité de l’emploi. Nous savons tous que les exécutions et les répressions servent à asservir de plus en plus les travailleurs que nous sommes. De plus, ce problème peut être résolu aujourd’hui en constituant un fonds de grève. Nous contribuons chacun un montant à ce fonds afin d’avoir une ressource pendant la grève en cas de besoins urgents. En outre, il est clair qu’en cas de grève nationale contre l’exécution, le peuple et les syndicats soutiendront tous cette grève et sa caisse de grève. Enfin, le dernier point concerne le travail destructeur que les forces de sécurité du gouvernement font pour créer la division et mettre en danger la sécurité de nos travailleurs. D’une part, ils nous ont privés du droit de nous organiser et, d’autre part, ils essaient de nous rendre méfiants avec de faux groupes et de nous empêcher de nous organiser. Bien sûr, l’une de nos objections concerne les détournements de fonds et les vols, le pillage des gouvernements et des fiers entrepreneurs, ainsi que les vols à grande échelle commis dans le secteur pétrolier, dont l’un entraîne la perte de plateformes pétrolières. La dénonciation de ces vols nous donne le droit de poursuivre nos revendications avec toute notre force et notre droit. Vive le syndicat, vive la grève
Deuxième message – 18 décembre 2022
Azar 26 (17 décembre) est un grand succès pour les collègues travaillant dans le secteur pétrolier.
Le 26 décembre (17/12), nos collègues se sont mis en grève dans différentes régions comme Asaluyeh, Mahshahr, Teng Bijar, Gachsaran, Jeziza Khark, Ahvaz et Mahmood Abad pour protester contre la détérioration de leurs conditions de vie et pour faire valoir leurs revendications légitimes. . Ces rassemblements ont été formés en réponse à l’appel précédent et ont été organisés à l’échelle nationale, ce qui est sans précédent au cours des dernières décennies. Aujourd’hui, nous sommes heureux que nos collègues soient si unis dans la poursuite de leurs revendications et nous pensons qu’il est temps pour eux d’annoncer officiellement leur conseil d’organisation de la protestation afin qu’ensemble nous puissions organiser des manifestations à l’échelle nationale pour mettre fin à l’oppression des esclaves. Allons de l’avant unis dans les régions pétrolières en tant que zones économiques spéciales et pour protester contre les détournements de fonds et les vols et la propagation des entrepreneurs prédateurs. Pouvoir mettre fin à l’environnement de travail précaire qui fait des victimes chaque jour, ainsi qu’à l’atmosphère sécuritaire [comprise comme policière] qui règne dans les centres pétroliers, et ramener nos conditions de vie et de travail à un niveau acceptable.
Le conseil d’organisation des manifestations des entrepreneurs du pétrole, comme il l’a souligné à plusieurs reprises, se considère comme uni à tous les secteurs travaillant dans l’industrie pétrolière et défend fermement les luttes des collègues du pétrole. Il est clair que la protestation des collègues du pétrole va se poursuivre. Leur grève et leurs réunions du 26 Azar (17 décembre) étaient une protestation d’avertissement. Ces amis ont annoncé que si leurs demandes ne sont pas satisfaites, ils prépareront leur prochain mouvement de protestation et cette fois à un niveau plus large.
Il faut dire que nos collègues des raffineries ont également appelé à la grève pour les troisième, quatrième et cinquième jours du Dey (du 24 au 26 décembre) pour protester contre la détérioration de leurs conditions de vie et de travail. Nous soutenons également les protestations de ces collègues et cherchons à être la voix de leur protestation.
Enfin, nous soulignons notre soutien aux appels nationaux aux protestations des 28-30 Azar (19 au 21 décembre) contre les exécutions et la répression. Le conseil d’organisation appelle tous les partenaires officiels et non officiels, les partenaires contractuels et de projet, les tiers et les salariés quotidiens, dans tous les secteurs pétroliers à Asaluyeh, Kangan, les secteurs du forage et de l’exploitation, les secteurs du carburant, les raffineries et les industries pétrochimiques et connexes, à se joindre largement à ces protestations et à déclarer leur colère et leur haine contre l’exécution en annonçant une grève.
#no_to_execution #free_life_woman @Shoratamas
MINIMUM NEWS
Liste des usines/sites en grève le 17 décembre 2022
-Pars Oil and Gas Company à Asaluyeh et Ahvaz
Raffinerie de Pars – phases 2 et 3
-Exploitation du pétrole et du gaz de Gachsaran et Mahshahr
-Les plantes de l’île de Kharg
-les pompiers d’Ahvaz, Mahshahr, Asalavih et Gachsaran.
-Employés des laboratoires chimiques dans les régions pétrolières.
-Gharb Oil & Gas Exploitation
-Grève à la municipalité de Yazd contre les réductions de salaire et la perte de certains avantages. Ils appellent à une grève nationale et au renversement du régime.
Il y a toujours des médiateurs réformateurs dont le travail consiste à blanchir les tombes : dans ce cas, il s’agit de Hossein Morashi, secrétaire du syndicat des travailleurs du bâtiment ; il déclare que “si notre jeunesse se concentrait sur des élections libres et anticipées, elle serait peut-être plus proche du succès que de dire que toute la République islamique doit disparaître”.
-Même certains mollahs sont mal à l’aise, alors ils se plaignent de la barbarie de la répression et enlèvent leur turban en signe de protestation (aussi pour ne pas se faire enlever leur turban dans la rue par les garçons). C’est le cas de Mohammed_Khoshbayan, descendant d’une importante famille religieuse. Cela lui permet de faire son temps en dehors de la prison sans souffrir d’une égratignure.
-L’ancien ministre des affaires étrangères, M. Velayati, est pressé de vendre son beau palais dans la banlieue cossue de Téhéran. Entre-temps, il semble que certains responsables se trouvent au Venezuela pour négocier un refuge pour les gros bonnets du gouvernement iranien si les choses ne se passent pas bien à nouveau. Seront-ils vraiment en danger ?
dit-on à Téhéran :
L’inflation est de 50 % et le ministre de l’Industrie affirme que les voitures seront bon marché. Le pays est sanctionné et le responsable des zones franches dit que nous allons faire venir des investisseurs étrangers.
La moitié des revenus pétroliers n’a pas été réalisée et le ministre du pétrole dit que nous vendons bien.
Le dollar devient plus cher d’heure en heure et la banque centrale dit, Dieu merci, nous avons beaucoup de dollars.
-Les détenus des deuxième, troisième et quatrième quartiers de la prison centrale de Karaj ont protesté contre l’action des autorités pénitentiaires visant à exécuter un certain nombre de détenus appelés “condamnés pour drogue”, parmi lesquels les détenus pensent qu’il pourrait y avoir des détenus protestataires anonymes, et ont protesté contre Khamenei et la République islamique. Le lendemain, des émeutes similaires ont eu lieu dans la prison de Qaimshahr. Dans les deux cas, la police est intervenue en force et a repris le contrôle, à quel prix pour les prisonniers, on ne le sait pas encore.
-presque chaque jour, les corps des jeunes arrêtés lors des manifestations sont remis à leurs familles, portant des traces de torture. La police empêche les funérailles publiques.
Vous trouverez sur cette page nos dernières infos venues d’Iran, au sujet du mouvement ouvrier. Comme le texte est long et a une portée plus large, nous l’avons publié en tant qu’article indépendant
http://dndf.org/?p=20521
Nouvelles du 16 au 24 décembre 2022
La nuit de Yalda
-Dans la tradition iranienne, la nuit de Yalda, ou “tchéllé- bozorg” (grande quarantaine, car le froid doit durer en principe 40 jours jusqu’à fin janvier; Yalda est la première nuit de l’hiver et celle la plus longue de l’année: le solstice d’hiver) tient une place particulière ; c’est une fête pré-islamique qui célèbre la naissance de Mithra, dieu zoroastrien du feu et du soleil. Elle représente la victoire de la lumière sur les ténèbres.
On passe la nuit de Yalda en famille, réunis tous, grands et petits sous le Korsi; C’est une grande structure en bois ( un peu comme une grande table basse ), couverte de grandes couettes qui dépassant largement la structure, de sorte qu’on puisse s’asseoir par terre sur le tapis et y glisser les jambes. On met sous cette structure un dispositif de chauffage (dans le temps, c’était de la poussière de charbon ou de la houille façonnée en boule; aujourd’hui c’est plutôt des appareils électriques) qui, dans le froid de l’hiver, chauffe tout le corps du bas vers le haut. Cette disposition de la pièce peut durer une semaine ou plus, tellement elle est agréable et accueillante. Toute la famille passe la nuit de Yalda sous le korsi, en discutant de tout et de rien, dînant et grignotant des fruits secs (les noix), goûtant et dégustant des grenades, des pastèques et des fruits rouges. On passe une nuit de veille heureuse et agréable, ponctuée par les rires et l’expression de joie des plus jeunes ; une nuit qui restera dans les mémoires, surtout des enfants. On y chante des chansons, écoute de la musique et souvent le grand-père ou la grand-mère ouvre son vieux volume de Divan de Hafez, avec sa couverture fatiguée, pour lire les présages de l’année à venir et réciter par la suite des poèmes. C’est au cours de cette nuit que les enfants sentent la chaleur du foyer familial qui les entoure, quand en général, à l’extérieur la neige est en train de tomber. En général, un iranien garde un petit souvenir de ce type dans un coin de sa tête.
Le deuil
Mais cette année, Yalda a une odeur de mort . Elle est entachée par le souvenir de tous les jeunes tombés sous les balles, pendus et exécutés ; des milliers de famille ont veillé Yalda, comme une nuit de deuil et de tristesse en allumant des bougies sous les photos de Mahsa, de Yalda et d’autres Nika … ainsi que les personnes récemment exécutées pour avoir participé aux protestations, qui ont été victimes de la sauvagerie de l’État iranien.
La population en grand nombre est allée se recueillir sur les tombes des personnes tuées en y mettant des bouquet de fleurs.
A la suite de quoi, ils sont allés dans les rues, manifester avec des slogans hostiles au régime; à Téhéran (quartiers de: Téhéran-Pars, Sarsabil, Ekbatan, Sa’adat-Abad,…), mais aussi à Sanandaj, Saghez, Izeh, Karaj (Golshahr)… comme d’habitude on a entendu au cœur des ensembles résidentiels les slogans dans la nuit scandés par les fenêtres ou des toits d’ immeuble.
Cette année Yalda a la couleur d’une tristesse énorme que chaque iranien ressens au plus profond de lui en pensant à tous ces jeunes sacrifiés, les baloutches, les Kurdes qui sont toujours sous une répression féroce.
Cette nuit, un lourd manteau de tristesse couvrait les foyers iraniens.
la réaction de la RI
-La République islamique de son côté a insisté, une fois n’est pas coutume, car en général, elle déteste les fêtes iraniennes pré-islamiques et tente de toutes les manières possibles de les éviter et va même parfois jusqu’à réprimer les gens qui s’y prêtent; on a vu des dizaines de fois les agents de la République islamique les perturber, les interrompre ou même arrêter les personnes qui font la fête ; surtout la fête de tchar-shanbeh-souri (qui se célèbre le dernier mercredi de l’année) pendant laquelle tout le monde allume des feux dans les quartiers et saute par-dessus, pour conjurer les mauvais événements qui se sont passés au cours de l’année et commencer la nouvelle sous de bonnes auspices.
Elle veut faire entrer depuis 40 ans dans la tête des gens que les fêtes à célébrer se sont celles basées sur les événements appartenant à l’histoire islamique, surtout l’Aïd al-Adha عيد الأضحى ”la fête du sacrifice” (ce qu’on appelle en France “la fête du mouton” qui correspond au dernier jour du calendrier arabe), tandis que pour les iraniens, rien ne remplace leur norouz (le jour nouveau) qui est le nouvel an iranien basé sur leur propre calendrier, que même le Shah n’à pu changer ! Il a pourtant bien essayé! Il faut dire à sa décharge, que le gars se voyait successeur de Kourosh et de Darius des Sassanides, sous prétexte qu’il rêvait de surpasser son “duce” de père qui déjà se voyait Atatürk!
La République islamique a donc essayé de fabriquer des émissions à la télé publique pour fêter la nuit de Yalda. Mais il a eu beaucoup de mal à trouver des personnalités publiques, des artistes et autres célébrités à y participer. Ceux, Même très rare qui ont accepté d’y participer n’ont pas pu garder le silence sur les événements actuels et en particulier un des acteurs, apparemment assez connus, une fois exprimé toute sa reconnaissance éternelle auprès du Guide Suprême et Éternel a osé dire que les gens qui participent à ces manifestations “sont des jeunes égarés qui se sont trompés, avec qui, il faut faire montre de mansuétude”. Il a réclamé que le Guide Suprême dans sa grande sagesse et discernement, “annonce une réconciliation nationale” et “une amnistie générale” en même temps qu’il réclamait de la part de la population de la patience. Et tout ce spectacle accompagné d’une musique doucereuse et dégoulinante de rondeurs et de niaiserie.
On avait l’impression d’entendre Macron faire son pitch de la nouvelle année pendant les gilets jaune ! Tout de suite après, nous avons entendu la réaction de Fatima Pourmohammadi qui se trouve depuis 8 mois dans les prisons de la République islamique et a été condamnée à 6 ans de prison; elle a rejeté cet appel d’amnistie et s’est exprimé clairement en disant que c’est Khamenei qui doit nous demander pardon, nous n’avons commis aucun délit, c’est à la République islamique de demander pardon à tous ces gens qui ont été endeuillés.
Mohamed Ali karami, père de Mohammad-Mehdi Karami qui est un champion de karaté qui se trouve aujourd’hui dans le couloir de la mort à demandé au patron du pouvoir judiciaire d’annuler la condamnation à mort de son fils. C’est un vendeur ambulant qui a élevé son enfant avec beaucoup de difficultés et aujourd’hui doit vivre la douleur immense de le perdre. Son fils n’à fait que participer au quarantaine de Hadice Najafi, jeune fille kurde tuée par les forces de l’ordre.
Peut-on reprocher aux parents d’une personne qui se trouve à deux doigts de la pendaison de faire tout leur possible pour l’épargner ?
-Ces jours-ci, nous sommes face à une calme relatif avant la tempête que tout le monde attend. Les protestations, les rassemblements et les manifestations continuent surtout en fonction des journées de deuil du troisième, septième et quarantième jour de la mort des victimes de la révolution. Ainsi on a vu des rassemblements de protestation dans les cimetières de différents villes et villages où le corps des personnes ont été inhumés.
Il est assez rare que pendant la période de froid, il existe des protestations populaires et que les gens soient dans la rue; on a vu une telle chose uniquement pendant l’insurrection de 79 où la vague de protestation ne s’est pas arrêtée et a continué jusqu’à la chute du régime du Shah en février.
Personne ne peut dire aujourd’hui si nous sommes dans une période d’essoufflement du mouvement ou c’est le calme avant la tempête. Seul l’avenir nous le dira.
-Par ailleurs nous savons qu’une centaine de parlementaires français suite à l’action des parlementaires allemands se sont désignés comme les tuteurs des personnes condamnées à mort en Iran.
La position de l’Iran au niveau international est extrêmement affaiblie. Comme on a déjà mentionné, l’Iran a été exclu de la commission des femmes des nations unies; récemment le parlement suédois a dénnoncé l’armée des Pasdarans comme terroriste et réclame auprès de ses partenaires européens de faire de même. Les sanctions américaines aussi, contre des personnes et des entités iraniennes continuent de plus belle mais nous savons que toutes ces actions sont “pour épater la galerie” et n’ont pas grand effet sur le comportement de la République islamique. Il est vrai qu’en cas de sanctions plus dures des européens sur le plan commercial et financier, la situation de la République islamique serait plus fragile au niveau économique.
-Les sanctions exercées sur les personnes sont ridicules car on a affaire à un État qui produit la paperasse qu’il veut !
Les Pasdarans vont et viennent et font ce qu’ils veulent à l’étranger avec des documents fabriqués. Il est tout à fait illusoire de penser qu’on peut les empêcher dans leur activité en les soumettant aux sanctions.
On ne connaît même pas leur identité véritable, qui peut être différente de ce qu’il utilise officiellement en Iran.
-les sanctions contre les organisations et les sociétés (commeble l’armée des Pasdarans) aussi ne durent que le temps de création d’autres filière les contournant. Il existent des myriade de compagnie en Europe, aux États-Unis, au canada et en Amérique du Sud qui appartiennent à la RI sous de prête noms. Dans ce domaine depuis 49 ans la RI a acquis une expertise de haut vol qu’ils sont en train d’enseigner si besoin aux russes et d’autres de leur alliés sous sanctions.
-Avant-hier, le Rial iranien s’est effondré à un niveau historiquement jamais vu par rapport au dollar; celui-ci a dépassé la frontière des 400.000 Rials, Cad 40 mille Tolans., ce qui est un niveau inimaginable et historique.
La raison de cet effondrement est essentiellement le fait que d’un côté, les entrées de devise, c’est-à-dire essentiellement l’acheminement, la livraison et la vente du pétrole et du gaz rencontre de plus en plus de difficultés et d’obstacles; surtout ces ventes, même au prix bradé, ont du mal à se réaliser en argent sonnant et trébuchant. La Chine commence à se désintéresser du gaz iranien puisqu’elle vient de signer un contrat juteux avec le Qatar, ce très cher associé de l’Iran sur Pars-Sud.
D’un autre côté, la République islamique n’a d’autre choix que d’imprimer à fond perdu de l’argent pour satisfaire de façon relative ses forces de l’ordre, ainsi que les fonctionnaires, les retraités et tous les gens qui dépendent des pensions et des subventions de l’État.
La République islamique pour s’acheter un peu de calme au niveau social est en train de balancer de l’argent par la fenêtre mais cet argent n’a aucune base réelle et en fait il est sorti de la poche de l’avenir des gens (par les mécanismes de crédit) ou directement en dévalorisant leurs économies.
-Au cours d’une courte vidéo mise en ligne et par “BBC persian”, qui est consacré à une réunion du porte-parole du gouvernement M. Ali Bahadori-Jahromi avec les étudiants on peut entendre des paroles suivantes:
Ça se passe à l’université Bou-Ali à Hamedan; le régime, pour essayer de calmer le mouvement étudiant, a organisé la semaine dernière une de ses blabla ridicules entre le porte-parole du gouvernement Raïssi et les étudiants toujours choisis essentiellement parmi les associations islamiques.
Une fille s’est levée et a dit:
“Nous avons la liberté de la parole mais nous n’avons pas la liberté après la parole! Ça fait des jours que l’attentat à Shah-tchéragh [attentat durant lequel un terroriste, attribué plus tard à Daesh par les médias, a tiré sur des pèlerins et a tué et blessé plusieurs personnes. Selon l’opposition, cet attentat fomenté par les agents du régime, avait pour but de créer, au plus fort des protestations, une diversion pour essayer de calmer par le deuil le mouvement] a eu lieu mais vous, avec toutes vos forces de sécurité, n’avez pas été capables de trouver les terroristes tandis qu’il suffit que nous mettions un pied dans la rue pour protester pour qu’on soit arrêté. L’islam commence bien avec le verset bi-smi-l-lāhi r-Raḥmāni r-Rahīmi [Au nom de Dieu clément et miséricordieux], mais vous n’avez aucune clémence et aucun pardon, vous exécutez Karim Shekari pour avoir mis le feu à une poubelle …”
et toutes ces paroles ont été accompagnées des applaudissements incessants des autres étudiants. Elle a continué :
“Vous n’êtes pas bienfaisants, vous considérez que mettre le feu à une poubelle ou bloquer une rue c’est équivalent à faire la guerre contre Dieu tandis que les terroristes font ce qu’ils veulent et ne sont pas inquiétés par vos forces de l’ordre.
Vous avez proclamé qu’il y avait des gens qui ont retiré de force le hijab de la tête des femmes et vous les avez condamné à la peine de mort; nous ne croyons pas un instant à votre histoire mais supposons qu’elle soit vraie ; d’un autre côté, nous entendons tous les jours que les forces de l’ordre agressent les femmes et les filles sont violées ; ces actes, d’après vos propres lois sont susceptibles de peines judiciaires, alors pourquoi vous ne faites rien? Pourquoi appliquer deux poids deux mesures ? Ceux qui prétendent être endeuillés pour le premier crime est-ce qu’ils acceptent d’être endeuillés pour le second?
Ça fait plus de 4 mois, depuis le commencement des protestations; durant cette période qu’est-ce que vous avez fait dans le sens de de l’amélioration des choses, des réformes de l’État, des libertés publiques, de la lutte contre la corruption, du développement économique? Rien n’a été fait! Le peuple n’a reçu que de l’humiliation et des insultes! Uniquement la répression, uniquement des exécutions et des pendaisons! c’est tout ce que vous arrivez à faire!”
Suite à ces paroles fortes, un jeune étudiant continue sur la même lancée: “Vous avez été toujours très forts pour justifier et soi-disant expliquer les choses, pour fabriquer des explications concernant les crimes que vous commettez; qu’est-ce qui pourrait justifier la tuerie de 2019? là où vous avez tué des milliers de personnes?”
C’est là où, le représentant de l’État s’insurge et commence à protester en levant la voix. La même étudiante l’arrête net en disant “Monsieur l’État ! vous devez respecter le silence pendant que nous parlons et écouter ce que l’on a à vous dire. Vous êtes porte-parole de l’État, donc vous devez nous écouter!”
M.le porte-parole savait que sa mission serait difficile, mais il ne pensais certainement pas devoir encaisser des coups pareils!
-Entre-temps la bourgeoisie ne reste pas les bras croisés en attendant le résultat du soulèvement populaire. Elle est 9de toutes ses forces, active et cherche à influencer le mouvement. On a vu il y a quelques semaines, le Président Macron invitait 4 femmes opposantes iraniennes à l’Élysée avec toutes les honneurs dû au prochain Président iranien. Parmi ces personnes. À la tête de cette délégation, il y avait Madame Alinejade qui est une ancienne journaliste du parlement iranien, ex-femme provisoire d’un responsable réformateur de la République islamique, qui depuis quelques années est sortie du pays pour s’installer aux États-Unis, à Washington. Elle connaît bien les rouages des médias et sait mettre en œuvre son expérience dans ce domaine au profit de la lutte des femmes contre le hijab et éventuellement ses propres ambitions. Elle est certes très efficace et volubile dans sa propagande contre la République islamique et pour la liberté des femmes. Soutenue par différentes fondations américaines et européennes, elle a su se débrouiller pour posséder une villa de plus d’un million de dollars tout en prétendant défendre la veuve et l’orphelin en Iran. Elle a été lancée dans l’espace public comme l’initiatrice d’une campagne contre le hijab qui s’intitulait “les mercredis blancs” qui consistait pour les femmes iraniennes de sortir dans l’espace public, d’enlever leur hijab, de le filmer et l’envoyer sur les réseaux sociaux. La rumeur publique dit que l’idée de ce campagne appartenait à d’autres personnes et quand le mouvement s’est déclaré, Mme Alinejade s’en est emparé et depuis n’à cessé d’en faire propagande sur ce sujet dans son émission Youtube qui s’appelle tablette. Quoiqu’il en soit, elle est très suivie parmi les jeunes filles des couches supérieures et moyennes en Iran et des moins jeunes en Californie et la diaspora. Il faut reconnaître que beaucoup de femmes ont été influencées par ce programme et lui ont envoyé des vidéos de leur acte courageux. Avec la montée du soulèvement actuel, elle a pris une place de plus en plus importante au sein de l’opposition, de sorte qu’elle est aujourd’hui considérée comme un des symboles du mouvement, au moins à l’étranger. C’est pourquoi Macron, quand il cherchait à rencontrer des femmes de l’opposition, a naturellement invité cette personne.
Une autres femmes invitées de Macron était Nazanine Bonyadi. (Nâzanine Bonyâdi) actrice irano-britannique, aujourd’hui porte-parole officiel d’Amnesty International États-Unis.
Le régime américain de son côté a sorti de ses bocaux, les membres de l’opposition iranienne qu’il garde sous la main depuis l’insurrection de 79; une de ces personnages, nourrie, logée et prête à emploi n’est autre que le fils du Shah. Il se définit aujourd’hui comme rebelle et de tout cœur avec le peuple iranien. Il veut qu’une fois le régime de la République islamique renversé, organiser un référendum pour voir si les gens préfèrent la République à la royauté? Dans un élan de pudeur, il nous dit très modestement que son père a été obligé de quitter l’Iran “pour ne pas commettre de violence à l’égard du peuple” en prenant avec lui “seulement 67 millions de dollars”. M. Le prince oublie de mentionner les biens que la famille royale possédait à l’étranger, et surtout omet de dire que 67 millions de dollars de 1979 équivalait à quelque 70 milliards de dollars d’aujourd’hui! Ce prince qui n’a jamais bossé d’aucune façon de sa vie, à part bien sûr gérer cette fortune colossale, prépare depuis toujours un programme de prise de pouvoir avec l’aide de ses conseillers à la CIA et MI6.
Mais, toutes ces oppositions adossées au monde occidental sont par trop cousues de fil blanc pour que le peuple iranien dans sa radicalité constatée puisse les accepter. Ce genre d’alternative, directement lié au monde occidental à peu de chance de convaincre les gens qui gardent quand même le souvenir du régime du Shah; donc la bourgeoisie internationale cherche d’autres figures de l’opposition qui puissent représenter de façon plus feutrée la ligne de normalisation des rapports avec l’Occident. Une personne qui a été poussée par le mouvement n’est autre que Monsieur Ahmad Esmaïlioun, qui est dentiste et écrivain, résident au Canada. Il s’est trouvé embarqué par la force des choses dans le mouvement d’opposition à la République islamique car sa femme et sa petite fille de 9 ans faisaient partie des voyageurs du vol ukrainien 752 qui a été abattu le 8 janvier 2020 par la République islamique dans sa petite guéguerre avec les États-Unis après l’assassinat de Soleymani en Irak. Nous avions à l’époque expliqué que c’était les missiles de l’armée des Pasdarans qui avaient descendu ce vol commercial, car après l’attaque que la République islamique avait lancé contre les installations américaines en Irak quelques heures plus tôt (bien entendu après les avoir dûment prévenu pour que les locaux soient évacués de toute personne appartenant de près ou de loin à l’armée américaine!) elle était certaine que les américains allaient riposter. La République islamique n’a pas fermé son espace aérien et a attaqué ce vol commercial de la compagnie ukrainienne pour le mettre sur le dos des Américains et ainsi arrêter une guerre qui, si elle était déclenchée, aurait très certainement entraîné des pertes extrêmement importantes dans les rangs de la République islamique et pourrait même entraîner son effondrement. Quelque temps plus tard d’ailleurs, un des dirigeants des Pasdarans l’a clairement reconnu; Il a dit qu’ils ont préféré sacrifier 200 personnes au lieu de risquer une guerre qui leur serait fatale et aurait coûté la vie de plusieurs millions d’iraniens.
Bon, revenons à nos moutons; M.Ismaïlioun a perdu sa femme et sa fille dans cet horrible “accident” et depuis lors, il n’a cessé de se démener pour que la justice internationale entame des investigations sur ce qui s’est passé ce 8 janvier 2020. Ses efforts ont abouti à ce que le gouvernement canadien condamne la République islamique et des négociations sont en cours pour éventuellement arriver à la fixation des indemnités, mais la persistance de la République islamique à ne pas reconnaître sa faute dans cet événement a fait que M.Esmaïlioun est entré en opposition de plain-pied avec le gouvernement de la République islamique. C’est lui qui a pu organiser la manifestation de plus de 100000 personnes à Berlin le 22 octobre dernier. Il est depuis, considéré par beaucoup de personnes comme quelqu’un d’honnête et de juste, avec des positions modérées sur la question du rapport avec l’Occident et qui pourrait très bien être un autre Vaclav Havel pour l’avenir de l’Iran.
Une autre personne qui comme Monsieur Esmaïlioun a un certain crédit auprès de la population est Monsieur Ali Karimi. C’est un ancien footballeur qui a joué pendant des années en Europe et qui a pu amasser une petite fortune. Ali karimi malgré tous les efforts de la République islamique pour l’entraîner dans son camp, à su rester politiquement neutre et parfois même critique devant les pratiques de la RI. Ces dernières semaines, avec le soulèvement, il n’a pas hésité à critiquer la répression et a publiquement dénoncé la violence de la République islamique à l’égard de la jeunesse. Le 9 décembre il avait condamné l’exécution de Mohsen Shekari.
Récemment, il est sorti du pays et a rencontré le Président Allemand.
Il est donc devenu un personnage de l’opposition, très populaire et qui fait désormais partie de cette sorte de coalition qui est en train de prendre forme à l’étranger pour diriger le mouvement populaire. On entend de tout côté les gens critiquer l’opposition pour leur demander ce qu’ils attendent pour former une coalition afin de renverser la République islamique et de s’accorder pour instaurer un nouveau gouvernement.
–Le courage “chimique”
Nous avions déjà entendu le nom de Captagon. Le monde associe l’utilisation de ce “médicament” à la guerre en Syrie et Daesh.
Des comprimés de captagon, sont en fait des psychotiques pour dominer la peur.
C’est un médicament qui associe de l’amphétamine à du théophylline. Créé en 1961 pour les traitements des maladies d’hyper-activité, de dépression ou d’autres problèmes psychologiques.
Ce médicament a été par la suite interdit car ça crée trop de dépendance.
Mais, dans le sud de l’Europe et au moyen orient son utilisation, même interdite, a progressé. C’est une drogue psychotrope.
La Syrie à cause de ses liens avec les laboratoires Bulgare a commencé à en produire depuis les années 2010. Mais la dose d’amphétamine dans le produit a été augmentée pour ses effets euphorisants qui procurent une sensation d’invincibilité.
Daesh qui en était un gros consommateur en a produit en quantité industrielle pour faire de la contrebande comme source de revenu dans toute la région.
Cette drogue faisait des combattants, de courageux guerriers, c’est pourquoi on a appelé cette sensation “du courage chimique”. Ils n’ont peur de rien, peuvent supporter le manque de sommeil ou de fatigue et faire la guerre avec une vigueur décuplée.
Il y a deux ans, la police italienne a saisi 16 tonnes de captagons qui, à travers le Hezbollah du Liban, étaient arrivés de Syrie.
Apparemment le Hezbollah et certains responsables de l’armée syrienne contrôlaient cette contrebande. La production se fait encore en Syrie et à travers le Hezbollah et l’armée des Pasdarans est chargée de la distribution. Ça crée un grand marché et une source de revenus très lucrative pour Assad mais aussi pour les Pasdarans.
La République islamique contrôle une partie du Port Lazeghieh (Latakia) en Syrie; elle y dispose de 23 entrepôts pour soi-disant ses activités économiques, ce qui leur permet d’expédier leur cargaison de Captagon à leurs alliés. On estime ce commerce à 5 Milliards de dollars.
C’est devenu une nouvelle arme entre les mains de la RI.
On voit ce médicament apparaître partout où la RI a des alliés.
Au mois de juin dernier, Irak a obligé un vol clandestin d’atterrir à Basra dans lequel ils ont saisi un million de comprimés de captagon, comprimés produits en Iran et à destination du Koweït.
Cette drogue est aujourd’hui très répandue en Iran parmi les forces de l’ordre.
Le directeur de Hôpital de Gorgan, a signalé qu’il recevait des patients parmi les forces de l’ordre qui se trouvaient dans un état incontrôlable et avaient même attaqué leur commandant.
18 personnes des Pasdarans et de Bassij sont morts et l’autopsie a révélé une grande quantité d’amphétamines dans leur corps.
Voilà comment ils arrivent à dominer leur peur devant les vagues de protestataires!
Désobéissance civile
-A côté des protestations et les diverses formes qu’elles prennent, nous observons 2 autres qui sont apparues ces dernières semaines:
-Campagne de non-paiement des factures d’électricité
On ne connaît pas encore l’ampleur de ce mouvement surtout qu’avec le commencement de l’hiver et l’augmentation générale des prix, beaucoup de foyers sont absolument dans l’incapacité de régler leurs factures.
-le retrait de l’argent liquide des comptes bancaires. Une forme de lutte qui pourtant au-delà d’un certain niveau, a plusieurs fois démontré son inefficacité. Ça pourrait momentanément créer des difficultés pour le système bancaire, mais ça reste tout à fait symbolique car une part très limitée des avoirs se trouve sous forme de billets de banque et de monnaie. Au moment des gilets jaunes, Cantona avait lancé l’idée avec le succès que l’on sait. Néanmoins, il a suffi que cette idée soit lancée dans la population pour que le gouvernement demande aux banques de monter leur taux d’intérêt.
-Taraneh Alidousti, actrice, (prix d’interprétation féminine Locarno) connue pour sa participation aux films “A propos d’Ely” ou “le client” d’Asghar Farhadi mais aussi une des actrices qui participait à l’organisation du mouvement Metoo en Iran avec la signature de 800 femmes du monde du cinéma et du théâtre qui avaient protesté contre les agressions sexuelles dans ces domaines. Elle a été arrêtée chez elle par des “civils” et avait disparu pendant plusieurs jours. On sait aujourd’hui qu’elle est incarcérée dans le bloc 209 de la prison d’Evin à Téhéran et le régime s’affaire à constituer un dossier contre elle.
Un certain nombre d’artistes qui travaillent dans le milieu du cinéma se sont présentés devant la prison en demandant sa libération ainsi que celle d’autres artistes comme les réalisateurs Rasoulof ou Jafar Panahi … on les voit aussi s’activer dans les réseaux sociaux dans ce sens. Une sorte de coalition internationale aussi à vu le jour rassemblant des artistes et des cinéastes mais également des festivals comme Berlin, Locarno,Rotterdam, Amsterdam … pour réclamer leur libération.
Et pour finir une pensée pour une autre Yalda
-Yalda Agha-Fazli, 19 ans, a été arrêtée le 26 octobre dernier. Elle a été torturée. Jusqu’au dernier moment, dans une conversation téléphonique elle a dit avoir résisté et que sur son dossier était noté: “elle a reconnu sa participation aux troubles et n’a pas exprimé de regrets.”
Dans cette communication téléphonique du prison, avec une voix éreintée à force d’avoir crié, elle raconte son arrestation et les tortures qu’elle a subies. Elle dit qu’elle était précisément ciblée et recherchée en particulier. Après 11 jours, elle a été libérée mais 5 jours plus tard, on a su qu’elle était morte. Officiellement, les autorités ont parlé de suicide après avoir consommé de la drogue.
On ne compte plus ce genre de témoignage des jeunes et encore pire, les jeunes qui sont libérés mais qui se suicident juste après leur sortie de détention. Une hypothèse qui ne peut être écartée et qui a été des centaines de fois confirmées, est certainement le viol en prison, qui pour une jeune fille éduquée dans la culture iranienne, de surcroît islamique et patriarcale est insupportable. Elles préfèrent partir pour ne pas avoir à affronter le regard de leurs parents, de leur père et de leurs frères. Elles se tuent pour ne pas embarrasser la famille et les proches, ni vivre comme une pestiférée.
Le slogan triste qu’on a entendu dans les cérémonies du troisième jour était : “Ils ont pris notre Yalda, ils nous ont rendu son cadavre.”
“Cette fleur effeuillée est une donation à notre pays !”
Habib
24/12/02
Nouvelles d’Iran du 25 Décembre au 1er Janvier 2023
Depuis le début de la semaine dernière (en Iran, le jour de congé hebdomadaire étant le vendredi, la semaine débute le samedi), et étant donné qu’à la fin de cette même semaine, le 2 Janvier, sera l’anniversaire de la mort de Soleymani, le régime a lancé une politique de normalisation qui se décline en plusieurs volets:
-L’intensification de la répression dans tous les domaines, sur tout le territoire et à tous les niveaux, les usines, l’administration, les universités, les lycées, les commerces … des centaines d’arrestation auprès de tous les gens qui ont été aperçus dans les mobilisations et en les condamnant à des peines de prison, si ce n’est plus… On a déjà dépassé depuis longtemps les 20.000 arrêtés.
-L’arrêt de l’Internet de sorte qu’aucune nouvelle ne puisse atteindre les réseaux sociaux et les chaînes d’information à l’étranger. À un moment, on avait entendu que le réseau de Star Link pourrait remplacer Internet; en fait il apparaît que quelques centaines d’appareils (100, 200 ou 800 selon les sources) sont sur le territoire iranien mais que seulement une centaine sont en fonctionnement.
-La désinformation par une propagande incessante à travers la radio/télé publique ainsi que tous les journaux qui, suivant leur degré d’allégeance au pouvoir, déclinent la grande nouvelle qu’on entend diffusée sur tous les tons: suite à l’essoufflement des “troubles”, le calme est revenu et la vague de protestation a cessé. Ce genre de publicité se veut en général performatif et auto-réalisateur.
A côté du message de ces médias, on a vu la surface des grandes villes se couvrir de grands panneaux, posters et d’affiches de Soleymani et du Guide qui, au moment de l’anniversaire de la mort de Soleymani, voulaient rassurer les citoyens fidèles sur la véracité de leur message.
4- L’intimidation et la tactique de propager la peur parmi la population.
Sur les 20.000 personnes arrêtées au cours du soulèvement, au moins une centaine aujourd’hui se trouvent dans les couloirs de la mort et attendent leur pendaison par l’appareil judiciaire de la République islamique. La semaine dernière, le patron de cet appareil Monsieur Egéï a demandé à tous les procureurs de ne pas hésiter à appliquer les peines qui ont été finalisées. Ces pendaisons qui se passent en général devant un public de Bassiji suivent deux buts principaux:
D’abord, créer une atmosphère de terreur et d’intimidation auprès de la population surtout parmi les parents pour qu’ils s’abstiennent eux-mêmes de descendre dans la rue et surtout qu’ils interdisent aux plus jeunes de participer aux manifestations et protestations.
Puis, de rassurer les Bassiji en les soutenant dans leur mission de répression; Pour les persuader de ne pas avoir peur car le pouvoir en place est derrière eux et les soutient; qu’en exécutant les ordres, ils ne font qu’accompagner un pouvoir juste, soutenu par la parole de Dieu et une volonté divine qu’aucun homme, ni entité mondaine ne pourrait mettre en cause.
Tous ces efforts, colportant le message de la fin des protestations et du calme, enfin survenu, bien entendu ne voulait pas dire que les protestations s’étaient calmées et que d’un seul coup des millions de personnes qui avaient participé à ce mouvement étaient rentrés dans le rang;
De toute façon, il faut bien se rendre compte qu’on a affaire à une révolution de longue haleine; que la République islamique ne va pas lâcher facilement le pouvoir et qu’elle dispose des moyens illimités d’un Etat pour continuer la répression et se maintenir au pouvoir. Il est plus judicieux de parler dans une telle situation de la respiration de la révolution avec ses temps forts et faibles.
On va jeter un coup d’œil sur les événements de cette semaine pour mieux appréhender la situation.
Il y a des signes de résistance à cette nouvelle vague de répression + intimidation + désinformation = normalisation.
-Les manifestations qui suivent les cérémonies du quarantième des morts se poursuivent malgré de vraies descentes, en bonne et due forme, des forces de l’ordre, avec équipements quasi-militaires. Ainsi au cours de cette semaine, on a été témoin de dizaines de ces cérémonies dans plus de vingt villes ou villages; ces cérémonies ont pris de l’ampleur de sorte que depuis jeudi dernier elles sont devenues plus importantes en nombre de participants;
-des slogans scandés dans la nuit dans les ensembles résidentiels (notamment à Shiraz, Karaj …) ou par petit groupe dans les quartiers des villes (notamment à Téhéran);
-La mise à feu des sièges de Bassiji à Boushehr (Khûzistân) ou des grands monuments/sculptures de Soleymani qui ont de nouveau obligé le régime à mettre des surveillants pendant la nuit devant ses monuments pour les protéger. Ça a quelque chose de risible de voir au milieu d’une place, sous le monument de plusieurs mètres de hauteur de Soleymani, posées trois chaises avec trois Bassiji en train de somnoler des heures durant dans ce froid;
-Les graffitis de slogan sur les murs continuent de plus belle;
-La mise en feu des grandes pancartes de photos de Khamenei et de Soleymani
-Collage des photos des jeunes tués par-dessus les pancartes de la République islamique et leurs Martyrs.
-On a vu aussi un appel commun des quartiers différents des villes de l’Iran.
Déclaration de l’Association des jeunes des quartiers d’Iran qui a lancé un appel à trois jours de mobilisation: (traduction automatique corrigée)
“Rendez-vous les 6, 7, et 8 janvier 2023
Nous n’oublions pas ce qu’ils nous ont fait au mois de “Day” [du calendrier iranien, correspondant à la période du 22 décembre au 20 janvier.] Les catastrophes de Plasko [Incendie non-élucidé d’un tour nommé Plasko en plein centre de Téhéran le 19 janvier 2017 qui a fait une quinzaine de morts], Sanchi [Sanchi était un pétrolier battant pavillon panaméen mis en service en 2008 et exploité par la National Iranian Tanker Company, filiale de la National Iranian Oil Company; Le 6 janvier 2018, alors qu’il transportait une cargaison de condensat de gaz naturel, le navire est impliqué dans une collision au large de Shanghai. Le 14 janvier 2018, le navire a coulé en mer de Chine; Les 32 membres d’équipage (30 Iraniens et deux Bangladais) sont considérés comme morts par les autorités] et du vol ukrainien PS752 [voir les nouvelles de la semaine dernière, 176 morts]. Le mois de Day est le mois où nos héros sans prétention nous ont été enlevés de notre terre, de nos mers et de notre espace.
À la mémoire de ces jeunes héros, riches de tous les espoirs qui sont tombés au sol sous les balles de la République islamique, à la mémoire de tous les pompiers de Plasko, de l’équipage de Sanchi et des passagers du vol ukrainien, et à la mémoire de toutes les victimes et les prisonniers de la République islamique qui a ses mains tachées de sang, nous nous rendrons du 6 au 9 janvier dans les rues, devant les casernes de pompiers, dans les aéroports et les ports de nos villes.
Nous invitons les pompiers, les équipages et les employés des aéroports et des ports à honorer la mémoire de ces proches et de leurs collègues en ces journées.
Pour Femme Vie Liberté
4 Day 1401[25 décembre 2022]”
Ce qui nous semble très important dans cet appel, au-delà de son contenu, c’est la signature qu’elle porte. Elle est signée « L’Association des jeunes des quartiers d’Iran »
Cette association a été créée le 7 décembre 2022 avec la participation des jeunes de plus de 30 villes. Ceci montre un grand pas effectué dans l’organisation spontanée de lutte de ces jeunes sur une partie importante du territoire.
-La semaine a donc commencé avec les protestations estudiantines ainsi qu’au sein des lycées; encore une fois les étudiantes-s et les lycéennes-s ont pris le flambeau du soulèvement et ont continué le mouvement de protestation. Il était très émouvant de voir le rang des lycéennes sorti sous la neige en scandant des slogans contre le régime. Le plus surréaliste et buñuelien était à Téhéran, dans le quartier d’AssadAbad où les jeunes se balançaient des boules de neige tout en criant au renversement du régime!
-Déjà les ouvriers avaient montré leur détermination à poursuivre leur mouvement aux usines Pétrochimie d’Abandan (Khûzistân), à Ilam (150.000 hab. province du même nom à l’ouest du pays) et sur les plateformes d’Assaluyeh, où la présence policière est devenue telle qu’on a l’impression qu’ils travaillent dans un camp militaire. (Voir les 2 traductions publiées dans la livraison “les oiseaux de la tempête” de cette semaine).
On a vu les forces de l’ordre, sur les plateformes gazières de Pars du Sud ou de la pétrochimie d’Abadan, carrément attendre les arrivées des services de transport des usines pour arrêter les ouvriers qui se sont fait remarquer au cours des mobilisations. C’est comme si les ouvriers étaient des prisonniers dans un camp militaire pour bosser dans une unité de production. Il ne serait peut-être pas exagéré de parler d’Assaluyeh comme d’une caserne de travail obligatoire. Le rapport d’implication réciproque de l’exploitation capitaliste semble de plus en plus suspendu pour devenir le rapport d’une armée qui détient des prisonniers pour le travail obligatoire; c’est pourquoi la première des revendications des mouvements ouvriers est d’arrêter l’ambiance sécuritaire et quasi militaire qui règne sur leurs unités de production.
Cette ambiance s’est élargie aux niveaux des autres villes et sur des bureaux en ville ou dans l’administration ; il n’est pas rare de voir les employés, dans l’entrée des bureaux privés ou publics, être fouillé par les services de surveillance et éventuellement arrêtés en tant qu’opposants, dénoncés par les fidèles du régime.
-Cette semaine, de nouvelles tactiques de protestation ont vu le jour notamment à Boucan (Kurdistan) ou au cours d’une cérémonie du 40e jour du décès d’un adolescent, ils ont lâché des colombes dans le ciel pour rendre hommage aux victimes. Aussi, ils gonflent des ballons d’hélium auquel ils attachent la photo des jeunes victimes et les lâchent pour qu’ils montent au ciel.
-Comme on le sait, le régime évite, tant que possible, de rendre le corps des personnes tuées au cours du soulèvement aux familles pour éviter les cérémonies d’inhumation qui très souvent deviennent des meeting politiques contre le régime et se transforment en manifestation dans les rues des villes. On a vu la famille d’une des victimes du tribu Kachkaïs (Qashqaï), qui sont originellement des nomades et qui sont actuellement en grande majorité sédentarisés et vivent entre Shiraz, dans le sud de la province d’Ispahan et dans le nord de la Province de Boushehr, qui a trouvé un moyen habile pour honorer la mémoire de leur enfant; Ils ont fait la cérémonie avec le costume traditionnel du jeune homme et l’ont enterré tout en chantant et dansant sur des airs folkloriques. Cette cérémonie aussi est devenue un meeting contre le régime avec la manifestation qui s’en est suivi.
Le jeudi 29 décembre, lors de la cérémonie des 40e jours de plusieurs martyrs de la Révolution à Téhéran, Semirum (Ispahan), Marvdasht (Shiraz), et une vingtaine d’autres villes, on a été témoin de manifestations importantes. C’était surprenant de voir autant de participants malgré tant de répressions, de meurtres et d’exécutions.
-A Téhéran au cimetière de Behesht Zahra, plusieurs milliers de personnes ont participé à la cérémonie du 40e d’Hamidreza Rouhi et ont scandé ouvertement des slogans anti-Nezam. Des slogans qui ont été entendus des milliers de fois dans toutes les régions du pays, comme “Mort au dictateur!” “Cette année, c’est l’année du sang, Seyed Ali [Khameni] sera renversé!”
“Toutes ces années de crime, à Mort ce Vélayat!”.
“Hamidreza n’est pas mort, c’est khameni qui est mort!”
“Cette année c’est l’année du sang, l’année du renversement de Khameni !
“Tant qu’on n’a pas fait la révolution, ne rentrons pas à la maison !”
“Tant d’années d’assassinat à mort ce Velayat”
C’est la première fois qu’ils scandent avec un haut-parleur
“Canon, tank, coup de feu, akhound (curé) doit foutre le camp!”
“Tant que akhound n’est pas enveloppé dans son linceul, cette patrie ne serait pas notre patrie!”
Une voix de jeunes fille parmi les manifestants a crié:
” je veux savoir qui est le connard qui a dit que les protestations se sont calmées”?
-Le vendredi 30 décembre, on a eu les manifestations, maintenant devenues hebdomadaires des Baloutch dans les villes de Zahedan, Khark,…
-le Samedi 31 décembre aussi, il y a eu une manifestation assez importante dans Téhéran; les gens se regroupent et renforcent les rangs de la manifestation tout en cheminant vers le sud de la ville en lançant des slogans:
“Pauvreté, corruption, la vie chère; on va jusqu’au renversement!”
“Tant que les mollahs ne seront pas ensevelis, cette patrie ne sera pas une patrie!”
Quand ils sont arrivés au bazar de Téhéran, ils étaient agréablement surpris de constater que les commerçants également avaient baissé le rideau de leur magasin et étaient en grève.
Vers midi, les forces de l’ordre sont intervenues en lançant des lacrymo et en essayant de disperser la foule. Ils se sont fait huer par les gens et photographier, car pour une fois ils n’avaient pas leur visage recouvert.
-A NajafAbad (Ispahan) ce même jour, samedi, on a vu les gens manifester.
Leur slogan était:
“Notre jeunesse en prison, nos dollars au Liban!”
Mais aussi
“Ohé, ohé, vous qui restaient assis, la prochaine Mahsa serait de vous!”
Ils se sont rassemblés devant le bâtiment du gouvernement de la province avec des slogans traditionnels contre le régime en plus d’un nouveau slogan qui disait :
“On ne veut pas d’un gouverneur daeshi!”
-A Samirom, on célébrait le quarantième jour de M.Ali Abassi. La foule était impressionnante pour une ville d’une trentaine de milliers d’habitants. Sa sœur a fait un discours très émouvant. Ils avaient aussi des haut-parleurs pour scander les slogans: “A Mort Pasdar, A Mort Bassidji !” … A la fin, il y a eu des bagarres dans lesquelles apparemment une personne des forces de l’ordre a été tuée.
-A Javanrood (Kirmanshah),
C’était un des points importants de la journée de samedi, puisque les gens étaient en train de célébrer la cérémonie de quarantième d’un jeune habitant tué quand les forces de l’ordre les ont attaqués. Ils ont attaqué directement en tirant sur les gens et une personne au nom de Borhan Eliassi a été tué.
Le jour même dans la cérémonie de l’enterrement de Borhan, une population importante s’est regroupée, ils étaient plusieurs milliers de personnes. Les slogans étaient toujours très radicaux comme “Kurdistan Kurdistan, cimetière des fascistes.”
De retour au centre de la ville, les gens ont fait de grands feux et monté des barricades et ils ont pu continuer leur protestation jusqu’à tard dans la nuit. Ils ont attaqué et mis le feu à la Banque de l’agriculture et à la Banque Sepah après les avoir occupées et dévastées. Leurs slogans étaient:
“À mort, A mort un gouvernement tueur d’enfants !”
“De Javanroud à Téhéran, notre vie sacrifiée pour l’Iran!”
Ils répétaient aussi les slogans 1000 fois entendus comme
“De Baloutchistan à Téhéran, je donne ma vie pour l’Iran!”
“Tout l’Iran sont des frères, ils sont assoiffés du sang du guide!”
-A Paris aussi, le régime tue:
Ali Moradi, jeune doctorant iranien en histoire à l’université de Lyon s’est suicidé ce 25 décembre en se jetant dans la Rhône en solidarité avec les luttes du peuple iranien et voulant attirer l’attention des occidentaux sur la réalité de cette répression. Avant son acte définitif, il a diffusé sur les réseaux un témoignage émouvant expliquant son geste.
En relation avec ce suicide, il faut également dire que cela démontre du même coup les limites des luttes que la diaspora a commencé depuis 3 mois; après avoir manifesté dans toutes les grandes villes de l’Europe, des USA, du Canada, après avoir manifesté à plus de 100000 personnes à Berlin et devant toutes les ambassades et consulats iraniens, qu’est-ce qu’il leur reste à faire pour démontrer leur solidarité et attirer l’attention du public en occident?
-Encore une fois une championne iranienne, cette fois-ci de l’échec Sarah Khademolsharié dans le championnat d’échec international au Kazakhstan s’est présentée pour la compétition sans l’hijab obligatoire.
*****
La situation est devenue assez complexe. Il est indéniable que pendant quelques jours on avait l’impression d’un certain calme, relatif, qui faisait que les événements populaires n’occupaient plus le devant de la scène et c’étaient les sujets individuels qui remontaient à la surface; même si parfois ils étaient suffisamment importants et d’ampleur assez vaste pour qu’on ne puisse plus les qualifier ainsi.
Jusqu’à maintenant le fait que le mouvement de protestations était massif et populaire, empêchait les courants particuliers de se démarquer et imposait une unité de fait qui régnait sur toutes les manifestations.
Aujourd’hui, avec le reflux relatif du mouvement, les projets minoritaires osent se dévoiler et prétendre à la visibilité.
C’est ainsi que par exemple, jeudi dernier dans la manifestation à Behesht Zahra on a entendu parmi les slogans traditionnels de “A mort dictateur, à mort Khamenei!”… Pour la première fois, à notre connaissance, dans le soulèvement actuel, deux slogans à la gloire du Shah.
Il est à noter que c’était aussi une des rares manifestations où certains slogans venaient d’un haut-parleur et qu’en général la manif semblait moins spontanée que d’habitude.
M. Pahlavi et la famille royale avaient semble-t-il envoyé une couronne de fleurs pour la cérémonie.
Les deux slogans en question étaient:
“RézaShah, que ta mémoire soit joyeuse!” (Équivalent de « à Vive RezaShah! »). Il était le père de l’ex-Shah du pays qui a fondé la royauté Pahlavi. Ce slogan, avant le mouvement actuel, était entendu de temps en temps, mais absolument pas après ce soulèvement populaire.
“Prince héritier, où est-tu pour nous sauver? (ولیعهد کجایی به داد ما بیایی؟)
-L’alternative bourgeoise
Parallèlement à ces mouvements, c’est le moment où la bourgeoisie de l’extérieur du pays profitant de ce creux a choisi de lancer ses chevaux dans la bataille. Ils viennent d’officialiser un projet qu’ils appellent Phénix (قنوس) qui est une sorte de préparation d’un gouvernement fantôme à l’étranger en attendant le retour victorieux du petit dictateur. Ce projet a vu son application directe dans une unité/coalition dont on avait déjà évoquée la semaine dernière et qui consiste à envoyer de façon groupée le même message et très exactement au même moment (à l’occasion de la nouvelle année) de la part de ses membres fondateurs sur les réseaux. Ce message twitter, dégoulinant de niaiseries sur la liberté et la démocratie et contre la dictature a fait fondre en larmes les tenants des médias iraniens pro-occidentaux (financés par Londres, les USA, l’Arabie Saoudite et le Qatar et une flopée de Fondations internationales) qui ne cessent depuis de promouvoir cette alternative.
A l’occasion de la nouvelle année, 6 personnages de la liste que nous avons énumérés la semaine dernière (avec la présence notable de Golshifteh Farahani, l’actrice internationale, qui soi-disant penchait plutôt à gauche car prétendument fille d’un ancien membre du PC iranien, le Toudeh) ont envoyé des tweets avec le même contenu au même moment; ce tweet a été soutenu par d’autres fidèles de la démocratie bourgeoise notamment Mme Shirine Ebadi, avocate et prix Nobel de la paix.
Quelques heures à suffit pour qu’on sache que cette heureuse alliance était mise en place à travers un certain Karim Sadjadpour, architecte d’un triangle dont lui-même se trouve au centre, qui a pour sommets :
1- les lobbies de la RI aux USA notamment NAYAK, les réformistes de la RI comme l’ex-Président Khatami et l’ancien ministre des affaires étrangères M.Zarif, …;
2- l’opposition de droite iranienne à l’étranger qu’on a déjà présenté;
3- les organisations, fondations et gouvernements occidentaux en liaison avec CEI (International Crisis Group), qui avait comme Président & CEO M.Robert Malley ( le responsable américain du bureau de l’Iran à la maison blanche), à travers son chef du projet iranien Ali Vaez qui apparemment a joué un rôle déterminant dans l’accord nucléaire de 2015 et qui joue encore ce rôle dans les négociations nucléaires).
Le financement vient du philanthrope connu M.George Soros. L’alliance profite de la collaboration du WORLD ECONOMIC FORUM qui “œuvre pour améliorer l’état du monde à travers la participation des chefs d’entreprises, des politiciens, universitaires et autres leaders de la société pour construire un calendrier et un plan global, régional et industriel au niveau mondial.” (Dixit leur site)
Bien entendu, la Banque mondiale et une variété de Think tanks sont dans le boucle comme Carnegie Endowment, The Aspen Institute … M.Sadjadpour se targue d’avoir comme amis de longue date les différents patrons de la CIA , les responsables politiques américains et européens.
Soit dit en passant que Mlle Golshifteh Farahani a insisté dans son entrevue avec la radio Farda (Radio Lendemain) sur le fait qu’il ne faut pas se montrer curieux sur la façon dont cette alliance a pris corps, il faut se concentrer aujourd’hui sur la lutte contre la dictature et pour la liberté et la justice”; Quand on sait comment “cette alliance a pris forme”, on comprend l’inquiétude de Mademoiselle Farahani!
Aussi, il est à noter qu’apparemment #femme vie liberté a disparu de cette série de tweets.
-L’encre de cet accord n’était pas encore séchée que nos camarades du Syndicat des ouvriers de Haft-Tapeh, à travers leur compte Telegram, ont répondu à cette invitation royale:
“La formation d’une coalition des droites à l’étranger doit être considérée comme un événement positif et instructif car ces personnes, elles-mêmes ont démontré très simplement et de façon homogène, à quel point ils sont autocrates, complotistes, manœuvriers, opaques, unilatérales, anti-majoritaires, en quête du pouvoir, autoritaires, … et sans rapport avec notre véritable combat.
Les leaders pratiques de notre lutte ne sont personne d’autre que nous-mêmes et nos amis emprisonnés. La totalité des personnes rassemblées dans cette soi-disant coalition, tous ensemble et rassemblées, n’ont pas l’expérience et l’ancienneté d’un seul militant syndical ou d’un seul enseignant de ce pays; ils n’ont aucune histoire et expérience de la lutte. Le plus important c’est que vous avez démontré qu’en tant que minorité non-travailleuse vous voulez régner sur la majorité des travailleurs! Notre représentant n’est personne d’autre que la majorité des ouvriers, des travailleurs et des salariés, et non des courtisans et des porteurs de projets des Etats capitalistes. Nous dépasserons l’État de la République islamique et construirons un nouveau système. Nous remercions les organisateurs de cette coalition virtuelle car ils ont rapidement démontré qu’une force de droite se démène toujours pour les intérêts de sa propre classe.
La révolution continue son chemin indépendamment des gesticulations marginales de ce groupe.
Vive la révolution
#woman_life_of_freedom
#Nan_Kar_Azadi_Government_Council
2 janvier 2023
-Le dollar a approché la frontière des 45000 Thomas ce qui a eu pour conséquence la fermeture de beaucoup de commerces par exemple dans un passage commercial à Téhéran, qui s’appelle Alaeddine et qui est un marché de produits informatiques, l’évolution des prix est telle que ça crée des difficultés pour leur fixation. Apparemment des magasins d’alimentation ont du mal à refaire leur stock car le prix de vente d’aujourd’hui ne permet pas forcément le rachat du produit pour compléter le stock la semaine d’après.
-Parmi les causes évoquées pour expliquer la dévaluation vertigineuse de Toman par rapport aux autres devises, on cite la nouvelle du blocage de quelques canaux de devises étrangères à travers quelques institutions bancaires irakiennes, lesquelles viennent d’être ciblées par les sanctions.
Face à cette situation catastrophique du marché de devise le président de la banque centrale a été limogé et remplacé par un des membres du “Quartier Général de l’exécution du commandement de l’imam” ce qui veut dire directement par Khameni. Ce nouveau directeur de la banque centrale a promis de faire baisser le dollar à la hauteur de 28000 Toman. Les premiers jours de sa nomination, il y a eu des soubresauts dans le marché; le dollar a baissé sous la barre des 40000, mais est reparti à la hausse pour se stabiliser actuellement au niveau de 41000 Toman.
-Les snap
Des conducteurs de Snap qui est une sorte d’Uber à Téhéran ont arrêté de fonctionner car le prix des courses ne couvre plus leur dépense.
-D’après un rapport officiel, des grèves du zèle ont été constatées chez les employés et dans l’administration. Ceci doit être relié avec les absences du personnel et des fonctionnaires de ses administrations qui ne se sont pas présentés au bureau pour des motifs inventés qui couvraient en réalité leur participation aux protestations.
-Les pénuries du Gaz
Dans un pays qui se targue de détenir la deuxième réserve du gaz au monde, plus de 800 unités de production sont à l’arrêt par manque de gaz ; notamment 56 productions de ciment qui sont à l’arrêt.
-Alors que les manifestations antigouvernementales se poursuivent en Iran, le gouvernement devra faire face à une multitude de problèmes économiques supplémentaires et à une crise énergétique dans les mois à venir.
Aussi, d’après un article du journal E’temad (confiance), daté du 15 décembre 22 et qui a ce cri de coeur pour titre:
“Pourquoi vous imprimez autant d’argent ?!”
“Au cours des 7 mois de l’année en cours, la base monétaire a augmenté d’environ 110 000 milliards de tomans. Ce nombre équivaut à une croissance de 18% de la base monétaire en 7 mois. L’augmentation de 18% de la base monétaire au cours des 7 premiers mois de l’année est sans précédent au cours des 20 dernières années. La base monétaire a bondi de 3,2% en octobre et atteint mille milliards de tomans. La croissance mensuelle de la base monétaire a toujours été à la hausse ces derniers mois et a atteint son plus haut niveau des 5 derniers mois en octobre.”
-D’après les données officielles citées dans un programme de la télévision nationale iranienne (du 27 décembre 2022), on apprend que les capitaux sortis du système bancaire du pays entre 2003 et 2017, c’est-à-dire sur une période de 14 ans s’élève à 284 milliards de dollars ce qui correspond, toujours d’après eux, à 7 ans de revenus pétroliers iraniens. D’après le spécialiste qui intervenait dans cette émission, le revenu moyen pétrolier de L’Iran est une somme se situant entre 40 et 50 milliards de dollars par an.
Ce qui rend cet intervention significative, sortant de la bouche d’un présentateur de télé iranienne, connue pour répondre à la moindre exigence et souhait de Khamenei, c’est qu’une fois donné ces informations, il pose une question accusatrice, d’un ton critique à son public : “mais qu’est-ce que vous faites, le peuple, les gens ?! Pourquoi vous sortez ces capitaux du pays ?!”
Comme si, ceux qui sortaient les capitaux du pays étaient les pauvres gens qui sont obligés de chercher de toute leur force à nourrir leurs enfants le soir même !
Mais les gens, “le peuple” comme il dit, savent très bien qui est en train de sortir ces capitaux du pays! Ce sont les gens qui, grâce à la corruption et au détournement d’argent qui sont effectués de façon structurelle dans le pays, arrivent à accumuler des sommes astronomiques et aussi de les sortir du pays grâce au système bancaire. Et justement, une fois à l’étranger, ces sommes sont placées dans les paradis fiscaux ou d’autres endroits non traçables ou non-recouvrables pour que demain quand leur famille est sortie du pays, ils puissent parader dans les rues de Los Angeles, de Toronto ou de Caracas en attendant leur papa Chéri qui en cas de force majeure càd une révolution, filerait en douce pour les rejoindre. On en voit déjà qui sans barbe, ni turban, en short de sport, reluquent les femmes sans hijab dans les salles de sport des quartiers chics de Londres et de Johannesburg.
Ce sont les mêmes qui, comme l’Etat les talibans en Afghanistan, interdisent l’accès à l’éducation aux filles et qui placent leurs enfants dans les meilleures écoles à Doha. Cette espèce d’Islam soi-disant radical est devenu un mode de pensée pour le peuple et un mode de gestion pour les gouvernants; ils savent très bien jouer de l’hypocrisie permise par un système religieux qui sépare les gens ordinaires des élus de Dieu.
Quand l’ouvrier iranien doit se battre tous les jours pour faire vivre sa famille avec 140 dollars par mois tandis que toutes les marchandises, le logement et autres minimum de subsistance lui sont facturées en dollars pour permettre aux intermédiaires de la vente du pétrole d’accumuler et amasser des fortunes … Quand on met la faute sur le dos des ouvriers, ça s’appelle “faire des sacrifices”, mais si, dans le discours du Shah, ces sacrifices étaient pour la grandeur de l'”Iran éternel” qui était censé passer “le Grand Portail de la Civilisation”, aujourd’hui, elles doivent être acceptées pour le royaume du Dieu et leur locataire sur terre qui sont le clergé chiite au pouvoir en Iran; avec les miettes tombant du ciel pour leurs serviteurs, les pasdarans, les bassiji et les forces de l’ordre.
On trouvera toujours un ayatollah quelconque qui dirait que cette masse de misère et de malheur est le châtiment que Dieu nous a réservé pour quelques mèches de cheveux rebelles de Mahsa; qu’on est en train de payer les péchés capitaux de nos jeunes filles qui n’acceptent pas de se couvrir la tête et se mettre à quatre pattes pour pouvoir être violé par ses serviteurs de l’islam pour accéder au Paradis qu’ils nous promettent.
Un texte intéressant en persan vu sur les réseaux :
“La situation du marché et du capital est critique et chaotique; la hausse continue des devises inquiète toutes les classes sociales; la question n’est plus de savoir si, au bout des années de labeur, on pourrait s’acheter un appartement simple et bon marché, mais de pouvoir payer un loyer qui augmente chaque instant avec le cours du dollar.
Même les commerçants profiteurs évitent de vendre des marchandises qui, une heure plus tard, quand le dollar deviendrait plus cher, auraient un prix supérieur.
Personne ne peut prétendre d’avoir une vision claire de l’avenir de l’économie du pays, il n’existe aucun plan de la part d’un gouvernement illégitime, de plus en plus impuissant, et qui de surcroît n’a la confiance de personne.
Après l’explosion sociale de la démocratie rebelle concernant l’hijab et les protestations des 100 derniers jours, le pays se prépare pour une nouvelle explosion, qui serait cette fois-ci, économique et “de classes “.
Cette fois, le mouvement des affamés remplacerait le mouvement des combattants de la liberté… Si les combattants de la liberté, d’après ce que prétendent les partisans du statu quo, voulaient juste se déshabiller, vous allez découvrir les affamés et les exploités qui vont dépouiller les partisans du statu quo. Ce jeu est très différent de ce que vous aviez l’habitude de jouer jusqu’ici.
Si le régime a pu réprimer le mouvement par la force, la répression, la menace, des balles, des fusils, des matraques, et des arrestations … le tsunami du mouvement de la faim est autrement destructeur et indomptable; il n’est lui-même que le résultat de l’application d’une répression incessante et intense.
Vous n’aurez même pas la chance de poser la question: “Qu’est-ce que vous nous voulez?” Ou de déclarer une situation d’urgence.
L’appareil étatique du régime a commencé sa chute folle vers l’anéantissement.
Le mouvement de « ceux qui ne sont rien » est en route.”
Source: https://t.me/kkfsf
-Les prisons aussi, sont la manifestation des écarts de classes.
Quand on parle d’arrestation et de prison il faut distinguer entre les prisonniers lamda qui doivent vivre dans des salles équipées pour huit à dix dans lesquelles sont entassées des dizaines de personnes, de sorte qu’ils ne peuvent s’allonger sur le dos pour dormir et doivent se mettre sur un côté, en sandwich, pour faire de la place pour l’autre … et les salles de haute standing où les riches entrepreneurs ou responsables du régime résident. Il y a aussi ceux qui sont soi-disant condamnés mais sont presque toujours en liberté pour différents motifs. Des gens comme le frère du Président Khatami condamné pour détournement de fonds qui n’a jamais été vu en prison, ou de grands commerçants qui, une fois payé l’impôt religieux à son mojtahed, vivent dans des conditions de luxe. Ils occupent des cellules prévues pour dix à eux seuls ou avec les personnes de leur choix, qui en général pour une contrepartie donnée à leur famille à l’extérieur, sont au service du condamné fortuné. Ils commandent la nourriture auprès des meilleurs restaurants (en invitant bien sûr le patron du prison), possèdent du matériel électronique dernier modèle (écran plat, téléphone mobile, ordinateur…) pour continuer leur business à l’extérieur et … avant de profiter des périodes de liberté…
Les classes existent aussi et surtout en prison.
Un des plus connus de ces condamnés n’est autre que Babak Zanjani, un jeune milliardaire iranien qui avait fait fortune comme un des principaux agents de vente du pétrole d’Ahmadinejad. Il a vu son empire démantelé et vendu aux enchères après sa condamnation à mort.
Les tribunaux l’ont condamné à mort en mars 2016, mais depuis il est toujours vivant et soi-disant en prison. Il était à la tête d’une fortune estimée à plus de 13 milliards de dollars (sous Ahmadinejad).
En manque de devises après l’embargo sur le pétrole iranien résultant des sanctions de l’ONU, de l’UE et des Américains, Ahmadinejad s’est servi de ce type de personnages pour vendre du pétrole en contournant les sanctions et qui, se faisant n’hésitait pas à se servir au passage.
En 2013, le nouveau Président Rohani a voulu démontrer sa détermination à lutter contre la corruption, il avait multiplié les déclarations relatives à la corruption et au paiement des commissions illégales qui avaient prospérées sous le régime d’Ahmadinejad. Le mode de vie luxueux et ostentatoire de Zanjani en a fait un candidat naturel. La RI qui n’hésite pas à exécuter les condamnations à mort décidées à la va vite, a du mal à appliquer à ses collaborateurs les peines encourues. Surtout s’ils étaient suffisamment malins et prévoyants pour accumuler des preuves de leurs liens avec les gouvernants en cas de mauvais coup du sort.
Habib
Le 2 janvier 2023
Nouvelles d’Iran du 2 au 9 janvier 23
Zahak, le Roi maléfique des mythes iraniens, sévissant à Babylone et représentant le mal incarné, se nourrissait en nourrissant les deux têtes de serpent qu’il avait sur les épaules aux endroits même où il été embrassé par Ahriman (le diable). Chaque jour il devait tuer deux des jeunes de la communauté pour donner leurs têtes en offrande aux deux monstres qu’il avait en lui. Le noble et courageux maréchal ferrant Kaveh, qui avait déjà perdu plusieurs de ses fils dans ce macabre sacrifice, se révolta et in fine détrôna Zahak grâce à un soulèvement populaire et mit fin à son règne.
Ce samedi 7 janvier, ces deux jeunes s’appelaient Mohamad-Mehdi Karami et Mohamad Hosseini ; le matin très tôt, l’appareil judiciaire a exécuté ces deux prisonniers du soulèvement actuel par pendaison. Mohamad-Mehdi était en grève de la faim pour pouvoir bénéficier d’un avocat. Son père avait élevé son fils en travaillant comme vendeur ambulant. Mohamad-Mehdi était devenu champion de karaté.
La question de l’avocat dans cette situation a une importance primordiale car une fois que la peine de mort est communiquée au condamné, il a 20 jours pour déposer un recours ; si l’avocat est un vrai avocat, c’est-à-dire choisi par le condamné ou par sa famille , il va attendre le dernier jour pour déposer cette requête, ce qui, quel que soit la réponse au recours, prolongera de 19 jours la vie du condamné avec toutes les éventualités que cela pourrait entraîner; mais quand l’avocat est désigné par l’appareil judiciaire, il est au service du régime et le jour même où la condamnation est prononcée, il dépose le recours, ce qui fait qu’après la condamnation, le recours serait immédiatement rejeté et la peine appliquée. Nos deux jeunes condamnés n’ont pas eu la chance de profiter de ces 20 jours de délai.
Mohamed-Mehdi n’a même pas pu dire adieu à sa famille. Quand il avait su le verdict de la mort et qu’il le disait par téléphone à son père, il lui avait demandé de “ne rien dire à maman”.
Dimanche matin, sur les murs de la ville, on pouvait lire ce graffiti : “Maman l’a su”.
Mohamad Hosseini pour sa part n’avait pas de famille, ni personne, pour récupérer son corps; sa seule famille était son frère qui avait déjà disparu dans le soulèvement. Mais aujourd’hui, il est un héros de la révolution et des milliers de personnes ont pleuré sa perte.
La mise à mort de ces deux jeunes, s’approchant tellement du récit mythique, a fait apparaître naturellement la référence à Zahak dans les slogans du jour et de la nuit de dimanche. Le nom de Zahak était scandé de plus en plus dans les slogans notamment:
“Khamenei, espèce de Zahak, on va t’entraîner sous la terre!”.
Nous avons su qu’au moins un des deux condamnés, avait comme tutrice une parlementaire allemande; Il y avait beaucoup d’autres responsables politiques occidentaux qui s’étaient exprimés au sujet des exécutions, à commencer par les parlementaires d’origine iranienne en Belgique, Suède, Australie… et qui demandent des gestes forts de leur gouvernement respectifs. En Australie, ils ont demandé d’inscrire l’Armée des Pasdarans dans la liste des sanctions, ce qui est déjà fait par les Américains et ce que les Britanniques s’apprêtent à faire. En France, Clémentine Autain a, pour sa part, critiqué l’inaction du Président Macron à cet égard.
Mais tous ces efforts, apparemment n’ont rien changé à l’affaire. La République Islamique reste sourde à ce genre de pression. Par cet acte délibéré, elle montre toute l’importance qu’elle accorde à la diplomatie internationale ; Pourtant la veille, le chef iranien des affaires étrangères, avait ” officiellement ” condamné Charlie Hebdo pour avoir manquer du respect envers le Guide Suprême et convoqué l’ambassadeur français à Téhéran pour que le gouvernement français sévit contre cette publication insolente. Quand ils ont des réclamations à formuler, des négociations à mener, ils veulent bien traiter avec l’Etat français, mais en retour, ils ne se sentent aucunement tenus par les marques de respect et l’étiquette diplomatique qu’ils exigent pourtant à leur propre égard.
Toute cette politique démontre un tour de vis supplémentaire, si ceci serait seulement possible, dans la poursuite effrénée de la répression. La République Islamique a accéléré celle-ci en débarquant le patron actuel des forces de l’ordre Hossein Ashtari, bien avant le terme de son commandement et en nommant une personne connue pour sa cruauté et sa poigne féroce. Il s’agit de M. Ahmad-Reza Radan, commandant de l’armée des Pasdarans qui a maintes fois démontré sa brutalité, notamment durant les 7 années qu’il a passées comme gouverneur du Kurdistan et du Baloutchistan. Pendant la répression des manifestations qui ont suivi les élections présidentielles de 2009, il était responsable de l’épouvantable maison d’arrêt de Kahrizak où on amenait les milliers de personnes arrêtées au cours des manifestations. Durant ces événements, il y a eu au moins une centaine de tués et des milliers de blessés. Une grande partie des tués était attribuée à ceux amenés à Kahrizak.
Par cette nomination, Khamenei démontre que malgré plus de 500 personnes tués et les dizaines de milliers d’arrêtés, il n’est pas satisfait du bilan de ses forces de répression et cherche à bien faire comprendre à ses troupes qu’il ne tolérerait aucune complaisance à l’égard des protestataires et que ce n’est pas le moment de lâcher du lest.
En même temps, il faut signaler que Khamenei vient de sortir d’une importante réunion avec les gradés des forces de l’ordre, de sécurité et du renseignements, et n’a pas beaucoup apprécié d’entendre leur plaintes au sujet de la difficulté qu’ils rencontrent pour mener à bien leur mission. (Voir plus bas)
-C’est ainsi que la semaine dernière ils ont arrêté nombre de journalistes qui pourtant travaillent au sein des journaux complètement inféodés au régime. Leur faute était apparemment d’avoir interviewé les familles des victimes récentes.
Mais avant de poursuivre, revenons aux événements du début de la semaine.
-La commémoration de Soleymani
Le 2 janvier, le régime était censé honorer la mémoire de Soleymani, mais il semblerait que cet événement, malgré tout l’effort de la République islamique, n’a pas eu le retentissement escompté. Ils avaient mobilisé plus de 160 bus pour ramener de partout les gens vers la capitale et avaient réservé plus de 60 entreprises d’alimentation et de restauration chargées de fournir la nourriture nécessaire à cette grande cérémonie. Ils avaient demandé à toutes les mosquées de battre le rappel auprès de leurs fidèles et de les inscrire sur des listes pour qu’ils soient plus ou moins obligés de participer à cette commémoration. Le but de tous ces préparatifs était d’amener le plus grand nombre de personnes possibles à l’occasion de cette commémoration pour démontrer que le régime n’est pas isolé au sein de la population et qu’il bénéficie toujours d’un solide soutien parmi elle. Nous avons déjà évoqué comment ils avaient recouvert les grandes villes avec des affiches, des posters et des bannières de Soleymani et du Guide Suprême.
N’oublions pas qu’au moment de la mort de Soleymani, il y a 3 ans, on a vu des millions de personnes participer à ses obsèques.
Quand Soleymani trouvait la mort dans une embuscade de l’armée américaine en Irak, il y a eu de très grandes manifestations partout en Iran et il est vrai que le nombre de participants dépassait largement ceux qui constituaient directement le soutien du régime; ceci démontrait que la propagande du régime pour faire de Soleymani un héros qui avait soi disant sauvé l’Iran de l’éventuelle occupation de Daesh avait bien fonctionné et était assez efficace surtout parmi la couche grise de la population. Le régime ne s’était pas privé de se glorifier à cet occasion et de s’attribuer ce soutien populaire. Mais aujourd’hui, la situation a bien changé ; cette propagande a perdu de sa force et a montré ses limites. Les gens comprennent qu’en 2011, quand Khamenei a envoyé Soleymani pour sauver le régime de Bachar-Assad qui, à l’époque du printemps arabe, était en prise avec les forces d’opposition révolutionnaires qui essayaient de le renverser, ne faisait rien pour sauver l’Iran des mains de Daesh car à cet époque Daesh n’existait tout simplement pas en Syrie et que c’est seulement 3 ans plus tard que Daesh y est devenu actif. A l’époque, la majeure partie des groupes insurgés contre le régime Syrien se structuraient autour de l’Armée syrienne libre (ASL), qui était fondée en juillet 2011. L’opposition politique en exil, quant à elle, était le Conseil national syrien (CNS) qui s’est organisé en septembre 2011 et puis on a eu une Coalition nationale des forces de l’opposition en 2012. Pendant ces années, c’est-à-dire de 2011 à 2014, les rebelles s’étaient emparés de la majeure partie du nord et de l’est de la Syrie, et le renversement du régime était en vue. Mais Bashar a eu le soutien indéfectible de Khamenei, qui lui a fourni les financements pour contourner les sanctions internationales et a dépêché, dès le début du conflit, Soleymani et l’armée des Pasdarans avec toutes les milices chiites du Liban, d’Irak ou d’Afghanistan qui l’accompagnaient pour le sauver.
C’est seulement en 2014 et 2015 que l’État islamique en Irak et au Levant (EIIL) — rebaptisé ensuite État islamique (EI) — est apparu; donc pendant ces 3 années, Soleymani et l’armée de Ghods (Jérusalem) qui est le bras de l’armée des Pasdaran à l’extérieur du pays, a combattu avec tous ses moyens la population de la Syrie et l’armée syrienne libre qui étaient en passe de renverser le régime d’Assad. C’est avec le soutien terrestre de l’armée des Pasdaran d’un côté et l’appui aérien de la Russie (surtout après 2015) de l’autre, que le régime d’Assad a pu massacrer sa population, raser et anéantir plusieurs villes et se maintenir au pouvoir. Par ailleurs, les commandants Pasdar ont depuis, à plusieurs reprises, raconté en long et en large leurs escapades héroïques en Syrie au service de Bashar, “bien avant l’arrivée de Daesh”.
Donc cette image de Soleymani “héros du peuple iranien” a perdu beaucoup de son efficacité et c’est bien ce qui a été constaté au moment de la commémoration de sa mort.
Néanmoins, le régime pensait sortir son personnage le plus populaire pour redorer son blason. Mais cette fois-ci, force est de constater qu’il a subi un échec cuisant car il n’y a eu que quelques milliers de personnes qui se sont déplacées. Ils avaient prévu même un grand concert dans la salle Vahdat (unité) anciennement appelée Rudaki de Téhéran qui était gratuit et ouvert aux personnes qui avaient participé à la commémoration; il s’est avéré qu’à part les responsables du régime, les gens n’ont pas daigné assister à ce concert.
-Un met typiquement iranien: le côtelette
Maintenant qu’on est en train de raconter les péripéties de la commémoration de la mort de Soleymani, il serait injuste de vous priver d’une information “sous-cutanée”: il faut mentionner une plaisanterie iranienne qui a eu droit de cité et se raconte de bouche à oreille depuis son assassinat par les Américains. Comme vous le savez, il a été ciblé par des tirs de drones américains le 3 Janvier 2020 et son corps, ainsi que le corps de Al-Mouhandis, commandant de Hashd-al-Shaabi ont été retrouvés carbonisés et en pièces; apparemment le seul membre de son corps retrouvé plus ou moins intact et qui a permis l’identification, était sa main droite qui portait à un doigt, une bague qui lui était offerte par Khamenei en personne.
D’un autre côté, dans la gastronomie iranienne, on a un plat qui s’appelle côtelette qui est un mélange de viande hachée, de pommes de terre et d’épices préparé en friture.
Dès la mort de Soleymani, on a commencé à entendre la nouvelle sous forme d’une plaisanterie de mauvais goût, l’expression consacrée était “Soleymani est devenu une côtelette”. Cette plaisanterie s’est généralisée et depuis, chaque fois qu’on parle de côtelette c’est la figure héroïque du Commandant qui vient à l’esprit!
Au moment de la cérémonie d’anniversaire de sa mort, sur beaucoup des affiches que l’Etat avait installées, on voyait griffonné le mot “côtelette” par la population; il y avait aussi des gens qui préparaient des sandwichs de côtelettes et qu’ils les distribuaient parmi les pauvres en tant que côtelettes de Soleymani.
L’affaire a été tellement prise au sérieux par la République islamique qu’elle a arrêté un chef cuisinier (Navab Ebrahimi) qui, le jour même de l’anniversaire de la mort de Soleymani, enseignait sur sa chaîne culinaire Instagram, par erreur ou de façon préméditée, la préparation de côtelette et de Mirza-Ghasemi qui est une recette à base d’aubergines et de l’ail et qui porte par malheur le même nom que le prénom du grand Général! Le pauvre cuistot a déclaré qu’il ne faisait que répondre à la demande de ses followers.
Il a été arrêté, son atelier et son restaurant fermés pour cause de préparation de côtelettes !!! On voit donc que cette plaisanterie a été même validée par le code de procédure pénale islamique !
-le 3 janvier, Madame Elmira Sharifi-Moghadam, une des présentatrices vedettes de la télé iranienne (chaîne No 2), faisait une revue de presse du pays. Elle s’est étonnée que le journal “Ham Mihane” (Compatriote) du 13 Dey (2 janvier) n’ait pas attribué sa “Une” à l’anniversaire et à la commémoration du Sardar (Commandant) Soleymani ; autrement dit on n’attaque plus les journaux pour ce qu’il produisent mais pour ce qu’il ose ne pas produire ! C’est un autre pas vers une dictature qui ne s’occupe plus uniquement de vos actes, ni même de vos intentions supposées, mais de ce que vous n’avez pas eu comme intention! Une fois critiquée, elle a osé dire qu’ il s’agit de la “critique des médias“ !!! (5 janvier Twitter :@elmira_sharifi)
-le 4 janvier, Tarané Alidousti, l’actrice connue en Iran et à l’étranger, après 3 semaines d’emprisonnement, a été libérée sous la pression des médias internationaux ainsi que les cinéastes iraniens et étrangers, avec une caution d’un milliard de toman (25000 dollars).
A sa sortie de prison, elle ne portait aucun hijab et a été accueillie par des dizaines de personnes qui lui ont offert des fleurs… Elle s’est fait prendre en photo avec ses amis, sans hijab, pour dire qu’elle ne reculait pas devant le régime. Sur le côté droit de son visage, on pouvait encore distinguer des traces de coups. Quand elle partait dans la voiture, assise derrière, elle a salué les gens par la fenêtre, a souri joyeusement en montrant avec ses doigts le V de la victoire et a tiré la langue pour dire merde à l’instance judiciaire qui l’avait emprisonnée.
-Le 4 janvier, il y a eu aussi une réunion au siège du guide où étaient convoqués tout le gratin des forces de sécurité et de renseignements du pays. Toutes les instances sécuritaires du régime y étaient présents, 45 responsables et commandant des Pasdaran, des chefs Bassidji, du ministère du renseignement et de l’information jusqu’au bureau de renseignement du Quartier général de Khamenei, les commandants de l’armée, et leur organisation de sécurité, les ministres de sécurité… enfin tous les gros bonnets qui s’occupent des questions de renseignements et de sécurité et de force de l’ordre.
La session a été essentiellement consacrée aux manques et difficultés que ces gens-là rencontrent quotidiennement dans l’exercice de leur fonction. D’après les premières fuites sorties de cette réunion, qui est la deuxième du genre depuis le début du soulèvement actuel, aucune solution n’a été trouvée et ces responsables sont sortis bredouilles de leur rencontre avec le guide. Ils se sont plaints du manque d’effectifs et surtout de motivations chez leur subordonnés; que dans un seul jour 17 des officiers de différents services ont déposé des arrêts de travail; que l’argent ne suffit plus; qu’ils entendent de leur personnel “comment tirer sur nos propres enfants et familles?”…
Un des commandants a rapporté les paroles d’un de ses soldats: “vous me demandez de tirer une balle qui vaut 150 mille tomans sur quelqu’un qui ne demande que 50 mille tomans par jour pour travailler?!
Jeudi 5 janvier
Nous avons eu le malheur d’entendre des dizaines de fois, sinon plus, le récit des jeunes tués par les forces de l’ordre de la République islamique.
Le cas d’un jeune de 19 ans, raconté par sa mère nous semble exemplaire pour saisir réellement ce à quoi les familles iraniennes ont affaire. Ce n’est pas juste l’histoire de perdre un jeune enfant à l’âge où normalement il est censé commencer à construire sa propre vie, mais tout ce qui suit pour la famille et la catastrophe que cela représente … et malgré tout, on voit les gens continuer à descendre dans la rue et mettre leur vie en danger.
Il s’appelait Nima ShafaghDoust. Il fait partie des jeunes comme Mahsa, Nika, Hadice, Sarina … qui ne pouvaient accepter l’absurdité du régime au pouvoir et qui ont eu le courage de protester publiquement.
Nima a été arrêté le 30 shahrivar (21 septembre 2022) dans le petit village d’Islamieh à côté de la ville de Oroumieh (Azerbaijan). Il est décédé 12 jours plus tard et c’est seulement au bout de 3 mois que sa mère a divulgué la nouvelle de sa mort.
Les raisons de ce délai est l’intervention des services de sécurité du guide qui les ont menacé en disant que s’ils parlaient publiquement de la mort de leur enfant, ils verraient leurs autres proches subir le même sort. Ils ont exigé que pour expliquer la mort de Nima, la famille dise qu’il a été mordu par un chien. La République islamique, jusqu’à maintenant, n’a accepté la responsabilité d’aucun de ces crimes; à chaque fois, ils disent que les jeunes sont tombés de haut, un chien les a mordu, une voiture les a heurté ou … des fables du même type pour comptabiliser ces morts comme accidentelles.
Sa mère explique qu’il a été à Islamabad le 21 septembre et c’est là qu’il a été blessé par balle. Les voisins l’ont pris chez eux et ont essayé de bloquer l’hémorragie au niveau de ses jambes, puis ils l’ont transporté chez son oncle. L’oncle l’a amené chez ses parents dans un état très critique. La famille a essayé de trouver une voiture pour l’emmener vers un hôpital; devant l’hôpital, il y avait tellement de présence policière qu’ils n’ont pas osé entrer et ils ont cherché un cabinet médical.
Nima a été soigné à domicile par le médecin du cabinet médical pendant 12 jours; Le 3 octobre, son état s’aggrave brusquement de sorte qu’ils ont été obligés de le transporter à l’hôpital mais une demi-heure plus tard il y décède.
L’hôpital refuse de rendre le corps en expliquant qu’il faut aller à la médecine légale. Deux jours plus tard, ils arrivent à se faire remettre le corps de Nima et ils procèdent à l’enterrement sans plus tarder.
À minuit le jour même, ils ont été contactés par les services de renseignement qui leur ont interdit d’organiser une cérémonie avec toujours cette menace de “prendre les autres jeunes de la famille pour leur faire ce qu’on a déjà fait à Nima”.
Quand ils reçoivent la réponse de la médecine légale, ils sont convoqués au tribunal qui leur indique que la mort de Nima était accidentelle.
C’est à ce moment-là que 5 personnes armées sont arrivés à la maison en les menaçant de bien préciser que Nima a été mordu par un chien.
Le lendemain de la divulgation de cette information (le 4 janvier) on a su que le père de Nima suite à ses événements a eu une crise cardiaque et est décédé.
Décidément, les caricatures de Charlie Hebdo (du 4 janvier) qui montrent la cruauté de la République islamique sont bien en dessous de la vérité.
-Une des promesses du candidat Raïssi aux élections présidentielles étaient la construction de 4 millions de logements en 4 ans, c’est-à-dire 1 million de logements par an; c’était une promesse que beaucoup de spécialistes ont jugé impossible à financer et encore moins à réaliser.
Aujourd’hui monsieur Mokhber, son directeur de cabinet et aussi le très influent directeur du “Quartier général de l’exécution du commandement de l’imam” vient de déclarer : “quand nous avons dit qu’on allait construire 4 millions de logements, on n’a jamais voulu dire que c’est l’État qui allait les construire! Les logements sont toujours construits par les gens pas par l’État;”
Donc, s’il y a une manque dans ce domaine, on ne peut pas le considérer comme la faute de l’État.
Reculade du Guide: trop peu, trop tard !
L’offensive de propagande du régime, la semaine dernière, a vu son apogée le mercredi 4 janvier où le Guide Suprême a jugé nécessaire d’éduquer encore une fois les femmes.
Réunies dans une grande salle, quelques centaines de femmes choisies soigneusement par le régime, qui les avait filtrées plusieurs fois et examiné leur doléances, étaient assises devant le siège du Guide qui avait derrière lui, affiché en belle calligraphie arabe, un Hadîth de l’Imam Sadegh (juriste de référence, 6ème Imam chez les chiites duodécimains) qui disait :
اکثر ألخیر فیالنساء qui se traduit par “la plupart des bontés se trouvent chez les femmes”.
C’est une phrase que le clergé ressort en général à l’occasion de leur journée de la femme.
Khamenei à cette occasion a fait un discours dans lequel il a explicitement reconnu que les femmes qui portent le hijab “de façon faible” ou “mal” ne doivent pas être considérées comme en dehors de l’islam; il a précisé que c’est vrai que le hijab fait partie des principes de l’Islam mais néanmoins il ne faut pas être très sévère avec celles qui ne le portent pas de façon correcte.
Autrement dit, après 4 mois de soulèvement, après l’assassinat de Mahsa, on entend de la bouche de la République islamique qu’il n’y avait aucune raison d’inquiéter Mahsa et encore moins de l’arrêter ou de la tuer!
Il y a quelques semaines, on avait dit que le porte-parole du pouvoir judiciaire avait dit qu’ils étaient en train d’étudier la question et que ça allait prendre deux semaines; il paraît qu’à la suite de cette étude, ils sont arrivés à ce résultat qui est une franche reculade par rapport à leur principe et surtout par rapport à leur pratique. Mais cette question de hijab depuis longtemps a été dépassée et a donné sa place à la nécessité du renversement de la totalité du Nezam.
La structure totalitaire de la République islamique fait que la moindre revendication contre une partie de ses préceptes, entraîne la totalité sous le coup de l’opposition et se transforme en une opposition contre sa totalité.
D’ailleurs le même jour, les femmes à Izeh criaient leur colère contre le régime et comme une réponse aux propos de Khamenei scandaient :
“Avec ou sans hijab, on ira jusqu’au renversement !”
Ce qui, dans la réunion en question, était encore plus intéressant, était le discours d’une dame, Mme Paritchehr Janati, qui s’est présentée comme femme au foyer avec deux enfants, mais qui par la suite s’est révélée être depuis longtemps, membre des Pasdarans, faisant de la propagande pour la polygamie, le mariage des enfants et le mariage provisoire. Un coup d’œil sur internet nous apprend qu’elle s’est présentée comme spécialiste de la question des femmes dans la théologie chiite et qui fait propagande contre le féminisme.
Mais ce qui était intéressant ce n’était pas son discours mais son accoutrement; elle portait une fichue rose violet sur les cheveux et avait des chaussettes de même couleur. Cette couleur qui, chez les chrétiens, dans certaines cérémonies liturgiques est la couleur du chasuble des prêtres catholiques symbolisant la joie est interdite chez les chiites. l’Islam chiite est basé sur le martyre des Imams et de ce fait est une adulation de la mort. Il est contre toute sorte de cérémonies qui ne soient pas à la gloire de Dieu, ses prophètes et le martyre des imams et la couleur utilisée est toujours le noir. Le clergé chiite considère que la couleur rose est quelque chose d’inconvenant, de laid et qui pourrait être excitante pour les hommes. Jusqu’à maintenant si jamais une femme était vêtue en rose ou portait un foulard rose, elle était arrêtée par la police morale et ou au minima, elle était interdite dans les institutions publiques comme les écoles, les universités, l’administration et autres.
Il est vrai que depuis 43 ans la République islamique a tout fait pour tuer le sentiment de la joie, de la fête, du bonheur et oriente la société seulement vers l’expression de la douleur, de la tristesse et du martyr. De là, sa lutte incessante contre les cérémonies pré-islamiques que les Iraniens fêtent avec ardeur dans la joie et avec des couleurs chatoyantes, les couleurs qui vont vers la lumière du soleil. Et çe, de façon encore plus assidue depuis que ces faits sont devenus le signe de l’opposition politique au régime au pouvoir.
Donc le fait que Khamenei accepte de recevoir une dame avec ces couleurs est déjà le signe d’un recul important pour le clergé chiite, un recul qui a été formalisé par son discours.
L’appareil judiciaire tout de suite après a abaissé les exigences de l’accoutrement islamique en précisant que dorénavant ils ne vont pas arrêter les femmes qui portent mal le hijab mais qu’ils vont se contenter de leur donner un avertissement et les inviter à se former sur la façon correcte de porter le hijab. En réalité, sous la force du soulèvement des femmes en Iran, Khamenei ne fait que reconnaître un fait déjà établi dans la société. Personne n’ose plus arrêter les femmes qui ne portent plus de hijab, car il va devoir affronter non seulement la femme en question, mais tous les autres passants qui vont la défendre.
Aussi il faut préciser que les femmes n’ont pas lutté contre le hijab, elles ont réclamé leur liberté de choix entre porter le hijab ou non; donc, du même coup, la République Islamique essaie de fausser la revendication initiale tout en reculant d’un petit pas sur quelque chose dont la disparition totale … était demandée, puisqu’on n’est plus à ce stade.
-De nouveaux billets viennent d’être mis en circulation sur lesquels ils ont fait disparaître 4 zéros.. le Toman nouveau vaut donc mille anciens tomans. Apparemment c’est le seul moyen que le gouvernement a trouvé pour faire baisser au moins nominalement les prix, ainsi que de réduire ses déficits.
Comme ça le dollar équivaut à 40 toman et non plus 40 000 Toman, ce qui semble peut-être moins humiliant pour le pouvoir mais qui ne change rien au fond de l’affaire.
-Dans la ville de Khomeyn, Néguine, une jeune fille de 16 ans a été assassinée sauvagement par son père et son oncle suite à la dénonciation de sa mère au sujet de ses fréquentations virtuelles sur les réseaux sociaux.
Elle a été surprise par sa mère en train de tchatter sur Instagram avec un jeune homme.
Une fois que, les jours suivant, la famille recevait son oncle, sa mère se plaint de ce que fait Néguine sur Instagram.
Le père et l’oncle se ruent sur la fille et la massacre avec un pilon en bois.
Malheureusement ceci n’est pas exceptionnel en Iran. On entend régulièrement ce genre de nouvelles sur les assassinats qu’on appelle “namoussi” (soi-disant d’honneur) de sorte que le sujet n’intéresse plus les médias. Très souvent les parents ne seraient même pas inquiétés par la justice puisque la fille appartient au père et fait partie de ses biens. Le père ainsi que le grand-père ont droit de vie ou de mort sur la fille.
Et aucune peine n’est prévue. On dit que ces cas-là n’ont pas de Ghéssâs (vengeance).
A cette égard, un fait divers, il y a quelques années avait retenu les attentions:
Romina, une fille de 14 ans de Talesh, a été brutalement assassinée par son père dans son sommeil avec une faux pour s’être enfuie quelques jours avec son petit ami. Le tueur qui n’était donc autre que son père a été arrêté par la police mais il a été relâché.
A l’époque, un journaliste (du journal “Iran”) avait publié une photo de la scène et avait écrit: “tous les hommes de la famille, ont fièrement fait figuré leurs noms dans l’avis de décès. Parce qu’ils estiment avoir lavé la honte qui entachait l’honneur de la famille et maintenant ils peuvent crier qu’ils sont de vrais hommes !”
La fille est néanmoins considérée comme sexuellement majeure à l’âge de neuf ans (d’après l’article 1210 alinéa 1 du code civile, la majorité sexuelle est de 9 ans pour les filles et 15 ans pour les garçons), pour pouvoir être mariée à un mollah ou un grand commerçant du bazar qui peuvent avoir jusqu’à 4 femmes légitimes et tant qu’ils veulent de “provisoires” (cighé صیغه). Ce n’est pas pour rien que beaucoup d’hommes se montrent encore réticents à participer au soulèvement. Le cas, ces jours-ci, de la lutte des femmes en Afghanistan est exemplaire car il est très rare qu’on puisse trouver des hommes dans les actions ou les manifestations des femmes. Même s’ils ne crient pas sur les toits, cette infériorité des femmes, leurs procure des avantages non négligeables qu’ils ne sont pas prêts à abandonner.
-La manifestation de vendredi dernier 6/01/23 de Zahedan était très importante en nombre de personnes ainsi que les slogans qui étaient plus radicaux que d’habitude.
“Pas de koulbari (porter sur le dos des marchandises), pas de soukhtbari (porter sur le dos du carburant), liberté et égalité!”
“Pas de monarchie, pas de guide suprême, démocratie, égalité!”
“Mort au gouverneur Basiji!”
“Pas de couronne, pas de turban, le mollah est fini!”
Après la nomination de Mohammad Karami, ancien membre du Conseil de sécurité et commandant du Corps des gardiens de la révolution islamique, en tant que nouveau Gouverneur de Sistan et Baloutchistan, on voit se multiplier des arrestations “groupées” dans cette province. Cette tendance a atteint son apogée au cours des quatre derniers jours. Si bien qu’au moins 113 personnes ont été enlevées par les forces de l’ordre uniquement à Zahedan. La plupart de ces arrestations ont été effectuées dans les quartiers de Karimabad, Murad Qoli, Yerabad et Bazar Hamish sur des rond-points où habituellement les ouvriers journaliers attendent que des employeurs viennent les embaucher. Au cours de la journée du 5 janvier, les forces de l’ordre ont foncé en voiture sur les travailleurs et les ont arrêtés alors qu’ils étaient blessés. De plus, lors de ces attaques, ils ont pris pour cible ceux qui essayaient de s’enfuir. Il y a un grand nombre d’enfants et d’adolescents parmi ces personnes qui ne peuvent être identifiés faute d’acte de naissance. Souvent ils sont considérés comme étrangers et expulsés manu militari vers le Pakistan.
-D’après l’édition du 5 janvier 2023 du journal E’temad (confiance) qui a rassemblé les données du monde ouvrier sur la suicide, au moins 23 ouvriers en moins d’un an, se sont donnés la mort en raison de la pauvreté, des revendications d’arriérés de salaire, des revendications salariales et des licenciements.
Ces enquêtes sur le suicide des travailleurs (en 2021/2022) montrent que depuis le début de cette année (21 mars) jusqu’au 29 décembre, c’est à dire en seulement 283 jours, au moins 23 ouvriers se sont suicidés en raison de la pauvreté, des arriérés de salaire, des revendications salariales, des ajustements dans l’organisation ou du lieu de travail et des licenciements.
En moyenne, un travailleur se suicide tous les 12 jours. Tous les défunts étaient des hommes, journaliers, ou sous contrat de courte durée… en somme des précaires.
Dans deux cas seulement, la raison de leur acte n’est pas connue, pour tous les autres, la raison était clairement liée à leur travail ou à sa perte.
Sur un total de 21 cas, 11 étaient dus au licenciement, à une interdiction d’entrer sur le lieu de travail ou une sanction disciplinaire avec menace de licenciement; 5 travailleurs se sont suicidés pour cause de pauvreté et de chômage, 4 autres pour des problèmes de moyens de subsistance causé par des arriérés de salaire et un travailleur s’est suicidé après un conflit avec l’employeur.
Selon ces enquêtes, la province d’Ilam est en tête du tableau avec 5 cas de suicides d’ouvriers, les provinces de Kohgiluyeh et Boyer Ahmad, le Khouzistan et le Kermanshah avec 3 cas, la province du Fars avec 2 cas et les provinces d’Azerbaïdjan de l’Ouest, Ghazvin, Gilan, Golestan, Kerman, Khorasan Razavi et Semnan occupent la place suivante avec un cas chacune.
Selon les enquêtes de “E’temad”, sur la base des détails du suicide de 21 travailleurs, les moyens employés malgré leur diversité avaient ceci en commun qu’ils étaient tous définitifs, sans espoir de secours. L’auto-immolation, la pendaison, la prise de pilules et le tir avec armes à feu ont été les méthodes choisies par ces travailleurs pour mettre fin à leurs jours. 10 ouvriers se sont immolés par le feu, 6 ouvriers se sont pendus, trois ouvriers ont mis fin à leurs jours en prenant des pilules et 2 ouvriers se sont suicidés avec des armes à feu.
Pour rendre plus concret leur geste on se permet de présenter quelques exemples:
Sirous et Karim, deux ouvriers de 20 ans, tous deux vivant dans le même village et travaillant dans une unité de boulangerie de la ville de Mamasani, se suicident après avoir été licenciés. Ils ont laissé une petite vidéo expliquant leur geste. Ils disent qu’ils ont perdu leur emploi et sont fatigués de cette vie.
Arash, Ali et Mohammad étaient des ouvriers de pétrochimie dans la province d’Ilam. Tous trois ont été licenciés et expulsés de leur lieu de travail ; ils ont décidé tous les trois de mettre fin à leur vie. Ali et Muhammad se suicident à 24 heures d’intervalle; L’un s’est tiré une balle et l’autre s’est pendu. Arash est décédé après avoir pris des pilules.
Khosrow était un ancien combattant de la guerre à la retraite; il s’est immolé par le feu pour protester de ne pas être entendu malgré ses demandes répétées concernant ses graves problèmes de subsistance.
Un des plus horribles est certainement le cas de Mohammad; un ouvrier de 38 ans vivant à Khalilabad qui a d’abord tué ses deux enfants puis s’est pendu.
En dehors de ceux-ci, il y a eu certainement d’autres travailleurs qui ont volontairement abandonné la vie, mais la famille n’aurait pas divulgué la nouvelle pour protéger sa réputation ou en raison de conflits claniques et familiaux, ou de la peur d’être privée des prestations sociales (réduction des subventions et d’autres avantages). À ces prétextes, il faut ajouter le fait que les agents de l’État préfèrent dissimuler ces données dans l’annonce et la présentation de statistiques précises sur les problèmes et les enjeux de la société. Ces données ne constituent donc que le sommet de l’iceberg.
Même si la comparaison ne veut pas dire grand-chose, signalons qu’en France en 2008-2009 le suicide d’au moins 32 employés de France Télécom avait suscité une tolé général; elle avait obligé les gouvernants de mimer momentanément une préoccupation au sujet de burn-out, sans que cela aboutisse à quelque chose de vraiment concret; mais en Iran, ce genre d’information ne remplit même pas une page des principaux journaux, encore moins une réaction quelconque de la part du gouvernement.
-On a su le 6 janvier à travers la chaîne CNN que les drones iraniens utilisés en Ukraine par la Russie sont en grande partie fabriqués à l’aide des composants américains; apparemment les drones intitulés Shahed (témoin) No 13 possède 58 composants dont plus de 40 sont fabriqués par 13 compagnies américaines. On voit à quel point les sanctions commerciales contre l’Iran sont efficaces ! Ils vont dénicher les sociétés intermédiaires iraniennes qui ont réalisé ces achats et éventuellement vont les ajouter à la liste des sanctions. Deux jours plus tard, un membre de l’ambassade d’Iran dans un pays occidental quelconque ou quelqu’un de sa famille va créer une autre société commerciale qui va contourner les sanctions.
-Un autre mot au sujet des sanctions qui démontre que les seules sanctions efficaces contre la République islamique concerne le pétrole le gaz la banque l’assurance et la navigation maritime internationale. C’est-à-dire tout ce qui fait exister de circuit de la rente pétrolière ; les autres sanctions sur lesquelles les pays occidentaux font tant de publicité pour montrer leur prétendue solidarité avec le peuple iranien ne valent pas grand-chose.
À ce sujet, Ahmadinejad a récemment déclaré dans un interview à propos des sanctions (avril 2021) que: “pendant la première période, l’ONU publiait des résolutions, c’était de la paperasse sans valeur, on n’y prêtait aucune attention. Mais les sanctions suivantes de la part des Américains en 2011, qui concernaient la Banque Centrale et le pétrole étaient autrement plus sérieuses ; nous sommes allés dire à tout le monde, à toutes les ailes du pouvoir qu’il ne faut pas plaisanter avec ça, c’est très sérieux, c’est une vraie guerre économique; heureusement à ce moment-là, les Européens n’avaient pas suivi les sanctions américaines, ce qui nous laissait du répit ; mais alors qu’est-ce qu’on a vu se passer à Téhéran? On a vu tout de suite l’ambassade britannique à Téhéran attaquée par les forces extrémistes, ce qui a fait que les Européens aussi ont suivi les sanctions; en plus elles ont été élargies au cours de ces deux années à l’assurance et à la navigation maritime.”: (https://youtube.com/shorts/TrcCZIvKXEg?feature=share)
-Le 6 Janvier, la population pour multiplier les occasions des cérémonies qui sont en fait des possibilités rituelles de rassemblement a trouvé une nouvelle astuce:
Cette fois-ci, au lieu de se limiter aux journées coutumières de deuil (3ème, 7ème ou 40ème jour de la mort), ils ont célébré également l’anniversaire de naissance d’un des morts ! On a vu ainsi, l’anniversaire de Mohsen Gheysari fêté à Ilam avec la participation d’une foule de plusieurs milliers de personnes qui s’est transformé bien sûr en un meeting politique.
-Samedi 7 janvier, vers midi, dès que l’annonce de la pendaison de ces deux jeunes à atteint la rue, dans certains quartiers les slogans qui d’habitude dans la soirée et la nuit était lancés par les fenêtres ont commencé dans la ville en plein jour.
Par la suite de petites manifestations locales au niveau des quartiers ont repris avec toujours les mêmes slogans.
Dans la soirée et dans la nuit, les cris de slogans des gens dans les quartiers résidentiels était plus forts que jamais, on avait l’impression que toute la ville était en train de scander des slogans contre le régime.
-Le 18 Dey ( Dimanche 8 janvier) c’est la date anniversaire de l’explosion du vol 752 ukrainien par les Pasdarans qui a fait 176 victimes iraniennes mais aussi ukrainiennes. Des appels ont été lancés pour fleurir partout où il y a eu des morts, victimes de la RI, dans les cimetières, sur les tombes, les rues, les passages des manifs, les quartiers, les aéroports, les ports, les usines… là où les gens sont tombés sous les balles, la corde de pendaison ou les négligences de la RI. C’est une façon intelligente et à moindre risque pour montrer la solidarité de la population avec le soulèvement actuel et dénoncer pacifiquement les crimes du régime lors de la commémoration de ces victimes.
Ce dimanche, les manifestations et les protestations dans la rue sont de retour. Ce n’est plus uniquement à Sanandaj (Kurdistan) – ou à Zahedan (Baloutchistan). Dans d’autres villes aussi les gens sortent pour manifester leur opposition au régime. Les slogans du samedi soir lancés par les fenêtres, sont descendus dans les rues dimanche.
Dans la soirée, les gens à Téhéran accourent vers la place Azadi et dans beaucoup d’autres villes, les manifestations ont repris.
-Un texte avait circulé au mois d’octobre dernier qui annonçait la création d’un groupe militant s’intitulant les “Combattants Rouges”. Ils font certainement partie de la mouvance de gauche; même si ce texte ne contient pas d’éléments nouveaux, c’est important de le signaler car d’autres groupes et cercles de ce type ont depuis vu le jour.
La première déclaration du Red Fighters Group
Le 14 octobre 22 à Téhéran.
Déclaration No 1
“L’heure de la révolution iranienne a sonné !
Aujourd’hui, toutes sortes d’oppressions sur les gens ont atteint leur apogée. Non seulement les travailleurs, mais toute la population en a assez des conditions économiques actuelles. Les agriculteurs sont en colère à cause du manque d’eau, les femmes sont en colère contre l’oppression qu’elles subissent, les groupes ethniques et les minorités sont en colère contre les discriminations et les inégalités, les étudiants sont en colère contre la répression et l’avenir dont ils sont privés, et toute cette colère doit prendre comme cible l’État oppressif de la République islamique.
Peuple d’Iran,
Vous devez considérer la lutte contre la République islamique meurtrière et l’ordre oppressif existant comme quelque chose faisant partie de votre vie. Cette lutte passe par l’organisation de groupes de quartier pour vandaliser et détruire les centres gouvernementaux, pour identifier les informateurs, les Bassiji et les forces de sécurité et révéler leur identité. En scandant des slogans sur les toits des maisons la nuit, en bloquant les routes avec vos voitures, en mettant le feu aux banderoles gouvernementales et en écrivant sur les murs, en organisant des grèves et toute autre action ou initiative qui pourrait être mise en œuvre contre la République islamique.
Plus important encore, c’est que la rue nous appartient, être dans la rue détruit le pouvoir de répression de l’Etat. Avec toute la population dans les rues, le pouvoir de répression de l’État serait insignifiant. La République islamique touche à sa fin. Profitez de chaque occasion pour conquérir les rues. N’oubliez pas les samedis de la révolution, descendez dans la rue tous les samedis de toutes vos forces. Venez dans les rues, sur toutes les places principales du pays, uni pour un avenir d’égalité, pour Femmes, Vie Liberté !
Le Manifeste de la révolution iranienne sera publié dans nos prochaines annonces.”
Habib
Le 9 janvier 2023
Mise à jour du 13 janvier
Dernière annonce en date des ouvriers officiels de l’industrie pétrolière de l’Iran
“Le jeu est terminé:
Annonce du Conseil de Coordination et de Solidarité des Employés Officiels de l’Industrie Pétrolière
Nous l’avions dit, notre patience a des limites; nous l’avions dit, débouchez vos oreilles;
nous l’avons dit et vous n’avez rien voulu entendre ; maintenant nous allons être le déluge qui va tout emporter sur son passage, destructeur et dévastateur.
Ce n’était pas prévu que nous soyons la flamme qui va, seul, se consumer ; nous serions la flamme que vous ne pourriez éteindre, même avec le flot de toutes vos larmes; nous l’avions dit, ne jouez pas avec nos nerfs.
Dix ans et 245 jours se sont écoulés depuis l’approbation de l’article 10 de la loi du 8 mai 2012 [il s’agit d’une loi qui dans “le but de renforcer la compétitivité et d’accélérer l’exploitation des champs communs et de maintenir les ressources humaines spécialisées” au sein de l’entreprise, surtout dans les secteurs de production mixtes avec un autre pays comme le Qatar, dispense les filiales de la compagnie de respecter les obligations découlant de la loi sur la gestion de la fonction publique et leur permet de leur accorder des contrats et des avantages spécifiques.ndlr]
Nous avons vécu le samedi noir de septembre 2022 [rassemblement devant l’hôpital où Mahsa était décédée], nous avons passé le 17 décembre [grève d’avertissement des ouvriers du pétrole], et maintenant, il est temps de déraciner vos mensonges et les étaler au grand jour pour vous déshonorer.
Le 17 janvier, sera le jour de la fin; guettez bien le déluge des hommes courageux de l’industrie pétrolière qui détruira vos fondations.
Jusqu’à présent, nous avons tout donné, tout ce que nous avions; nous avons travaillé avec tout notre cœur, sincères et loyaux pour une production dont le profit coule directement dans vos poches, et pour nous et notre famille il n’y a eu que des mains vides, la pollution, les maladies… et nos âmes et esprits en désarroi.
À chacun son tour.
Nous n’avons plus à répondre à personne.
Voici la balle, voici le terrain [équivalent à : Hic Rhodus, hic Salta]
Notre Rendez-vous, le 17 janvier
Une fois pour toute
Partout
À Téhéran, Ahvaz, Assalouyeh, Mahshahr, Gachsaran, ainsi que toutes les zones pétrolifères et opérationnelles.
Le 11 janvier 2023
Conseil de Coordination et de Solidarité des Employés Officiels de l’Industrie Pétrolière”
Nous avions reçu des appels pour des mouvements de grève de l’industrie pétrolière cette semaine.
-Des samedi dernier, 14 janvier 2023, les ouvriers de la Pétrochimie de Gatchsaran , (Gatchsaran Petrochemical Co) qui est une ville dans la province de Kohguilouyeh et Bouyer-Ahmad au sud-ouest de l’Iran avec 150000 habitants, se sont rassemblés sur leur lieu de travail et ont demandé l’éclaircissement sur leur situation. La ville et ses alentours se sont développés avec la découverte d’un champ pétrolier à proximité. La population est essentiellement composée des Lor et des Ghasghaï.
Apparemment les actionnaires de la pétrochimie de cet ensemble ont décidé de substituer la compagnie par une autre entité juridique qui s’appellerait Téhéran Sud et donc de donner congé à plus de 200 ouvriers de cet ensemble.
Cette décision fait suite à l’incident de l’explosion de l’ambulance de la compagnie qui est survenu le 28 novembre 2022 et qui a eu comme victime monsieur Mehdi Habibi qui travaillait comme ouvrier mi-temps au sein de la pétrochimie. La compagnie ODCC, sans effectuer les étapes administratives d’une fermeture de société et la création d’une autre, sans répondre au sujet de l’incident en question, sans y accepter aucune responsabilité est en train de se sauver en changeant de nom et licenciant le personnel.
-Dimanche 15 janvier, les ouvriers contractuels travaillant dans les opérations non-industrielles de Mahshahr se sont mis en grève et se sont rassemblés sur leur lieu de travail. Ils protestent contre la non-application de la grille des emplois, les salaires très bas et le temps de travail trop important.
-suite à l’appel des ouvriers officiels du pétrole, déjà lancé, ce 17 janvier les ouvriers officiels des unités opérationnelles dans la région de Siri ont commencé leur rassemblement de protestation. Leur revendication, entre autres, concerne la non application de l’article 10 de la loi qui a été votée depuis plus de dix ans mais qui est restée lettre morte.
-ce mardi 17 janvier, les ouvriers officiels du pétrole et du gaz de Aghajari également ont arrêté le travail et ce sont joints au rassemblement de protestation. La revendication centrale de ses ouvriers aussi et l’application de l’article 10.
-Ce même mardi, 17 Janvier, nous avons su que les ouvriers officiels de l’exploitation du pétrole et du gaz de Gharg (Ouest) situé à Tcheshmeh khosh de Dehloran, la refinerie d’Ilam, la compagnie d’exploitation du pétrole et du gaz de Karoun, les employés officiels du pétrole à Shiraz et la compagnie d’exploitation du pétrole et du gaz Maroun à Ahvaz se sont joints au protestation.
Une annonce du compte télégram des ouvriers contractuels reprend ces informations et les synthétise, dont voici la traduction
H.
Aujourd’hui, mardi 27 janvier, conformément à l’appel préalablement lancé des collègues officiels du siège et des unités opérationnelles, les mouvements de protestation ont commencé dans plusieurs centres, dont
– l’exploitation pétrolière et gazière de Gharb (l’ouest) dans Tchesmeh-Khosh de Dehloran;
– La raffinerie dIlam;
– Karoun Oil and Gas;
– Société d’exploitation du pétrole et du gaz de Maroun à Ahvaz;
– Société d’exploitation pétrolière et gazière de Pars;
– Société d’exploitation pétrolière et gazière d’Aghajari;
– Société du Falaté Ghareh (plateau continental);
– La Cinquième raffinerie de South Pars;
– La raffinerie de gaz de Fajr Jam;
– La raffinerie d’Abadan;
– Mahshahr Petrochemical et la région de Siri
ont tenu leurs rassemblements de protestation. Les revendications de ces collègues sont les suivantes :
1. Application correcte de l’article 10 des travailleurs du pétrole.
2. Amélioration du tableau de l’article 10, concernant les ouvriers qui viennent d’être embauchés, de manière à ce que, compte tenu de l’inflation actuelle, tous les salariés puissent en bénéficier;
3. Paiement des arriéré de salaire correspondant aux dix années de retard dans l’application de l’article 10, conformément à la loi;
4. Réformer et améliorer la situation de santé et de traitement médical des ouvriers du pétrole;
5. Paiement des primes de retraite complètes et sans déductions diverses, telles qu’il était courant par le passé dans le ministère du Pétrole;
6. Prendre soin des retraités de l’industrie pétrolière et améliorer la vie de nos valeureux anciens de l’industrie pétrolière;
7. Ajustement à temps et sans délai des qualifications des employés et rendre plus facile cet ajustement ;
8. Mettre de l’ordre dans la classification des emplois du personnel;
9. S’occuper de la situation chaotique et préoccupante du fonds de pension pétrolier, y remédier et modifier ses statuts.
Les rassemblements de protestation des collègues officiels conformément à l’appel publié, étaient prévus dans les villes de Téhéran, Ahvaz, Gatchsaran, Assaluyeh, Chiraz ; Ispahan ; Mashhad ; Khanaguiran, Lamard, Dalan et Farashband, Ilam, Abadan, Lawan, Kharg, Arak, Bandar-Abbas, ainsi que des plates-formes de forage et des plates-formes pétrolières et gazières. Au moment de publier cette nouvelle, nous n’avons pas encore reçu de nouvelles ou de photos des autres centres à l’exception des centres mentionnés.
Selon les informations reçues, plusieurs collègues ont été arrêtés lors du rassemblement de la deuxième raffinerie, mais ils ont été relâchés une heure plus tard.
À Mahshahr et Abadan, les forces de sécurité ont maltraité plusieurs collègues et des affrontements physiques ont eu lieu.
Le conseil d’organisation des protestations des travailleurs contractuels du pétrole soutient les protestations des collègues officiels.
Nous mettons toujours l’accent sur les grèves nationales et sur l’unité et la solidarité de toutes les forces travaillant dans l’industrie pétrolière.
Source : https://t.me/shoranaft
Le fil d’infos est maintenant en entrée de site ICI. dndf